Sociétés militaires privées : Paris s’inquiète de l’action des mercenaires français en Afrique

Sociétés militaires privées : Paris s’inquiète de l’action des mercenaires français en Afrique

L’engagement croissant d’ex-militaires français par des sociétés militaires privées en Afrique inquiète Paris. Une présence discrète mais lourde de conséquences diplomatiques et sécuritaires.

par Jean-Baptiste Leroux – armees.com – Publié le
L'engagement croissant d'ex-militaires français par des sociétés militaires privées en Afrique inquiète Paris. Une présence discrète mais lourde de conséquences diplomatiques et sécuritaires. Pixabay
L’engagement croissant d’ex-militaires français par des sociétés militaires privées en Afrique inquiète Paris. Une présence discrète mais lourde de conséquences diplomatiques et sécuritaires. Pixabay | Armees.com

Alors que la France a réduit drastiquement sa présence militaire officielle en Afrique, nombre de ses anciens soldats sont désormais employés par des sociétés militaires privées anglo-saxonnes. Une situation embarrassante pour Paris, soucieuse de se faire oublier sur le continent, mais confrontée à une réalité qui brouille son message et ravive de vieilles accusations d’ingérence.

En Afrique, une influence persistante malgré le retrait officiel

La France s’est volontairement retirée du devant de la scène militaire en Afrique, après quelques émois diplomatiques. Fini le temps des grandes bases et des opérations comme Barkhane. Paris mise désormais sur la discrétion, afin d’échapper aux accusations de néocolonialisme et aux campagnes de désinformation, en particulier celles orchestrées par la Russie et ses alliés.

Mais ce retrait a laissé un vide sécuritaire que d’autres acteurs se sont empressés de combler. Des sociétés militaires privées (SMP), surtout anglo-saxonnes, ont pris la relève, offrant leurs services aux gouvernements africains et aux entreprises. Parmi leurs employés : un nombre croissant d’ex-soldats français, appréciés pour leur expérience en terrain africain et leur maîtrise du français, atout stratégique dans la région.

Un enjeu diplomatique et sécuritaire particulièrement sensible

La présence d’anciens militaires français armés, bien que désormais civils, soulève des questions délicates. Pour beaucoup d’observateurs, ces « contractors » peuvent être perçus comme des émissaires officieux de la France, alimentant des soupçons d’ingérence. Des rumeurs persistantes évoquent même des bases secrètes ou des opérations clandestines, que les autorités françaises s’efforcent de démentir.

À Paris, cette situation est source d’inquiétude. D’autant que la législation française interdit formellement l’activité de mercenariat. La France ne dispose pas de sociétés militaires privées autorisées à combattre ou à employer des armes, contrairement aux modèles russes ou anglo-saxons. Résultat : Paris n’a aucun contrôle sur ces anciens militaires opérant à l’étranger, alors même qu’ils continuent d’incarner l’image de la puissance française.

Vers un cadre légal pour les contractors français ?

Face à cette réalité, certains militaires français plaident pour la création d’un cadre légal permettant à des entreprises françaises de sécurité d’opérer officiellement à l’étranger. Ce serait un moyen de reprendre la main sur une situation aujourd’hui incontrôlable. Mais ce débat reste sensible, tant le mot « mercenaire » est tabou dans la culture militaire française.

En attendant, des sociétés comme Bancroft, Amentum ou G4S recrutent d’anciens légionnaires, commandos ou techniciens français. Ils sont présents au Bénin, au Mali, en Côte d’Ivoire ou encore en Centrafrique. Leur engagement, bien qu’individuel, a des répercussions collectives et politiques. In fine, la France se retrouve dans une posture ambivalente, tiraillée entre son retrait officiel et l’empreinte laissée par ses vétérans.