Le 30 novembre 2022 une déclaration conjointe d’intention était signée à Washington entre
M. Sébastien Lecornu, Ministre des armées de la République Française et M. Lloyd Austin,
Secrétaire à la Défense des Etats-Unis d’Amérique.
Cette déclaration que l’on peut consulter sur internet dans son intégralité, en français et en
anglais, appelle quelques remarques préalables tant sur la forme que sur le fond.
Pour ce qui concerne la forme, il est à noter plusieurs erreurs d’orthographe et de ponctuation
proprement inadmissibles dans un texte d’une telle portée.
Sur le fond, il semble que le sujet traité, proprement politique s’agissant des relations de
coopération en matière de Défense, sujet d’ampleur beaucoup plus large qu’une simple
coopération entre nos armées respectives, relève pour le moins du Premier Ministre sinon du
Président de la République. Touchant à nos rapports avec l’OTAN, la Communauté
Européenne, l’Ukraine, la dissuasion nucléaire et le cyberespace, on ne peut qu’être surpris
que l’engagement de la France soit ainsi délégué à un simple Ministre des Armées.
Toujours sur le fond, une lecture attentive des cinq feuillets de la déclaration permet de
conclure à l’abandon de la souveraineté de notre nation par la signature de monsieur le
Ministre des armées, révélateur d’une indéniable servilité d’une France vassalisée et
consentante, presque fière de l’être d’un maître aussi puissant, flattée d’en retenir l’attention.
Abandon de sa souveraineté portant non seulement sur ses armées mais sur sa défense et sa
diplomatie pour dire le moins, remise entre les mains de l’Union Européenne et de l’OTAN
dont chacun sait que ces deux entités politiques et militaires, créations des États-Unis, sont de
fait placées sous l’autorité de la Maison Blanche et du Pentagone.
A titre d’illustration, voici un extrait, avec ses fautes de syntaxe, de ladite déclaration en
précisant ce que l’on doit entendre par coopération sur tous les théâtres, c’est-à-dire la mise
sous le commandement américain des éléments de force que la France engage, chose déjà
vécue avec le porte-avions Charles de Gaulle, de quoi faire se retourner le Général dans sa
tombe :
Nous réaffirmons notre soutien indéfectible à L’amélioration de notre coopération sur tous les
théâtres ou nos forces armées sont engagées dans des opérations conjointes, en particulier en
Europe, au Moyen-Orient, en Afrique, dans les Caraïbes, dans la région lndo-pacifique et le
domaine maritime. Nous devons renforcer notre interopérabilité et consolider notre culture
stratégique et opérationnelle commune par un échange régulier de personnels visant a rendre
plus efficaces nos opérations conjointes.(…………..).
Nous entendons poursuivre le développement de l’interopérabilité déjà engagèe entre chacune
des composantes de nos Armées cant dans ses dimensions opérationnelle que technique, afin
de pouvoir mener des opérations conjointes interarmées, y compris dans des conflits de haute
intensité.
(………)
Sur le fondement de notre coopération historique, nous nous engageons à renforcer le
partenariat stratégique OTAN / Union européenne.
Il est bien connu que lorsque l’on est invité à diner avec le Diable, il faut se munir d’une cuillère
à long manche. Mais peut-être que M. Lecornu ne le savait pas.
Sans aucun doute il aurait dû relire ce texte où Georges-Marc Benhamou relate une prise de
position du président François Mitterrand en 1994 au sujet des relations entre la France et les
États-Unis :
« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, ils sont très durs
les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une
guerre inconnue, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, sans
mort apparemment et pourtant une guerre à mort. »
Sans omettre cette autre déclaration d’un orfèvre en la matière quand, au printemps 2000,
M. Robert McNamara, secrétaire d’Etat américain à la défense de 1961 à 1968, a estimé :
« Les Etats-Unis eux-mêmes, par leur tendance croissante à agir de manière unilatérale et sans
respect pour les préoccupations des autres, sont devenus un Etat-voyou ».
Qui peut affirmer que François Mitterrand a été un grand Président ? Toutefois personne ne
peut nier sa lucidité quand, toujours selon M. Benhamou, il a déclaré :
« Je suis le dernier des grands présidents. Après moi, il n’y aura plus que des financiers et des
comptables. »
Ceci explique sans doute l’absence de vision historique de nos dirigeants concernant les
relations de la France avec le monde en général et avec les États-Unis en particulier. Mais
n’est-ce pas pour ce motif même qu’ils ont été sélectionnés pour accéder au pouvoir après
avoir été adoubés du titre envié de Young Leader voire de celui de World Young Leader par le
maître de Davos ?
Toutefois cela n’explique pas qu’une telle déclaration n’ait fait l’objet ni d’un débat à
l’Assemblée Nationale ni d’une question écrite ou orale de l’opposition ni d’une réaction de la
commission de la Défense et des forces armées, ni d’article dans les journaux de référence à
l’exception notable du Figaro du 1er décembre, au lendemain de sa publication.L’actualité se complaisait alors dans les déboires conjugaux d’un député de l’opposition qui
ont occupé tant le parlement que les médias. On attache de l’importance à ce que l’on peut.
On monte en épingle le dérisoire pour mieux cacher l’essentiel. Alors, est-ce important la
souveraineté de la France ? Pas vraiment. Circulez, il n’y a rien à voir ! Mais comment s’en
étonner quand notre intervention dans le grave conflit entre la Russie et l’Ukraine ne fait
l’objet d’aucune saisie du Parlement !
Ceci se passe au moment où les Atlantistes qui tiennent le haut du pavé, vouent publiquement
aux gémonies sur les plateaux de télévisions, eux-mêmes inféodés à la grande finance, et dans
les journaux à grand tirage appartenant aux mêmes, ceux qui ne partagent pas leur point de
vue de bons serviteurs de l’Empire euratlantique, capitale Washington, sous-préfecture Paris.
Allant jusqu’à leur dénier la qualité de patriotes… Eux, à propos de qui la question se pose
pourtant de savoir si l’on peut être atlantiste sans trahir sa nation.
Charles De Gaulle ne disait-il pas qu’une nation n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts ?
Qui donc ose affirmer sans trahir la vérité que les Etats-Unis d’Amérique ont les mêmes
intérêts que la France quand l’actualité démontre chaque jour le contraire à condition de bien
vouloir s’informer et réfléchir et constater leur volonté de nous asservir dans tous les
domaines, économique, culturel, militaire, ceux de la recherche, de la langue, du mode de vie.
Alors, atlantisme ou trahison ? Vous avez dit collaboration ? Cela rappelle de bien mauvais
souvenirs.
Il est grand temps de décoloniser les esprits de nos « élites ».