Trois questions pour comprendre l’axe Indo-Pacifique

Trois questions pour comprendre l’axe Indo-Pacifique

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France Info –

L’axe indo-pacifique constitué de l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde, le Japon et les territoires français. L’Indo-Pacifique est devenu une nouvelle stratégie. Les intérêts mondiaux se concentrent désormais autour de la région Pacifique, pour faire face à la Chine. La République Populaire de Chine a distribué 179 milliards Fcp d’aides dans le Pacifique en échange de relations diplomatiques.

1- L’axe indo-pacifique, qu’est-ce que c’est ?

Depuis 2012, le Pacifique s’est transformé en échiquier mondial où il faut se positionner rapidement. Pour faire bloc, l’axe indo-pacifique se constitue : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde, le Japon et les territoires français (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna) face à la Chine, deuxième puissance économique mondiale qui ne cache pas ses ambitions.

Jean-Marc Régnault, maître de conférence émérite et chercheur associé à l’Université de Polynésie française, co-auteur de “L’Indo-Pacifique et les Nouvelles Routes de la soie”, précise “C’est en quelque sorte, les grands affrontements du monde qui changent de forme. Au lieu d’avoir l’affrontement démocraties occidentales et Union Soviétique, on a désormais, en gros, les démocraties (plus ou moins démocratiques d’ailleurs) et la Chine. Il y a un nouvel affrontement du monde qui se situe dans des changements très très importants que sont le changement climatique, la modification des transports maritimes, les pandémies qui se développent, la corruption...tous les dangers qui peuvent menacer les pays du monde entier, mais en particulier les îles du Pacifique. […] L’indo-pacifique est une nouvelle stratégie.

L’Océanie redevient donc une région convoitée, après avoir longtemps été le “ventre mou”. L’Europe veut y jouer un rôle et montrer qu’elle est capable de défendre les intérêts humanitaires et militaires.

2- Quelle est la place de la Chine dans le Pacifique ?

La présence de la Chine dans le Pacifique est née d’une bataille diplomatique avec Taïwan. Pour assoir sa présence dans la région, la Chine pratique ce que l’on appelle la diplomatie du chéquier : un soutien financier, sur des territoires pauvres et isolés, souvent endettés, en échange d’une relation diplomatique. La République Populaire de Chine se sert notamment de ces bases pour des votes à l’ONU. “Le risque, c’est de voir la Chine imposer son système ici,” explique le chercheur associé, Jean-Marc Régnault “et d’affaiblir les démocraties“.

Entre 2006 et 2017, le montant total de ses aides dans le Pacifique dépassait 179 milliards de Fcp, selon l’institut australien Lowy. “Le Pacifique est un enjeu évident pour le monde entier, assure Hinano Guérin, sinologue et sociologue. C’est un endroit très poissonneux, très riche en ressources géologiques, minières. C’est aussi une entrée évidente pour rejoindre l’Antarctique, les terres Australes…On sait que l’Antarctique va jouer un rôle essentiel dans les années à venir. Et la Polynésie se trouve sur le chemin.”

En Polynésie, le consulat de Chine s’installe en 2007. Le groupe chinois Hainan achète deux hôtels, le Hilton Moorea et le Saint Régis de Bora Bora. Papeete et Faa’a sont jumelées avec des villes chinoises. L’institut Confucius au sein de l’université et l’envoi de 2 millions de masques au début de la pandémie en Polynésie continuent de maintenir les liens. C’est que l’on appelle le « soft power », une manière douce de convaincre en matière de relations internationales. “Les états insulaires du Pacifiques sont peut-être des petits pays, mais ils ont des océans immenses. D’ailleurs, la France aime rappeler qu’elle est une puissance du Pacifique, avec ses collectivités d’outre-mer, elle a la deuxième plus grande ZEE au monde après les Etats-Unis,” rappelle la sinologue Hinano Guérin. 

3- Quelle place pour la population polynésienne ?

Les enjeux sont donc commerciaux, militaires, miniers, halieutiques, stratégiques. Tiraillée entre les intérêts de la Chine et de la France, la population polynésienne ne doit pas être oubliée pour autant. “La France semble vouloir donner ce que le général De Gaulle appelait ‘des compensations’, sur le plan matériel, aides diverses, rappelle le chercheur associé Jean-Marc Régnault. Mais est-ce que ce sera comme au temps du CEP (Centre d’Expérimentation du Pacifique) où il ne faudra ‘pas regarder à l’argent’ disait De Gaulle, ‘les Polynésiens sont gentils’ ? Est-ce qu’on intéressera ces populations à cette nouvelle géostratégie du monde ? […] On va vers des choix extrêment importants qui vont conditionner les 50 ou 100 prochaines années. Est-ce que les Polynésiens seront appelés à donner leur avis sur les grandes orientations qu’il faudra prendre ? C’est le grand enjeu.”

Pour la sinologue et sociologue Hinano Guérin, “il faut être prudents. On a tous été surpris du discours du Président de la République vis-à-vis de certains investissements chinois. Nous vivons un moment très intéressant où la Polynésie française va devoir tirer son épingle du jeu. Face à cette puissance maritime de la Chine, la Polynésie française ne peut pas se permettre de ne pas coopérer avec la République Populaire de Chine, mais elle doit bien en définir les modalités. Et comme nous sommes une collectivité française, ça doit se faire avec le gouvernement français. […] Nous n’avons plus la volonté de devoir choisir notre camp. Nous ne sommes plus dans un monde dichotomique avec les grandes puissances économiques. Ça se joue avec plusieurs pôles et je pense que la population polynésienne veut simplement se développer économiquement, ce qui est tout à fait légitime.” 

Plus grande consommatrice mondiale de ressources halieutiques, la Chine verra-t-elle réellement un jour s’implanter la société Tian Rui, à Hao, l’atoll à la plus longue piste d’atterrissage du Pacifique Sud, héritage de l’armée française.

Contacté, le Consulat de Chine en Polynésie n’a pas souhaité s’exprimer pour le moment, “la situation actuelle n’est pas claire pour nous” nous a-t-on simplement répondu par téléphone.