La Marine nationale sera-t-elle la première à recevoir les chasseurs de nouvelle génération du SCAF?

La Marine nationale sera-t-elle la première à recevoir les chasseurs de nouvelle génération du SCAF?

par Laurent Lagneau – Zone militaire – publié le  8 novembre 2022

http://www.opex360.com/2022/11/08/la-marine-nationale-sera-t-elle-la-premiere-a-recevoir-les-chasseurs-de-nouvelle-generation-du-scaf/


 

Le programme SCAF [Système de combat aérien du futur], mené en coopération par la France, l’Allemagne et l’Espagne, est organisé selon plusieurs piliers, savoir l’avion de combat de nouvelle génération [NGF pour New Generation Fighter], les moteurs, les effecteurs connectés, le cloud de combat, la furtivité et les capteurs.

Pour le moment, ce projet n’est pas encore passé à la phase 1B [qui doit ouvrir la voie à un démonstrateur], faute d’un accord entre Dassault Aviation, maître d’œuvre pour l’avion de combat, et Airbus. Fin octobre, il a été rapporté que les positions des deux groupes avaient fini par se rapprocher… Depuis, aucune annonce officielle n’a été faite pour le confirmer.

Par ailleurs, et même si le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, reste optimiste sur l’avenir de cette coopération, tel n’est pas le cas de certains députés de la majorité.

« Ne soyons pas naïfs face aux difficultés rencontrées. Notre volontarisme ne doit pas nous conduite à ignore les risques d’échec des coopérations engagées, a fortiori lorsqu’elles se heurtent à des blocages qui se multiplient. Tout plan A doit être assorti d’un plan B et je retiens des contacts établis dans le cadre de cette mission budgétaire que nos industriels et nos états-majors en ont pleinement conscience », a ainsi affirmé le député Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le 27 octobre dernier.

Un plan B? Tout en défendant le principe des coopérations, le député Christophe Plassard [Horizon], rapporteur spécial sur le budget de la mission Défense « Préparation de l’avenir » au nom de la commission des Finances, en a aussi parlé lors de la même séance. « Il est important de veiller à ce que les avantages tirés de la coopération soient supérieurs aux inconvénients. Nous ne devons pas être naïfs sur les intentions de nos partenaires et nous devons préparer des plans B. […] Nous devons être lucides », a-t-il lâché.

Quoi qu’il en soit, la phase 1B du SCAF aurait dû être lancée il y a plus de 14 mois, après la signature de l’Arrangement d’application n°3 par la France, l’Allemagne et l’Espagne. Et sous réserves de nouvelle complications avec un éventuel accord entre Dassault Aviation et Airbus, ce programme ne devrait pas aboutir avant 2050. Du moins est-ce l’avis d’Éric Trappier, le Pdg de l’industriel français. D’où, d’ailleurs, l’importance de développer un Rafale F5… voire F6.

En tout cas, ces retards ne font pas les affaires de l’Aéronautique navale… D’ailleurs, il n’est fait que très peu de cas de la version embarquée du NGF. Dans son avis budgétaire sur la Marine nationale, le député Yannick Chenevard n’en a ainsi pas dit un mot.

Pourtant, l’avenir de la chasse embarquée risque de poser quelques soucis, étant donné qu’elle a été la première à recevoir des Rafale Marine [cinq ans avant l’armée de l’Air & de l’Espace] et que, depuis, aucun avion neuf ne lui a été livré.

« La Marine garde ses avions depuis le début de leur mise en service et n’a pas eu d’avions neufs. Toutes la mise à niveau de notre flotte de Rafale s’effectue par retrofit. [Ce qui fait] qu’il y aura des effets de ciseau à l’horizon 2030/35 », avait ainsi expliqué l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM].

L’armée de l’Air & de l’Espace n’est pas dans la même situation : d’une part, elle pourra remplacer les Rafale transférés à la Grèce et à la Croatie. Et en plus, elle recevra d’autres avions neufs dans les années à venir.

« L’âge moyen de la flotte de l’armée de l’Air est en train de diverger avec notre flotte. Nous allons avoir beaucoup de vieux avions par rapport à ceux de l’armée de l’Air. Pour rester dans la course des standards, nous devons donc retrofiter plus d’appareils », avait d’ailleurs souligné l’amiral Vandier, lors d’un entretien accordé à La Tribune.

Interrogé sur ce sujet lors de son dernier passage devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le CEMM a rappelé que « le dimensionnement » du parc Rafale de la Marine est « intimement lié au calendrier de déploiement du système de combat aérien du futur, qui comporte une dimension aéronavale ».

Et d’ajouter : « En fonction du biseau, c’est-à-dire de la date à laquelle les premiers SCAF seront livrés aux forces armées, la question du vieillissement du parc de Rafale va se poser, avec une particularité pour la marine : elle a été la première à être, rapidement, dotée, et sera donc la première à être ‘dé-dotée’ selon un rythme tout aussi rapide ».

Mais encore faut-il que le SCAF aboutisse, tout en ayant à l’esprit que l’Allemagne et l’Espagne ne sont pas intéressées sa « dimension aéronavale », laquelle concerne non seulement l’avion de combat de nouvelle génération mais aussi les effecteurs connectés et les drones susceptibles d’être embarqués à bord d’un porte-avions.