Coup d’État au Gabon : la présence militaire française à l’épreuve
REPORTAGE. Pour Paris, le putsch du 30 août se distingue de celui survenu le 26 juillet au Niger, notamment par son absence d’hostilité contre l’ancienne puissance coloniale.
Par S. Lavallet, à Libreville – Le Point – Publié le
Après le putsch orchestré au Gabon, mercredi 30 août par la Garde républicaine, le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu, a annoncé dans la presse la suspension des éléments français présents dans le pays. Une décision temporaire prise bien avant l’été. Preuve qu’entre décision diplomatique et protection de ses intérêts, la France ne condamne qu’en demi-teinte.
Entre 350 et 380 militaires et leur famille sont présents au Gabon conformément aux accords signés entre la France et ce pays d’Afrique centrale lors de la décolonisation. Le camp De Gaulle, à Libreville, la capitale, représente la plus petite des quatre bases militaires permanentes de la France sur le continent africain – à côté de Djibouti et ses 1 500 éléments ; Abidjan, qui compte 900 soldats ; et Dakar, avec 400 militaires présents.
Il n’en reste pas moins un camp quelque peu stratégique. À proximité des épicentres des tensions actuelles comme le Tchad, la République centrafricaine et, plus récemment, le Niger, les militaires gabonais sont occasionnellement envoyés en renfort aux côtés des troupes alliées de la France. Prend alors tout son sens la mission de formation que se sont vus confier les éléments français au Gabon depuis 2013. Dans le cadre d’une coopération régionale, « l’armée française assure les entraînements des parachutistes ou des marins de la région, qui n’ont ni avion ni navire depuis des années », expliquent d’un ton dénonciateur plusieurs personnalités de l’opposition gabonaise.
Sous les putschistes, la collaboration militaire reste maintenue, mais diminuée
Comme la communauté internationale, la France a fermement condamné le coup d’État qui s’est produit le 30 août. Hasard de calendrier, deux jours après l’événement, le ministre de la Défense Sébastien Lecornu a annoncé la suspension temporaire des troupes françaises au Gabon dans un entretien accordé au Figaro. Pourtant, cette décision a été prise par Paris avant l’été, dans l’incertitude de ce qui pourrait se passer lors des élections gabonaises prévues le 26 août 2023.
En pratique, donc, aucun élément français n’a quitté le territoire pour une autre raison que la fin de son contrat. Les roulements se faisant l’été, ils ont été maintenus entre juin et juillet ; et les nouveaux arrivants découvrent actuellement ce qui sera leur pays pour les trois à quatre prochaines années, tout en se formant à leur nouveau poste sous les tropiques.
La coopération régionale devrait reprendre sous ce régime de transition, tout en diminuant, comme annoncé début mars 2023, à l’occasion du déplacement du chef de l’État, Emmanuel Macron, pour un sommet organisé conjointement par le Gabon et la France. Cette dernière avait fait connaître son intention de réorganiser le dispositif militaire sur le continent africain. Cette nouvelle politique devait engendrer un non-renouvellement des postes de militaires français permanents et augmenter les déploiements temporaires.
Une condamnation du coup d’État par principe
Dans sa déclaration, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a exprimé la position de la France quant aux événements anticonstitutionnels du 30 août, tout en mentionnant rester attentif à la situation. Une semaine après le coup d’État, l’Hexagone joue le jeu de la médiation, notamment en rencontrant le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, nommé facilitateur par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
L’ancienne puissance coloniale du Gabon, consciente que les putschistes ont bien été accueillis et soutenus par la population gabonaise, ne peut pas risquer de se ranger du côté de « l’ennemi », la famille Bongo, au pouvoir pendant un demi-siècle et tous de nationalité française. D’autant plus que le contexte a entraîné une libération de la parole. S’il reste minoritaire, le discours nationaliste est de plus en plus présent.
Des intérêts économiques limités
Par ailleurs, au Gabon, la France détient quelques intérêts économiques importants. À l’instar d’Eramet, qui représente désormais le plus stratégique. À Moanda, via sa filiale gabonaise, la Comilog, la multinationale exploite la mine de manganèse, quatrième métal le plus utilisé sur la planète. La réserve du sud-est du pays équivaut à 25 % des réserves mondiales et jouit d’un marché en pleine expansion, particulièrement demandé par les acheteurs chinois.
Les entreprises françaises au Gabon sont une centaine et généreraient environ 3,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an. Mais à l’exception du géant minier, la plupart ont perdu leur aura des années post-colonisation et beaucoup n’ont désormais plus la même importance. Les puits de pétrole s’appauvrissent et Total Énergie, par exemple, opère doucement son retrait du Gabon.