La nomination de Kash Patel inquiète le FBI : Quel avenir pour l’agence ?
La nomination de Kash Patel inquiète le FBI : Quel avenir pour l’agence ?
Par Angélique Bouchard – Le Diplomate média – publié le 9 décebre 2024
La nomination de Kash Patel par le président élu, Donald Trump, au poste de directeur du FBI a suscité de vives réactions le soir du samedi 30 novembre. L’actuel directeur du FBI, Christopher Wray, qui occupe le poste depuis 2017, sera donc licencié. Les médias américains ont qualifié Patel de « choix extrêmement controversé ».
Le talk-show « Morning Joe » de MSNBC, le qualifie de « personnification de la colère MAGA contre le ministère de la justice et le FBI ».
Les conservateurs, eux, ont appelé Patel à « nettoyer le FBI », agence corrompue et inefficace selon eux.
Patel, « un combattant MAGA » et un fervent « Défenseur de la Vérité » :
Patel, 44 ans, est un avocat expérimenté en matière de sécurité nationale, de renseignement et de lutte contre le terrorisme. Au cours de la première administration Trump, il a été le directeur principal de la lutte contre le terrorisme au Conseil de sécurité nationale, puis chef de cabinet du secrétaire à la Défense par intérim, Christopher Miller, de 2020 à 2021.
L’avocat a commencé sa carrière en tant que défenseur public dans le comté de Miami-Dade en Floride, après avoir fréquenté l’Université Pace à New-York et avoir obtenu un certificat en droit international à la Faculté de droit de l’University College de Londres.
En 2014, Patel est devenu procureur fédéral à la Division de la sécurité nationale du ministère de la Justice et a joué un rôle prépondérant dans la poursuite des membres d’Al-Qaïda et de l’EI et d’autres groupuscules terroristes.
Avant de rejoindre la première administration Trump, Patel a été conseiller à la sécurité nationale et conseiller principal à la House Permanent Select Committee on Intelligence (HPSCI), où il rendait compte au président du comité, le Représentant Devin Nunes, républicain de Californie. Dans ce rôle, il a contribué à superviser l’enquête de la Chambre sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle de 2016.
Kash Patel a surtout mis en lumière les agissements de l’agence, notamment la surveillance exercée par le FBI sur la campagne et le premier mandat du président Trump. Il a été également « membre de l’équipe de transition » de Donald Trump, conseillant l’administration sur les potentielles nominations au cabinet.
Trump a annoncé la nomination de Patel sur son réseau Truth Social :
« Kash est un brillant avocat, enquêteur et combattant de l’America First, qui a passé sa carrière à dénoncer la corruption, à défendre la justice et à protéger le peuple américain (…). Il a joué un rôle essentiel dans la découverte du canular « Russie, Russie, Russie », en se faisant le défenseur de la vérité, de la responsabilité et de la Constitution ».
En revanche, cette nomination a attisé la colère des premiers détracteurs de Trump et des libéraux, à l’instar de l’ancien conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, qui a appelé le Sénat à rejeter la nomination de Kash Patel, comparant cette décision au règne de terreur de Jospeh Staline. Dans une déclaration à NBC News, dans l’émission « Meet the Press », Bolton a déclaré :
« Trump a nommé Kash Patel pour être son Lavrentiy Beria. Heureusement, le FBI n’est pas le NKVD (Commissariat du peuple aux affaires intérieures) … Le Sénat devrait rejeter cette nomination à 100% des voix ». (Source : John Bolton compares Kash Patel to Stalin’s right-hand man after Trump’s FBI nomination, par Andrea Margolis, Fox News, 1er décembre 2024).
La déclaration de Bolton fait référence directe à Lavrentiy Beria, qui était le chef de la police secrète soviétique sous Staline. Beria est une figure historique, tristement connue, pour avoir organisé et mis en œuvre une surveillance, répression et purges ethniques à grande échelle sous le régime stalinien.
De son côté, Andrew McCabe, qui a été brièvement le directeur par interim du FBI, sous Trump en 2017, avant d’être renvoyé pour avoir « prétendument divulgué des informations aux médias et manque de loyauté », a qualifié la nomination de Patel de : « plan visant à perturber, à démanteler, à distraire le FBI » :
« C’est une terrible nouvelle pour les hommes et les femmes du FBI et pour la Nation, qui dépend d’un FBI très performant, professionnel et indépendant. Le fait que Kash Patel soit totalement incompétent pour ce poste n’est même pas un sujet à débattre » a déclaré McCabe sur CNN. (Source : Kash Patel’s nomination sparks enthusiasm, anxiety ; future of the FBI appears uncertain, par Andrea Margolis, Fox News, 30 novembre 2024).
Fervent partisan de la doctrine « MAGA », Kash Patel est un critique féroce de la corruption des élites gouvernementales et de l’État profond. Sa critique systématique du Bureau, dans le passé, a fait fureur.
En 2023, Patel a publié un livre intitulé « Government Gangsters : The Deep State, the Thruth and the battle for Our Democracy », qui a pointé les rouages mis en place « par les principaux acteurs et leurs tactiques au sein de la bureaucratie gouvernementale permanente ».
Dans une interview accordée en septembre dernier au Shawn Ryan Show, Patel a mentionné l’empreinte du FBI, qu’il a qualifiée « d’énorme » :
« Je fermerais le bâtiment Hoover du FBI dès le premier jour et je le rouvrirais le lendemain en tant que musée de l’État profond ». (Lien : https://x.com/ShawnRyan762/status/1863026829101027684)
Quelles sont les mesures concrètes à adopter pour rétablir la confiance dans le FBI ?
Le poste de directeur du FBI nécessite l’aval du Sénat. Dans un post publié samedi soir sur X, Mik Davis, allié de Trump, a qualifié Patel « d’incontestablement qualifié » pour le poste :
« J’ai été le conseiller principal du président de la commission judiciaire du Sénat, Chuck Grassley, chargé des nominations- le poste chargé de la confirmation du directeur du FBI. Kash Patel sera confirmé par le Sénat. Il apportera des réformes indispensables à un FBI corrompu et défaillant » (Source : Trump nominates Kash Patel to serve as FBI director : Advocate for truth, par Andrea Margolis, Peter Pinedo, Fox News, le 30 novembre 2024).
La déclaration de Trump indique que Patel travaillera avec Pam Bondi, la candidate au poste de procureur général, pour réformer le FBI :
« Ce FBI mettra fin à l’épidémie croissante de criminalité aux États-Unis, démantèlera les gangs criminels de migrants et mettra fin au fléau du trafic d’êtres humains et de drogue à travers la frontière. Kash travaillera sous la direction de notre procureure générale Pam Bondi, pour ramener la fidélité, le courage et l’intégrité du FBI ».
En effet, la nomination de Patel laisse entrevoir des changements majeurs que l’agence devrait probablement subir au cours du second mandat de Donald Trump.
Le FBI est devenu pour beaucoup d’Américains une arme politique et sociale, dévoyé de sa mission première qui est la lutte contre le crime et la sécurité du peuple américain. La crise de légitimité et la défiance grandissante à l’égard de l’agence nécessitent une révision totale de la culture du Bureau.
Cette révision de la « Culture Maison » passe aussi par une révision de la politique RH.
Nicole Parker, une ancienne agente spéciale du FBI a mentionné en 2023, dans une interview à The Hill les raisons pour lesquelles elle avait qui quitté son poste au mois de novembre de cette même année, du fait de la politisation et des dérives grandissantes qui règnent à l’agence.
Lors de son passage au FBI, elle a déclaré avoir participé à des enquêtes telles que la fusillade de 2018 au lycée Marjory Stoneman Douglas de Parkland, en Floride, ou des enquêtes financières portant sur « des combines à la Ponzi de plusieurs millions de dollars », des agressions sexuelles et autres affaires d’extorsions.
Selon Parker, les « priorités et les principes directeurs » du FBI ont changé pendant qu’elle y travaillait : « les problèmes de politisation se succèdent » au sein du FBI.
Elle cite à ce titre l’exemple d’agents portant des gilets du FBI qui se sont agenouillés avec des manifestants de Black Lives Matter à Washington, D.C., en juin 2020 :
« Bien que les agents aient droit au premier amendement, ils ne sont pas libres d’exprimer publiquement tout soutien politique potentiel lorsqu’ils sont en service et qu’ils portent l’équipement officiel du FBI », a-t-elle fait valoir. Mme Parker a déclaré qu’il était « consternant » que les agents n’aient pas été réprimandés pour cela.
Elle a également affirmé que le FBI avait abaissé les critères de recrutement. Le bureau « Diversité et Inclusion », l’ODI (Office of Diversity and Inclusion), doit être réévalué en raison de son instumentalisation politique.
Le FBI doit relever ses normes de recrutements et réévaluer à la hausse les critères de sélection des candidats, en se basant uniquement sur « la méritocratie » et non la couleur de peau ou le genre.
De même, le siège du FBI doit être considérablement réduit et les agents de « la Centrale » doivent être davantage sur le « terrain » pour lutter efficacement contre le crime.
Selon Mme Parker, ces changements structurels ont « démotivé les agents », qui ont désormais tendance à « garder la tête basse », ce qui, selon elle, est l’une des principales raisons de sa démission. (Source : https://thehill.com/homenews/house/3851797-who-is-former-fbi-agent-nicole-parker-testifying-in-first-house-weaponization-hearing/).
Ce témoignage fait écho aux propos de Kash Patel, qui promet de rétablir l’intégrité du FBI s’il est confirmé sans ses fonctions. Dans son livre Patel appelle à une refonte très claire de l’agence :
« Les choses vont mal. Le FBI a gravement abusé de son pouvoir, menaçant non seulement l’État de droit mais aussi les fondements mêmes de l’autonomie gouvernementale, socle de notre démocratie. Ce n’est pas la fin de l’histoire. Le changement est possible au FBI et il est désespérément nécessaire. Le fait est que nous avons besoin d’une agence fédérale qui enquête sur les crimes fédéraux et cette agence sera toujours exposée au risque de voir ses pouvoirs abusés ».
Kash Patel plaide pour un licenciement des « acteurs corrompus », une « surveillance agressive » du Congrès sur l’agence, une refonte complète des procureurs spéciaux et le déménagement du FBI hors de Washington D.C.
« Le plus important est de faire sortir le FBI de Washington. Il n’y a aucune raison pour que l’agence nationale chargée de l’application de la loi soit centralisée dans le marigot. Conserver le FBI dans son gigantesque bâtiment, au siège de Washington ne fait que favoriser une culture de l’Entre- Soi institutionnel et inciter les hauts dirigeants du FBI à perdre de vue leur mission première pour se lancer dans des jeux politiques, s’attirer les faveurs de politiciens et cultiver leurs relations avec la presse pour faire avancer leur carrière ».
Diplômée de la Business School de La Rochelle (Excelia – Bachelor Communication et Stratégies Digitales) et du CELSA – Sorbonne Université, Angélique Bouchard, 25 ans, est titulaire d’un Master 2 de recherche, spécialisation « Géopolitique des médias ». Elle est journaliste indépendante et travaille pour de nombreux médias. Elle est en charge des grands entretiens pour Le Dialogue.