Berlin veut ouvrir le projet de char franco-allemand à d’autres pays de l’UE, de l’Otan et « d’ailleurs »
Quand, en juillet 2017, la France et l’Allemagne s’engagèrent à développer conjointement le Système de combat aérien du futur [SCAF] et le char de combat du futur [MGCS – Main Ground Combat System], il fut avancé que ces deux projets ne s’ouvrirait à d’autres partenaires européens qu’une fois leurs bases posées.
« Il y a un temps pour tout. Aujourd’hui la priorité, c’est que le socle franco-allemand soit bien solide avant de commencer à s’ouvrir à d’autres partenaires », avait ainsi assuré, au sujet du SCAF, Florence Parly, la ministre des Armées, dans un entretien accordé à La Tribune, en avril 2018.
Seulement, il en est allé autrement. Ainsi, s’agissant du SCAF, l’Espagne fit savoir, très vite, sa volonté d’y prendre part. Une première concession fut de lui donner le statut d’observateur. Puis, à la demande de Berlin, Madrid obtint de monter à bord du projet.
Le Bundesamt für Ausrüstung, Informationstechnik und Nutzung der Bundeswehr [BAAINBw, équivalent de la DGA en Allemagne] « souhaite y associer d’emblée les Espagnols, alors que cet élargissement n’avait pas été évoqué préalablement et […] que les autorités politiques ont validé le principe d’un démarrage franco-allemand préalable à l’ouverture à d’autres partenaires », expliquera le député Jean-Charles Larsonneur, dans un rapport pour avis publié en novembre 2018. Et d’estimer qu’ »une telle demande, allant si tôt à l’encontre des engagements politiques, ne peut pas être vue comme un signe encourageant. »
La suite est connue : considérant qu’une participation des Espagnols ne constituerait « pas en soi un problème de fond tant que leur niveau d’ambition n’est pas déraisonnable » [dixit Joël Barre, le Délégué général pour l’armement], l’Espagne fut invitée à monter à bord du SCAF. Résultat : les discussions entre industriels ont été rendues compliquées, comme en témoigne les récentes difficultés de Dassault Aviation et d’Airbus [représentant les intérêts de Berlin et de Madrid] à se mettre d’accord sur le développement du New Generation Fighter [NGF], l’avion de combat du futur appelé à être au centre d’un « système de systèmes ».
Le même scénario va-t-il se jouer pour le char de combat du futur? Initialement, sa conception devait être assurée par KNDS, la co-entreprise détenues à parts égales par GIAT Industries [maison-mère de Nexter] et l’allemand Wegmann & Co Gmbh, propriétaire de Krauss-Maffei Wegmann [KMW]. Le partage des tâches à 50-50 ne pouvait qu’être assuré. Sauf que Rheinmetall a été invité dans le programme, ce qui a rompu les équilibres…
Qui plus est, l’industriel allemand, qui ne fait pas mystère de ses vues sur KMW, pose des « exigences en contradiction avec les conditions qui nous ont permis de trouver un accord sur le SCAF », a admis Mme Parly, dans un nouvel entretien donné à La Tribune, le 14 mai. Ce qui fait que le projet n’avance pas…
Mais la choses risquent de se compliquer davantage avec la volonté de Berlin d’ouvrir le programme MGCS à d’autres partenaires « de l’Union européenne, de l’OTAN et d’ailleurs », comme l’affirme un rapport du ministère allemand de la Défense qui, destiné au Bundestag, est évoqué par Defense News ce 15 mai.
Le document en question ne précise pas les partenaires potentiels. Cela étant, on sait que la Pologne et l’Italie ont fait part de leur intérêt pour le MGCS. Et il a été même prêté l’intention à Rome de lancer son propre projet de char, dans le cadre d’une coopération associant Israël et les États-Unis.
En outre, le Royaume-Uni est également intéressé par une participation au programme franco-allemand. D’ailleurs, il y a déjà des discussions entre Berlin et Londres à ce sujet. À noter que l’arrivée dans Britanniques dans le projet ne pourrait que favoriser Rheinmetall, co-actionnaire, avec BAE Systems, de RBSL, l’enteprise impliquée dans la modernisation des chars Challenger de la British Army.
Cela étant, souligne le rapport, toute ouverture du projet MGCS à d’autres partenaires doit faire l’objet d’un accord entre la France et l’Allemagne. Mais, se référant au Conseil de défense franco-allemand du 4 février dernier, il note également que « Paris a approuvé en principe l’idée d’élargir le cercle des pays observateurs, ce qui pourrait amener certains de ces derniers à devenir plus tard des partenaires à part entière ».
Par ailleurs, toujours selon Defense News, le ministère allemand de la Défense compte soumettre au Bundestag, d’ici l’été prochain, des fonds pour financer des contrats relatifs à huit domaines clés du MGCS et concernant la mobilité, l’effecteur principal, la protection globale, le combat collaboratif, les outils de simulation, la navigation automatisée, le tir automatisé et une suite de capteurs améliorés.