L’Union européenne déplore d’être tenue à l’écart des discussions sur les garanties de sécurité exigées par Moscou
« L’Europe, très bien, mais quel numéro de téléphone? » aurait demandé Henry Kissinger, quand il était conseiller à la sécurité nationale du président américain Richard Nixon, au début des années 1970. Mais les choses ont évolué car, depuis 2010, l’Union européenne [UE] dispose désormais d’un président du Conseil européen ainsi que d’un Service européen d’action extérieure [SEAE], lequel relève du Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.
Pour autant, l’UE sera tenue à l’écart des discussions qu’aura, début janvier, la Russie avec les États-Unis et l’Otan au sujet des garanties de sécurité que Moscou réclame… Et cela, alors qu’elle sera concernée par les décisions qui seront éventuellement arrêtées à cette occasion. Le numéro de Josep Borrell, l’actuel chef de la diplomatie européenne, a-t-il été perdu?
En tout cas, dans un entretien donné au quotidien allemand Die Welt, l’intéressé a déploré que l’UE soit tenue à l’écart des débats sur la refonte de l’architecture de sécurité en Europe, faisant observer que « plusieurs de ses membres ne font pas partie de l’Otan », comme par exemple la Suède et la Finlande, qui ont également des préoccupations concernant les activités militaires russes. En clair, M. Borrell ne veut pas d’une réédition de la Conférence de Yalta [au cours de laquelle le sort du Vieux Continent après la défaite de l’Allemagne nazie s’était joué, ndlr] mais retrouver plutôt l’esprit des accords d’Helsinki
« Si Moscou […] a l’intention de discuter de l’architecture de sécurité en Europe et des garanties de sécurité [qu’elle exige], alors cela ne concerne pas seulement les États-Unis et la Russie. L’UE doit être impliquée dans ces négociations », a fait valoir M. Borrell, notant au passage que le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, partage ce point de vue.
« Nous ne voulons pas et ne devons pas être un spectateur indifférent derrière le dos duquel les décisions sont prises », a insisté le Haut représantant. Les États-Unis et la Russie sont « deux acteurs qui se partagent des sphères d’influence entre eux. Moscou veut parler de l’architecture de sécurité européenne sans implquer l’UE. C’est absurde. Nous n’acceptons pas cela », a-t-il poursuivi.
Par ailleurs, pour M. Borrell, le fait que la Russie ait posé ses exigences dans deux projets de traité [l’un pour les États-Unis, l’autre pour l’Otan] est inédit. « C’est la première fois que les Russes mettent leur agenda sur la table, par écrit, sous la forme d’un véritable traité. Cela n’est jamais arrivé auparavant. Seuls les vainqueurs font cela », a-t-il noté, avant d’affirmer que les revendications russes sont « totalement inacceptables ».
« L’intégrité territoriale d’un pays et le droit d’un État souverain de décider de sa propre coopération avec d’autres pays ou alliances – ces principes ne sont pas négociables », a ainsi fait valoir le responsable européen.
Pour rappel, Moscou veut notamment la fin de l’élargissement de l’Otan et limiter les activités militaires de celle-ci dans les pays qui l’ont rejoint après 1997.
Enfin, M. Borrell a estimé que les discussions devraient également porter sur les « toutes les violations » commises par la Russie depuis l’adoption des accords d’Helsinki, lesquels ont fixé dix principes régissant les relations entre les signataires [dont l’inviolabilité des frontières, l’intégrité territoriale des États, la non-intervention dans les affaires intérieures, non recours à la menace ou au à la force, respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, etc]. « Nous sommes en désaccord avec de nombreux développements de la politique étrangère russe et certains événements que Moscou considère comme ses affaires intérieures », a-t-il ainsi rappelé.