APAGAN : Face au risque d’attaque, un A400M français largue des leurres anti-missiles en décollant de Kaboul
Le 21 août, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a estimé qu’il sera impossible d’évacuer d’Afghanistan tous les ressortissants étrangers et les civils afghans potentiellement menacés par les talibans d’ici la fin de ce mois, date à laquelle le dernier soldat américain devra avoir quitté le pays.
« C’est mathématiquement impossible », a en effet déclaré M. Borrell, dans un entretien téléphonique donné à l’AFP. « À ce que je sache, les Américains n’ont pas annoncé qu’ils allaient rester au delà de cette date [le 31 août]. Mais ils peuvent changer d’avis », a-t-il ajouté. Et d’expliquer que le « problème est l’accès à l’aéroport » de Kaboul, où un pont aérien a été mis en place dès que les talibans ont pris le pouvoir. « Les mesures de contrôle et de sécurité des américains sont très fortes. Nous nous sommes plaints. Nous leur avons demandé de montrer plus de flexibilité. Nous n’arrivons pas à faire passer nos collaborateurs », a-t-il confié.
Pour le moment, la date du retrait est maintenue. Cependant, le 22 août, le président américain, Joe Biden, a dit « espérer » ne pas avoir à la repousser, laissant ainsi la porte ouverte à une éventuelle prolongation. « Il y aura des discussions, je pense », a-t-il affirmé.
D’autant plus que, a souligné M. Borrell, « si les Américains partent, les Européens n’ont pas la capacité militaire d’occuper et de sécuriser l’aéroport […] et les talibans prendront le contrôle ». Pour rappel, les États-Unis ont déployé 6’000 soldats pour assurer la protection des opérations d’évacuation. Aussi, pour le responsable européen, « Mais il sera impossible de faire sortir de Kaboul tous les afghans qui ont besoin de protection. C’est impossible. C’est inimaginable. Il ne faut pas raconter d’histoires. Il y a des priorités. Nous voulons faire sortir nos ressortissants et les collaborateurs afghans ».
Le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a dit peu ou prou la même chose. « Si le calendrier américain est maintenu, alors nous n’avons pas de temps à perdre pour faire sortir la majorité des gens », a-t-il écrit dans le journal « Mail on Sunday ».
Cela étant, le Pentagone a fait savoir que l’US Transportation Command [TRANSCOM] venait d’activer la phase I de la « Civil Reserve Air Fleet » [CRAF], un dispositif qui lui permet de réquisitionner des avions appartenant à des compagnies aériennes civils. Au total, 18 appareils seront, pour le moment, mobilisés. Pour autant, il n’est pas question de les envoyer directement à Kaboul, leur tâche devant se limiter à assurer des liaisons entre les bases du Moyen Orient, où les personnes évacuées ont été acheminées depuis l’Afghanistan via des vols militaires, et les pays d’accueil.
Ce recours à cette « CRAF » vise surtout à réduire la pression opérationnelle sur les C-117 Globemaster III de l’US Air Force, lesquels ont été fortement sollicités depuis le 15 août, quitte même à repousser leurs limites, en acceptant à leur bord, par exemple, plus de passagers qu’en temps normal. Et cela vaut aussi pour les avions militaires de transport mobilisés par les autres pays.
Seuls les appareils militaires peuvent opérer actuellement à Kaboul. Notamment parce qu’ils sont équipés de systèmes de protection que leurs homologues civils n’ont pas. Comme les lance-leurres, destinés à parer la menace éventuelle de missiles sol-air, en particulier portables [MANPADS].
Pour le moment, les talibans n’ont pas cherché à entraver les décollages depuis l’aéroport de Kaboul [dont ils bloquent en revanche l’accès]. Mais leur attitude peut changer… Et on ignore s’ils sont équipés de missiles de type MANPADS. Même chose pour la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique [EI-K] qui, selon un récent rapport des Nations unies, aurait « renforcé ses positions » dans la capitale afghane, où des « combattants ont formé des cellules dormantes ».
En tout cas, et même si elles ne sont pas forcément en bon état de marche en raison de leur vétusté [comme les Stinger américains founis aux « moudjahidines » durant l’intervention soviétique], il est certain que de telles armes circulent en Afghanistan. Ainsi, en mars, une milice chiite afghane a ainsi abattu un hélicoptère Mil Mi 17 dans la province de Wardak, problablement avec un MANPADS fourni par l’Iran.
Et c’est ce qui explique que les équipages militaires assurant les évacuations depuis Kaboul prennent toutes les précautions. Des images diffusées via la chaîne de télévision américaine CBS News ont ainsi montré un A400M « Atlas » de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] en train de larguer des leurres anti-missile infrarouges alors qu’il décollait de l’aéroport « Hamid Karzaï ». Pour rappel, il avait fallu attendre 2016 pour l’appareil d’Airbus être doté de telles capacités d’auto-protection.
Selon le quotidien britannique The Times, la crainte est que l’EI-K puisse profiter du chaos à l’aéroport de Kaboul pour commettre des attentats contre les militaires occidentaux envoyés sur place, voire contre un avion au décollage. Déjà que cette opération d’évacuation fait penser à la chute de Saïgon, il ne s’agirait pas, notamment pour les États-Unis, de revivre un épisode semblable à celui de l’incident du « Mayagüez », qui, en marge du retrait du Vietnam, s’était soldé par la mort de 38 soldats américains lors d’un combat contre les Khmers rouges [*].
« Nous savons qu’ils [les membres de l’EI-K] aimeraient lancer un attaque suicide dans la foule. […] Un kamikaze de Daesh est une menace sérieuse. Les soldats doivent garder leurs doigts sur la détente tout en tenant un bébé dans leur autre main », a confié une source gouvernementale britannique au Times.
[*] Cet incident est considéré comme étant la dernière bataille de la guerre du Vietnam
Photo : capture d’écran