Avec quelles nouvelles armes la France prépare son effort de défense ?

Avec quelles nouvelles armes la France prépare son effort de défense ?

L’effort de défense pour l’Armée française se traduit par des commandes de matériels militaires plus importantes et adaptés aux conflits actuels.

par Frédéric Delmonte – mesinfos.fr – publié le

https://mesinfos.fr/avec-quelles-nouvelles-armes-la-france-prepare-son-effort-de-defense-219056.html

@Dassault Aviation - Dassault Aviation travaille sur un drone de combat, qui sera furtif et accompagnera en mission le Rafale. Du combat collaboratif.

@Dassault Aviation – Dassault Aviation travaille sur un drone de combat, qui sera furtif et accompagnera en mission le Rafale. Du combat collaboratif.

L’effort de défense de la France passe par des commandes d’équipements militaires pour moderniser l’arsenal des nos armées et surtout le renforcer. L’objectif est de mettre à niveau les capacités militaires de la France dans le cadre d’un conflit de haute intensité, qui nécessiterait des réserves importantes de munitions et un nombre plus conséquent d’armes et de véhicules militaires.

Si cette question des capacités de défense de la France est revenue sur le devant de la scène politique ces dernières semaines, à la suite des évolutions géopolitiques à la suite de l’élection de Donald Trump, elle se posait déjà bien avant l’attaque de la Russie contre l’Ukraine.

Pour comprendre quels sont les besoins en armes, munitions et hommes des armées françaises et quelle est sa doctrine, il se faut d’abord se pencher sur les Lois de programmation militaires. Parce qu’au delà des discours politiques de circonstance, protéger la France et les Français, c’est planifier .

 

2019-2025. Une Loi de programmation militaire dans un contexte de terrorisme

Cet effort, dans la mise à niveau des capacités de défense et d’intervention des armées françaises, s’est  concrétisé par la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Votée en 2018 elle a permis de réparer et moderniser nos armées après des décennies de coupes budgétaires.

Cette dernière a été élaborée dans un contexte géopolitiques plus belliqueux, marqué par le retour des attentats contre la France. L’objectif est d’engager 10 000 soldats sur le territoire national, dans le cadre de l’opération Sentinelle est d’accélérer les actions offensives contre Daech en Irak et en Syrie. A cette période aussi, les stratèges militaires regardent aussi les actions des séparatistes Russes du côté du Donbass et de la Crimée.

2024-2030. Une LPM pour envisager un conflit de haute intensité.

Cette politique de réarmement de la France s’est poursuivie avec la LPM 2024-2030 qui a été adoptée en 2022 avec un objectif fort : organiser nos armées face aux nouvelles menaces. Cette dernière loi LPM a pris en compte la nouvelle réalité sécuritaire, notamment avec la guerre en Ukraine et les tensions avec la Russie, la situation en Afrique, ou dans le Pacifique avec les prétentions territoriales de la Chine. Il s’agit de muscler les troupes françaises et de les préparer à la haute intensité face à un adversaire aussi puissant, voir plus puissant.

« Notre armée, je la compare à un bonsaï, à une armée américaine en version bonsaï. C’est-à-dire que nous avons, comme les Etats-Unis, une armée qui sait tout faire. Sauf que comme nous ne sommes pas les États-Unis, nous l’avons en petit. En version bonsaï. C’est efficace, ça marche, mais ça ne permet pas de faire les choses pendant longtemps et ça ne permet pas de faire les choses de manière massive » analysait sur France Info Jean-Dominique Merchet, journaliste, spécialiste des questions militaires et stratégiques.

La France entend renforcer sa dissuasion, notamment nucléaire

Avec cette LPM 2024-2030, « les commandes de 2023, et plus spécifiquement celles de décembre 2023 sont destinées à renouveler et moderniser les capacités des forces armées dans tous les domaines : aérien, terrestre, naval et spatial » rappelle le ministère de la Défense. La dernière PLM entend « maintenir la crédibilité de notre dissuasion » en renforçant « la résilience sur le territoire national, notamment les Outre-mer, et l’affirmation de notre souveraineté ».

Cette PLM prend en compte l’hypothèse qu’un « conflit de haute intensité ne peut plus être exclue« .

La dissuasion passe par un effort important dans le renouvellement des équipements nucléaires. Une grosse partie des 413 milliards, atour de 60%, va partir dans la modernisation des armes nucléaires, mais aussi des porteurs de cette arme, comme les Rafales ou les sous-marins.

Financer et préparer l’effort de guerre

Pour poursuivre cet « effort de guerre » comme l’a présenté Emmanuel Macron, la France cherche des financements. Le ministre de l’Economie, Éric Lombard, a appelé les investisseurs privés à soutenir l’industrie de défense, soulignant l’importance stratégique et économique du secteur. L’Etat réfléchit également à un placement citoyen pour financer les nouvelles armes de la France.

Concrètement, quels sont les équipements militaires commandés par les armées françaises à la base industrielle et technologique de défense ? Cette BITD regroupe entre 2 000 et 4 000 entreprises. Parce que l’objectif est également d’acheter des armes produites en France, ou en Europe. mesinfos.fr a essayé de faire un état des lieux des nouvelles armes qui arrivent dans nos casernes.

Des véhicules blindés légers et modernes pour l’Armée de terre

La guerre de haute intensité qui se joue entre la Russie et l’Ukraine rappelle la nécessité de disposer d’un nombre plus important de véhicules militaires à aligner sur une ligne de front étendue. Des véhicules adaptés aux nouveaux besoins et menaces, comme les drones. 

@Armée de Terre – le Jaguar est un engin blindé de l’Armée de terre.

La France est engagée depuis quelques années dans un programme de remplacement de ses véhicules blindés légers. C’est le cas avec le Griffon qui remplace progressivement les 2 700 véhicules de l’avant blindés (VAB). 1 872 Griffon sont livrés depuis 2019 souligne le ministère de la Défense.

En compléments, 35 EBRC Jaguar vont être livrés en 2024, soit 95 depuis 2021. 103 VBMR-L Serval seront livrés également en 2024, soit 292 depuis 2022.

@Armée de terre – La France dispose de plus de 600 VBCI.

La France dispose également de plus de 600 VBCI, livrés entre 2015 et 2018. Ce véhicule blindé à roues 8×8 « doit pouvoir être engagé, de nuit comme de jour, sous la menace des armes d’infanterie ou d’artillerie, en ambiance NBC tout en assurant la capacité à durer au personnel embarqué » détaille l’Armée de terre.

Du lourd avec la modernisation des chars de combat Leclerc

La France dispose de 241 chars Leclerc en service, mais seulement 147 chars sont disponibles. Ces chars, mis en service au début des années quatre-vingt-dix est vieillissant.

@Armée de terre – Le char Leclerc est modernisé pour répondre aux nouveaux enjeux militaires.

Plus d’un millions d’euros d’investissement dans la modernisation du char Leclerc qui arrive au milieu de sa vie. La Direction générale de l’armement (DGA) a validé en 2024 la rénovation de 100 chars Leclerc (XLR), portant à 200 le nombre de chars rénovés commandés. Les travaux de rénovation sont réalisés sur le site de l’industriel KNDS France à Roanne.

L’artillerie passe par plus de canon Caesar

Plus que la poudre, le canon Caesar a fait parler de lui dans le cadre de sa livraison aux forces armées ukrainiennes. Pour remplacer ses équipements et les compléter, 109 canons Caesar nouvelle génération sont commandés au profit de l’Armée de terre.

@Ministère de la défense – Les qualités du canon Caesar ont fait leurs preuves en Ukraine.

Pour répondre à cette demande, les cadences de la chaîne de production des Caesar, fabriqué par KNDS à Roanne, ont augmenté pour passer à 6 Caesar par mois. Il faut 15 mois pour fabriquer ce canon contre 30 auparavant.

En complément, 54 mortiers embarqués pour l’appui au contact ont été commandés entre 2025 et 2028

Des camions pour transporter des armes et du carburant

La logistique des armées françaises fait aussi partie des priorités. Ainsi, l’Armée de terre va bénéficier de 165 camions citernes de nouvelle génération à partir de 2027 et de 1 110 camions logistique de 6 tonnes à partir de 2028.

Des munitions pour éviter à l’Armée française de tirer à blanc

Avoir des canons et des chars mais pas suffisamment de munitions ? Alors que les Russes tirent autour de 10 000 obus par jour en Ukraine, la France est au défi de renforcer ses stocks.

Cela passe par plusieurs commandes : 260 millions d’euros de commandes de missiles anti-char ont été valisés entre 2022 et 2025, 75 millions d’euros d’investissements en défense sol-air ont été injectés depuis 2022, 750 millions d’euros de minutions d’artillerie ont aussi été validés depuis 2022…

L’Armée de l’air et de l’espace complète sa flotte de Rafale

Fin décembre 2023, la Direction générale de l’armement (DGA) a notifié à Dassault Aviation une commande de 42 avions de combat Rafale, dite « tranche 5 » à destination de l’armée de l’Air et de l’Espace.

© Shutterstock – Dassault Aviation espère livrer 25 Rafale en 2025.

La nécessité de renforcer l’Armée de l’air a été soulignée par Emmanuel Macron, lors de la visite de la base aérienne de Luxeuil-les-Bains, au sujet de la dissuasion nucléaire de la France.

En complément, 47 Mirages 2000D ont été rénovés en 2024.

Ces commandes de l’Armée françaises ou d’armées étrangères dopent les résultats de Dassault Aviation. En 2021, l’armée de l’Air et de l’Espace comptait 211 avions de chasse du groupe Dassault, les Rafale et Mirage 2000.

Des hélicoptères NH90 pour les forces spéciales

Les forces spéciales des l’Armée de terre font pouvoir être projetées sur des théâtres d’opération par 18 hélicoptères NH90 de plus. L’hélicoptère effectue des missions de transport tactique de troupes et de matériel ainsi que des évacuations sanitaires. 

@Ministère de l’intérieur – Le NH90 en version marine.

« Avec le retrait progressif des PUMA, les NH90 Caïman TTH constituent désormais la principale flotte d’hélicoptères de manœuvre et d’assaut des forces, aux côtés des Cougar rénovés et des Caracal, avec 63 appareils en service au sein de l’armée de Terre et 27 au sein de la Marine nationale » rappelle le ministère de la Défense.

Des hélicoptères en renfort des Gendarmes et des pompiers

La Direction générale de l’armenent A a passé commande en janvier 2024 de 42 hélicoptères H145-D3 FR auprès d’Airbus Helicopters pour les forces de Gendarmerie et les secours, comme les pompiers. Le contrat prévoit une option pour 22 hélicoptères supplémentaires pour la DGGN. Ces nouveaux hélicoptères amélioreront l’efficacité et la sécurité des missions d’assistance aux personnes, de sécurité publique et d’appui aux forces de l’ordre.

Drones, missiles… Le danger vient du ciel

@Ministère de la défense – Un fusil Nerod de lutte contre les drônes.

La Direction générale de l’armement a commandé, en décembre 2024, de nouveaux systèmes de défense surface-air et de lutte anti-drones au profit des trois armées. « D’un montant global de l’ordre de 600 M€, ces commandes s’inscrivent dans le cadre de la Loi de programmation militaire 2024-2030 qui prévoit de renforcer et moderniser les capacités des forces dans ces domaines stratégiques » rappelle le ministère de la Défense.*

Concrètement la défense sol-air de la France va passer de 8 systèmes SAMP Manba à 12 pour 2035, de 2 VL MICA à 16 en 2029, puis 24 en 2035. En 2035, 18 systèmes bi-couche basés sur le couple SAMP NG et VL MICA seront en service. La lutte anti-drone s’étoffe avec l’arrivée de 3 nouveaux systèmes laser en 2024 et un quatrième en 2025 et 4 systèmes PARADE en 2026.

Ravitailleurs, avions espions, satellites, la flotte de l’Armée de l’air et de l’espace s’étoffe

En 2026 une troisième avion léger de surveillance va entrer en service. A l’horizon 2026-2027, la France va tester deux démonstrateurs de satellites patrouilleurs-guetteurs pour protéger les moyens spatiaux de la France.

Adjudant D.THERBY – Une image aérienne du 1er terminal militaire de la base aérienne 125 d’Istres.

Pour améliorer la projetions de ses avions l’Armée de l’air et de l’espace va compter sur 15 nouveaux exemplaires de l’A330 MRTT Phénix qui est un avion ravitailleurs. Ils sont notamment basés à la BA 125d’Istres qui devient le premier terminal militaire de France. Cette année, la flotte des 24 avions de transports va recevoir un nouveau A400M Atlas pour arriver à 37 appareils en 2030.

Un plan pour le futur porte-avion français et un chantier à Toulon

L’arme la plus imposante des armées françaises reste le porte-avions de nouvelle génération [PA NG] que la France va commander pour remplacer à terme le porte avion Charles-de-Gaulle. « L’année 2025 sera celle de la passation de commande du porte-avions de nouvelle génération » a confirmé Sébastien Lecornu, le ministre de la Défense.

@D. R – Le futur porte-avions de la Marine nationale sera plus imposant que le Charles-de-Gaulle.

Difficile d’avoir un budget exact, mais l’investissement prévu devrait s’élever à « une dizaine de milliards d’euros« , selon Cols Bleus, le magazine de la Marine nationale. La construction du futur porte-avions sera réalisée par la MO-Porte-avions, la coentreprise créée par Naval Group, les Chantiers de l’Atlantique et TechnicAtome.

@K. Sarrazin – La base navale de Toulon est en chantier pour accueillir le futur porte-avions.

D’une capacité de déplacement de 80 000 tonnes, sa longueur sera de 310 mètres. Pour accueillir ce géant des mers, la base navale de Toulon a déjà lancé un chantier colossal. Elle va construire des quais et un bassin dédié au futur navire amiral de la Marine nationale.

Des sous-marins de nouvelle génération dans la Marine

La Marine nationale renouvelle sa flotte de sous-marins nucléaire.

Elle va notamment bénéficier d’ici 2030 de six SNA, ou sous-marin nucléaire d’attaque de nouvelle génération, dite de classe Suffren, pour remplacer ceux de classe Rubis. Deux SNA ont rejoint la flotte et la base navale de Toulon et un est en test en Méditerranée. Les trois autres vont être mis en service dans les cinq prochaines années.

@Marine Nationale – Un nouveau SNA dans le port militaire de Toulon.

La construction du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération a également débuté, selon le ministère des Armées. Il s’agit du premier des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de troisième génération, appelés à incarner à partir de 2035 la composante océanique de la force de dissuasion nucléaire française.

Des Frégates Bleu Blanc Rouge en renfort sur les mers du globe

Cinq Frégates de défense et d’intervention vont compléter la flotte de la Marine nationale. Il en aurait fallu plus pour assurer une présence de la Marine nationale dans toutes les mers du globe où la France a des intérêts. Mais à plus de 600 millions d’euros l’unité, la facture s’élève vite… Trois premières seront livrées entre 2025 et 2029. Il s’agit de Frégates de classe Amiral Ronarc’h qui sont construite à Lorient par Naval Group.

@Naval Group – Les nouvelles Frégates de la Marine nationale seront fabriquées à Lorient.

« Les FDI sont des navires de haute mer polyvalents, endurants et capables d’opérer, seuls ou au sein d’une force navale, dans tous les domaines de lutte : antinavire, anti-aérien, anti-sous-marin, contre les menaces asymétriques et capable de projeter des forces spéciales » détaille Naval Group.

Ces Frégates de nouvelle génération seront protégées contre les attaques cyber et elles seront « les premières frégates à bénéficier à bord d’une architecture numérique qui leur permettra de s’adapter en continu aux évolutions technologiques et opérationnelles« .

De nouveaux patrouilleurs hauturiers

En 2023 la DGA a commandé à Naval Group sept patrouilleurs hauturiers pour la Marine Nationale, pour un total de 900 millions d’euros. « Les patrouilleurs combleront le déficit de bâtiments de second rang et seront déployés à Brest, Toulon et Cherbourg. Adaptés à un environnement maritime hostile, ils disposeront d’une capacité de traitement de l’information avancée et pourront opérer des hélicoptères ou des drones » précise le ministère de la Défense.

@Naval Group – La Marine française doit se doter de nouveaux patrouilleurs hauturiers.

« En conformité avec la LPM 2024-2030, dix patrouilleurs seront en service d’ici 2035, avec une première livraison prévue en 2026, pour remplacer les patrouilleurs de haute mer et de service public existants » ajoute ce dernier.

Des drones militaires pour compléter l’arsenal sur terre, en mer et dans les airs

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine met en première ligne l’usage intensif des drones. Les armées françaises entendent être à la page de ces nouvelles armes. Dernièrement un exercice militaire s’est tenu au large de Toulon avec la Marine nationale et la participation d’industriels. L’objectif était de tester une opération avec l’usage de drones en mer et dans le ciel. Dernièrement la Marine nationale a acheté à Thales et Exail huit drones sous-marins autonomes de nouvelle génération, avec une option pour acquérir huit drones supplémentaires.

@MBDA – Le NX70 un drone militaire d’observation fabriqués prés d’Aix-en-Provence.

Les drones sont aussi utilisés pour faire du renseignement, comme le NX70 capable d’observer de jour comme de nuit. Ces drones sont fabriqués par Novadem, prés d’Aix-en-Provence.

Le génie militaire utilise également des drones, comme le Minirogen, qui permet de déconstruire à terre des obstacles ou cibles à distance. L’Armée de terre emploie aussi un drone avion de reconnaissance, le SDT Patroller. Sa mise en œuvre est assurée exclusivement par le 61e régiment d’artillerie, régiment de recherche par imagerie des forces terrestres.

Pour préparer la guerre du futur, Dassault Aviation travaille sur un drone de combat aérien furtif capable d’assurer une mission en même temps que le Rafale. On parle là de combat collaboratif…