Celtic Uprise 2022 : la construction du partenariat CaMo à l’épreuve du terrain
Clap de fin pour le millier de militaires belges et français engagés dans l’exercice Celtic Uprise. Durant dix jours, ils auront mis à l’épreuve l’interopérabilité construite dans le cadre du partenariat franco-belge CaMo (Capacité Motorisée). Des obstacles subsistent mais n’empêcheront pas d’aborder sereinement la dernière ligne droite avant 2025 et le début de la transformation SCORPION de la brigade motorisée belge.
Des retrouvailles sur le sol belge
L’heure était aux retrouvailles sur le sol belge pour les deux armées partenaires, après une édition annulée pour cause de crise sanitaire et une autre menée en belgo-belge. Lancé le 21 novembre, Celtic Uprise s’est achevé ce jeudi dans le sud-ouest de la Belgique. L’objectif était triple pour les quelques 1200 militaires engagés, dont 280 Français : développer l’interopérabilité recherchée par le partenariat CaMo, s’entraîner en milieu civil et évaluer les sous-groupements tactiques interarmes (SGTIA).
Le scénario retenu ? Une opération de contre-insurrection suivie d’un combat retardateur sur une vingtaine de kilomètres face à un ennemi symétrique, le tout dans un cadre OTAN. « La grande particularité de cet exercice, c’est qu’il s’est entièrement déroulé en terrain civil », commentait le commandant de la Brigade motorisée belge, le colonel Lieven Geeraert.
Ces dix jours auront permis de constater les progrès accomplis dans la construction d’une interopérabilité maximale entre les deux armées. Une démarche qui se veut nativement gagnant-gagnant. Ce travail conjoint est « très intéressant parce que les Belges ont un temps d’avance sur l’application des normes OTAN. Ils travaillent également beaucoup en anglais, une maîtrise qui s’avère être un plus à l’heure où l’on s’engage de plus en plus auprès d’armées alliées », a souligné le commandant du détachement français, le capitaine Blaise du 152e régiment d’infanterie de Colmar. Sous ses ordres, un SGTIA armé par la 4e compagnie d’infanterie du 152e RI et ses d’appuis* de la 7e brigade blindée.
Dans l’autre sens, la partie belge profite de l’expérience opérationnelle particulièrement riche de l’armée de Terre, auquel s’ajoute le partage de compétences sur des matériels spécifiques, à commencer par des équipements SCORPION dont la Composante Terre sera dotée à compter de 2025. Hormis l’approche du système d’information du combat SCORPION (SICS), le SGTIA belge a pu profiter d’un pont flottant motorisé de 2ème génération (PFM F2) piloté par le 6e régiment du génie d’Angers. Une capacité dont la Belgique ne dispose plus et qui permet de renouer, l’espace de quelques jours, avec les opérations de franchissement de coupes humides.
La longue route vers une parfaite interopérabilité
La compilation et l’analyse des RETEX prendront du temps, mais quelques enseignements ressortent déjà à chaud. « Nous avons constaté que nous avons souvent les mêmes soucis. Les observations au plus bas niveau sont souvent identiques, ce qui permet de s’aligner sur les réponses à trouver », explique le major Bruno, directeur de l’exercice (DIREX) et adjoint de l’officier en charge des opérations et de l’entraînement au sein de la Brigade motorisée. Parmi les axes d’effort à poursuivre, le partage de l’information.
« Toute la difficulté lorsqu’on travaille en coalition, c’est de parvenir à communiquer. L’un des enjeux de l’exercice était donc de trouver les meilleures solutions pour se comprendre le mieux possible », résume le capitaine Blaise. C’est tout l’intérêt de Celtic Uprise. L’insertion, depuis 2018, d’officiers belges dans les états-majors français a également abouti à produire et diffuser les premiers documents doctrinaux conjoints. Et si quelques termes et techniques diffèrent encore, « la limitation au niveau de l’interopérabilité est purement technique ».
En attendant 2025 et sa bascule sur SICS, la brigade motorisée continuera de travailler sur base du logiciel ELIAS. Une dissimilitude identifiée en amont et corrigée pour la première fois via une passerelle NFFI garantissant le partage en quasi temps réel de la localisation amie, le « Blue Force Tracking » (BFT). Idem pour la phonie, alignée grâce à un boîtier « Tactical Voice Bridge » (TVB) apporté par la partie française.
L’effort d’intégration des systèmes d’information et de communication (SIC) avait d’ailleurs démarré bien avant le lancement de l’exercice. Hormis des contacts répétés entre transmetteurs et l’insertion d’un officier SIC au sein de la Section technique de l’armée de Terre (STAT), la partie belge a conduit un exercice en amont pour éprouver ce seul segment SIC. Gain de temps et résilience à la clef en conduite, dans une région où le relief marqué peut venir gripper la manœuvre.
« Nous allons essayer, pour la prochaine édition, de réduire la voilure de l’exercice », relève par ailleurs le major Bruno. Une baisse d’ambition ? Plutôt le souhait de porter l’effort sur les échelons inférieurs et « d’augmenter les activités d’interopérabilité au niveau des sections et pelotons », après s’être focalisé sur les niveaux SGTIA et GTIA.
Dernier test avant la Roumanie
Celtic Uprise 2022 était aussi porteur d’un enjeu spécifique au SGTIA français. Derrière la construction du partenariat franco-belge, il s’agissait pour les Diables rouges et leurs appuis de parachever leur cycle de préparation opérationnelle en vue d’une projection en Roumanie au premier trimestre 2023.
Ces éléments relèveront le bataillon déployé le mois dernier dans le cadre de la Mission Aigle et placé sous le commandement du 1er régiment de chasseurs. C’est un premier rendez-vous majeur pour le colonel Laurent Luisetti, nouveau chef de corps du 152e RI depuis cet été. Durant quelques mois, son régiment prendra la tête d’un bataillon à dominante infanterie comprenant, entre autres, un escadron de chars Leclerc du 5e régiment de dragons.
Les militaires français y retrouveront leurs homologues belges, une proximité permettant de reproduire les réflexes acquis de longue date et à nouveau travaillés durant Celtic Uprise. « C’est une réalité, nous ne montons plus une manœuvre importante sans faire appel à nos camarades belges », indique le colonel Luisetti. « Dans le cadre de notre projection en Roumanie, nous avons ainsi demandé à ce qu’un officier belge soit inséré au sein de notre état-major tactique ». De la Belgique aux plaines roumaines, CaMo se construit aussi par les actes.
*Des appuis en provenance du 5e régiment de dragons, du 3e régiment du génie et du 68e régiment d’artillerie d’Afrique.