Économie de guerre : de premiers engagements et une nouvelle réunion en octobre
Produire plus d’armement, plus vite et moins cher. Voilà le triple enjeu fixé par le ministère des Armées et les industriels français au cours d’une première réunion de travail consacrée à l’économie de guerre. Parmi les premiers engagements pris, la simplification administrative et l’engagement d’une réflexion sur les stocks.
Le format, « assez inédit », entendait refléter l’importance du sujet. Autour de la table, le ministre des Armées, les chefs d’état-major, la Direction générale de l’armement (DGA), le Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN) et les principaux représentants de la base industrielle et technologique de défense française. Ensemble, ils ont initié un plan d’action pour être « capable de produire suffisamment, d’une part, et dans les temps, d’autre part, à des prix qui sont responsables dans les années qui viennent », a rappelé le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Une série de caps, pour majorité pressentis, ont été fixés de chaque côté.
Pour les armées, le premier engagement sera celui de la simplification des expressions de besoin. « Ces vingt dernières années, parfois, nous ont conduit à quelques pentes dans lesquelles nous avons demandé à certains équipements de tout faire », relève le ministre des Armées. Il s’agira de parvenir à émettre des expressions de besoin « beaucoup plus rustiques, beaucoup plus simples, ce qui nous permettra, en fonction des besoins de massifier ».
Second axe d’effort : la simplification administrative. Si le ministre souligne « une volonté de bien faire », un programme d’armement repose parfois sur « des milliers de pages de documentation administrative ». Et si ces documents sont autant de gages de qualité de la part de l’industriel, la notion de risque « doit s’évaluer autrement » en temps de guerre. « Incontestablement, on doit savoir prendre quelques risques, y compris dans les procédures en les réduisant ». Le délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva, et son adjoint, le général Thierry Carlier, ont donc été mandatés pour être force de propositions.
Dans les rangs industriels, le principal engagement porte sur la gestion des stocks. La crise sanitaire, puis la guerre en Ukraine ont chacune contribué à fragiliser les chaînes d’approvisionnement. « On ne peut pas comprendre qu’un certain nombre de pièces soient produites à l’étranger, parfois même dans des pays qui sont potentiellement des concurrents ou des compétiteurs », explique un ministre qui souhaite « un agenda de relocalisation » pour écarter ces dépendances.
« Pendant des années, avoir du stock était un signal de mauvaise gestion », déclarait-il. Il faut désormais inverser le registre et garantir la constitution de réserves « suffisamment solides pour faire face ». Au risque d’une diminution des marges, ce pour quoi le ministre en appelle à « la dimension patriotique » de la souveraineté. La main d’œuvre qualifiée, enfin, doit être préservée en réfléchissant par exemple à l’intéressement et à la participation.
Traduits en objectifs, et « au regard de ce que nous connaissons de la guerre en Ukraine », l’effort doit permettre de réduire le temps de production d’un obus d’artillerie de 155 mm à trois mois au lieu de neuf mois. Même logique pour le canon CAESAR, livré au terme d’un processus parfois long de 30 mois. « Grâce aux efforts de Nexter, nous sommes arrivés à 24 mois. Je souhaite que l’on puisse tomber à 12 mois », indique le ministre des Armées. Exemples parmi d’autres, tant les munitions d’artillerie que le canon CAESAR figurent désormais dans une liste de 10 armements prioritaires, aux côtés de la défense sol-air, entre autres.
Le ministère des Armées en a conscience, « tout cela ne se fera pas du jour au lendemain ». D’autres questions se posent, à l’instar des investissements financiers à consentir. Sauf écueil parlementaire, le ministère des Armées bénéficiera d’une enveloppe supplémentaire de 3 Md€ en 2023. « Est-ce que cela suffit à réparer très vite tout ce qui a été abîmé pendant des années ? Non ». Pour Sébastien Lecornu, l’effort budgétaire doit « coller au risque ». Hors, depuis le 24 février, « le niveau de risque est d’une autre nature ». Les différents acteurs se réuniront à nouveau au mois d’octobre pour progresser dans ces réflexions, « dans un RETEX permanent de ce que nous voyons en Ukraine ».