Hypersonique : Un député se dit « surpris » par le projet de tester un statoréacteur mixte français aux États-Unis
Dans sa feuille de route et son plan stratégique 2015-2025, actualisé l’an passé, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA] s’est vu confier la tâche de développer des technologies relatives à la propulsion hypersonique, en particulier afin de mettre au point le missile ASN-4G, qui succédera, en 2035, à l’ASMP-A [Air Sol Moyenne Portée – Amélioré] actuellement mis en oeuvre par les Forces aériennes stratégiques [FAS].
En outre, l’ONERA a également indiqué conduire des travaux relatifs à « différents concepts d’aeronefs hypersoniques » pouvant constituer l’une des composante du Système de combat aérien du futur [SCAF], un programme mené en coopération avec l’Espagne et l’Allemagne.
« Les études s’intéresseront a priori à un système capable de réaliser une croisière haute altitude de longue durée, avec un fonctionnement global de type avion – avec des phases de décollage et d’atterrissage horizontal sur une piste et une accélération autonome. L’un des défis à relever concernera le concept de propulsion qui, pour pouvoir évoluer efficacement dans un domaine de vol très étendu, devra pouvoir combiner des systèmes propulsifs tels que les turboréacteurs et le statoréacteur dans des architectures compactes et bien intégrées à la cellule », explique l’ONERA.
Enfin, en janvier 2019, la ministre des Armées, Florence Parly, a donné le coup d’envoi du projet V-MAX, qui vise à développer un démonstrateur de planeur hypersonique devant être emporté par une « fusée sonde ». Un contrat a ensuite été notifié à ArianeGroup, en qualité de maître d’oeuvre de ce programme.
En mai, lors d’un déplacement à Creil, Mme Parly a indiqué que ce V-MAX effectuerait son premier vol d’essai d’ici la fin de cette année.
Or, selon une information publiée en juillet par Air & Cosmos, l’ONERA et MBDA, en collaboration avec la Direction générale de l’armement [DGA], auraient l’intention, d’ici fin 2021, de faire un voler un engin hypersonique propulsé par un statoréacteur mixte [c’est à dire pouvant réaliser successivement une combustion subsonique et supersonique]… depuis la côte Est des États-Unis.
Pour rappel, l’ASN4G devrait justement être propulsé par un statoréacteur mixte… « L’ONERA explore en lien très étroit avec MBDA les différentes options technologiques possibles pour permettre à l’État de disposer le moment venu des éléments de choix. La stratégie de pénétration des défenses adverses par des missiles à vitesses hypersoniques reste un défi scientifique et technologique majeur. Un très grand nombre de disciplines sont mises en jeu, telles que l’aérodynamique, la propulsion, l’architecture du vecteur, son contrôle et son pilotage », lit-on par ailleurs dans la feuille de route actualisée du centre de recherches français.
L’engin qui sera testé en vol aux États-Unis devrait être accéléré et porté à l’altitude voulue par un fusée-sonde. Et l’objectif sera surtout de collecter des données pour préparer la suite du programme.
Seulement, qu’une telle technologie pouvant avoir des implications pour la dissuasion puisse être testée ailleurs qu’en France a de quoi soulever quelques interrogations, même si les États-Unis sont une puissance alliée… D’autant plus que, par le passé, et selon des archives du Pentagone, de la CIA et du département d’État déclassifiées en 2006, le développement de la force de frappe française a été surveillée de très près par les Américains, dans le cadre de l’opération « Burning light » . Et celle-ci ne mégota pas sur les moyens, avec le recours aux avions espions U2, les satellites et les espions infiltrés.
D’où la « surprise » du député [LR] François Cornut-Gentille, dans une question écrite adressée au ministère des Armées. « S’appuyant sur leurs chercheurs internationalement reconnus, l’ONERA et MBDA envisagent de tester prochainement un statoréacteur mixte. Cette innovation majeure est susceptible de nombreuses applications civiles et militaires. Elle constitue assurément un enjeu de souveraineté », souligne-t-il en préambule.
Aussi, le fait que les « essais en vol de cette technologie de pointe auront lieu aux États-Unis d’Amérique […] ne manque pas de surprendre car la France, via le centre d’essai en vol de la DGA dispose théoriquement d’installations et d’équipements performantes », a enchainé le parlementaire. Et celui de demander : « Pourquoi les installations du centre d’essais en vol de la DGA n’accueille pas les essais en vol du prototype doté d’un statoréacteur mixte? »
La question étant parue au Journal Officiel du 7 septembre, il faudra s’armer d’un peu de patience pour avoir les explications du ministère des Armées…
Photo : ONERA