Les États-Unis mettent en garde la Russie contre la tentation de s’en prendre militairement à l’Ukraine
Fin octobre, et comme cela avait le cas au début du printemps dernier, d’importants mouvements de troupes russes ont été signalés aux abords des frontières ukrainiennes. D’abord grâce à des vidéos partagées sur les réseaux sociaux, puis à l’imagerie satellitaire.
Ainsi, il a notamment été constaté une concentration de blindés, de chars, de pièces d’artillerie et de troupes au sol dans les environs de la ville russe de Yelnya, située entre l’Ukraine et la Biélorussie. Le 1er novembre, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a parlé de « manœuvres russes inhabituelles » près de la frontière ukrainienne. Et d’assurer que la situation serait suivie de près.
Cependant, à Kiev, et alors que les combats dans le Donbass ont gagné en intensité entre les forces gouvernementales et les séparatistes pro-russes depuis ces derniers mois, on a relativisé la portée de ces mouvements de l’autre côté de la frontière, expliquant que la Russie « recourt périodiquement à des transferts et à la concentration d’unités militaires afin de maintenir les tension dans la région et la pression politique sur les États voisins ».
Seulement, dix jours plus tard, le ton a changé. « Toutes les informations disponibles indiquent que les forces armées russes soutiennent en permanence un puissant groupe offensif autour de l’Ukraine », a en effet déclaré Roman Mashovets, le chef adjoint du cabinet du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, chargé de la sécurité nationale et de la défense, dans un entretien accordé à Military Times.
Selon M. Mashovets, au cours du second semestre 2021, les forces russes ont mené d’importantes manœuvres à proximité de l’Ukraine [comme avec Zapad 2021, en Biélorussie, ndlr]. Or, une fois ces exercices terminés, « les unités qui ont participé sont restées dans la partie européenne de la Russie, à environ 260 km de la frontière ukrainienne ».
Et d’ajouter : « Ce qui est préoccupant, c’est après la fin des exercices, seul le personnel est retourné dans ses bases permanentes, les équipements de combat, tels que les chars, les blindés et les missiles balistiques de courte portée ‘Iskander’ sont restés près de la frontière ukrainienne ». Et à comprendre M. Mashovets, il suffirait d’un mot pour que les forces russes soient prêtes à passer à l’action contre son pays.
« Malgré les sanctions et la grande inquiétude des pays occidentaux, la Russie a presque réalisé l’encerclement stratégique de l’Ukraine, y compris depuis la Biélorussie, et continue de préparer les actions offensives sur le territoire ukrainien », a par ailleurs estimé M. Mashovets.
Alors que l’Otan a dénoncé, cette semaine, l’instrumentalisation des migrants que la Biélorussie fait venir sur sol depuis le Moyen-Orient pour faire pression sur la Pologne et que la Russie a un levier économique sur l’Union européenne avec l’approvisionnement de celle-ci en gaz, un nouveau coup de force contre l’Ukraine est-il envisageable à court terme?
En tout cas, le président russe, Vladimir Poutine, a prévenu. « Nous ne permettrons jamais que nos territoires historiques et les personnes proches de nous qui y vivent soient utilisés contre la Russie. Et à ceux qui entreprendront une telle tentative, je voudrais dire que, de cette façon, ils détruiront leur propre pays », a-t-il dit, au sujet de l’Ukraine, qui a l’intention de rejoindre l’Otan.
Quoi qu’il en soit, le 10 novembre, Washington a une nouvelle fois mis Moscou en garde. « Nous appelons la Russie à faire preuve de clarté sur ses intentions », a dans un premier temps affirmé John Kirby, qui de nouveau décrit une « activité militaire inhabituelle en Russie, près de la frontière ukrainienne » en raison de « taille » et de « l’ampleur » des mouvements observés.
« Nous n’avons pas de clarté sur les intentions de Moscou mais nous connaissons sa stratégie », a affirmé, de son côté, Antony Blinken, le chef de la diplomatie américain, lors d’une conférence de presse donnée au coté de Dmytro Kouleba, son homologue ukrainien.
« Notre inquiétude est que la Russie fasse la grave erreur de tenter de reproduire ce qu’elle a fait en 2014, quand elle a amassé ses forces le long de la frontière et est entrée en territoire souverain ukrainien, tout en affirmant à tort avoir été provoquée », a poursuivi M. Blinken.
Et celui-ci d’ajouter : « La stratégie constatée par le passé, c’est d’invoquer des provocations pour justifier la mise à exécution de ce qu’ils avaient planifié depuis le début. Or, s’il y a des provocations aujourd’hui, elles viennent de Russie, avec ces mouvements de forces que nous constatons le long de la frontière ukrainienne ».
Enfin, M. Blinken a réaffirmé le soutien « inébranlable » des États-Unis à la « souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale » de l’Ukraine. Cela étant, au Congrès, certains voudraient aller encore plus loin. Tel est le cas des représentants [républicains] Mike Rogers et Mike Turner.
« Avec le récente concentration de forces russes à la frontière ukrainienne, nous exhortons votre administration à prendre des mesures immédiates et rapides pour fournir un soutien à l’Ukraine sous forme de renseignements et d’armes », ont écrit ces deux élus dans un courrier adressé au président Joe Biden, le 5 novembre.
« En outre, nous vous exhortons à envisager immédiatement une présence et une posture militaires américaines appropriées dans la région […] pour empêcher que la situation ne s’aggrave davantage », ont-ils encore insisté.
Photo : Missile Iskander – Archive