Méditerranée orientale : La France, la Grèce, Chypre et l’Italie lancent des manoeuvres militaires conjointes
Le 24 août, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a nié à Athènes le droit d’émettre un Navtex [NAVigational TEXt Messages] annonçant la tenue d’exercices militaires entre la Crète et la République de Chypre, secteur où Ankara a envoyé le navire de recherche sismique Oruç Reis pour prospecter des gisements d’hydrocarbures sous escorte militaire.
« L’émission d’un Navtex par la Grèce n’est autre qu’un acte irresponsable menaçant la sécurité de tous les navires présents dans la région », s’est en effet emporté M. Erdogan. Et d’insister : « Il serait bon pour la Grèce de prendre en considération que ceux qui la poussent devant la flotte turque, ne se montreront pas si un problème survient. »
Alors qu’un exercice aérien et impliquant quatre F-16 des forces aériennes émiraties arrivés quelques jours plus tôt à La Sude [Crète] était annoncé par Athènes, Ankara a répliqué en faisant part de son intention de mener, le 25 août, des manoeuvres navales de « transition » dans la même région, avec la participation de « navires turcs et alliés. »
En fait de navires « alliés », l’exercice turc n’a mobilisé que deux bâtiments italiens : le destroyer ITS « Durand de la Penne » et le pétrolier-ravitailleur ITS Etna, lequel a ravitaillé les frégates TCG Gediz et TCG Barbaros, engagées dans l’opération « Bouclier de la Méditerranée ».
De son côté, Athènes a indiqué avoir organisé, la veille, un « exercice aérien conjoint » avec les forces américaines, dans une zone maritime située au sud de la Crète. Côté grec, cette manoeuvre a mobilisé une frégate, un sous-marin Type 214 et six avions. Quant à l’US Navy, elle a engagé le destroyer USS Winston S. Churchill ainsi que des hélicoptères.
Cet exercice a notamment consisté à renforcer la coopération « dans les domaines de la planification des opérations conjointes, de la défense aérienne, de la guerre anti-sous-marine, des communications, et de l’échange d’informations », a indiqué le ministère grec de la Défense.
Ces manœuvres sont suivies par d’autres qui, impliquant cette fois la France, Chypre, la Grèce et l’Italie, viennent de commencer. Appelées « Eunomia » [dans la mythologie grecque, Eunomie personnifiait la loi, l’ordre et la justice, ndlr], elles sont organisées dans le cadre de l’Initiative quadripartite de coopération [SQUAD], explique le ministère grec de la Défense.
« Les tensions et l’instabilité en Méditerranée orientale se sont accrues, en raison des conflits prolongés dans la région, ainsi qu’en raison de l’augmentation de différends sur diverses questions liées à l’espace maritime […]. Ces tensions sont exacerbées par la découverte de ressources naturelles offshore. Cette situation a conduit à des violations répétées de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer [UNCLOS], ainsi que du droit international coutumier », fait valoir la même source.
« Afin de renforcer la sécurité et la stabilité dans l’ensemble de la région et de garantir la liberté de navigation, les quatre États européens ont décidé de renforcer leur présence navale et aérienne en Méditerranée orientale […]. Cette initiative vise à faire prendre conscience de la situation et démontre l’engagement des quatre pays méditerranéens européens envers les règles de droit dans le cadre de la politique de désescalade des tensions », poursuit le ministère grec de la Défense, qui souligne par ailleurs que la « voie diplomatique doit rester le moyen privilégié pour résoudre les problèmes, tant au niveau bilatéral qu’au niveau européen. »
Comme le président Macron l’avait annoncé le 12 août, la France a l’intention de renforcer sa présence militaire en Méditerranée orientale, « en coopération avec les partenaires européens, dont la Grèce ». Ce qui s’est traduit, dans un premier temps, par l’envoi, à Chypre puis en Crète, de deux Rafale B, partis de la base aérienne de Saint-Dizier, avec le soutien d’un avion-ravitailleur C-135FR, ainsi que par la participation du porte-hélicoptères amphibie « Tonnerre » [alors en route vers le Liban] et de la frégate La Fayette à un exercice de marine grecque.
Pour l’exercice Eunomia, Paris va engager trois Rafale [arrivés à Paphos, Chypre] ainsi que la frégate La Fayette avec son hélicoptère. Le navire français doit participer à la dernière phase de ces manoeuvres, prévue le 28 août.
« La Méditerranée orientale se transforme en un espace de tensions. Le respect du droit international doit être la règle et non l’exception. Avec nos partenaires chypriotes, grecs et italiens nous entamons un exercice militaire dès aujourd’hui avec des moyens aériens et maritimes », a justifié Florence Parly, la ministre française des Armées. « Notre message est simple : priorité au dialogue, à la coopération et à la diplomatie pour que la Méditerranée orientale soit un espace de stabilité et de respect du droit international. Elle ne doit pas être un terrain de jeu des ambitions de certains; c’est un bien commun », a-t-elle ajouté.
Photo : Par Jeje the Writter — Travail personnel, CC BY-SA 4.0