MGCS : Évoquant l’AMX-13, le général Schill veut ouvrir le débat sur le format du futur char de combat

MGCS : Évoquant l’AMX-13, le général Schill veut ouvrir le débat sur le format du futur char de combat

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La « mort » du char de combat fut maintes fois prophétisées, souvent pour justifier des réductions budgétaires, avec l’argument qu’un tel équipement ne permettait pas de préparer les « guerres de demain ». La Belgique et les Pays-Bas renoncèrent ainsi à cette capacité… tandis que, en 2008, la France divisa pratiquement par deux le nombre de Leclerc alors alignés par l’armée de Terre. Or, cette prédiction a été démentie par la suite, les États-Unis et le Canada ayant, par exemple, déployé des M1A2 Abrams et des Leopard 2 en Afghanistan.

Mais ce débat sur l’avenir des chars a depuis repris de la vigueur à la faveur de la guerre en Ukraine, notamment au regard des pertes subies par les forces russes durant la première phase de leur offensive. Certes, l’efficacité des missiles antichars fournis à l’armée ukrainienne et l’usage de munitions téléopérées [MTO] expliquent en partie cette attrition… Mais en partie seulement car celle-ci a également été causée par des déficiences en matière de logistique – de nombreux chars ont été abandonnés sur le terrain faute d’un soutien efficace – ainsi que par une doctrine d’emploi inadaptée.

Lors d’une audition parlementaire, en juillet 2022, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, avait expliqué que les chars russes avaient été mis en échec « suite à de mauvaises appréciations tactiques », leur concentration les ayant rendus « vulnérables » aux fantassins, qui purent lancer des « attaques contre les colonnes de blindés à partir des zones forestières et urbaines », alors que les conditions météorologiques [fonte précoce des neiges, ndlr] s’y prêtaient.

Mais « il n’en demeure pas moins que cette capacité est primordiale pour rompre un dispositif et exploiter ensuite l’avantage en profondeur », avait poursuivi le général Schill. En clair, une arme ne vaut que par l’emploi que l’on en fait…

Cependant, le débat n’est pas clos, d’autant plus que, depuis les attaques terroristes menées par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre dernier, plusieurs chars de Tsahal ont été endommagés, si ce n’est détruits.

À Gaza, « dans un milieu urbain très cloisonné où la menace est omnidirectionnelle et très rapprochée, les blindés israéliens comme les Merkava IVM de 72 tonnes peuvent être détruits, en dépit de la qualité de leur blindage ou de leur système de protection active, par des armes bon marché », a d’ailleurs admis le général Schill, dans un commentaire sur une note du Centre français de recherche sur le renseignement [CF2R], via le réseau social LinkedIn.

Aussi, pour le CEMAT, la question qui doit se poser n’est pas « celle de l’inutilité éventuelle du char de combat mais celle du type de char et de son insertion dans un ensemble interarmes ». Et, pour lui, la « masse » est un critère déterminant.

« Les chars très technologiques, à l’arc frontal impénétrable et à la volée de 4 000 mètres, sont coûteux à produire et d’une mobilité réduite par un poids excessif qui complique leur soutien. Leur destruction est également un enjeu de communication, comme on l’a vu avec les ‘Leopard 2’ ou les ‘Challenger 2’ ukrainiens », a en effet souligné le général Schill.

Or, poursuit-il, « ces inconvénients sont moindres pour des chars moins puissants et moins protégés » qui, en étant « plus mobiles et moins onéreux », sont « plus faciles à produire, donc à remplacer, et également à entretenir ou à réparer ».

De telles considérations ont-elles été prises en compte dans la fiche commune d’expression des besoins que le CEMAT a signée avec son homologue allemand pour le Système principal de combat terrestre [MGCS – Main Ground Combat System], lequel doit aboutir à un char de combat de nouvelle génération?

La question se pose au regard de la doctrine allemande en matière de chars de combat, laquelle insiste sur l’armement et, surtout, sur la protection.

Or, rappelle le général Schill, « la tradition industrielle française a mis en valeur des blindés moins protégés mais toujours très bien armés et très mobiles, sans doute l’héritage d’une cavalerie de décision, de vitesse et de surprise qui a marqué les siècles ». Et de prendre l’exemple de… l’AMX-13, un char léger [moins de 15 tonnes], armé d’une tourelle de 90 mm [ou de 105 mm pour certaines versions] et produit à plus de 7700 exemplaires à partir de 1953. Exporté dans 35 pays, il est resté en service au sein de l’armée de Terre jusqu’à la fin des années 1980. À noter qu’une variante pouvait être armée de missiles antichars filoguidés SS 11/AS 11.

« Techniquement abouti avec sa tourelle oscillante, son canon de 90, sa grande mobilité permise par un poids inférieur à 15 tonnes, son équipage ramassé – cette plateforme, déclinée en de multiples versions, a d’ailleurs été un remarquable succès à l’export », a-t-il fait valoir.

En attendant, pour le CEMAT, le Leclerc constitue assurément un bon compromis entre les chars « de conception russo-soviétique et les lourds engins anglo-saxons » dans la mesure où, disposant « d’une volée servie par d’excellentes optiques de tir et d’un chargeur automatique », sa mobilité n’a pas été « sacrifiée » à sa protection, ce qui lui permet d’afficher une masse de « seulement » 56 tonnes.

« Accompagné de véhicules blindés légers formant une escouade d’accompagnement pour améliorer ses capacités d’engagement, il représente donc un compromis équilibré et offre des avantages tactiques certains », fait valoir le général Schill.

Quoi qu’il en soit, s’il se dit toujours convaincu de l’utilité du char, le CEMAT estime que son « format doit susciter le débat ».

Pour rappel, selon les explications récemment livrées par le ministère des Armées, le MGCS sera « bien plus qu’un engin blindé lourd traditionnel » étant donné qu’il sera « pensé comme un système multiplateformes », avec un « char proprement dit, équipé d’un canon gros calibre, accompagné d’autres modules complémentaires interconnectés [un blindé lourd équipé de missiles antichars puissants, un véhicule d’appui nativement robotisé doté d’armes laser, des drones et autres armements innovants] ». Fera-t-il une place à un lointain successeur de l’AMX-13?

Photo : Les Meloures — Archive Les Meloures, CC BY-SA 4.0

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