ORION 23 : un pas de plus dans la coopération franco-belge
Belges, Britanniques, Américains, Espagnols, Grecs, etc. : l’exercice ORION n’est pas encore achevé mais a d’ores et déjà rempli son objectif d’agréger et de conduire une coalition d’alliés placés sous bannière française. Parmi ceux-ci, un partenaire belge particulièrement mobilisé car lui aussi engagé dans le durcissement de sa préparation opérationnelle.
Réapprendre la haute intensité
Complexe, ORION l’était aussi par « notre ambition d’être nation-cadre, c’est à dire d’être dans un domaine interallié. Nous avons un enjeu, ce qui a été le cas, à amener avec nous, à entraîner au bon niveau et à être en interopérabilité avec nos alliés », déclarait le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, ce lundi lors d’un briefing. Et ces alliés ont répondu présent. Ils étaient 1600 parmi les 12 000 militaires engagés depuis la mi-avril pour bouter l’ennemi à parité Mercure hors du territoire Arnlandais.
Une dizaine de nations étaient imbriquées dans le dispositif français, dont « en tout premier les Belges, puisque nous sommes dans cette démarche dite CaMo [Capacité Motorisée] », poursuivait le CEMAT. Un rapprochement binational inédit entamé il y a plus de cinq ans et qu’ORION aura encore contribué à renforcer. Environ 600 militaires et 150 véhicules belges ont rejoint la coalition conduite par la France. Au coeur du groupement tactique interarmes (GTIA) placé sous commandement de la 2e brigade blindée, 350 Chasseurs ardennais. De l’infanterie motorisée renforcée par ses appuis du bataillon Carabiniers Prince Baudouin – Grenadiers, du 4e bataillon de génie, du 23 bataillon médical, du bataillon d’artillerie et autres soutiens et appuis logistiques.
À l’image de l’exercice, l’effort fourni par le partenaire belge est plutôt exceptionnel. ORION lui aura réservé son lot d’épreuves et d’enseignements. La confrontation à un adversaire coriace, premièrement. Dès les premiers jours, le GTIA belge aura perdu une compagnie complète, environ 140 combattants, en quelques minutes lors d’une frappe d’artillerie adverse. Poursuite du jeu oblige, l’unité a été artificiellement régénérée grâce aux échelons arrières mis en place par la Défense belge.
Dans les rangs belges, les contacts avec la force adverse (FORAD) sont quotidiens. Bien que désormais en déroute, celle-ci reste imprévisible et parvenait encore à s’infiltrer hier dans les lignes alliées pour accrocher la colonne belge. Résultat : trois soldats adverses au tapis et un militaire belge « blessé » directement stabilisé puis pris en charge par la chaîne sanitaire.
« Cet exercice est parfait pour réapprendre le combat de haute intensité. (…) Nous avons pu tester des procédures rarement jouées en réel et dans des dimensions énormes. Cela nous permet d’évoluer et de nous améliorer pour le futur », souligne le lieutenant-colonel Thiry, chef de corps du bataillon de Chasseurs ardennais (BCA) et à la tête du GTIA belge. La question n’est pas neuve pour la Défense belge. Voilà un moment que l’ensemble de la Brigade Motorisée travaille à réacquérir des savoir-faire non pas oubliés, mais un temps placé au second rang.
Entre autres défis, celui de l’interopérabilité
Pour le GTIA belge, combattre Mercure et sa milice Tantale n’était pas le seul défi. La durée, près de trois semaines, mais aussi un terrain inconnu et synonyme d’élongations impossibles à « jouer » sur le territoire national en sont d’autres. Après les engagements statiques vécus au Sahel ou en Afghanistan, ORION imposait « une manoeuvre très mobile qui évolue en permanence dans un sens ou dans l’autre. Les flux logistiques et d’évacuation sont beaucoup plus compliqués que ce qu’on a pu vivre dans le passé », explique le lieutenant-colonel Thiry. Le seul parcours des positions tenues par son bataillon, par exemple, exigeait jusqu’à cinq heures d’effort.
Parce qu’investis dans CaMo, « nous avons un défi d’interopérabilité technique avec l’armée française », rappelle le lieutenant-colonel Frédéric Thiry, chef de corps du bataillon de Chasseurs ardennais. Pour fluidifier les communications et ne pas gripper la manœuvre, chaque nation a placé deux officiers de liaison au sein des deux postes de commandement de chaque unité. « Ce n’est pas toujours le même ‘français’, mais cela fonctionne bien car nous commençons à construire et à partager un vocabulaire commun ».
« Étant issus d’une petite armée, nous ne travaillons jamais seuls mais systématiquement en coalition », indique le commandant du GTIA. Être « petit » a du bon, notamment de part l’habitude de travailler en anglais et selon des procédures communes. Jusqu’à jouer un rôle de traducteur au profit d’un 3rd Battalion The Rifles britannique également inféodé à la 2e BB mais parfois « perdu » parmi les acronymes et terminologies françaises. La recherche d’interopérabilité est maximale mais se heurte encore à quelques contraintes. La logistique, par exemple, est communalisée pour la nourriture et le carburant mais reste nationale lorsqu’il s’agit de soutenir des véhicules et systèmes d’armes différents.
L’écart se comblera progressivement avec l’arrivée des systèmes SCORPION acquis grâce à CaMo. En deuxième position dans le plan d’équipement, le BCA entamera sa bascule 2027 avec la perception de ses premiers blindés Griffon. Le successeur des Dingo II et Piranha IIIC y est d’autant plus attendu que le volume acquis permettra d’équiper la totalité du bataillon, contrairement à la dotation partielle en usage dans les régiments de l’armée de Terre.
Côté belge, rendez-vous est déjà pris pour ORION 2026. Le délai permettra la prise en compte des enseignements recueillis, entre autres, par l’équipe d’évaluateurs-observateurs détachée par la Défense. Et, d’ici ce prochain jalon majeur, Belges et Français auront d’autres occasions de parfaire leur rapprochement en environnement opérationnel. Pour les Chasseurs ardennais, ce sera dès l’an prochain avec l’engagement en opération extérieur d’un sous-GTIA en appui du 16e bataillon de chasseurs à pied de Bitche.
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