Selon Mme Parly, neuf pays européens pourraient contribuer au détachement de forces spéciales Takuba
Lors de deux auditions parlementaires [l’une à l’Assemblée nationale, l’autre au Sénat], le général Marc Conruyt, le commandant de la force Barkhane, avait estimé que les Européens pourraient s’engager plus au Sahel, aux côtés des forces françaises.
« Soyons clairs sur l’engagement des Européens : ce qui est fait l’est de manière excellente et fait la différence, mais c’est encore trop peu. Beaucoup pourraient faire davantage, notamment en soutien direct à Barkhane », avait en effet affirmé le général Conruyt. Et de préciser, devant les sénateurs que même les « petites contributions » seraient d’une « grande utilité. »
Pour le moment, le Royaume-Uni contribue aux opérations de Barkhane avec trois hélicoptères de transport lourd [HTL] CH-47D Chinook. Et il a renforcé sa présence au Sahel avec l’envoi de 300 soldats au sein de la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA]. En revanche, le Danemark a retiré les deux hélicoptères EH101 Merlin qu’il avait envoyés à Gao, ce qui fait que la capacité d’héliportage de Barkhane a diminué de 20%.
L’Espagne et l’Allemagne apportent une contribution en matière de transport, via un C-130 Hercules depuis le Sénégal pour la première et deux Transall C-160 basé au Niger pour la seconde. Ces avions servent aussi à la MINUSMA et à l’EUTM Mali, la mission lancée par l’Union européenne afin de former les forces armées maliennes [FAMa] et à laquelle ces deux pays ont donné la priorité en 2021.
Mais le gros dossier reste la montée en puissance de Takuba, le détachement [ou Task Force – TF] de forces spéciales européennes relevant de Barkhane et appelé à accompagner au combat les forces armées locales.
La capacité opérationnelle initiale de ce détachement de forces spéciales a été prononcée à Gao, avec des éléments français et estoniens. Depuis, il accompagne les Unité légère de reconnaissance et d’intervention [ULRI] des FAMa, comme cela a été le cas en octobre dernier, lors de l’opération Bourrasque, ou encore très récemment, lors de la saisie de plus de 100 kg de composants servant à fabriquer des engins explosifs improvisés [IED] dans les environs de Menaka.
La pleine capacité opérationnelle de Takuba aurait dû être prononcée à l’automne 2020. Puis cet objectif a été reporté au début de cette année… puis, désormais, à l’été prochain. C’est à dire quand les unités tchèques, suédoises et italiennes seront déployées au Sahel.
« Le premier task group de Takuba, composé de Français, d’Estoniens, et jumelé avec une unité malienne, a été engagé dans Bourrasque dans des zones difficiles du Liptako et a donné entière satisfaction. Il préfigure le modèle qui sera suivi au début de l’année prochaine par les contingents tchèque, suédois et italien. Ceux-ci donneront à Takuba son volume critique. Mais nous aurons besoin encore d’un à deux task groups, ainsi que de capacités rares essentielles », avait résumé le général Conruyt, devant les députés.
Jusqu’à présent, on ne compte donc que quatre pays européens ayant manifesté leur intention de contribuer à la TF Takuba. La Norvège [qui n’est pas membre de l’UE] avait fait part de son intention d’y participer avant de se raviser pour des questions de politique intérieure.
Cela étant, invitée de l’émission « Questions politique » de France Inter, le 10 janvier, la ministre françaises des Armées, Florence Parly, a soutenu que la France n’est pas seule au Sahel. « La force Barkhane est accompagnée et soutenue par des moyens européens importants », a-t-elle dit, en évoquant les hélicoptères britanniques et danois. En outre, elle « bénéficie d’un appui considérable de la part des États-Unis pour tout ce qui concerne le renseignement, le ravitaillement et le transport », a-t-elle continué, avant d’affirmer qu’il « en va de même pour l’Espagne et l’Allemagne. »
Quant à la TF Takuba, « c’est en effet quelque chose de très nouveau » puisqu’il s’agit de réunir des forces spéciales européennes avec la « mission de combattre avec les armées maliennes », a rappelé la ministre. « Il y a déjà eu six opérations avec le groupement franco-estonien, accompagné d’une compagnie malienne », a-t-elle poursuivi. Et d’annoncer le déploiement, « en ce moment même », des « Tchèques et des Suédois ».
Visiblement, d’autres contributions européennes sont à venir. « Nous allons être renforcés encore parce qu’il y a beaucoup de pays européens qui, aujourd’hui, se manifestent », a révélé Mme Parly. « Il y a neuf pays qui se manifestent pour être à nos côtés », a-t-elle insisté.
Reste à voir quels sont ces pays… Sans doute faut-il les chercher parmi ceux qui, en mars 2020, ont dit soutenir l’opération Takuba. Outre ceux qui ont annoncé des contributions [Estonie, Suède, République tchèque], on trouve l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, le Portugal, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Seulement, tous ont écarté l’idée, du moins à jusqu’à présent, de contribuer à ce détachement de forces spéciales européennes.
Cependant, la Belgique, qui a cependant envoyé deux ou trois officiers de liaison, parle d’envoyer 250 soldats auprès de Barkhane pour une durée de trois mois. Mais ce déploiement est encore loin d’être acquis… Et le Portugal pourrait suivre la même voie, mais avec des effectifs plus réduits.
L’Italie n’a pas fait partie des pays ayant dit soutenir politiquement l’initiative Takuba. Et pourtant, elle est sur le point d’y engager des moyens importants, dans la mesure où il est question de 200 commandos et de 8 hélicoptères [4 NH-90 et 4 AH-129D Mangusta]. Même chose pour… la Grèce, qui est prête à déployer des commandos grecs essentiellement issus de l’ »Eidiko Tmima Alexiptotiston » [ETA], une unité spéciale de parachutistes.
Photo : © EMA