La France et la Pologne se lient par une clause de défense mutuelle
par Laurent Geslin – Euractiv – publié le 9 mai 2025

Paris et Varsovie vont accélérer leur coopération militaire, et les deux capitales sont désormais liées par une « clause de solidarité », qui pourrait s’étendre jusqu’à la dissuasion nucléaire si les intérêts vitaux des deux pays étaient menacés.
Le président Emmanuel Macron et le Premier ministre polonais Donald Tusk ont paraphé vendredi 9 mai à Nancy un traité d’amitié et de coopération renforcée, signe de l’importance stratégique prise par la Pologne sur le flanc oriental de l’Union européenne. Ce traité bilatéral est le premier conclu par Paris avec un pays non frontalier, après ceux parafés avec l’Allemagne (1963), l’Italie (2021) et l’Espagne (2023).
« Nous avons décidé d’envoyer un signal très clair en intégrant [dans ce traité] une clause de défense et d’assistance mutuelle, dans le prolongement de nos engagements communs dans le cadre de l’OTAN et de l’Union européenne », a expliqué le président français.
Cette clause de défense « implique l’ensemble des composantes » des capacités militaires des deux pays, a encore souligné Emmanuel Macron, qui a rappelé que les intérêts vitaux des « principaux partenaires » de la France étaient intégrés dans ses propres intérêts vitaux.
Début mars, Emmanuel Macron s’était déjà dit prêt à « ouvrir la discussion » sur l’élargissement de la dissuasion nucléaire française à certains pays européens. Paris envisagerait d’ailleurs d’augmenter son arsenal nucléaire.
Le traité de Nancy doit permettre une meilleure collaboration des armées françaises et polonaises, avec des réunions régulières des États-majors des deux pays, des exercices conjoints, et surtout « la mise en oeuvre et le développement de projets conjoints » dans le domaine de l’armement.
La première armée de terre d’Europe
Alors que Varsovie consacre déjà plus de 4% de son PIB à la défense, la Pologne ambitionne de devenir la première puissance militaire terrestre du continent européen d’ici 2035, avec une armée qui devrait dépasser les 300 000 hommes.
Elle aura donc « d’importants besoins en matière de formation » et pourrait s’appuyer sur l’expérience de l’armée française, note Léo Péria-Peigné, spécialiste des industries de défense pour l’Institut français des relations internationales (IFRI), et co-auteur d’une étude sur le réarmement polonais.
Pour Paris, il s’agit de poursuivre son « pivot vers l’Europe », après le désengagement de l’armée française du continent africain et le déploiement de plusieurs centaines de ses militaires en Roumanie et en Estonie. L’objectif affiché des autorités françaises est de prendre une place centrale dans la future architecture de sécurité du continent européen.
Construire un partenariat solide avec Varsovie pourrait aussi permettre d’ouvrir de nouveaux débouchés à la base industrielle et technologique de défense (BITD) française, alors que la Pologne se fournit pour l’heure principalement auprès des États-Unis et de la Corée du Sud.
L’année dernière, l’armée polonaise a commandé à Washington 96 hélicoptères de combat Apache et 48 lanceurs de missiles antiaériens Patriot. Ces dernières années, la Pologne s’est aussi équipé d’obusiers, de chars et d’avions sud-coréens.
« Nous allons progressivement introduire la préférence européenne dans l’industrie de la défense », a cependant promis vendredi le président polonais Donald Tusk.
Le « Triangle de Weimar » au cœur de l’Europe
La signature du traité de Nancy consacre le réchauffement spectaculaire des relations entre Paris et Varsovie, qui avait débuté avec la défaite aux législatives polonaises de 2023 des nationalistes du PIS. Les liens entre la France et la Pologne avaient beaucoup souffert en 2016 de l’abandon d’un contrat qui prévoyait la fourniture à l’armée polonaise de 50 hélicoptères H225M Caracal, fabriqués par Airbus.
Cette signature intervient aussi alors que le tout nouveau chancelier allemand Friedrich Merz – qui s’est rendu à Paris et Varsovie quelques heures après son élection – semble vouloir appuyer sa politique européenne sur ses deux partenaires du « Triangle de Weimar ».