Le ministre allemand de la Défense n’exclut pas de rétablir le service militaire obligatoire

Le ministre allemand de la Défense n’exclut pas de rétablir le service militaire obligatoire


En juin 2022, ayant annoncé la création d’un fonds de soutien doté de 100 milliards d’euros pour combler les lacunes capacitaires de la Bundeswehr, Olaf Scholz, alors chef du gouvernement allemand, affirma que l’Allemagne allait créer la « plus grande armée conventionnelle dans le cadre de l’Otan en Europe ».

Quelques semaines plus tard, lors d’un discours prononcé devant les cadres de la Bundeswehr, M. Scholz justifia cette intention. « En tant que nation la plus peuplée, dotée de la plus grande puissance économique et située au centre du continent, notre armée doit devenir le pilier de la défense conventionnelle en Europe, la force armée la mieux équipée d’Europe », avait-il expliqué.

Cela étant, dépenser d’importantes sommes d’argent pour réparer un outil militaire longtemps négligé ne suffit pas : encore faut-il que cela soit accompagné par des efforts en matière de préparation opérationnelle, de soutien, de recrutement et de formation.

Or, en matière de recrutement et de fidélisation, la Bundeswehr est à la peine, avec seulement 180 000 militaires alors qu’il lui en faudrait au moins 75 000 de plus pour lui permettre de tenir ses engagements à l’égard de l’Otan. D’où l’idée d’instaurer un service militaire volontaire, en s’inspirant, dans les grandes lignes, du modèle en vigueur en Suède.

Cette mesure, défendue par Boris Pistorius, reconduit à la tête du ministère allemand de la Défense par le nouveau chancelier, Friedrich Merz, sera-t-elle suffisante ? Rien n’est moins sûr…

Comme son prédécesseur, M. Merz a dit vouloir doter l’Allemagne de « l’armée conventionnelle la plus puissante d’Europe »… et être prêt à y mettre beaucoup de moyens pour atteindre cet objectif. « Compte tenu des dangers qui menacent notre liberté et la paix sur notre continent, le mot d’ordre pour notre défense doit être : quoi qu’il en coûte ! », a-t-il pu dire.

Le débat sur le rétablissement de la conscription, suspendue en 2011 [une « erreur » pour M. Pistorius, ndlr], est récurrent outre-Rhin. Mais, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il a pris une tout autre ampleur.

« La suspension de la conscription ne correspond plus à la situation de menace actuelle », a ainsi récemment estimé Florian Hahn, le porte-parole de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne [CDU/CSU]pour les affaires de défense. « Sans une sorte de nouvelle obligation de servir, nous ne parviendrons pas à recruter et à fidéliser le personnel dont nous avons besoin », a abondé le colonel André Wüstner, le président de l’Association de la Bundeswehr. Ex-commissaire parlementaire aux forces armées, Eva Högl, du Parti social-démocrate [SPD] ne dit pas autre chose…

Aussi, l’idée de rétablir le service militaire obligatoire en Allemagne fait son chemin… En tout cas, M. Pistorius ne l’exclut pas.

Pour le moment, le service militaire volontaire que ce dernier défend n’est pas encore entré en vigueur, alors qu’il était censé permettre de recruter 5 000 soldats de plus dès cette année. Cependant, a prévenu M. Pistorius dans les pages de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, s’il ne permet pas à la Bundeswehr de disposer des effectifs dont elle a besoin, alors « il sera peut-être décidé que nous passerons à une conscription obligatoire ».

En attendant, le ministre espère que la loi sur le service militaire volontaire soit adoptée « rapidement », afin qu’elle puisse entrer en vigueur dès janvier 2026.

Même s’il est basé sur le volontariat, ce service suppose cependant quelques obligations, les hommes étant ainsi tenus de remplir un questionnaire dès l’âge de dix-huit ans afin de déterminer leurs capacités à servir au sein de la Bundeswehr. Cette démarche est facultative pour les femmes. Ceux qui se disent prêts à effectuer une période militaire sont ensuite contactés en vue de leur éventuel recrutement.

Quoi qu’il en soit, si, en France, les principaux responsables militaires ne sont pas favorables à un retour de la conscription car attachés à une armée de métier, le chef d’état-major de la Bundeswehr, le général Carsten Breuer, est sur une tout autre ligne.

S’il estime possible que la Bundeswehr atteigne ses objectifs en matière de recrutement avec le service militaire volontaire, le général Breuer n’a pas écarté l’idée de rétablir la conscription dans le cas où la situation l’exigerait.

« Le service militaire obligatoire est une sorte de réassurance. Il pourrait être activé rapidement si la solution basée sur le volontariat n’était pas suffisante », a-t-il en effet déclaré auprès de Deutschlandfunk. « Si nous manquons de personnel et que la menace continue d’augmenter, alors une autre décision politique devra être prise », a-t-il insisté.