Pour forger les armes de la France… OTAN ou UE ? Dissolvant ou durcisseur ?
Se pose aujourd’hui la question de l’adaptation de notre outil de défense aux exigences de la nouvelle donne introduite par la révolution géopolitique générée par le conflit en Ukraine. Comme nous en abjure le GCA (2S) Jean-Tristan Verna, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain en répondant sans analyse sérieuse aux injections multiples qui viendraient de l’OTAN, de l’UE ou d’ailleurs. Notre outil de constitution capacitaire est tout à fait apte à répondre en liaison avec nos alliés aux défis qui se lèvent.
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Trente ans après la fin de la guerre froide, la crise russo-ukrainienne réinvente une confrontation géopolitique en Europe. L’Union européenne se découvre à ses frontières non plus seulement des partenaires économiques, mais un véritable ennemi politique agressif, tandis que l’Alliance atlantique et son bras armée, l’OTAN, voient ressusciter celui qui fut à ses origines, il y a trois quarts de siècle.
Le traitement collectif de la crise est-orientale aux niveaux politique et économique, tant par l’UE que par l’Alliance atlantique, pousse à une approche tout aussi collective de la réponse sécuritaire, immédiate au travers de l’aide apportée à l’Ukraine, à plus long terme par la réévaluation des politiques de défense en Europe et des moyens à leur consacrer.
Sous réserve qu’un épuisement médiatique et émotionnel ne renvoie la guerre sur le flanc Est de l’Union au statut d’une crise endémique aux seuls inconvénients économiques, sous réserve que le fragile consensus national américain sur cette crise ne s’effondre pas sous le coup des fractures qui lézardent le corps social du leader de l’Alliance, il y a fort à parier que le développement de la défense européenne et le renforcement des capacités de l’OTAN seront au cœur du débat sur la défense en France, au moment où s’énonce une nouvelle « Revue nationale stratégique » et s’annonce une nouvelle loi de programmation militaire.
Des voix s’élèveront pour donner au processus de constitution des capacités des armées françaises une teinture plus européenne pour certains, plus otanienne pour d’autres. Ces « teintures » pourront aller jusqu’à la volonté de mutualiser, non pas des capacités ― mutualisation déjà souvent dans les faits ―, mais le « développement capacitaire », sous ses volets programmatiques, financier et industriel. C’est une facilité financière souvent évoquée !
Le risque serait alors grand, et surtout paradoxal, que tout en refusant de jeter l’eau de l’autonomie stratégique nationale, l’on en jette le bébé de la capacité nationale de concevoir et forger « les armes de la France ».
Cette capacité fait volontiers l’objet de critiques mal fondées, ou plutôt fondées sur le travers national de l’autoflagellation, lui-même assis sur le manque de recul historique et l’absence de comparaison avec les nations équivalentes.
Mais en y regardant de plus près, que constate-t-on ?
Depuis une trentaine d’années, la France a consacré à sa défense moins de 2 % de sa création de richesse nationale mesurée par le PIB. Une partie de cet effort a été absorbée par la professionnalisation des armées, les restructurations qui l’ont accompagnée et la réintégration dans les structures militaires de l’OTAN.
Sous l’autorité de quatre présidents de la République et avec plusieurs changements de majorité parlementaire, la période a connu deux livres blancs, quelques « réévaluations stratégiques » et cinq lois de programmation, autant de « bégaiements » politiques, caractéristiques précieuses d’une démocratie.
Pour les armées françaises, ces décennies ont été de plus une succession et une superposition ininterrompues d’engagements opérationnels particulièrement exigeants pour les militaires et leurs familles, les matériels, le système logistique et le budget.
Malgré ces efforts d’organisation et cette respiration démocratique, et alors que les armées britanniques sont réputées toujours épuisées par leurs engagements en Irak et Afghanistan, accumulant réformes jamais terminées et programmes d’armement en déshérence, alors que de l’aveu même de leurs chefs les armées allemandes se déclarent en 2022 incapables de faire face à toute menace d’une certaine importance, notamment en raison de l’état de leurs parcs d’équipement, la France a lancé et réalisé avec succès le double défi du renouvellement des moyens de sa dissuasion nucléaire ― capacité complète autonome unique en Europe ― et la modernisation d’ensemble des équipements conventionnels des trois armées et de ses capacités spatiales, ainsi que la montée en puissance de sa composante cyber.
Bien évidemment tout n’est pas parfait.
Le tournant des drones a été manqué ; de concert avec le retard de certains programmes majeurs, il a contraint à déverser plusieurs milliards d’euro sur l’industrie aéronautique américaine. Mais ― Ukraine aidant ― la barre se redresse pour les drones, et l’A400M Atlas ― puisqu’il s’agit de lui ― a atteint sa maturité. Dans trente ans, les officiers qui le piloteront (ils sont aujourd’hui en classe maternelle ou primaire !) n’auront même pas conscience de ses défauts de jeunesse… comme de ceux du Transall en son temps !
En outre, la volonté de bien équiper les armées a conduit à tirer au plus juste les stocks de munitions et de rechanges, tout comme elle a souvent fait du budget d’entraînement une variable d’ajustement dont seuls les états-majors étaient vraiment conscients.
Cependant les questions logistiques sont-elles vraiment vitales ? La France, en quelques mois, a mis en place des chaînes industrielles de vaccins et de médicaments, tout comme elle construit d’arrache-pied des méga-usines de batteries pour l’industrie automobile ; elle saura rapidement relancer ses fabrications de munitions et de pièces de rechange, sous réserve d’avoir accès aux matières premières et à la main d’œuvre qualifiée. Ce n’est en réalité qu’une question d’argent et surtout d’acceptation de voir des stocks coûteux immobilisés, gérés et entretenus, la même affaire que pour les masques chirurgicaux !
Le système français de production des capacités militaires est donc tout à la fois efficace car il équipe les forces avec les matériels dont elles estiment avoir besoin, et efficient puisqu’il atteint ces objectifs avec un prélèvement raisonnable sur la richesse nationale et en respectant globalement les délais attendus[1].
Ce résultat n’est pas dû au hasard. Il trouve ses origines dans la bonne répartition des rôles au sein des armées, entre les états-majors et la direction générale pour l’armement, dans l’existence d’une base industrielle solide et organisée, dans un processus interministériel d’arbitrage financier qui se concrétise par une programmation militaire robuste. Ce monde n’est pas celui des « Bisounours ». Les confrontations et les débats y sont intenses, les compromis y sont quotidiens, les « revoyures » font partie du jeu, mais les impasses et les blocages totaux ne durent jamais bien longtemps.
Ce résultat n’est pas pour autant garanti sans une attention de tous les instants, et les pertes de compétences peuvent survenir rapidement, comme ce fut le cas dans les domaines de l’armement individuel, ou de certaines munitions. Mais, malgré les turbulences économiques et techniques des trente dernières années, le « système français de production des capacités militaires » a évité la perte de compétence systémique dont on taxe parfois le nucléaire civil.
Aussi, dans un moment où bien des regards sont tentés de se tourner vers l’OTAN ou les processus européens pour contribuer au renforcement de notre défense, il ne paraît pas illégitime de poser quelques questions.
Quels effets produirait l’introduction dans le système français de développement capacitaire de nouveaux besoins communs, de nouvelles procédures partagées, de nouvelles coopérations ?
Quelles en seraient les conséquences sur chacune des composantes de notre système : l’appareil militaro-technique, qui au sein du ministère des armées établit les compromis débouchant sur un « référentiel de programmation »partagé, la mécanique budgétaire de programmation pluriannuelle des investissements, la complétude de la base industrielle, dont il ne faut pas oublier qu’une de ses finalités historiques est de garantir la souveraineté nationale en matière de capacités nucléaires ?
Et en fin de compte, comment maîtriser les risques que pourrait faire peser sur l’efficacité et l’efficience de notre système l’arrivée massive d’injonctions extranationales ou de rêves de partage supranational des responsabilités en matière de constitution des capacités militaires ?
Abordons ces questions successivement sous le regard de l’OTAN et l’approche européenne, en insistant sur cette seconde.
L’OTAN n’est pas une « terra incognita ». En dépit de la rupture gaullienne de 1966, les liens techniques n’ont jamais été rompus. Hors nucléaire, en matière d’interopérabilité des matériels et des procédures opérationnelles, la France ― troisième contributeur budgétaire de l’organisation[2] ― n’a toujours produit que des équipements « NATO compatible », au fil des « STANAG »[3] à l’élaboration desquels elle participe en continu[4].
Il n’y a donc aucune urgence à aligner nos équipements et les processus qui les produisent sur ceux de l’OTAN, même si le recours à certaines agences de l’organisation, notamment pour la logistique, peut être une facilité courante, bien qu’au demeurant peu appréciée par nos vestales du code des marchés publics.
Évidemment, dans toute alliance entre « inégaux », il y a la tentation pour le dominant de promouvoir ses produits, étape ultime de la standardisation. Mais force est de constater que les nations européennes membres de l’OTAN et disposant d’une longue et forte tradition d’industrie de défense, y ont résisté depuis les débuts. Même l’Allemagne, intégrée dans les années 50, a su reconstituer sa base industrielle de défense nationale détruite en 1945, sauf dans le domaine aéronautique, ce qu’elle vise à faire désormais[5]. Seuls les nouveaux entrants d’Europe orientale n’ont pu faire ce choix, leur industrie ayant été désarticulée dans l’intégration horizontale pilotée par l’URSS.
Ainsi au sein de l’OTAN, si les échanges techniques sont la règle, c’est le rapport de force industriel qui compte. Celui qui dispose d’une capacité globale de conception, de production et de soutien de matériels performants est respecté, comme l’est par ailleurs son autonomie d’emploi de ses équipements, ce qui n’est pas le cas pour les équipements venus des États-Unis, comme nous l’avons vu lors de certains engagements récents des forces françaises.
Alliance opérationnelle par excellence, l’OTAN attend donc avant tout de ses membres qu’ils soient capables de déployer hommes équipés et états-majors qualifiés. La rationalisation des équipements n’est pas le sujet, dès lors qu’ils sont « aux normes ».
Avec l’Europe, la donne est différente. Dès les fonts baptismaux, la Communauté, aujourd’hui l’Union, s’est fixé pour tâche d’unifier les pratiques et leurs produits, dans les domaines que les membres lui avaient confiés. Une vision légitime dans la mesure où l’objectif fondamental de la construction européenne fut, et reste, d’assurer « paix et bien-être » sur un continent passé par deux catastrophes internes au cours du XXe siècle, du fait de nationalismes exacerbés.
Longtemps absent des préoccupations communes, le domaine des capacités militaires s’y est introduit progressivement, et prend désormais ― guerre d’Ukraine aidant ― une place bien visible.
Au-delà des instruments récemment mis en place pour compenser par de l’argent commun les efforts réalisés par des États membres qui livrent des matériels à l’Ukraine, l’UE suit deux objectifs, affirmés de longue date : par l’harmonisation des besoins, aller vers une réduction du nombre de matériels d’un même type (trop de chars, d’avions, etc… différents au sein de l’UE) et réaliser une concentration de l’industrie de défense européenne, mettant fin à sa dispersion pour créer une base industrielle de défense européenne cohérente, sans pour autant supprimer une certaine concurrence[6].
Depuis la création de l’Agence européenne de défense (AED) en 2004, le premier objectif a fait l’objet de multiples travaux auxquels les nations ont contribué, sans grand succès. Pour ne parler que du domaine terrestre, les projets communs de blindé, engin d’infanterie, « soldat du futur » se sont enlisés au fil de multiples sessions bruxelloises, faute d’un consensus sur les « caractéristiques militaires ». Mais au-delà des seules caractéristiques militaires, ces travaux auxquels les industries nationales étaient parties prenantes, ont anticipé, comme toujours, les questions ultra sensibles de propriété et charge industrielles.
Car le second objectif, la concentration industrielle, reste un vœu pieu après plus de vingt ans de rapports de parlementaires et d’experts. Les industries de défense nationales, fruits des guerres européennes du siècle passé, ne peuvent pas être restructurées de la façon autoritaire dont le Département de la défense américain usa à la fin de la guerre froide, d’autant que la réduction des commandes qu’annonçait cette « fin de l’histoire » constituait en soi une incitation à la rationalisation industrielle.
Aujourd’hui, « la guerre de haute intensité » est aux portes de l’Europe heureuse et insouciante. Elle entraîne hausse des budgets, relance de certaines fabrications, accélération de quelques programmes et ouverture de nouveaux marchés moins sulfureux que ceux situés à l’Est de Suez. Dans ce contexte nouveau, qui voudra renoncer à sa capacité nationale de conception et de production, s’il en possède une ?[7]
Que propose réellement l’Europe aujourd’hui ?
Tout d’abord des volumes financiers très modestes dans l’absolu, qui ne constituent en rien une alternative, ni même un appui aux besoins de financement de la prochaine LPM française.
Le fonds européen de défense (FED) est doté de 8 milliards d’euros sur la période 2021-2027. En 2022, une allocation de 924 millions a été libérée au profit de 33 projets.
Sur la même période 2021-2027, le programme d’innovation EUDIS finance pour 2 milliards de projets innovants, dont 74 % à provenir du FED[8].
Le mécanisme EDIRPA[9], lancé en 2022 dans l’urgence de la guerre en Ukraine et dans une vision de court terme, est doté de 500 millions sur 2022-2024.
Les injonctions, y compris venant de la Cour des comptes, de profiter de cette « manne européenne » doivent donc être relativisées, en regard de la faiblesse des montants annoncés rapportée à la durée de leur période d’écoulement[10].
Ensuite, ces financements constituent des incitations à la présentation de besoins communs à plusieurs pays (au minimum trois pour EDIRPA), portés par des consortiums industriels issus de ces pays, toujours avec en tête les deux objectifs cités plus haut. Bien que confrontés à un niveau de complexité bureaucratique moindre, les programmes franco-allemands qui défraient actuellement la chronique fournissent un exemple frappant de ces « mirages industriels » rêvés[11]…
Enfin, même si la réalité ne rejoint pas forcément les intentions, les démarches européennes font la part belle à la promotion des PME, voire des start-up, au sein de la base industrielle souhaitée. Or, force est de constater que ce segment de la chaîne de valeur de l’industrie de défense en est le plus fragile. Certes, il est réputé « agile et créatif », mais ses limites capitalistiques, sa faible puissance dans le domaine des approvisionnements et la volatilité de sa ressource humaine en font surtout, soit une proie pour les intégrateurs, soit une charge rapidement incompatible avec les règles commerciales pour les donneurs d’ordre étatiques. Dans les deux hypothèses, un gaspillage d’énergie !
Les initiatives européennes en matière de défense et leur accélération récente, constituent une réelle avancée politique et doivent être soutenues dans cet esprit, y compris pour faciliter la prise de conscience de la situation sécuritaire du continent par les opinions publiques, tout en accrochant à la dynamique européenne certains pays membres dont le tropisme otanien les pousse naturellement dans les bras de l’industrie américaine. Mais, pour le développement capacitaire des armées françaises, elles n’apporteront rien de disruptif, tout au plus permettent-elles de mutualiser certains efforts de recherche fondamentale ou appliquée dont on verra bien ensuite, et avec quelles difficultés, leurs résultats pourront être transférés dans l’activité industrielle productive, forcément nationale[12].
Pour répondre de façon synthétique aux questions posées en tête de ce développement, une réflexion préalable s’impose : contrairement aux instances qui traitent de défense à Bruxelles, l’OTAN, « attelage entre inégaux », a bâti en près de 75 ans des normes qui laissent ensuite l’excellence technologique et industrielle établir la hiérarchie entre ses membres. Les États-Unis en sont le principal bénéficiaire, mais, qu’elle l’ait fait isolément après 1966 en s’appuyant sur la dynamique de la dissuasion nucléaire, ou en renforçant sa coopération avec l’organisation au tournant des années 2000, la France a gagné sa place dans le peloton de tête de l’OTAN, d’autant que les performances de son industrie viennent en complément de son fort et efficace engagement dans les activités opérationnelles de l’organisation. Sous le parapluie de l’OTAN, les processus capacitaires nationaux restent libres… sous réserve d’être forts ! La preuve en est que la seule injonction de l’OTAN est un niveau de dépense, tant global (2 % du PIB) que pour l’équipement (20 % des budgets nationaux, un seuil largement dépassé par la France).
Il en va autrement avec l’Europe de la défense. Démarche de montée en puissance, elle reste fidèle au principe de l’intégration horizontale de tous ses membres, avec une prime à ceux qui présentent des faiblesses structurelles. Les acquis antérieurs des membres fondateurs, ou fortement engagés dans le domaine de la défense, seront volontiers qualifiés « d’arrogance », et traités sur le même plan que des projets plus fragiles mais respectant la dynamique instituée à Bruxelles : des appels à projets ex nihilo privilégiant la constitution de consortium industriels sans historique significatif. L’éviction de MBDA du projet HYDEF (concernant les missiles hypervéloces) au profit d’un industriel espagnol peu connu, est illustratif. Pourtant, MBDA n’était-elle pas une entreprise multinationale au sein de laquelle trois pays européens avaient concentré toute l’excellence dans le domaine des missiles ?
Si la constitution d’une base industrielle européenne impose de ruiner ce qui a été réalisé dans le passé, le jeu n’en vaut peut-être pas la chandelle.
D’autant que la gouvernance industrielle et politique de ces projets risque de devenir ensuite un exercice bien plus risqué, c’est-à-dire long et compliqué, que celui qui caractérise la conduite des projets confiés à l’OCCAR, ce qui est peu dire.
Sous l’égide de l’Europe, les processus capacitaires robustes structurés de longue date par la France, entreraient dans une zone de turbulence, pour des fruits dont le contour reste aléatoire.
S’il s’agit de mettre en place des mécanismes financiers permettant, dans le contexte de la guerre sur le flanc Est ― et sans doute de ses suites ― d’organiser de façon plus rationnelle l’approvisionnement de l’Ukraine, il n’y a pas d’hésitation à avoir.
S’il s’agit de donner une impulsion à la recherche fondamentale de défense, avec le but de mieux structurer les capacités de développement face à la concurrence non seulement des États-Unis, mais de challengers asiatiques, pourquoi pas, à condition que les avancées réalisées le soient à un coût très marginal par rapport aux besoins du développement capacitaire de moyen terme et que leur « ruissellement » vers l’industrie ne s’apparente pas un nouveau « travail d’Hercule » épuisant.
S’il s’agit plutôt de bâtir une nouvelle architecture administrativo-industrielle dans le but d’uniformiser et rationaliser les capacités de défense européenne, nous sommes alors dans une vision potentiellement destructrice pour notre système de développement capacitaire, dans ses processus d’élaboration des besoins, d’arbitrage financier et de préservation d’une base industrielle nationale pérenne. Faut-il prendre ce risque à un moment où, en mettant en exergue l’impératif de « souveraineté » dans un contexte « d’économie de guerre permanente », la Revue nationale stratégique pose des défis qui, outre de l’argent, vont demander une forte robustesse à notre système national de constitution et d’entretien des capacités militaires ?
- Une efficience sous-estimée puisqu’en réalité 48 % de la dépense budgétaire en matière d’équipement revient en moins de deux ans dans les caisses de l’État sous la forme, principalement, de rentrées fiscales (Jean-Michel Oudot, « L’effort d’équipement de défense, un coût net modéré pour l’État », EcoDef n°9, avril 2017 – Observatoire économique de la Défense).
- Contributions au budget de l’OTAN. États-Unis : 22,14 % ; Allemagne : 14,65 % ; France : 10,63 % soit 5 % du budget de l’OTAN ; Royaume Uni : 9,85 % ; Italie : 8,41 % (site du MAE – France diplomatie, octobre 2022).
- Pour « standardization agreement », « accord de standardisation » en bon français.
- L’OTAN ne possède en propre qu’une flotte d’avions de surveillance avancée, qu’elle tend à renforcer avec l’acquisition d’une flotte de drones Global Hawk.
- Les difficultés que vit le programme franco-allemand SCAF, concomitantes de la décision d’acquérir des F-35 pour la mission nucléaire de l’OTAN, sont moins une illustration de la volonté allemande « d’acheter américain » que de celle de reconstruire une autonomie en matière de construction aéronautique militaire. Le musée Messerschmitt de Manching, en Bavière, se visite en même temps que l’usine d’Airbus Defence & Space où il est implanté… On y offre volontiers aux Français un pin’s du Messerschmitt 109.
- Et sans s’interdire, d’une autre main, de menacer l’industrie de défense de la placer sur une liste noire en matière d’investissement.
- La demande, portée par l’Allemagne, d’un règlement européen supranational en matière d’exportation doit être suivie avec attention et prudence !
- Même s’il fait l’objet de quelques « bourrages », le budget de l’Agence (française) d’innovation de la défense est de 1 (un) milliard par an, avec une programmation assurée sur 5 années glissantes.
- European Defence Industry Reinforcement Through Common Procurement Act.
- Sur une période équivalente, la France vient de dépenser près de 200 milliards pour sa défense dans le cadre de l’actuelle LPM, dont près de la moitié en investissements. Elle en fera un peu plus durant la prochaine LPM, ce qui donne leur vraie valeur relative aux 100 milliards sur cinq ans votés à l’été 2022 en Allemagne, au-delà du « choc » provoqué par cette annonce !
- La création d’EADS, devenu Airbus, relève d’un « miracle » politico-industriel daté dans son époque. En dépit de son « D », ce sont des aspects civils qui furent les plus incitatifs face à Boeing. Sa reproduction paraît peu probable dans l’époque actuelle, et pour le seul domaine de la défense.
- Par exemple, l’ONERA, avec d’autres organismes de recherche européens, participe au projet AMALIA de l’AED pour l’amélioration et l’allègement de la protection des engins blindés, projet piloté par l’italien RINA. En n’oubliant pas qu’avec l’Institut Saint Louis, la France et l’Allemagne se sont dotées de longue date d’une structure très performante de recherche fondamentale dans ces mêmes domaines…