La France va-t-elle coopérer avec l’Italie pour se procurer au moins deux croiseurs lourds DDX ?
Si l’on s’en tient à la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, la Marine nationale disposera, à l’horizon 2035, de quinze frégates dites de premier rang, à savoir huit frégates multimissions [FREMM et FREMM-DA], deux frégates de défense aérienne [FDA] et cinq frégates de défense et d’intervention [FDI], auxquelles s’ajouteront six sous-marins nucléaires d’attaque [SNA] de type Suffren, six patrouilleurs outre-mer [POM], dix patrouilleurs hauturiers [sept ont été commandés] et six corvettes aux capacités militaires accrues par rapport aux actuelles frégates de surveillance.
Lors de ses dernières interventions médiatiques, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a déclaré que ce format était insuffisant au regard de la situation sécuritaire actuelle et à venir. Aussi a-t-il a évoqué l’ajout possible de trois navires de premier rang supplémentaires.
Par ailleurs, dans une réponse à une question écrite posée par la députée Nathalie Da Conceicao Carvalho, le ministère des Armées a confirmé que l’armement des frégates de défense et d’intervention, insuffisant car résultant de choix faits « en adéquation avec les besoins militaires et les ressources financières allouées », allait être renforcé.
« Des mesures conservatoires ont été prises pour faire évoluer les frégates dans le temps et s’adapter à l’évolution des menaces et du contexte opérationnel. Les missions récentes confirment ce besoin et les évolutions visées pour renforcer l’armement des frégates », a-t-il en effet avancé.
Pour rappel, les FDI commandées auprès de Naval Group ne disposent que de seize cellules Sylver A50 pour tirer des missiles surface-air ASTER 30, de huit missiles antinavires Exocet MM40 Block 3C, d’une tourelle de 76 mm, de deux canons téléopérés de 20 mm et de deux doubles tubes lance-torpilles.
Quoi qu’il en soit, dans sa question, Mme Da Conceicao Carvalho a demandé au ministère des Armées s’il envisageait de nouer une coopération avec l’Italie en vue de se procurer deux, voire quatre, exemplaires du « super-destroyer DDX », un navire actuellement en phase de conception chez Fincantieri.
Selon les derniers développements de ce programme, le DDX doit afficher un déplacement de 14 500 tonnes [ce qui le rapproche d’un « croiseur lourd »]. Doté d’un radar puissant de type bi-bande à faces fixes fonctionnant en bande X et S, il disposera de 80 cellules de lancement vertical [48 Sylver A50 et 32 A70] lui permettant notamment d’emporter des missiles intercepteurs Aster 15 et 30B1 NT ainsi que des missiles de croisière.
A priori, l’éventualité d’une coopération avec l’Italie autour de ce nouveau type de navire n’est pas totalement écartée par le ministère des Armées, alors qu’elle avait été catégoriquement exclue selon des informations de Mer & Marine publiées en 2020. « Les marins, qui vont déjà devoir ferrailler pour obtenir les crédits nécessaires aux projets déjà initiés, ne voient quant à eux aucun intérêt à se lancer dans le projet DDX », avait avancé le site spécialisé, à l’époque. Mais les temps ont changé… et la conception du futur « cacciatorpediniere » de la marine italienne aussi.
« Pour la majorité des programmes d’armement, les coopérations européennes sont recherchées et encouragées. Dans le domaine naval, l’Italie et la France entretiennent un partenariat étroit, notamment au sein de la société Naviris [la coentreprise de Naval Group et de Fincantieri, ndlr] », a-t-il d’abord rappelé, en citant les programme FREMM, FDA, BRF [Bâtiment ravitailleurs de force] ainsi que le développement des missiles Aster.
« Cette coopération trouve son prolongement et sa finalité en opérations comme lors d’entraînements de haut niveau permettant d’approfondir l’interopérabilité, faire progresser les capacités d’engagement conjoint et renforcer l’autonomie stratégique européenne. Le traité du Quirinal offre ainsi des perspectives pour renforcer davantage ce partenariat », a poursuivi le ministère, avant de souligner qu’il était en train de conduire « un travail d’évaluation et de chiffrage de l’accélération de notre réarmement et du renforcement de nos capacités » et que la « trame des frégates en fait évidemment partie ».
En matière de défense, le Traité du Quirinal indique que la France et l’Italie « développent leur coopération dans le domaine du renforcement des capacités d’intérêt mutuel, en particulier en ce qui concerne la conception, le développement, la production et le soutien en service, afin d’améliorer l’efficacité et la compétitivité de leurs systèmes industriels respectifs et de contribuer au développement et à l’approfondissement de la base industrielle et technologique de défense européenne ».
Et la feuille de route qui l’accompagne parle « d’intensifier la collaboration déjà existante dans le secteur naval, des systèmes de missiles et des munitions de nouvelle technologie ».