Le général Schill précise la nouvelle organisation des brigades interarmes de l’armée de Terre
Cependant, lors de son passage devant les députés de la commission de la Défense, le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], a donné une autre justification au report des livraisons de 1200 blindés [Griffon, Jaguar, Serval et autres Leclerc portés au standard XLR].
« Pour ce qui concerne […] le programme SCORPION, les cibles ne sont pas réduites et notre objectif à terminaison reste d’atteindre les volumes précédemment définis. L’atteinte de ces cibles est néanmoins reportée au-delà de 2030. Nous devions faire un choix et je l’assume totalement, même si dans un monde idéal, j’aurais évidemment souhaité à la fois maintenir le rythme prévu et acquérir des capacités supplémentaires qui n’étaient pas prévus que nous avons pu financer », a d’abord expliqué le général Schill.
« J’ai proposé moi-même que les munitions téléopérées, les charges actives cyber, certains blindés destinés à notre défense sol-air, l’accélération de la lutte antidrones et les unités de robots soient financées en contrepartie d’un lissage du programme SCORPION », a-t-il ensuite affirmé.
Plus précisément, ces nouvelles capacités réclamées par le CEMAT se traduiront par la livraison de munitions téléopérées, de 24 Serval équipés d’une tourelle MISTRAL [missile transportable anti-aérien léger] et de 12 Serval de lutte anti-drone qui viendront complérer 12 Véhicules de l’avant blindé [VAB] de type ARLAD. Il est aussi question d’acquérir de nouveaux radars de détection afin de « maitriser l’espace et les menaces aériennes au-dessus des forces terrestres ».
Plus généralement, l’armée de Terre va de nouveau se « transformer », selon le plan « Une armée de Terre de combat« , que le général Schill a succinctement évoqué sur les réseaux sociaux. Et, lors de son audition, il a livré quelques éléments supplémentaires.
« Ma priorité portera sur le commandement : en veillant à ce que chaque échelon soit à sa bonne place, en donnant de l’autonomie, en réintroduisant de la subsidiarité, c’est-à-dire en tendant vers le respect du triptyque ‘une mission, un chef, des moyens’ pour mieux fonctionner. La maîtrise du risque, l’obligation de résultat et le succès de la mission sont la contrepartie à la subsidiarité », a-t-uil fait valoir.
Ainsi, le commandement des forces terrestres [CFT] va être réorganisé, en vue d’obtenur un « gain de cohérence », ce qui passera, a détaillé le CEMAT, par un « poste de commandement de niveau corps – le CRR-FR – et deux PC de division, chaque division possédant en propre son bataillon de commandement et de quartier général, en mesure de préparer le combat et le diriger ».
En outre, a-t-il poursuivi, il y aura « trois commandements pour apporter aux divisions les capacités nécessaires dans les domaines du renseignement, des opérations dans la profondeur, des actions spéciales, de l’hybridité, du cyber, des appuis et de la logistique ». Et le tout reposera sur « des brigades interarmes et spécialisées, plus autonomes ».
Parmi celle-ci, les régiments d’infanterie verront leur format réduit… mais leurs capacités seront « significativement renforcées […] dans tous les champs », a indiqué le général Schill. Ainsi, et comme l’a déjà suggéré M. Lecornu lors de ses récents déplacements, ils compteront une section de mortiers de 120 mm ainsi qu’une section « d’attaque électronique » [et non pas « d’appui électronique]. En outre, ils disposeront d’unités dotés de « munitions téléopérées, de robots terrestres » et de « capacités anti-char » renforcées.
« Bien sûr, les Griffon et les Serval continueront à remplacer les véhicules d’ancienne génération. Demain, la transition de la [Peugeot] ‘205’ à la voiture connectée sera achevée. Cela fait plus de 40 ans que les VAB équipent nos régiments d’infanterie, les GRIFFON et SERVAL arrivent et sont dès à présent déployés en Roumanie et en Estonie », a assuré le CEMAT.
Quant aux régiments de l’Arme Blindée Cavalerie [ABC], leurs « capacités d’agression » seront renforcées, avec, là aussi, des munitions téléopérées. Il en ira de même pour leurs moyens de renseignement [drones, radars]. Enfin, ils diposeront eux aussi e nouvelles unités dédiées à la guerre électronique et/ou au renseignement technique. « Une majeure partie de nos chars Leclerc [160 sur 200, ndlr] sera rénovée autour d’une pérennisation de leur motorisation, d’une meilleure protection, d’une connectivité modernisée et de nouveaux viseurs », a promis le général Schill.
Par ailleurs, l’artillerie pourra remplacer ses 13 LRU [dont au moins deux ont été cédés à l’Ukraine] par autant de lanceurs de nouvelle génération d’ici 2030. Cette dotation pourrait doubler en 2035. Mais, d’après le CEMAT, chacun de ses régiments disposera de 16 CAESAr NG [Camions équipés d’un système d’artillerie de nouvelle génération], de 8 motiers embarqués sur Griffon pour l’appui au contact [MEPAC] et de munitions téléopérées de type LARINAE à l’horizon 2028. Et sans oublier de « nouveaux moyens d’acquisition et de renseignement avec une quinzaine de véhicules d’observation artillerie, des radars de surveillance terrestre, et des drones SDT-L complémentaires aux SMDR [Système de mini-drones de renseignement] déjà livrés et au SDT du 61e régiment d’artillerie ».
Le SDT-L [Système de drones tactiques légers] ne figure pas dans le projet de LPM 2024-30. Cependant, la Direction générale de l’armement [DGA] a émis une demande d’information [RFI] pour un drone à décollage vertical [si possible] de moins de 150 kg et d’une autonomie de 14 heures et capable d’assurer des missions de renseignement image et électronique, voire de désignation laser.
Enfin, le Génie va être réorganisé, tout en bénéficiant d’un renforcement de ses effectifs. Cela « lui permettra de recréer des unités disparues spécialisées dans le minage, le contre-minage et le franchissement » ainsi que « de densifier des capacités échantillonnaires aujourd’hui comme l’ouverture d’itinéraire, le franchissement fluvial », a expliqué le général Schill. Et d’ajouter : « En plus des premiers engins du combat du génie et des 8 premières portières de franchissement SYFRALL, l’arrivée des GRIFFON et SERVAL Génie assurera la mise sous blindage des unités de combat du génie ».
L’objectif de cette réorganisation est « d’accroître l’autonomie » des brigades interarmes, composées pour la plupart de trois régiments d’infanterie, deux de cavalerie, d’un d’artillerie et d’un du génie, en vue de « déployer une unité de combat opérationnelle sur le terrain ». Et cela selon trois axes.
Le premier portera sur le « ciblage tactique », grâce à la mise en réseau des moyens de renseignement » [grâce aux drones et aux radars] ainsi qu’aux capacités d’action afin d’établir « une chaîne de frappe efficace ». Le second se contrera sur l’hybridité, avec « pour objectif de progresser dans l’action spéciale terrestre, l’influence, le partenariat et les actions de déception, pour fournir aux divisions ou aux corps d’armée déployés des capacités accrues et plus cohérentes dans ce domaine ».
Enfin, a expliqué le CEMAT, le troisième axe concernera la logistique « au sens large ». Et c’est une leçon rappelée par la guerre en Ukraine. « Il faut sortir de l’idée que ‘la logistique suivra’ » et il est « primordial que notre capacité d’autonomie et de soutien logistique monte en gamme pour construire une véritable manœuvre », a-t-il soutenu.