Le CEMAT britannique « se lache«
C’est à l’occasion de La Land Warfare Conference organisée par le Royal United Services Institut que le Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre (CEMAT) britannique est revenu en détail sur les principaux enseignements de la guerre en Ukraine et leur impact sur les forces britanniques. Cette intervention a permis au CEMAT britannique de revenir sur quelques enseignements et de dresser un tableau plutôt sombre des capacités de l’armée de terre. Bien que centrés sur les problématiques inhérentes à cette dernière, les propos du General Sanders peuvent également être lus au-delà du Channel !
Le Général Sanders a ouvert son propos en rappelant que la notion de masse de manœuvre constituait une des leçons les plus importantes du conflit ukrainien, avant d’adresser une mise en garde appuyée à ceux qui souhaitent réduire les capacités de l’armée britannique dans ce domaine et diminuer les financements.
Pour le CEMAT britannique, le Royaume-Uni a besoin d’une capacité de combat nationale et ne doit pas se cacher derrière les armées des autre pays de l’Otan. Ces propos interviennent au moment où un débat sur sa capacité à mener de façon indépendante des opérations de haute intensité à grande échelle, anime l’armée britannique. Ce débat a été récemment relancé par la publication d’informations selon lesquelles l’Allemagne pourrait conserver pour une année supplémentaire le contrôle de la VJTF (Very High Readiness Joint Task Force) en lieu et place du Royaume-Uni prévu pour assurer cette mission à compter du 1er janvier 2024. Le secrétaire d’Etat à la Défense, Ben Wallace a démenti ces informations et a déclaré être engagé dans la prise de commandement de la VJTF en 2024. Ce dernier avait affirmé en janvier dernier que l’armée britannique était incapable de déployer une division de 10 000 prête au combat. Cette situation ne devrait pas connaitre d’amélioration en raison du format proposé par la Revue intégrée, qui fixe à 72500 les effectifs de l’armée de terre pour 2025. L’officier général a également souligné la nécessité de considérer les enseignements de la guerre en Ukraine avec toute la distance nécessaire, se demandant ce qu’il serait advenu si l’armée britannique dans les premières semaines du conflit avait décidé d’abandonner ses chars pour investir dans l’acquisition de drones tels que le TB2 Bayraktar produit par la Turquie.
A propos des équipements, le Général Sanders a déploré l’état de l’armée britannique rappelant qu’un écrasante majorité (35 sur 38) des engins en service était dépassée et inaptes à remplir les missions prévues, comparant leur utilisation à celles de téléphones à cadran dont les militaires britanniques seraient obligés de se servir à l’heure des smartphones ! Le CEMAT britannique a appelé à une accélération du renouvellement des capacités de l’armée de terre, qui devrait disposer d’un budget de 51,4 milliards d’euros destinés à l’acquisition de nouveaux équipements d’ici la fin de la décennie. Le futur Defence Command Paper dont la publication est prévue le 21 juillet pourrait permettre de réviser certains projets en cours, afin de mieux adapter les futures acquisitions aux priorités formulées à la lecture des enseignements de la guerre en Ukraine. Le Général Sanders doit quitter le service actif l’année prochaine à moins que ses propos fortement critiqués par le Gouvernement ne le contraignent à anticiper son départ.
Dans le domaine des blindés, les difficultés de l’armée britannique en matière d’équipement restent symbolisées par le déroulement heurté et maintes fois retardé du programme Ajax ainsi que par le faible nombre de chars Challenger 2 devant être portés au standard 3 par Rheinmetall. Ce choix soulignant au passage l’absence d’industriel britannique capable de mener à bien cette opération. Les enseignements de la guerre en Ukraine pourraient modifier la situation de l’armée britannique et permettre au RAC (Royal Armoured Corps) de retrouver quelques couleurs assez rapidement. On peut faire confiance au pragmatisme britannique !