La France pourrait développer son propre char de combat dans le cadre du projet MGCS
En avril, la France et l’Allemagne ont signé un protocole d’accord visant à relancer leur projet commun de Système principal de combat terrestre [MGCS – Main Ground Combat System], alors bloqué par des désaccords entre les principaux industriels concernés depuis près de sept ans.
Ainsi, pour garantir un partage équitable des tâches, il a été décidé de réorganiser ce projet selon huit piliers capacitaires distincts et de créer une société de projet réunissant KNDS France, Thales, KNDS Deutschland et Rheinmetall. Quant aux choix technologiques à l’origine des querelles entre les industriels, ils devront n’être faits qu’après une évaluation des solutions proposées. Et cela vaut notamment pour le canon du futur char de combat sur lequel reposera le MGCS.
Pour rappel, KNDS France a soumis le système ASCALON [Autoloaded and SCALable Outperforming guN], capable de tirer des obus de 120 et de 140 mm ainsi que des « munitions intelligentes pour des tirs au-delà de la vue directe » tandis que Rheinmetall défend son canon de 130 mm, lequel doit équiper la tourelle de son char KF-51 « Panther » qui, dévoilé en 2022, est en passe d’être retenu par l’armée italienne.
Seulement, cette « compétition » inquiète les parlementaires français, quel que soit leur bord politique. C’est ainsi le cas du député François Cormier-Bouligeon, qui s’en est ouvert dans son avis budgétaire sur le programme 146 « Équipement des forces – Dissuasion ». Même chose pour les sénateurs Hugues Saury et Hélène Conway-Mouret. Dans un récent rapport, ils ont avancé que l’ASCALON risquait d’être « écarté de toute perspective de commercialisation afin de préserver le ‘leadership’ de Rheinmetall et KNDS Deutschland « . Cela « interroge sur l’intérêt même de la création de KNDS et, a fortiori, sur celui de poursuivre le programme MGCS », ont-ils même insisté.
Cela étant, le MGCS ne doit pas être considéré comme étant seulement le successeur des chars Leclerc et Leopard 2 dans la mesure où il s’agit de développer une « famille de systèmes » [chars, drones, robots, etc.] devant reposer sur un « cloud de combat ».
Par ailleurs, ce Système principal de combat terrestre ne devant pas être opérationnel avant 2040 au plus tôt, la question du maintien en service du Leclerc jusqu’à cette échéance se pose. De même que celle d’une éventuelle « solution intermédiaire », censée faire le « pont » entre le Leclerc et le MGCS. Ce qui a été proposé par Nicolas Chamussy, le PDG de KNDS France, en mai 2023.
Lors d’une audition sur l’économie de guerre, à l’Assemblée nationale, le 4 décembre, le Délégué général pour l’armement [DGA], Emmanuel Chiva, n’a pas coupé à une question sur l’avenir du MGCS.
« Sur le char lourd c’est une préoccupation. D’abord, je l’ai dit et je continue à la dire : on ne fait pas n’importe quoi et on a étudié évidemment le fait de pouvoir prolonger, jusqu’en 2040, le Leclerc. On se donne les moyens de se donner du temps », a répondu M. Chiva.
« Le MGCS n’est pas le successeur du Leclerc et il ne préfigure en rien la nature du char lourd. Le MGCS, c’est des moyens de combat terrestre, avec des ailiers scorpionisés, dronisés, dans un cloud de combat », a-t-il ensuite rappelé.
Ce qui ouvre éventuellement la voie à la coexistence de deux chars différents au sein de ce « système de systèmes ».
« On peut se dire que les Allemands pourraient avoir un char lourd différent du char lourd français au sein du même projet. Ça ne me choquerait pas. Ça serait financé sur fonds propres », a en effet affirmé M. Chiva, laissant ainsi entendre que l’initiative reviendrait à KNDS France, qui fait justement la promotion du Leclerc Evolution, doté du système ASCALON.
« Dans le cadre du projet [MGCS], ce que l’on essaie d’avoir, c’est cette architecture de système qui nous permet[tra] de préparer le système de combat futur », a enchaîné le DGA, qui a ensuite évoqué un « plan B », sans plus de précision.
« On soutient nos champions français, qui innovent sans arrêt. Je pense notamment au canon ASCALON, qui est une innovation majeure. […] On a un nombre de possibilités aujourd’hui qui nous permettent de palier le fait que l’on a arrêté des chaînes de production. […] Ce n’est pas en deux ans qu’on résout tous les problèmes mais la Loi de programmation militaire, dans sa déclinaison du combat blindé, est faite justement pour nous éviter toute rupture capacitaire », a conclu M. Chiva.