Balard : « L’équilibre financier n’est pas respecté », selon la Cour des Comptes
Par Jean-Dominique Merchet – Secret défense – 20 Février 2018
(Article de l’Opinion)
La Cour des comptes a présenté, mercredi 7 février, son rapport public annuel. Elle a notamment examiné « le projet Balard », évoquant « une réussite opérationnelle » et « un pilotage à renforcer » tout présageant des « difficultés futures » en matière de financement. Le coût global du transfert du ministère des armées est estimé à 5,8 milliards sur 30 ans.
Le transfert du ministère des Armées à Balard (Paris, 15) coûte plus cher que prévu, note la Cour des comptes dans son rapport annuel. Toutefois, les magistrats de la rue Cambon parlent de « réussite opérationnelle » pour ce vaste déménagement, réalisé en 2015 dans le cadre d’un partenariat public privé (PPP) avec la société Opale (Bouygues, Thales, Sodexo, etc.). « Les objectifs d’équilibre financier de l’opération ne sont pas respectés à ce stade » pointe la Cour des comptes, qui estime « le coût global de l’opération », sur une période de trente ans à 5,8 milliards. « Le choix du PPP a été adopté, faute de moyens budgétaires pour financer ce projet complexe » rappelle la Cour.
Décidé fin 2007 durant la présidence de Nicolas Sarkozy, ce projet allait être « autofinancé » par le ministère de la Défense, jurait-on alors. « Les ressources affectées au paiement devaient provenir des économies réalisées » par les Armées, explique la Cour des comptes. « Ces principes initiaux n’ont pas été respectés » juge la Cour. En effet, la redevance annuelle versée à la société Opale, dans le cadre du PPP, s’élève à 143 millions par an, alors que les économies internes au ministère des armées « sont estimées à environ 110 millions ». Manquent donc de l’ordre de 33 millions par an, qui doivent faire l’objet d’une dotation budgétaire spécifique. Sur la durée du contrat, cela représentera une somme totale d’un peu moins d’un milliard (948 millions), selon les calculs de la Cour. Soit un manque de 22 % par rapport au financement global du projet. « S’il est aujourd’hui prématuré de se prononcer sur l’équilibre global du projet aux termes du contrat, un premier bilan de la capacité du ministère des armées à le financer laisse présager des difficultés futures », conclut la Cour.
Plusieurs causes expliquent ce déficit d’autofinancement, en particulier la question des effectifs et la cession du parc immobilier parisien. Le regroupement à Balard devait se traduire par une réorganisation des services et une réduction du nombre de postes. Dans sa réponse à la Cour, le ministère des armées reconnaît que « la déflation initiale de 1 363 postes » se solde en réalité par une « déflation réelle de 642 postes », soit une différence de 721. Résultat : la masse salariale a moins baissé que prévu et les personnels doivent se serrer dans les bureaux de Balard, où ils sont désormais plus de 10 000…
L’autofinancement du projet devait aussi provenir d’importantes cessions immobilières à Paris, les sites que les armées quittaient pour s’installer à Balard : l’îlot Saint-Germain, l’Hôtel de l’Artillerie, l’Hôtel de la Marine, etc. Or, l’îlot Saint-Germain, évalué à 320 millions, n’a toujours pas été cédé, mais il devrait l’être cette année, assure le ministère. L’Hôtel de la Marine a, pour sa part, été transféré gratuitement aux Centre des monuments nationaux. Quant à l’Hôtel de l’Artillerie, il a été cédé à Sciences Po en dessous de l’évaluation initiale (87 millions au lieu de 104). Autant de décisions politiques qui grèvent le financement de Balard.
« Si la réussite opérationnelle est au rendez-vous », estime enfin la Cour, « le pilotage à venir de l’ensemble doit être renforcé ». Critiquant une organisation foisonnante », les magistrats souhaitent la nomination d’ « une personnalité rapportant au ministre », dans le cadre d’une « organisation de type projet ». Celle, justement, qui a su mener à bien ce déménagement complexe.
Télécharger : Cour des compte Projet Balard 02 – 2018