Le canon Caesar de KNDS est désormais le système d’artillerie européen le plus exporté
En quelques années, le CAmion Équipé d’un Système d’ARtillerie, ou canon CAESAR, s’est hissé au rang des équipements stars des exportations françaises d’armement, rejoignant le Rafale et le sous-marin Scorpene dans le club très fermé des armements susceptibles de faire les gros titres en France et à l’étranger.
Plusieurs échos et déclarations laissaient entendre que de nouvelles commandes pouvaient intervenir à l’occasion du salon Eurosatory 2024. C’est désormais chose faite, puisque l’Arménie, ainsi que la Croatie et l’Estonie, ont signé des engagements pour commander, au total, 60 nouveaux systèmes d’artillerie français.
Ce faisant, le Caesar s’impose, dorénavant, comme le système d’artillerie européen le plus largement exporté, que ce soit en nombre d’exemplaires livrés et/ou commandés, comme en nombre de clients, permettant à KNDS France, Ex-Nexter, de revenir dans le palmarès international des exportateurs d’équipements terrestres, après le semi-échec du Leclerc, et l’insuccès du VBCI.
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Arménie, Estonie et Croatie : 3 nouveaux utilisateurs et 60 nouveaux Caesar pour KNDS au salon Eurosatory
Le Caesar aura donc été, incontestablement, l’une des grandes vedettes du salon Eurosatory 2024, aux côtés des nouveaux chars de combat de KNDS et de Rheinmetall, ainsi que des nombreux systèmes antiaériens et antidrones apparus cette année. Le canon français a, en effet, enregistré 3 nouvelles commandes pour un total de 60 exemplaires, à l’occasion de l’événement parisien.
Les premiers à s’être engagées, le 18 juin, ont été les armées arméniennes, pour 36 Caesar MkI 6×6, pour équiper deux bataillons d’artillerie. Après avoir officialisé le retrait du pays de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective, sous tutelle russe, Erevan a entrepris de transformer les équipements de ses armées, en particulier en se tournant vers les États-Unis et la France, pour tenir en respect l’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie et Israël.
Le lendemain, ce fut au tour de la Croatie et de l’Estonie d’annoncer la commande de 12 exemplaires chacun, MkI pour Zagreb, MkII pour Tallinn, devenant ainsi les 12ᵉ et 13ᵉ pays utilisateurs du canon Caesar dans le monde, et les 5ᵉ et 6ᵉ en Europe.
Ces deux pays ont, à ce titre, signé un accord-cadre avec la France, à l’occasion du salon, pour organiser l’acquisition, la livraison et la maintenance des systèmes d’artillerie, formant les bases d’un « Club Caesar » inspiré du Leoben allemand.
À ce titre, le ministère des Armées a précisé que d’autres pays avaient déjà signifié leur intérêt pour rejoindre cette structure, sans préciser s’il s’agissait de clients existants ou de nouveaux utilisateurs potentiels.
Performances/prix, mobilité, délais de production, Ukraine : les raisons du succès du canon Caesar aujourd’hui
Le Canon Caesar avait enregistré quelques succès auprès de clients internationaux, peu de temps après son entrée en service en France, en 2003, avec la Thaïlande, pour 6 unités, l’Arabie Saoudite, pour 76 unités, en 2006, et l’Indonésie, en 2012, pour 37 systèmes d’artillerie.
C’est, cependant, à partir de 2020, que la dynamique Caesar a véritablement décollé pour Nexter, avec la République tchèque pour 52 systèmes en version 8×8, suivis en 2022 par la Belgique (9+19 Caesar MkII), la Lituanie (18 Caesar MkII), le Maroc (36 Caesar MkI), et l’Ukraine (12+6+6+6+19+78 MkI, 19 MkI 8×8), et par l’Arménie (36 MkI), la Croatie (12 MkI) et l’Estonie (12 MkII), en 2024.
Ce succès repose sur la conjonction de plusieurs facteurs. Le plus évident n’est autre que l’augmentation massive des efforts d’armement et de modernisation des forces armées, en particulier en Europe, pour répondre à la montée des tensions internationales, mais aussi pour remplacer les équipements occidentaux envoyés en Ukraine, pour soutenir l’effort de guerre de Kyiv.
Sous l’impulsion des autorités françaises, Nexter, devenu KNDS France, a, par ailleurs, su parfaitement répondre à l’évolution de la demande, en augmentant les cadences de production du Caesar, passées de 1,5 système par mois en 2021, à 6 systèmes par mois aujourd’hui, et avec l’objectif d’atteindre 12 systèmes mensuels en 2025.
Ce faisant, l’entreprise est en mesure de proposer des délais de livraison raccourcis, très appréciés des clients potentiels aujourd’hui, en dépit d’un carnet de commande très bien rempli, avec plus de 360 exemplaires restants à produire à ce jour, soit 5 ans de production à 6 systèmes par mois, mais plus que deux ans et demi, avec une production mensuelle de 12 canons.
Le Canon Caesar peut aussi s’appuyer sur les très bons retours d’expérience en provenance d’Ukraine, le système français étant, à ce titre, particulièrement redouté, par sa précision et sa mobilité, des artilleurs russes.
Surtout, il présente un rapport performances prix sans concurrence en Europe. Avec un prix unitaire évoluant entre 3,5 et 4 m€, le Caesar s’avère, en effet, 3 fois moins cher qu’un K9 Thunder sud-coréen, et plus de 4 fois moins cher que le Pzh 2000 allemand, tout en disposant d’un canon de 52 calibres, d’une portée de 40 km avec obus non propulsé, et d’une excellente précision de tir, même à portée maximale.
Par ailleurs, sa légèreté, 17 tonnes au combat, et sa configuration 6×6, lui confère une mobilité sans également en tout chemin, tant pour éviter les tirs de contrebatteries adverses, que pour se déplacer très rapidement autour de la ligne d’engagement, pour apporter les appuis là où ils sont nécessaires.
De fait, sans égaler la mobilité tout terrain ou la protection du Pzh 2000 ou du K9, le Caesar s’avère un choix très attractif pour de nombreuses forces armées qui souhaitent étendre le nombre de tubes de 155 mm, et qui sont sous contrainte budgétaire ; pour les forces armées qui exploitent une doctrine mobile et dynamique, comme la France ; ou pour les armées engagées sur des terrains difficiles, inaccessibles aux systèmes lourds, comme l’Indonésie et la Thaïlande.
Le troisième système d’artillerie moderne le plus largement répandu, derrière le M109 et le K9 Thunder
Avec les commandes arméniennes, croates et estoniennes, le canon Caesar voit son parc de clients internationaux, atteindre 12 pays, dont cinq en Europe. Ce faisant, il devient, incontestablement, le système d’artillerie européen moderne le plus exporté aujourd’hui, avec ses 548 exemplaires, loin devant le Pzh 2000 allemand et ses 300 exemplaires auprès de huit pays.
Il se classe même dans le TOP 3 des systèmes d’artillerie modernes les mieux exportés, derrière le K9 Thunder Sud-coréen, exporté à 1300 exemplaires auprès de 9 forces armées, dont 4 en Europe (Pologne, Estonie, Norvège, Finlande), et le M109 américain, dont plus de 2500 exemplaires demeurent en service hors des États-Unis dans 24 forces armées, dont sept en Europe.
On notera, même, qu’en termes de nombre de clients, le Caesar surpasse le K9 Thunder, mais ce dernier a enregistré plusieurs gros contrats avec fabrication locale en Pologne (532 unités), en Égypte (200 exemplaires), en Turquie (421 systèmes) et en Inde (200).
De manière intéressante, le Caesar surpasse les exportations russes en matière de systèmes d’artillerie modernes (125 2S-19 Msta-s pour 5 pays utilisateurs), tout comme les systèmes chinois (170 PLZ-45/ 4 pays et 480 PCL-181/3 pays).
Ceci en dit long sur les performances et l’attractivité du Caesar, sur un marché particulièrement concurrentiel comprenant plus d’une douzaine de systèmes de 155 mm sur le marché mondial.
Présenté au salon Eurosatory 2024, le Caesar MkII prêt à prendre la relève
Lancé en 2022, le Caesar MKII a été présenté, pour la première fois, à l’occasion du salon Eurosatory 2024. Celui-ci doit permettre de prolonger la carrière opérationnelle et commerciale du Caesar, en y intégrant les retours d’expériences venus des armées françaises au Levant et en Afrique sud-saharienne, et par les armées ukrainiennes, face à la Russie.
Tout en reprenant les principes et paradigmes du MkI, le Caesar MkII s’avère très différent, avec un nouveau châssis, une nouvelle cabine blindée à 4 portes, un nouveau moteur de 460 cv, deux fois plus puissant que celui du MkI, et une électronique embarquée entièrement modernisée.
Déjà réputée pour sa précision, la centrale inertielle Sigma 30 est ainsi remplacée par le nouveau Geonyx de Safran, conçue pour évoluer en environnement brouillé et privé de signaux de géolocalisation. Un système de brouillage anti-IED et anti-drone, baptisé ECLIPSE, a été ajouté, ainsi que l’ensemble des composants du système SCORPION, comme la radio cryptée Contact et le nœud de communication tactique du système, pour les modèles français et belges.
En outre, ces systèmes de positionnement et de pointage, associés au nouveau système hydraulique qui contrôle le véhicule et le canon, doivent permettre une mise en batterie et une sortie de batterie encore plus rapide, pour répondre aux améliorations anticipées des systèmes de localisation par drones et de contrebatterie adverses.
Le Caesar MkII est aussi mieux protégé, avec une cabine répondant au standard Stanag 2, soit contre les munitions de 7,62 x 39 mm à 30 m, et contre les shrapnels d’obus de 155 mm à 80 m et plus.
Ces systèmes alourdissent le Caesar MkII, qui atteint 25 tonnes sur la balance au combat, contre 18 pour le MkI. Toutefois, son moteur de 460 cv, contre 215 cv pour la version précédente, lui confère un rapport puissance poids de 18 cv par tonne, supérieur à celui de la précédente version, tout en restant autour du seuil d’efficacité tout-terrain de huit tonnes par essieu, lui garantissant une meilleure mobilité tout terrain. En termes de masse et d’encombrement, le Caesar MkII demeure aérotransportable par avion A400M, ce qui reste un impératif majeur pour les armées françaises.
En dépit de ces améliorations notables, le Caesar MkII conserve l’argument du prix, avec un cout unitaire de l’ordre de 5 m€ selon KNDS, et même moins élevé, selon certaines sources.
Une offre taillée pour remplacer l’artillerie tractée et accroitre la puissance de feu à moindre coût
On le voit, le succès du Canon Caesar, sur la scène internationale, semble poursuivre la dynamique entamée dès 2020, et accélérée avec l’envoi des premiers systèmes français en Ukraine, au printemps 2022.
Un temps, le positionnement exact du Caesar restait incertain, étant souvent perçu comme un système d’artillerie léger, destiné avant tout à la projection de puissance, mais insuffisamment protégé pour être employé dans un conflit de haute intensité.
Toutefois, son excellente tenue en Ukraine, aux côtés de systèmes bien plus lourds et onéreux comme le Pzh 2000 allemand, le M109 américain ou le Krab Polonais, mais aussi son prix, qui en fait une alternative aux systèmes d’artillerie tractée en fin de vie, ont permis de clarifier le marché de prédilection du Caesar, destiné à recréer de la masse et de la puissance de feu, aux côtés de l’artillerie d’assaut, en substitution des canons tractés désormais trop vulnérables.
Ce positionnement devenant plus compréhensible, en lien avec ses résultats opérationnels, le système d’artillerie français pourrait enregistrer encore de nombreux succès internationaux dans les mois et années à venir, et s’imposer comme une des références françaises de la scène internationale de l’armement, renforcée par l’arrivée du Caesar MkII.
Mise-à-jour du 20/07/2024 : Slovénie et Finlande
Depuis la rédaction de cet article du 20 juin 2024, la Slovénie a signé une lettre d’intention pour acquérir, elle aussi, des systèmes Caesar. La presse polonaise, pour sa part, a indiqué que le Caesar MkII était le favori de la compétition pour les nouvelles batteries côtières de la Marine finlandaise.
Article du 20 juin en version intégrale jusqu’au 28 juillet 2024