Belgique: Dassault revient dans la course avec son Rafale
Alors que Dassault semblait avoir perdu le marché du remplacement des avions de chasse belge, un imbroglio mettant en cause certains cadres de l’armée pourrait redonner des chances à l’avionneur français
C’est une très longue histoire belge qui pourrait finalement profiter à Dassault. Le dossier du remplacement des F-16, les avions de chasse de la Force aérienne d’outre-Quiévrain, dure depuis plus d’un an. Et la conclusion de ces atermoiements a été donnée par Richard Miller (MR), membre de la commission Défense, qui détaille la position du gouvernement belge dans le quotidien Le Soir vendredi 20 avril : « le Rafale n’est pas écarté ».
L’avionneur français était pourtant très mal engagé dans la négociation. L’Eurofighter, construit par un consortium britannico-germano-italiano-espagnol, et le F-35 américain de Lockheed Martin font effectivement partie des seuls avions retenus dans le cadre de l’appel d’offres. Suspectant un cahier des charges biaisé en faveur des Américains, Dassault a décidé d’agir à l’échelle gouvernementale, comme l’a expliqué le PDG de l’avionneur français Eric Trapier à Challenges. « On a comparé un F-35 qui n’avait pas encore fait son premier vol, dont le prix n’était pas garanti puisqu’il n’était même pas encore connu des forces américaines, à un Rafale qui a fait une évaluation complète à Istres, avec un engagement sur les prix ‘backé’ par les autorités françaises […] Et malgré tout, le F-35 a gagné avec une note de 6,97 contre 6,95 au Rafale. » « Tout ça, c’est du pipeau, ça nous a un peu douchés pour la Belgique », a tonné Eric Trappier. En octobre, la ministre française des Armées, Florence Parly, avait alors proposé à la Belgique un partenariat approfondi allant au-delà des seuls équipements militaires, afin de contourner l’appel d’offres. Une proposition qui avait été repoussée par le ministre de la Défense belge.
Doutes sur l’appel d’offres. Seulement, la situation pourrait avoir considérablement changé. Le lieutenant-colonel Rudi Decrop a été auditionné par la commission Défense de la Chambre, mercredi 21 avril. Cet officier avait révélé la dissimulation de notes au gouvernement belge. Notes concernant le prolongement potentiel de la durée de vie des avions belges actuels. Suite à l’enquête lancée par le Premier ministre, quatre militaires de haut-rang dont le Général commandant la Composante Air de l’Armée belge, avaient été évincés, assure la revue spécialisée Air&Cosmos, avant d’être réintégrés. Une réintégration qui n’a pas convaincu l’opposition belge, estimant dans le Soir que le Ministre de la Défense était « hors-jeu ».
Toutes ces manœuvres en coulisses ont en tout cas considérablement entaché l’appel d’offres, un mémoire de l’Antwerp Management School, révélé par De Standaart, mettant en avant des risques de « corruption ». L’opposition socialiste a demandé, à l’issue de l’audition du lieutenant-colonel Decrop, la suspension d’urgence de la procédure d’achat des nouveaux avions. Seulement, les experts américains auditionnés également cette semaine, ont affirmé qu’il était impossible de prolonger la durée de vie des F-16 actuels. Dès lors, le Rafale, proposé hors de ce marché, pourrait vite revenir dans les têtes.
Un choix qui devra passer au-delà des tensions entre Wallons et Flamands. Comme l’explique dans Le Vif, Herman Matthijs, professeur en Finances publiques, « vu les liens politiques entre la Belgique francophone et Paris, cet appareil [Le Rafale NDLR] a tout de même des fans au sein du gouvernement belge, et surtout au MR. Dans cette coalition, le MR est le seul parti francophone à pouvoir participer à la décision de cet achat militaire du siècle et c’est le MR qui entretient les meilleurs liens avec le président français Emmanuel Macron. Les partis flamands et particulièrement la N-VA ne peuvent convaincre leur base électorale de l’achat du Rafale ».