Le Hawkei de Thales, futur VBAE de l’Armée de Terre française ?

Le Hawkei de Thales, futur VBAE de l’Armée de Terre française ?

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Le 31 mai dernier, Thales présentait son Light Protected Vehicle (LPV) Hawkei en comité (très) restreint dans son vaste domaine du pôle armement de précision à La Ferté Saint-Aubin, près d’Orléans. Le voici maintenant exposé à Eurosatory 2018. Bien sûr, Thales y a investi le fruit de son expérience en mobilité et en protection des occupants acquise en opération avec le Bushmaster intensivement utilisé par l’armée australienne, et dont la version 6 est également exposée à Eurosatory. Mais au-delà d’une offre à l’export, il y a un autre objectif, lié à l’armée française.

 

Le Light Protected Vehicle "Hawkei" de Thales, un concurrent très plausible au futur programme de VBAE (Véhicule Blindé d’Aide à l’Engagement) de l'Armée de Terre française (Photo : FOB).

Le Light Protected Vehicle « Hawkei » de Thales, un concurrent très plausible au futur programme de VBAE (Véhicule Blindé d’Aide à l’Engagement) de l’Armée de Terre française (Photo : FOB).

En effet, avant le terme de l’actuelle Loi de programmation militaire 2019-25, l’Armée de Terre devrait disposer de 730 Véhicules blindés légers (connus depuis les années 1990 sous l’acronyme VBL) modernisés pour exécuter ses missions de reconnaissance et de liaison. Cinq ans plus tard, l’Armée de Terre devrait en aligner 70 de plus. Ce qui va être mis à neuf sur les VBL, ce sont principalement le moteur, la boîte de vitesses, la suspension et le système de freinage. Le moteur sera plus puissant puisque système de protection et armement plus performants vont venir alourdir l’engin.

Plus fondamentalement, le concept de VBL va faire place à un autre : celui de VBAE, Véhicule Blindé d’Aide à l’Engagement. Ce dernier s’inscrit dans le cadre de la seconde phase du programme SCORPION (Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation) que lorgne également l’armée belge (pour rappel, la première phase vise surtout le segment des blindés qu’incarnent le Jaguar et le Griffon). Même si cette seconde phase n’est pas supposée entrer en application avant 2025, l’Armée de Terre espère néanmoins amorcer son programme VBAE avant cette échéance, ainsi que l’a affirmé le général Charles Beaudouin, chargé des plans et des programmes à l’EMAT (Etat-Major de l’Armée de Terre), lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale mentionnée par Laurent Lagneau sur Zone Militaire/Opex 360. Pour le VBAE (et cela vaut aussi pour l’Engin principal du Génie), l’EMAT veut avoir une « démarche innovante pour son développement », a déclaré le général Baudouin ; « au lieu de définir un besoin, de réfléchir aux spécifications et d’appeler ensuite l’industriel, nous voulons discuter d’emblée avec la DGA et l’industriel. »

Le Hawkei MPV (Protected Mobility Vehicle) est un 4×4 blindé de 7 tonnes conçu initialement pour répondre aux exigences des forces de défense australiennes qui recherchaient à remplacer leurs Land Rover par un véhicule blindé léger – souci majeur de protection oblige – et plus mobile en tout-terrain, conçu pour servir de plate-forme polyvalente : la philosophie modulaire est l’une des bases du concept pour faciliter la variation des équipements dans le temps : radios, leurrage, détection, protection, etc. Comme beaucoup d’engins de ce type, le Hawkei dispose d’un générateur permettant de fournir de l’électricité à divers appareils externes, les exigences variant d’un utilisateur à l’autre. Pour ses véhicules, Thales est partiellement un intégrateur de composants disponibles sur le marché plutôt qu’un fabricant d’éléments propres, ce qui facilite l’approvisionnement en pièces et en abaisse le coût. Pour ne citer qu’un composant majeur, le moteur Diesel est un Steyr.

En octobre 2015, le gouvernement australien a acheté 1.100 Hawkei (en versions deux et quatre portes)  et plus de 1.000 remorques à Thales Australie pour une valeur totale de 1,3 milliard de dollars australiens, ce qui constitue une référence commerciale précieuse au point que l’exemplaire du Hawkei présenté le 31 mai dernier à La Ferté Saint-Aubin – et testé la semaine précédente en Pologne – a justifié sa construction avec une conduite à gauche ; la Pologne cherche en effet à acquérir 200 engins de ce type pour son programme Homar (accompagnement de l’artillerie). Les premiers exemplaires australiens sont sortis d’usine en 2016 et les forces australiennes n’ont pas tardé à en déployer en Afghanistan et en Irak pour tester leur valeur opérationnelle.

L’achat australien s’est effectué dans le cadre d’un projet très général intitulé Land 121 phase 4, qui définit des caractéristiques d’un véhicule blindé destiné à remplacer les Land Rover. Les points essentiels exigés pour ce nouveau véhicule étaient une grande mobilité, y compris en tout-terrain, un système électronique intégré, une charge utile significative (3 tonnes) et un grand niveau de protection contre les mines enfouies dans le sol et les dispositifs explosifs artisanaux (IED), ainsi que certaines munitions jusqu’au calibre 7,62mm, tout en étant suffisamment léger que pour pouvoir être aérotransportable par hélicoptère ou par avion militaire (C-130, C-17, A400M) et certains longs courriers civils en version cargo (exigence devenue standard pour contourner le manque de transports militaires). Thales indique que l’on peut charger deux Hawkei dans un C-130 ou trois dans un A400M, par exemple.

Question blindage, le Hawkei épate : l’engin est construit non pas autour d’un châssis mais d’un module blindé avec plancher en V sur lequel viennent se greffer les autres composants organiques et il suffit d’une demi-heures à deux hommes pour installer ou démonter les modules de blindage additionnel en céramique qui protègent les flancs et le toit, ainsi que les survitrages blindés, la masse totale de cette protection étant de 850 kg pour un niveau de protection 3. La protection des six occupants (en version quatre portes, sinon trois en version deux portes) contre l’effet de mines et IED bénéficie aussi des sièges suspendus : plus de contact avec le plancher, donc plus de répercussion immédiate de l’onde de choc sur les occupants du véhicule dont le confort est encore accru grâce au faible niveau sonore interne, le tout contribuant à les maintenir en état de combattre même après des heures de circulation.

Le Hawkei peut atteindre 115 km/h sur route. En tout-terrain, sa mobilité est stupéfiante : à titre de comparaison, là où une Land Rover ne peut dépasser les 20 km/h, un Bushmaster réussit à rouler à 40km/h et un Hawkei à 60km/h ! L’adhérence du véhicule au sol, la stabilité et la facilité de conduite sont « bluffantes » ! Avec les 200 litres de gazole (diesel) contenus dans son réservoir, le Hawkei peut parcourir environ 600 km, soit une consommation moyenne de 30 litres/100 km.

Là où Thales marque encore un point avec son Hawkei, c’est par l’incorporation de sa vétronique (VEA, Vehicle Electronic Architecture) qui permet l’accomplissement de divers rôles opérationnels. L’engin est câblé selon le principe du « plug and play » : selon les besoins de l’utilisateur, il suffit à ce dernier de brancher les équipements dont il a besoin, sans qu’il faille déshabiller le véhicule pour installer le câblage nécessaire.

Thales a déjà entamé la « scorpionisation » du Hawkei, comme l’a écrit Jean-Marc Tanguy, rédacteur en chef du magazine Raids. Thales est d’ailleurs bien placé pour comprendre ce processus puisqu’il est fournisseur de la vétronique des véhicules Scorpion. Il est aussi désormais établi que les véhicules seront fabriqués en France en cas de victoire dans l’appel d’offres. Les résultats de l’expérience en cours d’acquisition par les Australiens en Afghanistan et en Irak sont ou seront certainement examinés de près par l’armée française.

Ses concurrents actuels les plus directs cités par Pierre Benard, vice-président de Thales en charge de l’activité véhicules blindés, sont le véhicule tactique Abjan 440A de NIMR (basé aux Emirats Arabes Unis) et le JLTV d’Oshkosh Defense. A quoi, estimons-nous, on peut ajouter le NMS – rebaptisé « Yoruk » – de la société turque Nurol Makina. La liste ne va pas manquer de s’allonger. Mais à ce stade, le Hawkei apparaît indiscutablement comme un membre du peloton de tête. Le premier ?