Colonel Jacques Hogard : « La paix, la sécurité de nos enfants et petits-enfants me semblent objectivement en danger » [Interview]
Propos recueillis par Yann Vallerie -19/01/2018 – 06h20 Paris (Breizh-info.com)
Crédit photo : DR
Lorsqu’un colonel à la carrière aussi riche, complète et brillante que le colonel Jacques Hogard vous confie être inquiet pour la paix et la sécurité de ses enfants et petits-enfants, en France, difficile d’y voir là un « fantasme » ou de l’exagération de la situation.
Le colonel Jacques Hogard s’est engagé en 1974 au titre de la Corniche du Collège Militaire de Saint Cyr-l’Ecole. Sous-lieutenant, il sera affecté au Centre d’entrainement montagne de la 11ème division parachutiste (76/78) avant de faire l’EMIA (Promotion Général Laurier, 1978/79) et l’École d’application de l’infanterie (79/80).
Sa carrière se poursuivra en tant que lieutenant chef de section au 39ème RI, puis à la Légion étrangère – lieutenant au 4ème RE, capitaine au 2ème REP – entre 1980 et 1989, période durant laquelle il séjourna ou participa aux opérations au Tchad, République Centrafricaine, Djibouti…
Il sera nommé chef de bataillon à l’EMAT – état-major de l’armée de terre, bureau Emploi, TAP-O – de 1989 à 1992, ensuite chef de bataillon puis lieutenant-colonel au bureau Opérations de l’état-major des Forces françaises à Djibouti de 1992 à 1994. C’est ainsi qu’il sera officier opérations ISKOUTIR à Djibouti, puis chef du bureau opérations de la mission ORYX en Somalie fin 92/début 93, officier opérations de l’action DIAPASON au Yémen 93.
Il sera promu lieutenant-colonel commandant du Groupement de Légion de l’opération TURQUOISE au Rwanda (1994), puis chef du bureau Communication-Recrutement à l’état-major du commandement de la Légion étrangère (1994/96), chef de la section Entrainement des Forces terrestres, officier TAP et Forces Spéciales à l’EMAT (1996/98), Commandement des Opérations Spéciales (COS), et notamment commandant du Groupement Interarmées des Forces Spéciales en Macédoine et au Kosovo (1999).
En 2000, il démissionne de l’armée – un symbole fort étant donné sa carrière impressionnante. Il la quitte avec le grade de colonel, après 26 années passées au service de la France.
Fin connaisseur des Balkans, nous l’avons interrogé sur les conséquences possibles de l’assassinat d’Olivier Ivanovic, leader des Serbes du Kosovo, mais aussi sur la situation en France, dont il s’était déjà alarmé à plusieurs reprises, notamment récemment sur TV Libertés. Un entretien majeur, avec un officier ayant servi dans les troupes d’élite françaises.
Breizh-info.com : Quelles sont les conséquences possibles après l’assassinat de M. Ivanovic ?
Colonel Jacques Hogard : L’assassinat de Oliver Ivanovic, leader très respecté et emblématique des Serbes du Kosovo, pourrait avoir de sérieuses conséquences pour la stabilité de la province serbe sous administration sécessionniste albanaise et, au-delà, dans toute la région.
Les Balkans sont une zone instable où un crime de cette nature, porteur en germe de très nombreuses tensions, est à même de raviver les haines et les affrontements les plus durs.
Breizh-info.com : Vous connaissez très bien – pour y avoir servi – cette région. Que s’y passe-t-il aujourd’hui ? Les Serbes ont-ils définitivement été abandonnés par la communauté internationale ? Quid de la Russie ?
La situation est difficile en Serbie, pays ruiné par la guerre d’éclatement de la Yougoslavie de 1991 à 1999, où le niveau de vie est très bas et où il faut reconstruire l’économie. Ce pays a été diabolisé méthodiquement depuis le début de la guerre par les grandes puissances et organisations occidentales (USA, Allemagne, Grande-Bretagne, OTAN …). La France s’est malheureusement jointe à cette opération, oubliant sa vieille amitié séculaire avec la Serbie, revivifiée il y a cent ans lors des combats menés contre l’ennemi commun, en 1914/18.
La Serbie, pays slave et orthodoxe, naturellement lié à la Russie, est cependant la cible d’efforts constants de l’Union européenne et de l’OTAN pour la faire basculer dans leur camp. Il n’est pas exagéré de dire que la Serbie est aujourd’hui écartelée entre les mirages que lui font miroiter l’UE et l’OTAN et la fidélité à ses racines, son Histoire et sa culture. A cet égard, la question du Kosovo Métochie est centrale et cruciale. Détachée de la Serbie sous la contrainte par l’OTAN en 1999, malgré la Résolution 1244 de l’ONU qui stipule que le Kosovo appartient à la République de Serbie héritière de la République Fédérale de Yougoslavie, la province, majoritairement peuplée d’albanophones sous le double effet de la démographie et de l’épuration ethnique menée depuis 1999 contre les Serbes de la province, a unilatéralement déclaré son « indépendance » en 2008 sous la conduite du « gouvernement mis en place par la rébellion islamo-terroriste mafieuse de l’UCK sous la protection de l’OTAN avec l’aval de l’UE.
Depuis le sort des minorités serbes, roms et goranis y est dramatique. Le « gouvernement » de la soi-disant « République du Kosovo » y pratique une politique d’épuration ethnique, de terreur (pogroms, meurtres, enlèvements ; spoliations, intimidations…).
Dans ce contexte les Serbes du Kosovo se sentent relativement abandonnés.
La Russie qui a retrouvé sa grandeur et sa puissance sous les mandats Poutine et Medvedev ne se désintéresse pourtant pas de la question, même s’il est difficile pour elle – prise par bien d’autres « priorités » à l’international – de faire évoluer les choses dans un sens favorable au rétablissement plein et entier de la souveraineté serbe au Kosovo, comme le voudrait cependant le respect de la Résolution 1244 de l’ONU.
Breizh-info.com : En tant qu’officier qui a servi la France en première ligne durant toute sa carrière, quel regard portez-vous sur l’évolution du pays ?
Colonel Jacques Hogard : Je suis évidemment très inquiet pour l’évolution de notre pays. Et non seulement de notre pays, mais aussi de l’Europe de l’Ouest.
L’islamisation progressive mais massive, le développement de communautés inassimilables car ne voulant pas s’intégrer, la déferlante de migrants sur l’Europe et la France, les erreurs ou fautes commises par nos dirigeants : laïcisation, déchristianisation, allant de pair avec le regroupement familial autorisé depuis M. Giscard d’Estaing, la faiblesse voire la lâcheté de nos politiques, la démission de l’État face au communautarisme, au terrorisme qui en est le fils, la démission de certaines autorités morales ou religieuses, la destruction de la famille, les atteintes à la Vie en tant que telle, la mise en cause de nos valeurs et traditions, de notre identité…etc, tout ceci me rend effectivement très inquiet pour l’avenir.
La paix, la sécurité de nos enfants et petits-enfants me semblent objectivement en danger. La survie de la France et de l’Europe imprégnées de culture grecque et romaine, façonnée par la Foi chrétienne est en jeu.
Quand donc les Français vont-ils le comprendre ? Quand il sera trop tard ?
Breizh-info.com : Vous expliquiez récemment à la télévision (sur TV Libertés) que l’Armée française devrait selon vous, être bientôt (dans un futur proche) obligé d’intervenir en France. Pour quelles raisons ?
Colonel Jacques Hogard : Et bien pour les raisons que je viens d’évoquer pêle-mêle ! Je souhaite évidemment me tromper. Mais je crains, j’ai hélas l’intuition que nous allons au-devant de très grandes épreuves.
L’armée française me semble être un recours ultime, lorsque tout ira très mal. Mais en définitive, ce sera au peuple français de témoigner de sa résilience, de sa volonté de survivre et de durer pour renouer avec ce qui a fait sa grandeur au fil des siècles, malgré les aléas de l’Histoire.
Breizh-info.com : Vous qui avez servi en Afrique, comment voyez-vous ce continent évoluer ? La démographie ne sera-t-elle pas la clé du 21ème siècle, avec toutes les répercussions qu’elle pourrait avoir sur l’Europe ?
Colonel Jacques Hogard : L’Afrique évolue mal et son problème essentiel est la mauvaise gouvernance qui affecte la plupart des États africains. En décolonisant, souvent vite et mal, les colonisateurs ont laissé l’Afrique face à elle-même. Elle ne manque pas de ressources bien sûr, ni même de talents. Mais elle manque aujourd’hui cruellement (je dirai d’ailleurs hélas la même chose de l’Europe de l’Ouest !) d’hommes d’État, non pas de politiciens plus ou moins doués, plus ou moins honnêtes, plus ou moins dévoués au bien commun, mais d’hommes d’État véritables, dont la vision serait le moteur de leur nation et de leur peuple, dont la stature dominerait notre époque.
Bien sûr la démographie est une donnée essentielle à prendre en compte. Raison de plus pour « fixer » les Africains chez eux en Afrique en les aidant à se développer et de telle manière que le développement et la prospérité ne soient pris en otages par un tout petit nombre mais profitent au plus grand nombre.
Les guerres, les révolutions et les épidémies ne peuvent devenir l’avenir de l’Afrique. Ce n’est pas son intérêt ni le nôtre. Le Pape François par exemple, devrait y réfléchir comme l’y invite le Cardinal Sarah au lieu de dire de graves bêtises, potentiellement terriblement lourdes de conséquences…
Et raison de plus, bien sûr, aussi, pour relever d’urgence les valeurs morales (rechristianiser d’urgence), et promouvoir une vraie politique de la famille en France.
Breizh-info.com : Avez- vous vu le dernier film de Cheyenne Carron qui rend hommage notamment à la Légion étrangère ? Qu’en avez-vous pensé ? Comment susciter selon vous la vocation militaire chez les jeunes français aujourd’hui ?
Colonel Jacques Hogard : Je vais vous décevoir ! Je n’ai pas encore vu le film de Cheyenne Carron sur la Légion étrangère. Mais ce que j’en ai entendu par des camarades de tous grades est élogieux, et cela ne m’étonne pas de la part de cette cinéaste qui attire respect et admiration pour le courage, le talent et l’intelligence avec lequel elle traite ses sujets.
S’agissant de la vocation militaire chez les jeunes d’aujourd’hui, je pense que l’Armée doit saisir les différentes occasions qui se présentent de montrer ce qu’elle fait vraiment, tant à l’entrainement qu’en opérations. Et je ne parle pas là de « l’opération Sentinelle » qui est avant tout une opération visant à dissuader et rassurer mais dont la popularité chez nos soldats et nos jeunes cadres est « discutable » ! Je veux parler bien sûr des opérations extérieures.
Mais j’insisterai aussi sur l’extraordinaire « fraternité d’armes » que l’on trouve dans nos unités, et pas que les plus en vue ! Cela pourrait donner envie aux jeunes gens un peu déboussolés qui se cherchent et cherchent à donner un sens à leur vie. Avant qu’ils ne découvrent un peu plus tard les valeurs d’Honneur et Patrie, de Valeur et Discipline ! Alors ils se découvriront tout naturellement porteurs d’un véritable idéal et d’une vocation solide !
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine