Affrètement des moyens aériens : le tir de sommation du contrôle général des armées

Affrètement des moyens aériens : le tir de sommation du contrôle général des armées

Par Philippe Chapleau – Ligne de défense – 09/01/2018

lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2018/01/09/affretement-des-moyens-aeriens-le-controle-general-des-armee-18924.html

Le rapport définitif du contrôle général des armées (CGA) sur « l’affrètement de moyens aériens par les services du ministère des armées, notamment dans le cadre des opérations extérieures » est attendu avec impatience.

Cette impatience est partagée tant par les opérateurs civils que par les militaires chargés des marchés d’affrètement aérien stratégique et tactique et leurs camarades déployés sur des théâtres d’opérations extérieures.

Une telle enquête s’imposait, surtout depuis que le parquet national financier examine ce sujet pour le moins délicat; mais elle semble avoir été jusqu’à présent retardée, voire interdite.

Un rapport intermédiaire, que l’un des bons connaisseurs de ce dossier juge « explosif » (à l’opposé, dans certains services de l’EMA on minimise la portée de ce rapport), a été fourni au directeur de cabinet de la ministre des Armées, au début décembre 2017.

Il porte particulièrement sur deux domaines:
les marchés d’affrètements (stratégiques et tactiques) au profit des troupes déployées dans la BSS,
les modalités de contrôle interne par les services comme le CSOA, le SSLT et le Commissariat.

Ce rapport établi par un contrôleur général des armées et un contrôleur des armées, exprime « des doutes sérieux » sur les procédures de passation et d’exécution. Les rédacteurs reconnaissent que ces « doutes » justifient la transmission de documents à la Direction des affaires juridiques.

 

Photo Ouest France

Les deux officiers du CGA, qui ont mené de nouvelles auditions (au CSOA par exemple) en décembre, après la remise du rapport intermédiaire, s’interrogent aussi sur les « principes d’égalité de traitement des candidats » et sur la « transparence de procédures » (ils ont ainsi noté de troublantes régularisations a posteriori). Deux interrogations déjà exprimées par la Cour des comptes (qui doit se repencher sur la question à l’automne 2018 via sa section « défense » présidée par Jean de Gaulle), par le député François Cornut-Gentille (qui poursuit ses travaux sur la question du soutien externalisé en opex) et par certains opérateurs privés.

Ce rapport intermédiaire intervient alors que les gendarmes de la SR de Paris, qui ont réalisé plusieurs perquisitions, poursuivent leurs auditions et analysent actuellement les (riches) données recueillies. Ils ont entendu des militaires et des civils employés par des affréteurs dont certains témoignent d’une nervosité épistolaire peu courante. Il est vrai que les contrôleurs mettent en question « l’authenticité » de documents fournis par certaines de ces sociétés civiles et qu’ils s’interrogent aussi sur la « situation singulière » de l’une d’elles.

Les rédacteurs, qui préconisent déjà un « contrôle interne (…) amélioré dans certains services » (contrôle qui aurait dû être mis en place dès février 2016) et des « responsabilités des différents échelons parfois précisées », ont émis 16 recommandations dont la mise en œuvre d’une procédure « permettant l’analyse des offres de manière indépendante et cloisonnée entre le prescripteur et l’acheteur ».

Quelle offre non patrimoniale?

Au-délà les interrogations actuelles et les recommandations à venir du CGA, se pose toujours la question des capacités de transport aérien du MinArm. Le ministère est en indiscutable « situation de vulnérabilité liée à une carence en moyens de projection ».

Faute de vecteurs patrimoniaux, les affrètements aériens se multiplient et Lignes de Défense en a témoigné à maintes reprises. Mais ces affrètements sont réalisés dans le plus total opportunisme, sans grande anticipation et sans cohérence satisfaisante.

« L’entrainement de nos parachutistes repose sur de multiples micromarchés, faute d’avions de l’AA/EATC régulièrement disponibles. Pour nos opérations extérieures, une dizaine d’appareils, la plupart d’origine russes avec leurs équipages, soutiennent nos opérations. Aucune garantie absolue sur le niveau de maintenance des appareils ne peut être apportée. De même, la sécurité de nos opérations, avec des équipages russes, ukrainiens ou autres, ne peut pas être assurée », reconnaît ainsi le patron de l’un des sociétés françaises citées dans le rapport intermédiaire du CGA.

Lui préconise de s’affranchir du parc des ex-pays du Bloc de l’est et de proposer une offre « française » avec des appareils de type Sherpa, Casa ou Hercules, des équipages français, avec un « barycentre » métropolitain à Toulouse pour répondre aux besoins de l’ETAP, de la 11e BP, du CFST, d’ALFUSCO etc, et avec des aéronefs déployés en BSS et dans le golfe Persique.

Le projet est ambitieux mais se heurte aux appétits d’autres prestataires, à l’immobilisme de certains services, à la reconduction mécanique de marchés inadaptés, à un empilement de procédures…