Disponibilité des aéronefs militaires : c’est vraiment très, très alarmant ! (1/3)
Par Michel Cabirol | La Tribune | 20/02/2018
La disponibilité de certaines flottes d’aéronefs militaires est jugée « particulièrement critique », selon Christian Chabbert, auteur d’un rapport sur le MCO aéronautique, que La Tribune s’est procuré. Elle « ne permet pas d’honorer le contrat opérationnel » des forces armées.
Le rapport Chabbert sur le MCO aéronautique (Maintien en condition opérationnelle), sur lequel s’est appuyé en décembre la ministre des Armées Florence Parly pour lancer la réforme du MCO en vue d’augmenter la disponibilité des aéronefs militaires, a été mis sous le boisseau. Et pour cause. Ce rapport est très, très explosif… On connaissait déjà la gravité de la situation sur la disponibilité « particulièrement critique » de certaines flottes d’aéronefs militaires, mais le rapport Chabbert, dont La Tribune a pris connaissance, va beaucoup plus loin en révélant les conséquences très inquiétantes de ce constat sur les contrats opérationnels des forces.
La disponibilité des flottes des forces françaises stagnent depuis 2012, autour de 44%. En 2016, elle s’élevait à 44,4% et sur les six premiers mois de 2017 à 44,1%. Ces chiffres signifient que moins d’un aéronef sur deux est en mesure d’effectuer la mission pour laquelle il a été acquis. Et selon le rapport, « la disponibilité des hélicoptères, des avions de patrouille maritime et de l’aviation de transport tactique ne permet pas d’honorer le contrat opérationnel seuil bas, nécessaire pour répondre à la tenue de la situation opérationnelle de référence et à la préparation opérationnelle« . Au-delà de la difficulté à tenir les contrats opérationnels, le manque de disponibilité des appareils « obère la capacité des forces à soutenir dans la durée l’activité aérienne », estime Christian Chabbert.
La disponibilité des hélicoptères reste catastrophique
Il faut dire que la disponibilité des appareils cités dans le rapport n’excède jamais 40%, à l’exception de l’hélicoptère de transport NH90 en 2016 (41%). C’est notamment le cas des hélicoptères des trois armées. Pour l’armée de Terre, la disponibilité des Tigre s’est élevée à 25% en 2016 et 26% entre janvier/août 2017, des Puma à 31% et 32%, des Cougar à 21% et 24%, des Caracal à 27% et 24%, et, enfin, des Caïman (NH90 TTH) à 37% et 37%. Les NH90 de la Marine avaient une disponibilité de 41% en 2016 pour retomber à 33% sur les six premiers mois de 2017. Enfin, les H225M et les Puma de l’armée de l’air ont eu une disponibilité respectivement de 29% et 28% en 2016 et de 30% et 32%.
Sur les avions, la disponibilité des A400M et des C130 n’était guère mieux que celle des hélicoptères : les A400M (18% en 2016 et 30% sur les six premiers mois de 2017) et les C130 (23% et 18%). Par ailleurs, les ATL2 de la Marine ont également une disponibilité médiocre : 24% et 27%.
La disponibilité en métropole ne dépasse pas 30%
En dépit de ces taux de disponibilité très faibles, les besoins militaires liés à l’activité aérienne ont été satisfaits à 93% en 2016. « Cependant, ce constat doit être nuancé », fait valoir Christian Chabbert. Car la programmation de l’activité tient compte de l’anticipation de la disponibilité. Ainsi, la situation est « en général présentée de façon favorable » : dans le Contrat unifiée de gestion (CUG) de 2017, il est fixé un objectif de 20 Tigre disponibles sur un parc de 61 machines dont 41 en ligne. Toutefois, « les flottes très peu disponibles ont des taux de 15 à 20 % inférieurs à la programmation », précise-t-il.
Enfin, les heures de vol effectuées en opérations portent très fortement l’activité aérienne. Ainsi la disponibilité atteint 80 % en opérations extérieures mais a contrario, elle ne dépasse pas 30 % en métropole. « C’est donc l’activité aéronautique réalisée en métropole qui demeure, depuis plusieurs années, toujours en deçà de celle prévue, explique le rapport. La formation des pilotes, leur entraînement et la régénération des matériels sont par conséquent extrêmement contraints ».
« Si les opérations sont donc réalisées, c’est au prix de l’augmentation non maîtrisée d’une dépréciation de l’actif, créateur d’une dette technique et en compétences humaines qui remet en question la capacité des armées à conduire demain les missions qui leur seront confiées dans le domaine aéronautique ».
Tous les besoins ne sont pas couverts
Les besoins réels des armées estimés à 18,58 milliards d’euros sur la période 2018-2023 ne seraient pas couverts par le ministère des Armées, constate Christian Chabbert. Ainsi, il prévoirait seulement 17,64 milliards d’euros, dont 16,58 milliards d’euros de ressources budgétaires lors d’une programmation présentée en comité ministériel d’investissement (CMI) le 18 septembre 2017. Soit un différentiel de 943 millions d’euros. Mais Christian Chabbert estime les besoins réels de MCO à 4,1 milliards d’euros par an sur la période 2018-2023. Ils « ne seraient pas couverts » par cette prévision.
En outre, en cas d’amélioration de la performance de la fonction MCO, une remontée d’activité pour atteindre les normes d’entraînement (normes OTAN) des équipages entraînera « mécaniquement une nouvelle hausse de l’entretien programmée du matériel (EPM) ». note le rapport. Des éventuels surcoûts qui devraient s’ajouter à l’augmentation des dépenses d’EPM prévues de ces prochaines années : surcoûts liés aux opérations extérieures (régénération des matériels), la chute d’activité qui doit être enrayée, montée en puissance des nouvelles flottes (Tigre, Caïman et A400M) dont le coût d’EPM est
supérieur à celui des flottes remplacées, maintien en activité de flottes anciennes dont le coût du MCO ne cesse d’augmenter (Alouette III, C160, Gazelle, …), externalisation du soutien de certaines flottes (contrat FOMEDEC). La partie est loin d’être gagnée par Florence Parly.