Le prochain véhicule des forces spéciales américaines sera camouflé en véhicule civil

Le prochain véhicule des forces spéciales américaines sera camouflé en véhicule civil

Romain Vincent – Forces opérations Blog – 8 mars, 2018

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Le Special Operations Command (SOCOM) veut voir ses hommes rouler dans un « super » véhicule capable de se transformer pour ressembler aux voitures commerciales existantes, cela permettrait aux opérateurs de se fondre dans n’importe quel environnement pour assurer au maximum leur couverture. Entre Transformers et James Bond, cette technologie n’existe donc pas qu’au cinéma puisque lesdits véhicules pourraient être déployés d’ici deux ans ! 

 

Diapositive donnant un aperçu général du concept proposé (SOCOM)

Évidemment, l’idée de camoufler des véhicules militaires en véhicules civils ou d’utiliser des véhicules banalisés comme peuvent aussi le faire les officiers de police, ne date pas d’aujourd’hui, la couverture étant l’une des caractéristiques primordiales des opérations spéciales voire clandestines, cependant aux États-Unis la pratique a quelques conséquences budgétaires pour le SOCOM, voire sécuritaires pour ses hommes. C’est pourquoi l’une des priorités de l’année 2018 se trouve dans le projet Purpose Built Non Standard Commercial Vehicle (PB-NSCV).

Traditionnellement les forces spéciales (FS) américaines sont équipées de SUV et de pick-up modifiés pour se déplacer discrètement à l’étranger tout en y retrouvant les équipements militaires nécessaires à leurs opérations : systèmes de communication avancés, protection renforcée etc. Récemment, le SOCOM a fait remonter plusieurs retours d’expérience qui remettent en question les achats de véhicules du marché du civil.

D’abord il y a la question d’un entretien coûteux et compliqué par un nombre élevé de marques et de modèles différents (Toyota Hilux, Ford Ranger et Land Cruiser). Disposer de différentes versions donne aux unités spéciales beaucoup de flexibilité mais raccommoder et remplacer des pièces n’est rien de moins qu’un «cauchemar logistique» selon The War Zone, les modèles, même dans la même gamme, ayant rarement des pièces facilement permutables. Le moteur ainsi que le châssis, tous deux améliorés devront avoir une configuration standard, ce qui permettra d’atteindre une durée de vie de 10 à 15 ans et facilitera l’entretien.

Véhicule des quatre hommes des FS américaines morts au combat lors de l’embuscade de Tongo Tongo

Surtout il y a la question de la « valeur » des véhicules traditionnels : sont-ils réellement discrets (The War Zone souligne très justement que les véhicules banalisés utilisés en opération extérieure pouvaient parfois être reconnaissables par leurs antennes de communication et l’armement emporté par les opérateurs) ? Apportent-ils une protection suffisante aux opérateurs des FS? L’embuscade de Tongo Tongo au Niger le 4 octobre 2017, dont l’État Islamique a publié une video tirée de la caméra frontale d’un opérateur américain, a choqué jusque chez les responsables du SOCOM; les quatre hommes qui tentaient héroïquement (et très calmement) de sauver leur vie n’ont eu aucune chance en se déplaçant avec leur pick-up face aux dizaines d’armes lourdes ennemies. Ils se sont alors écroulés un par un, soit au pied du véhicule, soit à l’intérieur de celui-ci, le porteur de la caméra ayant même abandonné le véhicule avant d’être abattu plus loin. Les journalistes spécialisés américains rappellent également qu’en 2016, un soldat jordanien avait assassiné trois opérateurs américains à un point de contrôle, et là aussi le personnel américain voyageait à bord d’un pick-up commercial. 

Pour autant, responsables du SOCOM et journalistes spécialisés sont réalistes : si le déploiement de véhicules militaires lourds de type MRAP (Mine-Resistant Ambush Protected) aurait peut-être changé la donne au Niger ou en Jordanie, le principe des opérations spéciales et clandestines reste la discrétion (l’annonce de la mort d’opérateurs américains et donc de leur présence sur le sol nigérien avait provoqué un tollé dans la région). Ce que le SOCOM veut, c’est un véhicule apte à remplir les tâches d’une opération spéciale (blindage total, intégration du système C4ISR, brouilleur d’engins explosifs improvisés) pouvant être équipé de panneaux de carrosserie modulables. Le PB-NSCV devra ressembler, selon les besoins, soit à un Ford Ranger soit à un Toyota Hilux. La transformation devra être assez convaincante pour que le camouflage soit incontestable à partir de 100 mètres de distance et à une vitesse de 55Km/h. En ce qui concerne la puissance de feu, selon The War Zone, le PB-NSCV disposera soit d’une mitrailleuse M2 de calibre .50, soit éventuellement d’une arme téléopérée (pour faire progresser la protection de l’équipage). Les variantes pick-up auront une autre monture à arrière pouvant supporter diverses mitrailleuses légères de 7,62 mm et 5,56 mm.

Les Russes ont aussi leur idée du véhicule militaire camouflé en véhicule commercial (Crédits : Nathan Gain / 2017) 

L’idée est bonne, voire très bonne, mais les industriels et spécialistes invités au Industry Day de janvier 2018, ont émis quelques réserves : quel coût pour un tel projet? Est-il sérieusement réalisable de cacher tous les éléments militaires du véhicule banalisé (phares infrarouges et les clignotants pour les opérations de nuit, mitrailleuse .50 etc) ? Bref, le SOCOM en demande beaucoup aux industriels qui soumettront leurs offres, mais il faut espérer pour les opérateurs d’outre-Atlantique que l’exigence portera ses fruits et que le programme offrira des retombées pour les FS alliées.

Le Pentagone espère effectuer un premier essai dès 2019 et d’ici 2020, de finaliser la conception du PB-NSCV. Ceux-ci remplaceront au moins une partie des 500 véhicules au cours de cette même année.