Les talibans disent contrôler la vallée du Panchir, où Ahmad Massoud dénonce l’implication du Pakistan
Durant leur intervention en Afghanistan, jamais les forces soviétiques ne purent soumettre la vallée du Panchir, située à seulement 80 km au nord de Kaboul. Et, au pouvoir entre 1996 et 2001, les talibans n’y parvinrent pas non plus, malgré leurs assauts contre les troupes du commandant Ahmad Chah Massoud, l’un des cadres du Front uni islamique et national pour le salut de l’Afghanistan, communément appelée « Alliance du Nord ».
C’est donc naturellement que le « Front pour la résistance » [FPR], dirigé par Ahmad Massoud [le fils du commandant Massoud, nldr], s’est replié dans cette vallée du Panchir quand les talibans ont repris le pouvoir à Kaboul, à l’issue d’une offensive foudroyante menée alors que les forces américaines s’apprêtaient à mettre un terme à vingt ans de présence en Afghanistan.
Selon le FPR, plusieurs milliers d’ex-soldats afghans auraient rejoint ses rangs, prêts à en découdre avec les talibans. Ces derniers n’ont pas tardé à lancer une offensive en direction de la vallée du Panchir. « Des centaines de moudjahidines de l’Émirat islamique se dirigent vers l’État du Panchir pour le contrôler, après que des responsables locaux ont refusé de le remettre de façon pacifique », a ainsi annoncé le mouvement taleb, le 23 août.
À noter que, avant de lancer leur offensive, les talibans tentèrent de semer le trouble au sein du FPR, en prétendant qu’Ahmad Massoud leur avait prêté allégeance, ce qui était faux.
Le 1er septembre, soit à peine deux jours après le départ des derniers soldats américains, le mouvement taleb a appelé les combattants du Panchir à baisser les armes, alors que de premiers combats – à l’issue incertaine – venaient d’éclater.
« Mes frères, nous avons fait de notre mieux pour résoudre le problème du Panchir via des pourparlers et des négociations, en vain malheureusement. […] Maintenant que les pourparlers ont échoué et que les moudjahidines [talibans] ont encerclé le Panchir, il reste des gens à l’intérieur [de la vallée] qui ne veulent pas que les problèmes soient résolus de manière pacifique. […] C’est à vous qu’il revient de leur parler. À ceux qui veulent se battre, dites-leur que cela suffit », a ainsi déclaré Amir Khan Muttaqi, un haut responsable taleb.
Dans le même temps, la persistance d’une poche de résistance dans la vallée du Panchir a, semble-t-il, retardé l’annonce de la composition du futur gouvernement afghan. Pour autant, le 4 septembre, cela n’a pas empêché le mouvement taleb de recevoir, le général Faiz Hameed, le directeur de l’Inter-Services Intelligence [ISI], c’est à dire le renseignement pakistanais, lequel n’a cessé de soutenir les talibans, depuis leur apparition dans les années 1990.
Le contenu des entretiens entre les dirigeants talibans et le responsable pakistanais n’a pas filtré… Mais on se doute bien que le directeur de l’ISI n’a pas fait le déplacement à Kaboul pour échanger sur des banalités…
Quoi qu’il en soit, la situation a rapidement évolué au Panchir. Le 5 septembre, l’ONG italienne Emergency, présente dans le fief d’Ahmad Massoud, a affirmé que les talibans venaient d’atteindre le village d’Anabah, situé à environ 25 km à l’intérieur de la vallée. « De nombreuses personnes se sont enfuies des villages de la zone ces derniers jours », a-t-elle précisé, dans un communiqué.
Puis, ce 6 septembre, le mouvement taleb a assuré avoir pris le contrôle total de la vallée. « Avec cette victoire, notre pays est désormais complètement sorti du marasme de la guerre. […] Des insurgés ont été tués et le reste a fui. La respectable population du Panchir a été sauvée des preneurs d’otages. Nous [lui] assurons que personne ne fera l’objet de discrimination. Ils sont tous nos frères et nous travaillerons ensemble pour un pays et un objectif », a affirmé Zabihullah Mujahid, son porte-parole.
Effectivement, des vidéos, diffusées via les réseaux sociaux, montrent des combattants talibans dans les rues de Bazarak, le chef-lieu du Panchir, où ils ont hissé leur drapeau.
Cependant, le FPR a assuré qu’il continuerait le combat. Quant à ses responsables, leur sort est inconnu. Ex-vice-président afghan et proche du commandant Massoud, Amrullah Saleh aurait trouvé refuge au Tadjikistan. Et Ahmad Massoud a fait savoir, via Twitter, qu’il était en sécurité. Et en il en a également profité pour pointer le rôle des forces pakistanaises dans les combats du Panchir.
The Taliban are not fighting with us but the Pakistani army and ISI are leading them. The Taliban are not strong enough to compete with us but the Pakistan Army is cooperating with them #SanctionPakistan@calxandr
— Ahmad Massoud (@Mohsood123) September 6, 2021
« Les talibans ne sont pas assez forts pour rivaliser avec nous. Mais l’armée pakistanaise coopère avec eux », a en effet accusé le chef du FPR. Effectivement, plusieurs témoignages, qu’il est impossible de vérifier de façon indépendante, évoquent l’intervention du Special Service Group [SSG] pakistanais ainsi que des frappes aériennes effectuées par des drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] CH-4 vendus par la Chine au Pakistan. C’est, en tout cas, ce qu’a affirmé Kamaluddin Nezami, le gouverneur du Panchir.
D’ailleurs, ce serait l’une de ces frappes qui aurait coûté la vie à Fahim Dashti, porte-parole du FPR qui manqua d’être assassiné avec le commandant Massoud, le 9 septembre 2001, ainsi qu’au général Abdul Wudood [un cousin de Massoud, ndlr].