Lettre de l’ASAF (Décembre 2017)
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Lettre n°17/12 – A
Connaître son métier
«La plus grande immoralité c’est de faire un métier que l’on ne connaît pas » (Napoléon).
Où monsieur Emmanuel Macron a-t-il appris le métier de chef des Armées que lui confère la Constitution ? À l’ENA ? Non ! Dans la banque Rothschild ? On peut en douter. Lorsqu’il était ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique ? Il est fort à parier qu’alors les questions de Défense ne lui sont apparues qu’à travers le poids du budget qui leur était consacré.
Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, le chef de l’État n’a eu, semble-t-il, avant de le devenir, aucun contact avec la chose militaire si ce n’est à travers quelques échanges avec monsieur Le Drian et son équipe de conseillers… À l’heure où un débat est ouvert sur le rétablissement d’une forme quelconque, qui reste à définir, de service national universel qui impliquerait les armées et qui fut sans doute suggérée, bien imprudemment, au candidat Macron par l’un de ces conseillers, ne conviendrait-il pas d’abord de réfléchir au moyen de donner à nos élites une instruction militaire minimale ?
Sous la Ve République, précisément, a existé, jusqu’en 1972, l’obligation pour les élèves de certaines grandes écoles, en particulier d’ingénieurs, de recevoir, dans le cadre de leur scolarité, une instruction militaire obligatoire, en abrégé une IMO. Ceux qui la recevaient, et qui de ce fait, étaient désignés sous le titre d’IMO, voyaient inscrite à leur emploi du temps une demi-journée d’instruction militaire par semaine qui leur était délivrée in situ dans leur établissement par des cadres des armées ou lors de visites dans des unités militaires. Ils devaient en outre, lors de leurs vacances scolaires d’été, effectuer une «période militaire» de trois semaines. Ces IMO effectuaient ensuite leur service militaire en suivant un stage en école d’application puis en étant affectés dans les unités comme sous-lieutenants. Il est urgent d’appliquer à nouveau aujourd’hui ce principe, sous une forme atténuée, en insérant, au minimum et systématiquement dans les programmes des élèves des grandes écoles, pas seulement scientifiques mais aussi du type Sciences-Po et, au premier chef de l’ENA, un certain nombre de conférences consacrées au monde de la Défense et faites par des militaires, et en organisant des séjours dans les unités des trois armées.
Plutôt que de vouloir instituer un service obligatoire et qui se voudrait universel mais dont on voit bien qu’il s’adresserait d’abord aux plus démunis (comme c’était d’ailleurs devenu le cas du service militaire avant sa suspension) car, fort heureusement et pour reprendre les termes du candidat Macron, tous les jeunes Français ne sont pas désocialisés, en difficulté ou illettrés, il conviendrait plutôt de faire prendre conscience à nos élites des enjeux en matière de Défense de telle façon que, en situation de responsabilité, ils prennent des décisions en connaissance de cause.
LA REDACTION
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Lettre n°17/12 – B
La revue stratégique ou l’inventaire des incompatibilités
Dès l’annonce faite, en 1995, par monsieur Jacques Chirac, président de la République, de la suspension du service militaire et de la création d’une armée professionnelle, a été élaboré un modèle d’armée dit modèle d’armée 2015; La réalisation de ce modèle, complet et cohérent, s’appuyait sur le processus 4PB : prospective, planification, programmation, préparation du budget.
Las, l’érosion constante des budgets de la Défense pendant plus de 25 ans en même temps que des engagements de plus en plus nombreux et de plus en plus coûteux de nos forces ont rendu ces dernières exsangues. La revue stratégique de Défense voulue par le nouveau chef des Armées et publiée le 13 octobre dernier a l’ambition (mot qui revient 48 fois dans les 110 pages de sa présentation) de constituer la première étape pour rétablir la cohérence entre les objectifs poursuivis en matière de Défense, les missions fixées et les moyens accordés. Elle définit trente aptitudes à détenir par nos forces armées aux premiers rangs desquelles la permanence de la crédibilité de notre dissuasion nucléaire nécessitant sa modernisation et la protection du territoire national contre toutes les formes possibles d’agression. À eux seuls, ces deux impératifs consommeront « l’augmentation » du budget annoncée et impacteront même notre capacité d’intervention à l’extérieur. Que dire alors d’autres capacités requises dans la revue stratégique comme «obtenir et conserver les supériorités aérienne, terrestre et maritime» sans qu’il soit d’ailleurs précisé dans quel contexte, face à quel adversaire et dans quel milieu ?
En dehors de ce qui relève de la nécessaire et absolue autonomie stratégique, c’est-à-dire de la dissuasion, du renseignement et de la protection du territoire, la revue fait appel à un miraculeux sésame : la coopération européenne. Mais qu’en est-il aujourd’hui, réellement, d’une utopique Europe de la Défense dont aucune de ce que devraient être ses missions n’est définie ? Avec quels partenaires doit-t-elle se construire ? Les Britanniques qui sortent de l’Union européenne ou les Allemands dont le budget de la Défense est déjà supérieur au nôtre mais qui ne veulent pas faire la guerre ?
Et qu’en est-il de l’équation financière ? La hausse de 1,8 milliards d’euros annoncée pour 2018 ne compensera pas les 850 millions abattus sur le budget 2017 augmentés du «surcoût» des opérations extérieures dont il faut comprendre qu’il sera, à l’avenir, entièrement à la charge de la Défense. L’objectif d’atteinte, pour le budget de la Défense, de 2 % du PIB en 2025 est d’ores et déjà inaccessible puisqu’il ne sera que de 42 milliards d’euros en 2022 pour un PIB qui, en 2017, devrait être supérieur à 2 300 milliards d’euros et qui, si la croissance espérée est au rendez-vous, affaiblira encore le ratio. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains parlementaires de la majorité présidentielle abandonnent d’ores et déjà cette notion de ratio pour afficher un budget nominal de 50 milliards d’euros en 2025.
Les projections financières prévues sur la durée du quinquennat ne sont donc pas à la hauteur des ambitions affichées par la revue stratégique qui, en outre, passe sous silence les difficultés de recrutement, en particulier dans les spécialités « pointues », et le fort taux de non renouvellement de contrat des militaires. Par ailleurs, est-il raisonnable d’évoquer ici l’éventualité d’un service national universel qui serait sans doute, au moins partiellement, à la charge des armées, et dont le coût est évalué à 3 milliards annuels en fonctionnement sans compter une dizaine d’autres en investissement initial ?
Ce qui est particulièrement regrettable, c’est que la revue stratégique de Défense dresse un tableau assez réaliste du contexte géostratégique dont elle constate la dégradation et l’instabilité croissantes, mais, pour ce qui concerne notre Défense, se contente de déclarations d’intentions sans même estimer le niveau des moyens réels nécessaires à nos armées.
LA REDACTION
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