Service national universel : Macron persévère

Service national universel : Macron persévère

À Toulon, le chef de l’État a dit qu’il entendait mettre en œuvre sa promesse. Mais cette formation d’un mois aura plus de vertus civiques que militaires.

Par Jean Guisnel Publié le 21/01/2018 | Le Point.fr

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Le service civique envisagé par le chef de l’Etat pourrait durer un mois. Pas le temps de s’initier aux rudiments militaires, selon les experts.© AFP

Lors de ses vœux aux armées, le vendredi 19 janvier à Toulon, le président de la République est revenu sur son projet de service national universel, thème emblématique de sa campagne électorale. Au printemps dernier, ses conseillers nous avaient dit qu’il s’agissait d’un projet personnel, voulu et théorisé par le candidat en personne, qui n’avait alors pas tenu compte des observations et des réticences qui s’étaient manifestées au ministère de la Défense, dont était alors titulaire Jean-Yves Le Drian, ou à l’état-major des armées, à cette époque commandé par le général Pierre de Villiers.

Emmanuel Macron avait présenté ce projet lors de son grand discours thématique sur les affaires de défense, prononcé le 18 mars 2017. Évoquant explicitement à cette occasion un « service militaire universel », le candidat avait détaillé son idée : « Je souhaite donc, pour ce faire, que chaque jeune Français ait l’occasion d’une expérience, même brève, de la vie militaire. Un service national de durée courte, obligatoire et universel, sera donc instauré. (…) Ce service national universel, encadré par les armées et la gendarmerie nationale, s’adressera aux jeunes femmes et hommes aptes de toute une classe d’âge – soit environ 60 0000 jeunes par an. Au travers d’une expérience directe de la vie militaire, de ses savoir-faire et de ses exigences, chaque jeune Français ira ainsi à la rencontre de ses concitoyens, fera l’expérience de la mixité sociale et de la cohésion républicaine, durant un mois

Réservoir mobilisable

Ce temps de service militaire universel devra intervenir dans les 3 ans suivant le dix-huitième anniversaire de chacun. À l’issue de cette période, l’accès des jeunes aux métiers de la défense en tant que militaire d’active ou dans la garde nationale sera facilité. Ce service militaire universel permettra aussi de disposer, en cas de crise, d’un réservoir mobilisable, complémentaire de la garde nationale. »

À Toulon, le président a clairement précisé, sans employer le terme « militaire », que son projet de « service national universel » n’est pas passé à la trappe. Sous une forme légèrement ironique, il a confié : « Je veux rassurer chacun : il sera mené à son terme, il entrera à bon port, il sera conduit par l’ensemble des ministères concernés, et pas simplement par le ministère des Armées. Il aura un financement ad hoc, qui ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire. » Mais il n’y a rien de neuf dans cette déclaration, puisque la secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq, s’était exprimée dans des termes pratiquement identiques dans une interview à l’AFP le 30 septembre dernier. Elle y précisait déjà qu’une « ligne nouvelle consacrée à cette action » serait mise en place, et que les ministères de l’Éducation, de l’Intérieur, de la Santé et des Sports seraient mis à contribution. Quant aux armées, souffrant de très fortes tensions en effectifs, en locaux et en budgets, elles avaient dès le discours de campagne affiché leur incapacité à prendre en charge seules un projet aussi ambitieux.

Cours de secourisme ?

Le budget de 2 à 3 milliards d’euros évoqué par Emmanuel Macron paraît très largement sous-estimé par tous les connaisseurs que nous avons interrogés. L’aspect militaire de cette instruction est limité dès lors qu’il a été très vite acquis que le maniement des armes ne ferait pas partie d’une formation aussi brève. Geneviève Darrieussecq évoque d’ailleurs à ce propos une formation bénéficiant à des « jeunes qui soient protecteurs du pays. Ils pourraient y apprendre les gestes qui sauvent, la conduite à tenir en cas de cataclysme, d’attentats, d’état de guerre ». N’est-ce pas beaucoup de bruit pour des cours de secourisme ? Le calendrier évoqué à l’automne pour la définition du projet paraît en tout cas tenu. Une mission d’information sur le service national universel (http://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-de-la-defense/missions-d-information/service-national-universel/(block)/44034), composée de dix députés, planche sur le sujet depuis novembre. Elle devrait remettre son rapport au gouvernement fin janvier. Et une préfiguration de ce nouveau « service national » pourrait être étudiée dès le printemps, pour une mise en place courant 2019.