Mastodonte des cieux : voici le Lockheed C-130J “Super Hercules”, l’avion militaire aux capacités impressionnantes

Mastodonte des cieux : voici le Lockheed C-130J “Super Hercules”, l’avion militaire aux capacités impressionnantes

Par Yoann Beauvois – Science et Vie – Publié le 9 novembre 2024

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Découvrez les performances exceptionnelles du Lockheed C-130J Super Hercules, un avion militaire aux multiples fonctions stratégiques.

[Article publié initialement en avril 2024]

Dans le domaine de l’aviation militaire, les missions et objectifs de chaque aéronef doivent être multiples. De la reconnaissance, à l’escorte jusqu’aux attaques menées, la polyvalence d’une armée aérienne est nécessaire dans un monde de tensions perpétuelles dont les enjeux géo-politiques augmentent. Du côté du transport, un avion en particulier possède des compétences certaines et ce, depuis plusieurs décennies : le Lockheed C130J “Super Hercules”. Focus.

Le très “populaire” Lockheed C-130 Hercules

SI vous n’êtes pas très passionné par le monde de l’aviation, de prime abord le Lockheed C-130 Hercules ne vous dit peut-être rien. Pourtant, il y a fort à parier que vous l’ayez déjà vu sur grand ou petit écran. Cet engin dont l’envergure flotte avec les 41 mètres et culmine à 12 mètres de hauteur, a souvent été montré dans de grandes sagas comme James Bond, Fast and Furious ou encore Transformers.

Il se remarque très facilement grâce à son nez bombé, sa peinture grise foncée et surtout, ses hélices iconiques. Conçu par Lockeed Martin dans les années 1950, il compte aujourd’hui plus de 2000 exemplaires dans le monde et a été dérivé en plusieurs modèles. Et il s’est considérablement adapté aux missions et enjeux modernes.

Le C-130J Super Hercules, un grand qui pèse son poids

A la fin des années 1990, le C-130 se modernise et propose une version dite “Super Hercules”, avec de nouveaux moteurs et un changement dans le poste de pilotage. Un poil plus long de 4 mètres que son modèle de base, notre géant des airs pèse environ 34 tonnes à vide et peut doubler son poids une fois chargé. Même si ces statistiques sont bien loin de ce que propose l’avion le plus massif de l’histoire.

L’avion, dans cette version, peut également atteindre la vitesse maximale de 670 km/h. Le site du Ministère des Armées françaises le décrit comme un “avion de transport tactique ou d’assaut (…) quadri turbopropulseur de transport militaire, de court à moyen rayon d’action”.

Les capacités du C-130J Super Hercules et sa version C-130J-30

Sur la fiche des spécificités de l’engin, la Défense française rappelle qu’il peut voler pendant 8 heures non-stop et dévoile quelques-unes des ses principales fonctions. 

Outre le transport de personnes et de militaires, il est d’un soutien logistique de grande utilité capable de livrer des colis ou du matériel en tout genre. Il peut supporter le transport de plus de 120 personnes dans ses soutes, et pas moins de 92 parachutistes dans sa version C-130J-30.

Un document de l’Armée de l’air et de l’Espace française précise ses principales fonctions : 

  • Largage de personnes
  • Largage de colis
  • Transport
  • Recherche et sauvetage
  • Extraction de personnel en zone de menace
  • Ravitaillement en vol des hélicoptères (version KC-130J)
  • Évacuation sanitaire

Soutenu par la DGA, le projet de ballon stratosphérique manœuvrant BalMan a réussi ses premiers essais

Soutenu par la DGA, le projet de ballon stratosphérique manœuvrant BalMan a réussi ses premiers essais

https://www.opex360.com/2024/11/06/soutenu-par-la-dga-le-projet-de-ballon-stratospherique-manoeuvrant-balman-a-reussi-ses-premiers-essais/


Lors de sa première audition à l’Assemblée nationale en tant que chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], le général Jérôme Bellanger a évoqué les enjeux de la Très Haute Altitude [THA]. « C’est une zone dans laquelle il faut absolument investir, parce qu’elle est duale et qu’elle permet des systèmes résilients en termes de communications et en termes de surveillance » et aussi « parce que, la nature ayant horreur du vide, si nous n’y allons pas, d’autres iront à notre place ». Et d’insister : Il est « hors de question d’avoir des ballons chinois positionnés au-dessus de nos têtes à Paris et qui nous observent ».

Pour rappel, la THA est susceptible de devenir un nouveau champ de conflictualité, faute de cadre juridique suffisamment précis pour la réglementer. En effet, à ce jour, il n’y a pas de consensus sur la définition de la limite basse de l’espace extra-atmosphérique et de la limite haute de l’espace aérien. D’où un flou que certains pays tentent d’exploiter, comme l’a montré l’affaire du ballon espion chinois abattu au large de la Caroline du Sud par un F-22A Raptor de l’US Air Force, en février 2023.

L’an passé, l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] a élaboré une stratégie dédiée à cette THA. Stratégie dont la mise en œuvre a été récemment confiée au général Alexis Rougier au sein de l’EMAAE. Cela étant, le général Bellanger a expliqué aux députés qu’il faudrait se doter de « moyens de neutralisation » [et donc d’intervention] dans cette Très Haute Altitude, qu’il a qualifiée de « Far West ». Et que cela passait par « l’exploration » de certaines capacités, en lien avec certains industriels.

Si, s’agissant de la THA, le pseudosatellite Zephyr d’Airbus et le Stratobus de Thales Alenia Space sont régulièrement cités, d’autres solutions sont sur le point de se concrétiser.

Ainsi, fondée en 2016, l’entreprise toulousaine Zephalto, a récemment effectué, avec succès, le vol d’essai d’une capsule pressurisée qui, avec deux personnes à bord, s’est élevée à 6 000 mètres d’altitude à l’aide d’un ballon. L’objectif est de pouvoir emmener des passagers dans la stratosphère à des fins commerciales [il s’agit de développer une nouvelle sorte de « tourisme spatial »]. Mais pas seulement puisqu’il est aussi question d’effectuer des vols pour des expériences scientifiques et technologiques.

Ayant également investi ce créneau, l’entreprise Hemeria vient de réaliser, avec succès, le premier vol d’essai de son ballon stratosphérique manœuvrant BalMan, conçu sous la maîtrise d’ouvrage du Centre national d’études spatiales [CNES].

« Dans la nuit du 30 octobre, le ballon manœuvrant BalMan […] a effectué avec succès son 1er essai en vol, depuis le Centre Spatial Guyanais, validant ainsi la fiabilité de l’enveloppe du ballon stratosphérique et des systèmes de sécurité du vol aux conditions de la haute altitude », a en effet indiqué le CNES, via un communiqué diffusé ce 6 novembre.

Ce projet de ballon manœuvrant stratosphérique est également soutenu par la Direction générale de l’armement [DGA]. Il est en outre financé par France Relance.

L’objectif de ce projet, explique le CNES, est d’avoir la « capacité de rester au-dessus d’une zone géographique d’intérêt, à plusieurs dizaines de kilomètres d’altitude, bien plus longtemps que [ne] peut le faire un ballon dérivant, un avion, voire un drone ». Pour cela, les opérateurs de l’aérostat « utilisent les courants de vents à différentes altitudes afin de [le] déplacer horizontalement ». Ce qui ouvre le champ à de nombreuses applications, tant militaires que civiles.

Selon Hemeria, ce ballon stratosphérique manœuvrant permettra de « faciliter l’accès à l’espace à moindre coût », de « survoler plus longtemps une zone d’intérêt » et de « réduire les contraintes logistiques ».

Pour rappel, la stratosphère est située entre une dizaine et une cinquantaine de kilomètres d’altitude, c’est-à-dire entre la troposphère et la mésosphère.

Un second vol de ce BalMan devrait avoir lieu dans le courant de l’année prochaine. Il s’agira cette fois de tester son aptitude à emporter une charge utile de 50 kg. Les activités autour ce cet aérostat « vont maintenant se poursuivre pour rapidement proposer cette technologie aux communautés scientifique, de défense ou aux opérateurs commerciaux », a fait valoir Caroline Laurent, directrice des Systèmes orbitaux et des Applications au CNES.

Photo : Hemeria

Les Forces aériennes stratégiques : 60 ans de dissuasion nucléaire

par AASSDN – publié le 20 octobre 2024

http://AASSDN.org/


Découvrez les 6 choses à retenir sur la dissuasion nucléaire grâce au dossier mis à votre disposition par l’armée de l’Air et de l’Espace.

Le premier avion au monde équipé d’un moteur aerospike prêt à voler ce mois-ci après un échec en vol

Le premier avion au monde équipé d’un moteur aerospike prêt à voler ce mois-ci après un échec en vol

Le programme ambitieux de Polaris Aerospace, visant à tester le premier avion équipé d’un moteur aerospike, fait son grand retour après un premier vol test qui s’est soldé par un échec. Déterminée, l’entreprise est prête à lancer deux nouvelles versions de son aéronef, les Mira II et Mira III, dans le cadre d’un projet aux multiples enjeux techniques et commerciaux.

Le Premier Avion Au Monde Equipe Dun Moteur Aerospike Pret A Voler Ce Mois Ci Apres Un Echec En Vol
Le premier avion au monde équipé d’un moteur aerospike prêt à voler ce mois-ci après un échec en vol – © Armees.com

Lors de ses premiers essais, la Mira I a accumulé plusieurs succès, volant grâce à quatre moteurs à turbine fonctionnant au kérosène. Cependant, tout a basculé lors de l’intégration du moteur aerospike fonctionnant avec un mélange de kérosène et d’oxygène liquide (LOX). Au moment de l’envol, l’aéronef a dérivé et s’est écrasé à plus de 160 km/h, compromettant ainsi l’aboutissement du premier test aerospike en vol. Face aux dégâts subis par la structure, Polaris a choisi d’abandonner la Mira I pour se concentrer sur les deux nouveaux prototypes.

Le Premier Avion Au Monde Equipe Dun Moteur Aerospike Pret A Voler Ce Mois Ci Apres Un Echec En Vol 3

Mira II et Mira III : des designs optimisés pour la réussite

Les nouveaux modèles, Mira II et III, sont identiques et mesurent environ cinq mètres de long, avec une surface d’aile augmentée de 30 % par rapport au modèle précédent. Construites en fibre de verre, ces structures de démonstration permettent à l’équipe de Polaris d’intégrer les nombreuses leçons tirées de Mira I, tout en maintenant une conception légère et adaptable. Cette décision stratégique permet à la firme de poursuivre ses essais en gardant une réserve en cas de problème.

Le moteur aerospike, au cœur de ce projet, se distingue par une architecture innovante. Contrairement aux moteurs traditionnels, il adapte automatiquement son efficacité en fonction de l’altitude, permettant un gain de performance dans une grande variété de conditions. En théorie, l’aerospike pourrait être opérationnel de la surface terrestre jusqu’aux limites de l’espace, une promesse que Polaris espère concrétiser avec ces nouvelles versions.

Vers un espace plus accessible : les ambitions de Polaris

La vision de Polaris dépasse les simples tests en vol. Avec la série Mira, l’entreprise vise à créer une plateforme spatiale capable de décoller et d’atterrir sur une piste, assurant ainsi une réutilisabilité totale. Cette avancée pourrait transformer le secteur du transport spatial en réduisant les coûts et en augmentant l’accessibilité, que ce soit pour du transport de fret ou de passagers. Si les prochains essais sont concluants, Polaris se rapproche d’un objectif de stade orbital en une seule étape (SSTO), un concept prometteur mais encore jamais atteint dans le domaine spatial.

Les tests prévus devraient se dérouler dans les prochaines semaines, potentiellement sur le même site de l’aérodrome de Peenemünde en Allemagne. Polaris prévoit également de lancer un prototype supersonique nommé NOVA dès 2025, visant à développer un modèle commercial pour répondre aux besoins de transport rapide et sécurisé entre les points les plus éloignés du globe.

Le Premier Avion Au Monde Equipe Dun Moteur Aerospike Pret A Voler Ce Mois Ci Apres Un Echec En Vol 2

Une innovation historique en marche

Avec l’aerospike, Polaris Aerospace n’entend pas seulement réaliser un exploit technologique mais ouvrir la voie à un nouveau standard dans la propulsion spatiale. Ce moteur, conçu pour ajuster son efficacité en temps réel, se distingue des modèles à tuyère traditionnelle et pourrait redéfinir le domaine des vols orbitaux en réduisant la complexité des systèmes actuels. Le monde attend avec impatience de voir si Polaris parviendra à franchir cette étape historique, confirmant la promesse de l’aerospike pour un avenir plus rapide et plus efficace dans l’espace.

L’industrie de l’aviation et de l’aérospatial garde les yeux tournés vers Polaris Aerospace, dans l’attente d’un succès qui pourrait bien redéfinir les limites des technologies de propulsion actuelles.


Jean Baptiste Giraud
Jean-Baptiste Giraud

Journaliste éco, écrivain, entrepreneur. Dir de la Rédac et fondateur d’EconomieMatin.fr. Fondateur de Cvox.fr. Officier (R) de gendarmerie.

Une innovation permet d’optimiser la formation des chuteurs opérationnels des commandos parachutistes de l’Air

Une innovation permet d’optimiser la formation des chuteurs opérationnels des commandos parachutistes de l’Air


Le concept peut sembler relativement simple… mais encore fallait-il y penser. Ainsi, affectés au Centre air de sauts en vol [CASV], implanté sur la base aérienne [BA] 123 d’Orléans-Bricy, le lieutenant Étienne et l’adjudant-chef Thomas, ont eu l’idée d’utiliser un « treuil ascensionnel » pour mettre au point une sorte de « simulateur de vol » pour les chuteurs opérationnels – novices ou confirmés – de l’Escadre Force Commando Air [EFCA], laquelle fédère notamment les Commandos Parachutistes de l’Air [CPA] 10 et 30.

Soutenue par la Brigade des forces spéciales Air [BFSA] et le Centre d’expertises aériennes militaires [CEAM], cette innovation a été présentée à l’occasion du « Prix de l’Audace », organisé par l’Agence de l’innovation de défense [AID] et financé par la Fondation Maréchal Leclerc de Hautecloque.

Si elle n’a pas été primée, il n’en reste pas moins que cette innovation, issue de la démarche HAPPI du CEAM, permettra d’améliorer la formation et la qualification des commandos parachutistes à moindre coût et avec davantage de flexibilité, étant donné que de telles activités sont souvent tributaires du manque de disponibilité d’avions dédiés.

Or, comme l’explique le dernier numéro d’Air Actualités, les commandos « restent parfois dans l’attente d’être qualifiés, ce qui impacte leur opérabilité et plus généralement la bonne exécution des opérations spéciales ».

Concrètement, le dispositif mis au point par les deux cadres du CASV permet à un élève parachutiste d’effectuer une descente sous voile, plusieurs fois par jour et dans des conditions différentes [jour, nuit, avec ou sans charge, etc.]. Grâce à ce treuil couplé à un parachute ascensionnel, le stagiaire peut atteindre une altitude de 700 mètres, ce qui correspond, grosso modo, à un vol sous voile « normal » après largage. Outre un meilleur encadrement, ce système réduit le risque de blessure.

Selon le CEAM, cet équipement « permet de faire 6 chutes sous voile par jour pour une équipe de 10 chuteurs, sans mise à disposition d’un aéronefs et son équipage ».

Un siècle d’aviation militaire. Entretien avec Vincent Lanata

Un siècle d’aviation militaire. Entretien avec Vincent Lanata

par Revue Conflits – publié le 24 octobre 2024

https://www.revueconflits.com/un-siecle-daviation-militaire-batailles-aeriennes-et-enjeux-strategiques-entretien-avec-vincent-lanata/


Photo : Un avion de chasse F-16 taïwanais vole à côté d’un bombardier H-6 chinois (en haut) dans la ZIDA de Taïwan. Crédit : Wiki commons,
 

Vincent Lanata, ancien pilote de chasse et chef d’état-major de l’armée de l’air, raconte comment l’aviation militaire a réussi à s’imposer au sein des forces armées, et comment elle ne cesse de révolutionner l’art de la guerre.

 Propos recueillis par Paulin de Rosny

Comment l’Armée de l’Air s’est-elle imposée comme une armée à part entière ?

L’aviation, rappelons-le, n’a que 120 ans. Et ses débuts furent hasardeux. Comme je l’explique dans mon livre, des visionnaires comme Clément Ader ont imaginé ce que pourrait être l’apport de l’utilisation de la troisième dimension dans les opérations militaires, puis sont apparus les précurseurs, ceux qui ont construit les premières machines volantes et enfin les pionniers, ceux qui se sont les premiers confrontés au combat dans les airs. La Première Guerre mondiale a vu l’aéronautique initialement cantonnée à l’observation conquérir de nouvelles missions comme la chasse puis le bombardement et la reconnaissance : pour la première fois de l’Histoire, l’aviation prenait une part importante dans la conduite des opérations.

Les débuts ont été très marqués par une méfiance de la part des états-majors, qui avaient du mal à concevoir l’avion comme une arme stratégique. Pour beaucoup de généraux de l’époque, la guerre se gagnait avant tout par la manœuvre des troupes, et l’avion ne pourrait jouer qu’un rôle subalterne. Bien que la guerre ait prouvé le rôle essentiel qu’avait joué l’aviation, cette réticence à lui accorder plus de place retarda sa reconnaissance comme branche indépendante des armées. Ce n’est qu’en 1934 que l’aéronautique militaire, alors rattachée à l’armée de terre, est officiellement séparée de l’armée de terre pour devenir une armée indépendante : l’armée de l’air.

Au début du XXe siècle, il existait aussi plusieurs visions doctrinales concurrentes sur le rôle de l’arme aérienne : dans l’entre-deux guerres, des théoriciens établirent des doctrines d’emploi ou d’organisation des forces aériennes ; ce furent Douhet en Italie, Trenchard au Royaume-Uni ou Mitchell aux États-Unis. Tous ont dû lutter contre les conservatismes pour faire accepter l’idée que l’aviation pouvait jouer un rôle décisif et non seulement auxiliaire. En France, qui avait été pionnière de l’emploi de l’arme aérienne, il n’y eut aucun de ces théoriciens qui auraient pu élever notre pays au-dessus de la seule technique.

De quelle innovation technologique déterminante avez-vous été témoin pendant votre carrière ?

Lorsque j’ai pris le commandement de l’état-major de l’armée de l’air, on brandissait sans arrêt ce nombre magique : 450 avions de combat. La première chose que je décidai en arrivant fut de retirer du service une centaine d’appareils qui n’étaient plus à même de participer à des opérations modernes du fait de leur obsolescence. Parallèlement l’effort fut porté sur la modernisation du reste de la flotte qui fit l’objet d’un nombre important de réorganisations et d’acquisitions de matériels modernes.

Pour prendre un exemple d’action, il nous manquait encore la capacité de tir de précision de nuit. À l’époque, le chef d’état-major de l’armée de l’air était indépendant et avait un accès direct au ministre, sans passer par le chef d’état-major des armées. J’ai donc informé le ministre Pierre Joxe que j’avais l’intention de lancer un « crash program » pour que nous disposions au plus vite de cette capacité ; après son accord, les discussions avec les services techniques et les industriels permirent d’envisager la livraison d’un équipement répondant aux spécifications opérationnelles. Restait à fixer la date de livraison, nous étions en janvier et j’avais besoin du matériel pour l’été. Les industriels me dirent que le délai était trop court, j’insistai, et pour leur forcer la main, je fis paraitre un communiqué de presse annonçant que l’Armée de l’Air allait se doter de tel équipement et qu’il serait inauguré par le ministre de la Défense le 31 juillet ! Le 31 juillet, le matériel était inauguré.

Quelle est la place de l’homme dans les combats ?

On sait très bien faire un avion de ligne sans pilote. Cependant, si la technique permettait déjà aujourd’hui de réaliser un tel appareil avec toutes les sécurités nécessaires, il n’est pas encore possible de faire embarquer les passagers sans aucune réticence de leur part. Encore trop tôt, mais un jour ce sera réalisé. Pour ce qui est de l’aviation de combat, aujourd’hui, la complexité des machines et des missions ne permet pas encore de se passer de l’intelligence humaine. Cependant, on peut imaginer qu’avec les progrès fulgurants de l’intelligence artificielle, ainsi que de la rapidité de calcul, on puisse arriver à se passer un jour de l’homme. On le voit avec l’utilisation des drones de plus en plus sophistiqués et de plus en plus performants. Mais ce jour-là le combat changera de dimension et d’âme et il se fera par électronique interposée, l’homme étant absent de l’action directe ainsi que du risque du combat.

Peut-on tirer des leçons du conflit ukrainien ?

Pour ce qui est des opérations aériennes, il est difficile de tirer une leçon du conflit russo-ukrainien. L’Ukraine a très peu d’aviation, mais possède une bonne défense anti-aérienne, ce qui fait que les avions russes ne sortent pas de la zone dans laquelle ils sont hors de portée de la défense sol-air.

L’aviation militaire française est-elle en mesure de maintenir son indépendance stratégique ?

L’indépendance stratégique de la France a été pensée par le Général de Gaulle. Grâce aux programmes d’armement français, on sait tout produire, du plus petit équipement à l’arme nucléaire. Mais cela engendre des coûts de développement importants : si on dispose des moyens techniques et industriels, nous ne possédons pas les ressources financières nécessaires pour développer et produire seuls nos moyens de défense. C’est pour cette raison que nous sommes contraints de travailler en coopération avec les pays européens. Alors engageons-nous dans cette Europe de la défense dont nous faisons partie afin d’acquérir une indépendance au moins européenne. Comment envisager qu’une entité comme l’Europe puisse être totalement dépendante d’un pays tiers pour sa défense ?

Les enjeux climatiques représentent-ils une menace pour l’aviation militaire ?

On ne peut pas imaginer un avion de combat sans performances maximales.  La puissance de l’avion est un élément essentiel de ses performances, ce qui donne des moteurs gourmands en carburant. N’oublions pas cependant que, bien qu’en maintenant notre exigence sur les performances, nous sommes toujours à la recherche d’une réduction de la consommation. C’est d’ailleurs autant un gain environnemental qu’un gain financier, ou même qu’une amélioration des performances (en termes d’autonomie par exemple). N’oublions pas non plus que l’aviation civile et militaire ne représente que 3% des gaz à effet de serre, contre 10% pour l’automobile par exemple.

Général Bellanger : « Il est hors de question d’avoir des ballons chinois au-dessus de nos têtes »

Général Bellanger : « Il est hors de question d’avoir des ballons chinois au-dessus de nos têtes »


En janvier 2023, l’armée de l’Air et de l’Espace [AAE] avait indiqué qu’elle allait élaborer une stratégie concentrée sur trois fonctions, à savoir « connaissance / compréhension / anticipation », « protection » et « intervention », pour la « Très Haute Altitude » [THA], suceptible de devenir un nouveau domaine de conflictualité dans la mesure où le cadre juridique censé la réglementer manque de clarté, faute de consensus sur la définition de la limite haute de l’espace aérien et de la limite basse de l’espace extra-atmosphérique.

Les enjeux de la THA ne tardèrent d’ailleurs pas à être mis exergue avec l’affaire du ballon espion chinois aux États-Unis. Pour rappel, après avoir survolé le territoire américain en passant près d’installations militaires sensibles, cet aérostat avait été abattu par un F-22A Raptor au large de la Caroline du Sud.

Depuis, l’AAE a été discrète sur la stratégie dédiée à la THA qu’elle avait annoncée. En novembre 2023, le général Stéphane Mille, qui était alors son chef d’état-major [CEMAAE], avait cependant assuré qu’elle était en mesure d’y « intervenir tout comme les Américains à l’égard du ballon chinois ». Et d’insister : « Nous n’avons donc pas besoin d’aller très au-delà de nos capacités actuelles ».

Cela étant, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 prend en compte cet espace de conflictualité en devenir étant donné qu’elle prévoit une actualisation de la stratégie spatiale de défense [SSD] afin de « conduire les ambitions opérationnelles de la très Haute Altitude telles que le développement de la surveillance améliorée de l’espace et la défense des intérêts spatiaux français critiques ».

Lors de sa première audition à l’Assemblée nationale en tant que CEMAAE, le 16 octobre, le général Jérôme Bellanger a souligné la nécessité d’une « programmation capacitaire » permettant « de renforcer la crédibilité opérationnelle » de l’AAE comme « puissance [militaire] aérospatiale ». Puis, il a expliqué ce qu’il entendait par ce concept.

« Mon idée est de vraiment renforcer le statut de l’armée de l’Air comme une puissance militaire aérospatiale. Pourquoi je dis ‘aérospatiale’ ? Parce que entre le domaine aérien et l’espace, il y a la Très Haute Altitude. Et entre 20 et 100 km [d’altitude], c’est le ‘Far West’ », a-t-il dit.

« C’est une zone aussi dans laquelle il faut absolument investir, parce qu’elle est duale et qu’elle permet des systèmes résilients en termes de communications et en termes de surveillance » et aussi parce que « la nature a horreur du vide et que si nous n’y allons pas, d’autres iront à notre place », a fait valoir le général Bellanger. Or, a-t-il continué, il est « hors de question d’avoir des ballons chinois positionnés au-dessus de nos têtes à Paris et qui nous observent ».

Aussi, pour le général Bellanger, l’AAE aura besoin de « moyens de neutralisation dans cette Très Haute Altitude ». En clair, il faut aller au-delà de la seule capacité à abattre un aérostat espion, ne serait-ce que pour ne pas mettre en danger les populations civiles qu’il pourrait survoler. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’US Air Force a abattu l’imposant ballon chinois quand celui-ci survolait les eaux territoriales américaines.

En attendant, le CEMAAE a évoqué « l’exploration » de certaines capacités, en lien avec des groupes comme Airbus et Thales Alenia Space. « C’est extrêmement intéressant et on est avec eux pour les aider et avoir enfin ces capacités dans la THA », a-t-il dit.

Lors de son intervention, le général Bellanger a en effet cité l’avion Zephyr d’Airbus et le dirigeable Stratobus de Thales Alenia Space. Jusqu’alors, seul le second avait suscité l’intérêt de la Direction générale de l’armement [DGA] puisqu’il fit l’objet d’un contrat d’étude de concept notifié en janvier 2020.

Celui-ci « vise à étudier l’apport des plateformes stratosphériques persistantes pour compléter et améliorer la capacité de défense de la France », avait expliqué Thales, à l’époque.

Pour rappel, le Stratobus est un dirigeable autonome capable de porter une charge de 200 kg et de tenir une position stationnaire à 20 km d’altitude grâce à deux moteurs électriques alimentés par des panneaux photovoltaïques et une pile à combustible.

Quant au Zephyr, initialement développé par QinetiQ avant d’être repris par Airbus, il s’agit d’un « pseudolite » affichant une masse de seulement 75 kg pour une envergure de 25 mètres. Il peut voler durant de longues périodes [son record est de 64 jours], à plus de 76 000 pieds [soit 23,2 km] d’altitude, grâce à un moteur alimenté par une batterie Li-S [lithium et soufre], rechargée par des panneaux solaires.

Le ministère britannique de la Défense et le Pentagone ont déjà fait part de leur intérêt pour cet appareil. De même que, de manière informelle, la Marine nationale. Un tel engin « peut rester des semaines en l’air et avance […] à la vitesse d’un bateau : il pourrait donc suivre une force navale, servir, de façon assez discrète, de relais de télécommunications, mais aussi, de point d’observation afin de relever tous les transpondeurs, en voyant plus loin », avait expliqué l’amiral Christophe Prazuck, en 2019.

Tir d’essai du futur missile antiaérien de l’armée française qui devrait entrer en service en 2026

AASSDN* – publié le 13/10/2024

https://aassdn.org/amicale/tir-dessai-du-futur-missile-antiaerien-de-larmee-francaise-qui-devrait-entrer-en-service-en-2026/

*L’AASSDN rassemblela communauté du renseignement et renforce ses liens avec l’ensemble des citoyens


Le missile jaillit de son tube et bondit vers le ciel. Une dizaine de secondes plus tard, la cible volante est désintégrée: l’armée française a testé mardi avec succès la future version de son missile anti-aérien, qui doit pouvoir intercepter certains missiles balistiques ou hypersoniques.

Baptisé « opération Mercure », l’essai mené au centre d’essais de la Direction générale de l’armement (DGA) à Biscarosse (Landes, sud-ouest) est le “premier tir de développement de ce que sera le futur missile Aster”, explique la directrice du centre, l’ingénieure de l’armement Corinne Lopez.

Le missile Aster 30 B1NT (nouvelle technologie), qui doit entrer en service en 2026, aura la capacité d’atteindre une cible volant à 25 000 mètres d’altitude à 150 kilomètres à la ronde, selon son concepteur, le fabricant de missiles européen MBDA.

Outre les avions, il aura la capacité d’intercepter des missiles balistiques de moyenne portée, du type de ceux tirés la semaine passée par l’Iran contre Israël, ainsi que les missiles dits hypersoniques, volant à plus de Mach 5 (6 000 km/h).

Pour l’heure, l’exercice se joue avec deux cibles orange volant à près de 900 km/h au-dessus de l’océan Atlantique à 6 000 mètres d’altitude, à une vingtaine de kilomètres de la côte.

Il en faudra plusieurs autres avant que le missile et son système de défense sol-air de moyenne portée (SAMP/T NG, sol-air moyenne portée terrestre de nouvelle génération) entrent en service.

“5, 4, 3, 2, 1… Tir autorisé”, énonce l’officier de conduite d’essai dans la salle d’opérations bardée d’écrans d’où sont surveillées et recueillies les données radar, optique ou de télémesures.

En bord de mer, une batterie de défense sol-air, tubes de lancement pointés à la verticale, déclenche le tir. “A tous, la cible a été touchée”, annonce peu après l’officier sous les applaudissements du ministre des Armées Sébastien Lecornu et de plusieurs parlementaires.

« C’était la première épreuve d’un programme qui est absolument clé (…) un beau succès sur la discrimination de cibles », salue M. Lecornu. Doté d’un nouvel autodirecteur, sorte de petit radar situé dans sa tête, le missile a en effet su faire la différence entre ce qui lui était présenté comme l’aéronef ami et l’autre ennemi.

Espoirs commerciaux

La France est engagée dans un renforcement de sa défense sol-air, domaine délaissé depuis la fin de la Guerre froide. Elle prévoit d’y consacrer 5 milliards d’euros d’ici 2030 et a déjà commandé 8 systèmes SAMP/T de nouvelle génération, qui avec les nouveaux Aster comprendra un nouveau radar et un nouveau système de conduite de tir. Elle doit en commander quatre autres dans les années à venir.

L’Italie, avec qui le programme a été lancé en 2021, doit de son côté se doter de 10 de ces systèmes. Les missiles Aster 30 B1NT équiperont également les frégates françaises et italiennes, ainsi que les pays qui achètent ces navires auprès des deux pays, tout comme certains bâtiments britanniques.

« Les frappes iraniennes sur Israël montrent bien à quel point les menaces balistiques à longue portée sont malheureusement devant nous. La France doit être prête », juge le ministre.

Alors que le système SAMP/T n’a jamais trouvé preneur à l’export, hormis une batterie donnée à l’Ukraine pour l’aider à défendre son ciel face aux bombardements russes, le ministre espère de futurs succès commerciaux, alors que de nombreux pays européens ont opté pour le Patriot américain.

Il s’agit pour Paris et Rome d’offrir une alternative au projet de « bouclier du ciel européen » (ESSI) lancé par l’Allemagne et auquel se sont joints une vingtaine de pays. Celui-ci entend s’appuyer sur les systèmes anti-aériens Iris-T allemand pour la défense sol-air courte portée, Patriot américain pour la moyenne portée et américano-israélien Arrow-3 pour la longue portée.

Avec le futur missile Aster, espère Sébastien Lecornu, « on est en train d’avoir un saut technologique suffisamment fort pour permettre à une partie de l’Europe d’acheter franco-italien et d’avoir une solution complètement souveraine », à 100% européenne.

Dépêche AFP  – 08/10/2024 à 14:18


Légende de la photo : Photo d’illustration
Source de la photo : Pixabay

La DGA a réalisé avec succès le premier tir de qualification du système de défense aérienne SAMP/T NG

La DGA a réalisé avec succès le premier tir de qualification du système de défense aérienne SAMP/T NG

https://www.opex360.com/2024/10/09/la-dga-a-realise-avec-succes-le-premier-tir-de-qualification-du-systeme-de-defense-aerienne-samp-t-ng/


Lors d’une conférence sur la défense aérienne et antimissile de l’Europe, tenue à Rome, les 16 et 17 septembre, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, confirma la commande de huit systèmes SAMP/T NG [Sol-Air Moyenne Portée de Nouvelle Génération ou Mamba NG] avant de préciser que les premiers exemplaires entreraient en service au sein de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] à partir de 2026. Soit avec un an d’avance par rapport au calendrier initialement prévu. Autant dire qu’il n’y a guère de temps à perdre…

Pour rappel, développé dans le cadre d’une coopération franco-italienne par le consortium Eurosam [MBDA et Thales] par l’entremise de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr], le SAMP/T repose sur le nouveau missile intercepteur Aster 30 Block 1 NT [pour Nouvelles Technologies] qui, doté d’un autodirecteur en bande Ka, est associé, pour la version française, au radar Ground Fire 300 fourni par Thales.

Le 8 octobre, à Biscarrosse, ce programme a franchi une étape significative avec le premier tir réussi d’un Aster 30 B 1NT depuis le site de la Direction générale de l’armement – Essais de Missiles [DGA-EM].

« Il s’agit du premier tir de développement du missile ASTER 30 B1 de Nouvelle Technologie, qui équipera le futur système de défense sol­-air franco­-italien SAMP/T NG et les plateformes navales des deux nations équipées de systèmes de défense anti­aérienne », a expliqué la DGA.

 

Le scénario de cet essai aura été relativement complexe dans la mesure où il a consisté à abattre une « cible représentative d’un chasseur ennemi » afin de protéger un « avion ami ».

« DGA Essais de missiles a assuré la conduite d’ensemble de l’opération, la mise en œuvre des cibles ainsi que la sécurité des biens et des personnes sur la zone d’exercice », a précisé le ministère des Armées, via un communiqué.

Selon les précisions apportées par Eurosam, une batterie SAMP/T se compose de 48 missiles Aster 30 B 1NT prêts à être lancés, d’un radar multifonctions [le Ground Fire 300 pour la France, le Kronos GM HP pour l’Italie], d’un module d’engagement et de 6 lanceurs.

Le SAMP/T NG « représentera une rupture technologique vis-à-vis du Patriot américain. Ce sera l’un des seuls systèmes au monde capable d’arrêter un missile hypervéloce », avait indiqué Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement [DGA], dans un entretien donné au quotidien Le Figaro, en mai dernier.

Plus précisément, offrant une protection à 360 degrés, le SAMP/T NG sera capable de détecter et d’intercepter des missiles balistiques manœuvrant d’une portée supérieure à 600 km ainsi que des « cibles aérobies » à plus de 150 km de distance.

Photo : Capture d’écran – via DGA

Évolutivité et polyvalence des avions de combat, un mauvais calcul pour les armées ?

Évolutivité et polyvalence des avions de combat, un mauvais calcul pour les armées ?

 

Selon Lockheed Martin, le chasseur F-35 continuera de représenter la colonne vertébrale des forces aériennes occidentales jusqu’en 2080. À cette date, le chasseur de 5ᵉ génération, qui est entré en service en 2015 (F-35A de l’US Air Force), aura donc 65 ans, et aura vu passer plus de trois générations de pilotes.

Cette dynamique est loin d’être exclusive au F-35. Ainsi, le Rafale de Dassault Aviation, entré en service 2000, volera encore au sein des forces aériennes françaises jusqu’en 2060, tout comme le Typhoon européen ou le F-15EX américain.

Alors que les avions de combat avaient une durée de vie de 15 à 20 ans au sein des forces, dans les années 50 et 60, les évolutions technologiques, mais aussi l’augmentation des couts de développement et d’acquisition des appareils, ont amené les forces aériennes à tenter d’accroitre la durée de vie efficace de leurs appareils, au travers d’une grande évolutivité permettant de les doter de nouvelles capacités, et d’une grande polyvalence, pour simplifier et harmoniser les forces, sans perdre en capacités.

Ces paradigmes font aujourd’hui force de dogmes, notamment concernant le développement des nouveaux avions de combat comme le SCAF et le GCAP européens, ou le NGAD américain, tous trois conçus pour durer plus de 50 à 60 ans, en conservant une efficacité opérationnelle supérieure à l’adversaire.

Pour autant, ces certitudes quant à l’efficacité de ces paradigmes, qui déterminent la conduite et les ambitions des programmes d’avions de combat aujourd’hui, mais aussi le format des flottes de chasse, résistent-elles à une analyse comparative, face à un modèle plus conventionnel, avec des cycles raccourcis, des appareils plus spécialisés et moins évolutifs, et des séries plus réduites ? C’est loin d’être évident…

 

Sommaire

Évolutivité et polyvalence, les paradigmes clés des avions de combat modernes

En 1990, les forces aériennes françaises mettaient en œuvre 7 modèles d’avions de combat différents : le Mirage 2000 C et le Mirage 2000N pour la défense aérienne et la dissuasion aéroportée, le Mirage F1CT et CR pour l’attaque et la reconnaissance, le Jaguar pour l’attaque, le Mirage IVP pour la reconnaissance stratégique, le F-8 Crusader pour la défense aérienne embarquée, le Super Étendard pour l’attaque embarquée et l’Étendard IVP pour la reconnaissance embarquée.

avions de combat Mirage F1C
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En 2030, ces mêmes forces aériennes n’aligneront plus que deux modèles de chasseurs : le Rafale, en version A, B et M, et le Mirage 2000D, ce dernier devant quitter le service d’ici à 2035, pour une flotte intégralement composée de Rafale, mais toujours capable d’assurer très efficacement toutes les missions des forces aériennes françaises, y compris la dissuasion et les forces aéronavales embarquées.

Remplacer sept modèles par un unique chasseur, représente de nombreux avantages pour celles-ci, notamment en termes de formation des personnels de maintenance et des équipages, ainsi qu’en termes de gestion des flux pour le maintien en condition opérationnel des appareils.

Non seulement le Rafale est-il capable de tout faire, et de bien le faire, mais il est remarquablement capable d’évoluer. Ainsi, le Rafale F1 de 2000, un chasseur de supériorité aérienne embarqué, n’a plus guère à voir, en termes de capacités, avec le Rafale F4 qui arrive, un appareil véritablement multimission, alors qu’il s’agit de la même cellule.

Du point de vue budgétaire, disposer d’un appareil entièrement polyvalent, et capable d’évoluer, au fil des années, pour se doter de nouvelles capacités afin de rester au pinacle des forces aériennes, semble bien cocher toutes les cases pour disposer d’une flotte de chasse optimisée. En effet, la polyvalence permet de rationaliser cette flotte, alors que l’évolutivité permet de conserver les appareils plus longtemps sans dégrader les performances opérationnelles, et donc, d’acquérir moins souvent de nouveaux chasseurs.
Avion de chasse F-14 Tomcat
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Ce d’autant qu’en appliquant ces deux paradigmes, la série industrielle tend à prendre en volume, permettant, logiquement, de bénéficier de couts de production optimisés, et d’une plus grande ventilation des couts de développement initiaux et à venir, sur chacune des cellules.

Les couts de développement des chasseurs modernes ont explosés depuis 1990.

Théoriquement, donc, ces paradigmes appliqués depuis les années 90, pour la conception, la fabrication et l’exploitation des avions de combat, semblent parfaitement répondre aux besoins. Dans le même temps, les couts de développement des avions de combat ont, eux, explosés ces 30 dernières années.

Ainsi, en 1970, le programme F-14 Tomcat, dans son ensemble, avait une enveloppe prévisionnelle de 5,2 Md$, pour 313 appareils à 16,6 m$, développement compris. En dollars 2024, cela représente 42 Md$ pour le programme, et 132 m$ par appareil, ceci comprenant notamment le développement du radar AN/APG-71 et du missile air-air AIM54 Phoenix. Il s’agissait alors du programme d’avion de combat le plus onéreux jamais développé par l’US Navy.

Les seuls développements, initiaux et itératifs, du Rafale français, dépassent aujourd’hui les 25 Md$, soit la moitié des couts totaux du programme pour la France. Les couts de développement du F-35, quant à eux, excédent les 100 Md$, et continuent de croitre rapidement alors que l’appareil n’a toujours pas atteint sa pleine capacité opérationnelle.

Assemblage F-35 Lockheed-Martin
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La hausse des couts de développement, bien plus rapide que l’inflation, tend naturellement, de prime abord, à privilégier la grande série, afin de permettre de ventiler ces couts sur un nombre plus important de cellules.

Mais qu’en serait-il, si ces hausses de couts étaient majoritairement la conséquence directe de ces mêmes paradigmes, visant à accroitre l’évolutivité, la polyvalence et la durée de vie des aéronefs eux-mêmes ? C’est en tout cas l’affirmation faite par Will Roper lorsqu’il présidait aux acquisitions de l’US Air Force.

En effet, selon lui, ce sont les difficultés qu’entrainent ces paradigmes qui sont à l’origine des hausses des couts de conception des avions de combat modernes, spécialement lorsqu’il s’agit de concevoir des aéronefs destinés à voler pendant 40 ou 50 ans, sans que l’on sache, avec précision, quel sera le niveau de la technologie, ni même les besoins, à cette date.

Pourtant, dans le même temps, l’utilisation des nouvelles technologies de conception, notamment numériques, devraient, au contraire, en réduire considérablement les couts.

Roper avait, ainsi, fait développer le premier démonstrateur du programme NGAD, sur un budget particulièrement réduit, mais confidentiel, en appliquant précisément ces principes. Sans davantage de données, il était cependant difficile de se faire une idée de la portée réelle de ces affirmations.

Drone de combat Neuron Rafale Dassault Aviation
Évolutivité et polyvalence des avions de combat, un mauvais calcul pour les armées ? 15

Toutefois, à ce moment-là, le budget annuel consacré au programme NGAD n’excédait pas le milliard de $, ce qui permettait de caper par le haut ces affirmations. Dans le même temps, le programme Neuron, piloté par Dassault, était resté dans l’enveloppe de 1 Md€ qui lui avait été attribuée, précisément en appliquant ces technologies numériques de développement.

Étendre la durée de vie opérationnelle des avions de combat, un mauvais calcul pour les armées

En admettant que les couts de développement d’un nouvel avion de combat, puissent effectivement sensiblement diminuer, en s’éloignant des objectifs de polyvalence et d’évolutivité, ceci entrainerait, cependant, une durée de vie opérationnelle plus réduite dans les forces aériennes, de sorte à conserver, à tout moment, un avantage opérationnel et technologique sur l’adversaire.

Cela suppose donc que la durée de vie des appareils, au sein des forces, sera réduite considérablement, autour de 15 ans selon le Dr Roper, alors que plusieurs appareils spécialisés seront développés plutôt qu’un unique appareil polyvalent. Paradoxalement, le point d’équilibre d’un tel modèle, face au modèle actuel, est loin d’être difficile à calculer, et peut-être, à atteindre.

Remplacer les avions de combat tous les 15 ans est-il plus économique que de moderniser ses chasseurs tous les 10 ans ?

En effet, aujourd’hui, le prix de possession d’un avion de combat comme le F-35, se décompose, pour le Pentagone, comme la somme du prix d’achat (85 m$) et des mises à jour et modernisation successives au fil des années, ce qui équivaudra, selon les projections, à 75 à 90 % du prix d’acquisition initial, sur les 35 ans de service de l’appareil.

De fait, en dehors des couts d’exploitation et de maintenance, chaque F-35A va couter, à l’US Air Force, de 150 à 161 m$, soit un cout moyen de 4,43 m$ par an, exprimés en $ 2024.

F-35A US Air Force
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Le même appareil, qui ne serait en service au sein de l’US Air Force, que 15 ans, serait livré dans un standard fixe sur l’ensemble de la durée de vie opérationnelle, selon la doctrine Roper. En outre, au bout de 15 ans, il disposerait toujours de 50 % de son potentiel de vol, et aurait donc une valeur de marché supérieure ou égale à 40 % de son prix d’acquisition initial, pour des forces aériennes alliées.

Il ne fait guère de doute, en effet, que l’USAF n’aurait guère de difficultés pour vendre des F-35A d’occasion à mi-vie pour 34 m$ 2024, à partir de 2035, même si l’offre s’accompagnait d’une mise à jour de 15 m$ pour le chasseur.

En effet, pour une immense majorité des forces aériennes, un F-35A de 15 ans, aura un potentiel militaire largement suffisant pour accomplir les missions qui pourraient lui être demandées. Ce faisant, le cout de possession du F-35A, rapportée à 15 ans, ne représente, pou l’USAF, que 85*0,6/15 = 3,4 m$ par an, soit presque 25 % moins cher que l’appareil modernisé, sur 35 ans.

Le rapport est, d’ailleurs, encore plus favorable en intégrant les couts de développement initiaux de l’appareil. Ainsi, si sur le 100 Md$ de développement du F-35, on ne considère que les 50 Md$ initiaux, le prix par appareil, à volume constant de 2400 appareils pour les forces aériennes américaines, atteint 106 m$ pour la version initiale, et 195 m$ en intégrant les couts de développement des évolutions, soit 106 x 0,6 / 15 = 4,24 m$ par an pour le modèle 15 ans, et 195 / 35 = 5,57 m$ par an, sur 35 ans, en intégrant les modernisations.

D’un point de vue synthétique, s’il faut 50 Md$ pour developper un appareil polyvalent à l’instant t, les couts de modernisation, durant sa vie opérationnelle de 35 ans d’un chasseur, sont sensiblement identiques à ceux d’un développement d’un nouvel avion de combat, intégrant précisément ces nouvelles technologies, mais de matière native, tout en réduisant les risques, donc les couts, de projection conceptuelle, et en améliorant la réactivité de la flotte.

Le mythe des vertus de la grande série et de la polyvalence

Si le paradigme de l’évolutivité est loin d’être aussi efficace qu’espéré, comme nous venons de le montrer, qu’en est-il du second pilier de cette génération d’avions de combat, la polyvalence, et son corollaire, les vertus des grandes séries industrielles ?

Ligne d'assemblage Dassault Aviation Merignac Rafale
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La démonstration, à ce sujet, est plus délicate, faute de données chiffrées fiables. Pour être parfaitement efficace, il conviendrait, en effet, de pouvoir comparer les couts de développement, d’acquisition et de mise en œuvre d’un appareil polyvalent, comme le Rafale, avec les couts de développement, d’acquisition et de mise en œuvre de deux, ou trois appareils spécialisés, un pour la défense aérienne, un pour l’attaque distante, et, par exemple, un chasseur léger.

Certains paramètres, cependant, peuvent être évalués dès à présent. Ainsi, le pas technologique générationnel, resterait, quant à lui, identique, puisque la flotte, dans son ensemble, conserverait les mêmes capacités globales.

À en juger par l’exemple du Rafale et du f-35 précédemment évoqué, il apparait que ce sont, avant tout, ces nouvelles technologies embarquées qui représentent l’essentiel des couts de R&D, qu’il s’agisse des commandes de vol, de la fusion de données, des capteurs, des matériaux ou du moteur.

D’autres facteurs influents doivent également être analysés à ce sujet. Ainsi, en multipliant les programmes, il est aussi possible de réduire le pas générationnel global pour chacun d’eux, en lissant la progression technologique entre les programmes, et non au sein d’un unique programme. Ce faisant, les contraintes liées aux difficultés de développement, sont sensiblement réduites, avec des conséquences importantes sur les couts de développement.

En outre, en spécialisant les appareils, il devient inutile de doter chaque appareil de l’ensemble des technologies du moment, ce qui tend à en diminuer les couts de développement, ainsi que les couts de production et, probablement, de maintenance.

RAfale Gripen AAE
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Par ailleurs, en spécialisant les appareils, il est très probable que ceux-ci s’avèreront plus performants, dans leurs domaines spécifiques, que ne peuvent l’être les appareils polyvalents, aussi performants fussent-ils.

Il convient également de considérer, ici, la possibilité de varier la flotte non dans sa spécialisation, mais dans sa composition, en associant, par exemple, des chasseurs bimoteurs plus lourds et onéreux, et des chasseurs monomoteurs plus économiques, comme c’était le cas des Rafale et Mirage 2000, le premier étant deux fois plus cher à mettre en œuvre que le second, à l’achat comme à la mise en œuvre.

Enfin, augmenter le nombre de programmes permet de lisser l’activité industrielle, qu’il s’agisse des bureaux d’étude et des usines, ainsi que de stimuler la concurrence ou les opportunités de coopération. Il est alors possible de tirer les prix vers le bas, tout en augmentant les marchés potentiels exports, au travers des coopérations internationales.

Dès lors, on voit que si la notion de polyvalence, et ses conséquences sur le prix des avions de combat, ne peuvent pas faire l’objet d’une démonstration systématique, comme pour la durée de vie, il existe de nombreux facteurs qui tendent à libérer des marges de progression dans ce domaine.

Il est d’ailleurs probable que le point d’équilibre, permettant de déterminer quelle est la composition optimale d’une flotte, en matière de performances et de masse, à budget constant, varie en fonction des compétences industrielles, des enjeux technologiques, des formats des armées ainsi que du moment lui-même. Ainsi, ce qui pourrait se révéler vrai pour les États-Unis, ne le serait pas nécessairement pour la France.

Changer radicalement de paradigmes pour retrouver de la masse à budget constant, à l’aube des programmes SCAF, GCAP ou NGAD

Il est bien évident que les points abordés dans cet article, ne constituent pas, à eux seuls, des données suffisantes pour justifier d’un changement radical des paradigmes entourant les programmes d’avions de combat modernes. Il serait nécessaire, pour cela, de confronter ces hypothèses aux informations détenues par les industriels eux-mêmes, notamment en matière de ventilation des couts de développement des programmes.

GCAP Tempest Royal Air Force Farnborough 2024
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Toutefois, il semble évident qu’il existe un faisceau d’indices suffisant, pour remettre en question le caractère quasi dogmatique de certains paradigmes appliqués à la conception des avions de combat modernes, qu’il s’agisse de la durée de possession des avions de combat au sein des armées ou du dictat de la polyvalence absolue et de la grande série.

La question se pose d’autant plus, aujourd’hui, que les trois grandes nations aéronautiques occidentales, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, sont toutes trois engagées dans des programmes basés strictement sur ces paradigmes, pour developper la prochaine génération d’avions de combat.

Les armées américaines, cependant, semblent, depuis peu, prendre le temps de la réflexion au sujet du programme NGAD, en évoquant à la fois des problèmes de couts, le rôle à venir des drones de combat, ainsi que la possibilité de devoir developper, concomitamment, un second appareil, un chasseur monomoteur économique destiné à prendre la place du F-16.

On retrouve, à ce sujet, les avancées réalisées par Will Roper en 2019 et 2020, dans plusieurs des arguments évoqués récemment par l’US Air Force, pour expliquer la suspension temporaire du programme NGAD, ainsi que les hypothèses sur lesquelles travaille aujourd’hui son état-major.

US Air Force Chasseur Leger Furtif NGAD
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Ce questionnement devrait, aussi, s’appliquer à la France, après le succès incontestable du Rafale et des Mirage avant lui, alors que le pays est engagé dans une coopération exclusive qui risque de lui faire perdre certains savoir-faire industriels nécessaires à son autonomie stratégique, des parts de marché internationales durement acquises au fil des années, et surtout de forcer ses forces aériennes à revoir encore à la baisse, leur flotte de chasse, même si les drones de combat pourront, en partie, compenser ce défaut de masse.

Reste qu’une telle remise en question demeurera très improbable, sauf à être imposée par des événements extérieurs. En effet, tant les États-Unis avec le F-35, que la France avec le Rafale, et toutes proportions gardées, sont engagées dans une démarche industrielle et commerciale d’une réussite exceptionnelle, en particulier sur la scène internationale, portant précisément sur des appareils appliquant strictement les paradigmes initiaux.

Difficile, dans ces conditions, d’admettre qu’une remise en question s’avère nécessaire, pour appréhender les enjeux industriels, technologiques, commerciaux et, surtout, militaires, qui se présentent aujourd’hui.

Article du 3 septembre en version intégrale jusqu’au 8 octobre