PATMAR: contrat avec Airbus pour l’étude du futur avion de patrouille maritime français

PATMAR: contrat avec Airbus pour l’étude du futur avion de patrouille maritime français

Le ministère des Armées a signé avec Airbus un contrat de 24 mois portant sur l’étude du futur avion de patrouille maritime français. Il est amené à remplacer les actuels Atlantique 2 (18 ATL2 au standard 6 et 4 non rénovés en parc). « La Direction générale de l’Armement vient de signer avec Airbus Defence and Space en tant que mandataire, en co-traitance avec Thales, un contrat pour une étude de levée de risques du futur programme d’avion de patrouille maritime (Patmar futur) », a précisé Airbus dans un communiqué.

Cette annonce intervient deux ans après que le ministère des Armées a lancé les études pour ce futur avion maritime, un temps envisagé en collaboration avec l’Allemagne. Mais Berlin a finalement opté pour des Boeing P-8A Poseidon.

Airbus et Dassault avaient alors été sollicités.

Dassault avait proposé une version issue de son gros avion d’affaires Falcon 10X. Mais c’est une version militarisée du monocouloir à très long rayon d’action A321 XLR d’Airbus qui a été retenue (il s’agit d’une version de l’A320 Neo).

L’A321 XLR, appareil certifié en juillet 2024, est capable de voler 11 heures sur plus de 8.500 km, surclassant les autres monocouloirs. Il a déjà été commandé à plus de 500 exemplaires depuis son lancement. La version militaire mesure 44,5 m de long pour 35,8 m d’envergure et 11,76 m de haut. Ce qui nécessitera des aménagements des hangars à la BAN de Lann-Bihoué (Morbihan).

Une commande mais pas que !

Une commande mais pas que !

par Blablachars- publié le 29 janvier 2025

https://blablachars.blogspot.com/2025/01/une-commande-mais-pas-que.html#more


On a appris avant-hier la notification fin 2024 par la Direction Générale de l’Armement à KNDS France d’une commande portant sur la rénovation de 100 chars Leclerc, après les 50 exemplaires commandés en 2021 et 2022. Cette nouvelle commande porte à 200 le nombre de chars rénovés, cible dont l’atteinte est prévue au cours de la prochaine Loi de Programmation Militaire (LPM) 2030-2035. La LPM actuelle prévoyant la « scorpionisation » de 160 chars à l’horizon 2030. Cette commande qui s’inscrit dans le cadre du programme Scorpion a le mérite d’assurer la visibilité du plan de charge du site de Roanne au sein duquel est réalisée la rénovation du Leclerc, interroge également sur les intentions de la DGA pour l’avenir du char. 

Les commentaires accompagnant l’annonce de cette notification ne peuvent que tempérer l’enthousiasme des partisans les plus optimistes du char français, soucieux de son avenir. En effet, il est clairement expliqué que « les travaux de rénovation […] permettront au char Leclerc de rester en service jusqu’à l’arrivée du futur système de combat terrestre Main Ground Combat System ou MGCS ». Ce commentaire plutôt laconique est la confirmation des propos du Général Schill à Eurosatory qui avait fermé la porte à toute autre rénovation du Leclerc, condamné à attendre l’arrivée de son successeur et surtout à vieillir loin des préoccupations de la DGA et de l’armée de terre. La commande de la DGA apparait comme le dernier clou du cercueil du char français, entérinant la modernisation jusqu’à 2035 et ne laissant donc aucune place à une éventuelle solution de rechange. On ne peut qu’admirer la délicatesse de la manoeuvre de cette administration qui n’a jamais considéré le segment de décision comme une priorité, comme en témoigne la revalorisation du char et celle du dépanneur réalisées toutes deux a minima et faisant fi de tous les observations des conflits en cours. 

 

 

Alors que chaque jour apporte son lot de propos et de déclarations sur les tensions actuelles et les risques de survenue d’un conflit de haute intensité, la France continue à développer un segment médian que tout le monde s’accorde à reconnaitre aussi réussi qu’inadapté aux engagements actuels et futurs. Notre participation à un conflit de haute intensité nous placerait inévitablement dans une situation délicate au regard des moyens engagés, que beaucoup savent inadaptés à des opérations très éloignées de la contre-insurrection ou de l’intervention lointaine. Le conflit au Moyen Orient montre que même l’affrontement d’un proxy terroriste comme le Hamas ou le Hezbollah nécessite également des moyens lourds dont nous sommes aujourd’hui largement dépourvus, et ce dans plusieurs domaines comme le bréchage ou encore les feux dans la profondeur. Dans la partie qui se « joue » entre la DGA, l’armée de terre, l’industriel et bien sur les financiers, il est difficile de trouver l’origine de ce désintérêt pour le segment lourd, même si pendant longtemps les argentiers ont tenu le mauvais rôle. Du côté industriel, les innovations sont au rendez-vous comme en témoigne la présentation du Leclerc Evo et de l’Ascalon au dernier salon Eurosatory. Du côté de la DGA, le service minimum semble de mise pour le char et son dépanneur, ce dernier recevant le système  Scorpion, l’incontournable brouilleur Barage, le tourelleau T1 de Hornet (différent de celui du char de combat) mais aucun système d’accrochage sous le feu.  Ce manque d’ambition se retrouve sur le char, dont la rénovation se résume à quelques améliorations ponctuelles, la plus significative étant là aussi le système Scorpion. Il faudra attendre 2028 pour voir les viseurs PASEO, sauf glissement / étalement de la commande ! A noter que le tourelleau T2B de FN Herstal est positionné à la place exacte de feu l’Armement de TOit (ATO) qui équipait les engins de présérie et qui fut refusé pour la version EMAT et adopté par les Émirats Arabes Unis. Il convient d’ajouter que bon nombre des équipements ajoutés dans la rénovation, le sont sous forme de kits de prédispositions permettant d’accueillir le cas échéant le composant prévu. L’armée de terre ne pipe pas mot, engagée (de gré ou de force) dans la pérennisation du parc Leclerc (concept un peu flou qui laisse la porte ouverte à de nombreuses itérations) remettant fortement en question sa survie opérationnelle pour les années à venir. 

 

 

Hasard du calendrier, la décision de la DGA est rendue publique quelques jours seulement après l’évocation par le colonel Dirks de l’après Leopard 2 et des études en cours sur le sujet. On ne pouvait imaginer circonstances plus favorables pour souligner les différences existant des deux côtés du Rhin à propos de cet engin. Quel que soit l’avenir du futur Leopard 3, il a déjà le mérite de provoquer une véritable réflexion sur l’avenir du char de combat et sur le recensement des solutions technologiques disponibles pour son évolution. Le Leclerc Evo, même s’il est perfectible a également le mérite d’apporter des solutions et de tenter de susciter un débat sur l’avenir du char. Débat dont la France se prive depuis de (trop) longues années et dont nous payerons forcément les conséquences dans les années à venir. La première d’entre elles est le risque de plus en plus importante de nous voire imposer le calendrier du programme MGCS, mais aussi les caractéristiques du futur MGCS, par un partenaire disposant dès maintenant d’une solution de transition et d’une clientèle conséquente. 

L’intérêt allemand pour le char et son avenir n’a finalement rien de surprenant dans ce pays où les meilleurs choisissent de servir au sein de la composante blindée mécanisée, préférant sentir la graisse et la poudre plutôt que le sable chaud ! Il est des choix qui ne s’expliquent pas !

L’avenir de la supériorité aérienne. Maîtriser le ciel en haute intensité

L’avenir de la supériorité aérienne. Maîtriser le ciel en haute intensité

Études
par Adrien GORREMANS et Jean-Christophe NOËL – IFRI – Date de publication
Etude Supériorité aérienne

La supériorité aérienne, concept clé dans l’art de la guerre occidental, définit le degré de maîtrise de l’air dans un conflit armé. Condition nécessaire mais non suffisante à la victoire militaire, elle permet de concentrer les efforts aériens au profit des autres objectifs stratégiques et de prémunir les autres armées d’une attrition insupportable. Elle s’obtient par un emploi offensif de la puissance aérienne dans un effort interarmées, afin de neutraliser la puissance aérienne adverse.

Rafale et Mirage 2000 volant en formation
Rafale et Mirage 2000 volant en formation – Armée de l’Air et de l’Espace

Les évolutions récentes de la menace aérienne russe et chinoise remettent en question la capacité occidentale à acquérir la supériorité aérienne, en particulier dans le domaine des défenses sol-air qui présentent un formidable défi aux forces aériennes européennes. La prolifération de technologies balistiques et hypersoniques, la dronisation, l’accès à des moyens avancés de guerre électronique et l’exploitation naissante de la très haute altitude constituent des ruptures capacitaires ayant le potentiel de contourner ou d’épuiser la domination aérienne occidentale.

Le combat aérien de la décennie à venir devrait rester dominé par la furtivité radar et l’impératif de neutralisation des défenses sol-air adverses (SEAD), mais verra aussi un avantage donné aux modèles de force qui auront basculé de la logique de plateformes vers une logique de saturation et de distribution tout en maîtrisant un certain nombre de technologies clés.

Le modèle de force français est construit autour de la dissuasion et de la défense aérienne du territoire métropolitain. Il atteint ses limites pour peser efficacement en coalition dans un conflit de haute intensité, en particulier en raison d’impasses sur la furtivité et la SEAD, et du volume insuffisants des flottes, des équipements de mission et des munitions.

Plusieurs recommandations sont formulées dans cette étude :

  • maintenir la pertinence à court et moyen termes de la flotte actuelle d’avions de combat français en modernisant leurs équipements de mission et leur armement ;
  • passer d’une logique de plateformes à une logique de capteurs et d’armement distribués travaillant collaborativement pour massifier l’engagement des forces aériennes ;
  • à moyen terme, sortir l’aviation de chasse de la spirale augustinienne en ne payant le prix des capacités les plus haut de spectre que là où elles sont indispensables, et construire une force différenciée entre stand-in et standoff.

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L’avenir de la supériorité aérienne. Maîtriser le ciel en haute intensité

Le plan de Trump pour l’OTAN

Le plan de Trump pour l’OTAN

Mandatory Credit: Photo by Taidgh Barron/ZUMA Press Wire/Shutterstock (14582742t)

par Geopolitika – Revue Conflits – publié le 22 janvier 2025

https://www.revueconflits.com/le-plan-de-trump-pour-lotan/


Donald Trump a menacé les Européens de quitter l’OTAN si ceux-ci ne participaient pas davantage à son financement. Une menace qui illustre sa vision de l’Alliance et le plan qu’il envisage. Entretien avec le Dr Glenn Agung Hole.

 par le Dr. Glenn Agung Hole. Maître de conférences en entrepreneuriat, économie et gestion, Université du sud-est de la Norvège & professeur honoraire à l’Université d’État Sarsen Amanzholov de l’est du Kazakhstan.

 

Donald Trump a vu sa politique étrangère critiquée comme chaotique et imprévisible, mais à travers le prisme de l’économie autrichienne – avec l’accent mis par Ludwig von Mises et Friedrich Hayek sur la décentralisation, la concurrence et la coopération volontaire – on peut discerner des schémas reflétant une logique sous-jacente.

En interprétant l’approche de Trump comme une forme « d’entrepreneuriat géopolitique », il devient clair que sa politique étrangère ne se contente pas de remettre en cause les structures établies en Europe, mais qu’elle met également en place les bons incitatifs pour que les pays européens assument davantage la responsabilité de leur propre sécurité. Dans le même temps, elle ouvre de nouvelles opportunités pour l’Europe dans un monde en rapide mutation.

L’entretien de Stephen Wertheim avec Der Spiegel du 4 décembre 2024 est une plateforme solide pour comprendre l’approche de Trump à l’égard de la dynamique du pouvoir mondial. Wertheim soutient que Trump n’a jamais été un isolationniste, mais plutôt un pragmatiste cherchant à redistribuer les charges et les ressources. En utilisant les principes de l’économie autrichienne et de l’entrepreneuriat, nous pouvons approfondir notre compréhension de la politique de Trump et de ses implications.

Trump en tant qu’entrepreneur géopolitique

Dans l’économie autrichienne, l’entrepreneur joue un rôle clé en identifiant les opportunités, en prenant des risques calculés et en redistribuant les ressources afin de créer de la valeur. La politique de Trump peut être comprise comme une approche entrepreneuriale de la politique étrangère, dans laquelle il s’efforce de remettre en cause les structures inefficaces et de créer de nouveaux points d’équilibre.

Stephen Wertheim souligne que l’exigence de Trump selon laquelle les pays de l’OTAN augmentent leurs dépenses de défense représente un changement de paradigme. Cela peut être interprété comme une stratégie visant à redistribuer les ressources au sein de l’alliance et à la rendre plus soutenable pour les États-Unis. Trump considère l’OTAN comme un « investissement » qui doit apporter un rendement. Son pragmatisme reflète l’accent mis par Mises sur le fait que les acteurs devraient assumer la responsabilité de leurs propres besoins plutôt que de se reposer sur l’effort d’autrui.

Un exemple concret est la priorité accordée par Trump aux accords bilatéraux, qu’il juge plus flexibles et plus avantageux que les structures multilatérales comme l’OMC. Cela rappelle la pensée entrepreneuriale, dans laquelle des négociations directes peuvent maximiser la valeur de la coopération. La renégociation de l’ALENA en USMCA (Accord États-Unis–Mexique–Canada) illustre comment Trump utilise les négociations pour obtenir de meilleures conditions pour les États-Unis.

La décentralisation et la liberté comme fondements stratégiques

L’économie autrichienne souligne que la décentralisation est une condition préalable à une utilisation efficace des ressources et à la liberté individuelle. Trump a remis en question l’idée des États-Unis en tant que « policier du monde » et a plutôt encouragé les acteurs régionaux, comme l’Europe, à assumer une plus grande responsabilité pour leur propre sécurité. Cela est en accord avec l’idée de Hayek selon laquelle le contrôle centralisé conduit à la stagnation et à l’inefficacité.

Wertheim note que l’exigence de Trump quant à l’augmentation des dépenses de défense par les membres de l’OTAN n’est pas nécessairement une menace pour l’alliance, mais plutôt un catalyseur pour sa revitalisation. D’un point de vue autrichien, cela apparaît comme une stratégie de décentralisation, dans laquelle la responsabilité est répartie entre plusieurs acteurs afin de stimuler à la fois l’innovation et l’autonomie.

Lire aussi : Quand l’idéologie affaiblit l’autonomie : Matières premières critiques et l’impasse stratégique de la Norvège

Trump remet également en cause l’idée d’interventions globales fondées sur des valeurs. Au lieu de justifier une intervention militaire par des principes idéalistes, il privilégie des considérations pratiques qui profitent directement aux États-Unis. Cela représente une approche réaliste qui fait écho à la vision de Mises, selon laquelle la politique devrait être fondée sur de véritables incitations plutôt que sur des dogmes idéologiques.

La concurrence comme moteur de la géopolitique

Dans l’analyse de Wertheim, la rivalité de Trump avec la Chine est mise en avant comme un point clé de sa politique étrangère. Trump considère les relations internationales comme un marché où les nations rivalisent pour le pouvoir, les ressources et l’influence. Son approche du « diviser pour régner » envers la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord reflète une application des mécanismes de la concurrence de marché à la géopolitique.

L’économie autrichienne voit dans la concurrence une force dynamique qui stimule l’innovation et le progrès. L’utilisation par Trump de sanctions économiques, de droits de douane et de négociations bilatérales est un moyen de s’adapter aux mécanismes du marché. Sa guerre commerciale avec la Chine en est l’illustration : en exerçant une pression sur la Chine par le biais de droits de douane, il cherche à obtenir de meilleures conditions pour les entreprises américaines.

Mais comme Hayek le mettait en garde, la concurrence sans confiance ni coopération peut conduire à l’instabilité. La politique de Trump a engendré de l’incertitude parmi les alliés traditionnels, ce qui peut offrir aux rivaux tels que la Chine l’occasion de tirer parti d’un vide de pouvoir. Cela souligne la nécessité de contrebalancer la concurrence par une coopération stratégique à long terme.

L’opportunité entrepreneuriale de l’Europe

Trump a poussé l’Europe à assumer une plus grande responsabilité en matière de sécurité. Pour l’Europe, cela implique non seulement d’augmenter les budgets de défense, mais aussi de mettre en œuvre des réformes structurelles favorisant l’entrepreneuriat et l’innovation dans l’industrie de la défense.

L’économie autrichienne met en avant le rôle du marché dans la promotion de l’efficacité. Pour l’Europe, cela signifie ouvrir l’industrie de la défense à la concurrence et aux acteurs privés, stimulant ainsi le développement de nouvelles technologies. En utilisant l’entrepreneuriat comme moteur, l’Europe peut bâtir une structure de sécurité économiquement durable et moins dépendante du soutien américain.

Mais comme Mises l’a averti, l’Europe doit éviter la surréglementation et la centralisation, qui peuvent freiner la croissance et l’innovation. En privilégiant une coopération décentralisée entre les nations, l’Europe peut obtenir une plus grande flexibilité et une plus grande dynamique.

Dans le même temps, l’Europe doit éviter les écueils de la centralisation et de la surréglementation. Si l’augmentation des dépenses de défense conduit à une pression fiscale plus forte et à une moindre flexibilité économique, cela peut entraver la croissance et l’innovation. La clé réside ici dans l’équilibre entre la souveraineté nationale et la coopération régionale, afin d’assurer une structure de sécurité durable.

La volonté comme modèle durable

L’un des aspects les plus intéressants de la politique de Trump, selon Wertheim, est sa mise en avant des contributions volontaires plutôt que des obligations imposées. Cela fait écho à l’idée de Hayek selon laquelle la coopération doit reposer sur des intérêts communs, non sur la coercition.

En affirmant que les États-Unis ne signeront plus de chèques en blanc pour soutenir la sécurité de l’Europe et en insinuant que les États-Unis pourraient quitter l’OTAN si ses mises en garde ne sont pas prises au sérieux, Trump crée néanmoins de véritables incitations pour que l’Europe assume une plus grande responsabilité de sa propre sécurité dans un monde de plus en plus incertain.

Cela est comparable à la théorie économique autrichienne, qui souligne l’importance d’un marché libre sans subventions étatiques, ainsi que des incitations visant à accroître la concurrence et à promouvoir l’entrepreneuriat comme clés d’un développement économique robuste. En supprimant la subvention de facto américaine à la sécurité européenne, les incitations adéquates sont réunies pour que l’Europe prenne les mesures nécessaires dans la dimension de la politique de sécurité.

L’exigence de Trump que les pays de l’OTAN paient davantage pour leur propre sécurité, sous peine de voir le soutien des États-Unis diminuer, remet donc en question les équilibres traditionnels de pouvoir. Mais elle offre également à l’Europe l’occasion de redéfinir son architecture sécuritaire sur la base de la volonté et de l’entrepreneuriat. Cela peut renforcer l’alliance en la rendant plus équilibrée et plus durable.

Réflexion récapitulative : le rôle de l’entrepreneuriat dans l’avenir de la géopolitique

À travers le prisme de l’économie autrichienne, la politique étrangère de Trump peut être comprise comme une approche pragmatique et entrepreneuriale face aux défis mondiaux. Son accent sur la décentralisation, la concurrence et la coopération volontaire remet en cause les structures traditionnelles, mais ouvre également la voie à l’innovation et à des solutions plus efficaces.

Pour l’Europe, cela représente à la fois un défi et une opportunité. En adoptant l’entrepreneuriat et des solutions dictées par le marché, l’Europe peut développer une stratégie sécuritaire qui renforce l’autonomie du continent et sa capacité d’innovation. D’un point de vue autrichien, la politique de Trump n’est pas seulement une nécessité, mais une chance de créer un nouvel ordre mondial plus décentralisé.

Référence :

Entretien avec Stephen Wertheim, Der Spiegel, 4 décembre 2024. Lire l’interview ici : What Role Will the U.S. Play in the World?: «Trump Has Never Been an Isolationist» – DER SPIEGEL

Feu vert sénatorial pour une hausse de 3,3 Md€ des dépenses militaires

Feu vert sénatorial pour une hausse de 3,3 Md€ des dépenses militaires

– Forces opérations Blog – publié le

Les sénateurs ont adopté hier matin un budget de 50,5 Md€ pour la mission Défense, l’une des rares rescapées de la chasse aux économies conduite par le nouveau gouvernement. Et un vote qui permet de sanctuariser la hausse de 3,3 Md€ fixée dans la loi de programmation militaire. 

« Oui, la programmation militaire est protégée au regard des risques qui pèsent sur notre pays », déclarait le ministre des Armée Sébastien Lecornu, ce samedi en amont du vote du Sénat. Désormais adoptée, cette hausse de 7% des crédits s’avère primordiale « pour poursuivre notre réarmement dans un contexte sécuritaire durci », complétait-il dans la foulée. Une fois définitivement adoptée, cette marche portera à 7,5 Md€ le sursaut financier consenti en faveur des armées depuis 2022. 

« Est-ce que c’est suffisant ? », questionnait le ministre des Armées en écho aux inquiétudes de plusieurs sénateurs quant à l’ampleur de l’effort nécessaire pour répondre efficacement aux enjeux sécuritaires. « J’ai toujours considéré que c’était un plancher et non pas un plafond », répondait-il. Rehausser ce plafond n’aura cependant rien d’évident au vu de l’état de santé des finances publiques. 

La programmation reste un processus « vivant », notait Sébastien Lecornu tout en assumant « quelques décalages par rapport à ce qui a été voté par la LPM ». Quelques adaptations et autres redéfinitions des priorités marquent donc ce PLF 2025, à l’exemple des accélération annoncées en matières d’intelligence artificielle (300 M€, dont 100 M€ supplémentaires) et de recomplètement des stocks de munitions (1,9 Md€). 

Plusieurs points d’attention demeurent, dont celui d’une hausse du report de charges privilégiée pour s’assurer de clôturer la gestion 2024 dans les cordes. Ceux-ci dépasseraient désormais les 7 Md€ selon les dernières estimations sénatoriales. Ce sont autant de paiements reportés à plus tard et risquant donc de grever les prochaines annuités de la LPM. « Si j’avais pu en faire moins j’en aurais fait moins », indiquait un ministre invitant à ne pas s’en inquiéter. « Je préfère quand même passer des commandes à nos industriels pour respecter le physique de la programmation militaire », s’est-il justifié. 

L’exercice s’accompagne également d’un petit coup de rabot : 57,2 M€ de crédits et autant en autorisations d’engagement annulés par voie d’amendement gouvernemental « afin d’atteindre la cible de déficit public de 5,4 % de PIB en 2025 fixée par le Premier ministre et de garantir la soutenabilité de la trajectoire des finances publiques ». L’essentiel sera ponctionné sur la masse salariale, les équipements étant totalement préservés. 

« Ces montants, qui n’affectent pas les objectifs ni la trajectoire d’augmentation des moyens prévue par la loi de programmation militaire, pourront toutefois être amenés à évoluer notamment compte tenu de l’abandon, annoncé par le Premier ministre, de l’ajout de deux jours de carence pour les agents de la fonction publique », précisait le gouvernement. 

Crédits image : EMA COM

Accélérer la production, cette rupture qu’espère le ministre des Armées pour 2025

Accélérer la production, cette rupture qu’espère le ministre des Armées pour 2025

– Forces opérations Blog – publié le

L’année 2025 sera synonyme de « ruptures puissantes », assurait hier le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Parmi ces axes d’effort, une montée en cadence de la production d’armement qui exigera de gagner en audace, en simplification, en agilité et en compétitivité tout en restant vigilant face à certaines entraves persistantes ou potentielles notamment à l’échelle européenne. 

« Nous ne devons pas faiblir ». Le ton adopté lors des traditionnels voeux aux armées aura été clair, direct, parfois tranchant. Sébastien Lecornu avait fixé un cap en 2024, celui d’un réarmement devenu nécessaire « alors que le monde devient de plus en plus désordonné et brutal, alors que la course aux technologies est de plus en plus rapide et dérégulée, alors que les menaces se cumulent pour notre sécurité ». 

De ce constat découlent des lignes directrices pour les 12 prochains mois. Ou, plutôt, des « ruptures puissantes pour nous donner des capacités militaires concrètes et efficaces que l’histoire décidera ou non de mettre à l’épreuve », annonçait le ministre des Armées depuis la cours des Invalides. L’une d’entre elles consistera à accélérer encore sur la production de matériels militaires, une dynamique appelant à la prise de risque « pour faire plus, pour faire mieux et pour faire plus vite » et dans laquelle certaines grandes nations alliées ou concurrentes à l’exportation ont pris de l’avance. 

Cette rupture, c’est le fondement d’une économie de guerre présentée en juin 2022, largement théorisée depuis lors mais seulement partiellement mise en œuvre aujourd’hui. Le doublement de production d’obus de 155 mm et de missiles MISTRAL, ou encore le nouvel outil de production qu’EURENCO inaugurera à Bergerac au printemps en sont de trop rares exemples. « Soyons lucides, nous ne sommes qu’au début de ce que nous devons accomplir pour être au niveau d’une véritable économie de guerre », admettait Sébastien Lecornu tout en déplorant des freins « encore trop nombreux ». 

Parmi les chantiers à poursuivre, un agenda européen de soutien à l’industrie de défense « utile » mais dont la construction n’exclut pas, du moins pour l’instant, le spectre d’un cheval de Troie américain. Effort principal, le programme européen pour l’industrie de la défense (EDIP), vise certes à muscler l’autonomie mais pose la question de l’appui financier à la production d’équipements sous licence américaine. Un hiatus dont la France s’est emparée de longue date et qui se maintient à l’heure où la Pologne prend la tête du Conseil européen pour les six prochains mois. 

« Nous ne céderons rien », assure le ministre des Armées. Il est désormais impératif, pour ce dernier, que le pilotage des priorités reste dans les mains des États membres, que les autorités européennes participent à accélérer et simplifier le fonctionnement de la filière plutôt que de se substituer aux États par de nouvelles contraintes. Garantir l’équilibre des pouvoirs dans un secteur régalien, « c’est tout l’enjeu de la négociation en cours sur EDIP ». Et « en la matière, il vaut mieux ne rien faire que de faire mal », martelait Sébastien Lecornu. 

Autre chantier majeur, le financement des entreprises de défense s’avère plus que jamais nécessaire pour « investir dans de nouvelles machines, dans des stocks plus importants, dans la formation et, bien sûr dans les recrutements ». Ici aussi, l’Europe s’expose au tacle ministériel. « La taxonomie européenne actuelle génère encore un effet d’éviction au financement de nos entreprises de défense. Cela n’est pas acceptable ». Derrière ce combat mené à l’Europe, le degré national fera l’objet d’une réunion au premier trimestre 2025 des acteurs du financement et de l’industrie pour préciser les modalités de mise en oeuvre de nouvelles mesures incitatrices. 

L’export, parallèlement, « est vital pour développer notre base industrielle et technologique de défense ». Celle-ci s’en est bien sortie l’an dernier, avec plus de 18 Md€ de prises de commandes dont près de 10 Md€ pour des plateformes emblématiques. Si 2024 restera la deuxième meilleure année de l’histoire de la BITD française, « l’année 2025 s’annonce comme une excellente année », poursuivait Sébastien Lecornu avant de confirmer l’achat par l’Irak de 14 hélicoptères Caracal. 

Une nouvelle année record doit se profiler à l’horizon selon le ministre, à condition de transformer les essais sur les bâtiments de surface – « de frégates de défense et d’intervention en particulier » -, l’artillerie, les radars, les hélicoptères. L’effort portera également sur un système SAMPT NG « qui répond fondamentalement aux prochaines menaces balistiques notamment venues d’Iran et de Russie ». Pour s’en assurer, la BITD doit néanmoins gagner en compétitivité. L’exigence matérielle des clients s’assortit en effet de nouveaux critères de contraction des prix et des délais. Ce à quoi, justement, l’accélération visée pour l’an prochain tend à répondre. 

Crédits image : X/Sébastien Lecornu

Le Pentagone dévoile son programme d’investissement pour 2025

Le Pentagone dévoile son programme d’investissement pour 2025

Le Pentagone vient de dévoiler ses priorités d’investissement pour l’année suivante. Sans surprise, il se tourne vers des technologies de pointe pour assurer un approvisionnement suffisant aux États-Unis.

par Cédric Bonnefoy – armees.com – publié le

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Le Pentagone dévoile son programme d’investissement pour 2025 | Armees.com

En 2025, le Pentagone va continuer d’investir dans de nombreuses technologies, ciblant celles jugées vitales pour les États-Unis.

Le Pentagone lève le voile sur son programme d’investissement pour 2025

Une fois de plus, il s’agit d’une stratégie ambitieuse et minutieusement élaborée pour renforcer la sécurité nationale des États-Unis, sans oublier de stimuler l’innovation technologique. Cette initiative est orchestrée par le Bureau du Capital Stratégique (OSC), créé en 2022 sous l’impulsion du secrétaire à la Défense Lloyd Austin. Son objectif est clair : canaliser les ressources du secteur privé vers des technologies de pointe essentielles à la défense nationale et à l’avantage stratégique des États-Unis.

Le programme d’investissement 2025 du Pentagone cible principalement quinze segments industriels jugés critiques pour la sécurité nationale. Il inclut donc des domaines comme la fabrication de microélectronique, la biomanufacture, les technologies spatiales et les capteurs avancés. Ces priorités reflètent une vision stratégique à long terme visant à réduire les dépendances, à renforcer les chaînes d’approvisionnement et à anticiper les besoins de défense à l’échelle mondiale, mais surtout aux États-Unis.

Selon le rapport, l’investissement dans l’espace est considéré comme crucial pour maintenir un avantage concurrentiel face aux autres puissances mondiales. L’accent est mis sur le développement de vaisseaux spatiaux et de systèmes associés, qui joueront un rôle central dans la surveillance, la communication et la sécurité globale. Parallèlement, la biochimie, notamment la biomanufacture, est identifiée comme une industrie clé pour produire des solutions innovantes dans de nombreux domaines.

Le secteur privé mis à contribution

Depuis sa création, l’OSC déploie plusieurs outils financiers pour dynamiser les investissements dans ces secteurs critiques. Parmi les initiatives phares figure le programme SBICCT (Small Business Investment Company for Critical Technology), visant à attirer des capitaux privés vers les entreprises spécialisées dans les technologies de défense. En 2024, l’OSC a approuvé 13 fonds privés dans le cadre de ce programme. En octobre dernier, l’organisation a également annoncé un programme de prêts directs de 1 milliard de dollars destiné aux entreprises engagées dans la fabrication de composants de défense stratégiques. Cette initiative vise à surmonter les « points de strangulation » des chaînes d’approvisionnement et à accélérer la production dans 31 technologies critiques.

La stratégie du Pentagone s’étend sur plusieurs strates, des investissements immédiats à ceux s’échelonnant sur quinze ans. À court terme, l’objectif est de réduire les dépendances stratégiques et de sécuriser les approvisionnements essentiels. À moyen terme, soit entre deux et sept ans, l’OSC prévoit de renforcer la production américaine et alliée dans les technologies clés, notamment par des collaborations internationales. Enfin, à long terme, l’accent sera mis sur la commercialisation et la durabilité des innovations technologiques, permettant aux avancées de s’imposer durablement sur le marché.

OPINION. Le futur avion de patrouille maritime, une affaire triplement risquée

OPINION. Le futur avion de patrouille maritime, une affaire triplement risquée

L’ingénieur général hors classe de l’armement (2S) Philippe Roger appelle à le ministère des Armées à la vigilance sur le programme du futur avion de patrouille maritime. Il rappelle que trois programmes de ce type, qui ont été conduits récemment sur la base d’avions civils, ont connu des difficultés de développement, des retards de plusieurs années et des dépassements de budget de plusieurs milliards. Par Philippe Roger, ingénieur général hors classe de l’armement (2S).

« L’ambition opérationnelle est très forte, la forme contractuelle a généré des difficultés dans le cas de l’A400M, et l’industriel pressenti, Airbus, ignore le domaine de la patrouille maritime anti-sous-marine » (L’ingénieur général hors classe de…DGA

 

Contrat à prix forfaitaire et choix d’un maître d’œuvre inexpérimenté dans le domaine militaire concerné, pour atteindre des performances très ambitieuses : ce fut la recette des difficultés techniques, calendaires et budgétaires rencontrées sur de nombreux programmes militaires dans le passé, y compris pour l’Airbus A400M qui donne toutefois aujourd’hui toute satisfaction opérationnelle.

Mais pourquoi prendre strictement les mêmes ingrédients pour le futur avion de patrouille maritime français, qui doit être mené à bien dans un délai qu’on ne peut allonger, et dans le contexte budgétaire que l’on devine ? A-t-on suffisamment trié les performances demandées, pourrait-on choisir un type de contrat moins risqué, les maîtres d’œuvre mis en compétition sont-ils au bon niveau technique et comprennent-ils la mission de patrouille maritime ?

Il existe une méthode éprouvée.

La Marine nationale et la Direction générale de l’armement (DGA) poursuivent deux programmes très lourds devant aboutir à une mise en service entre 2035 et 2038 : le porte-avions nucléaire successeur du Charles de Gaulle, et le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération. Ces programmes comportent, conformément à la longue expérience de la DGA, plusieurs phases, permettant de ne s’engager qu’après avoir constaté les résultats de l’étape précédente et vérifié qu’il reste des marges financières suffisantes.

Mais on peut y déroger : cette méthode peut n’être pas appliquée, quand on estime que le développement est simple et que les prix unitaires sont prévisibles, au point que l’industriel accepte un contrat à prix forfaitaire pour l’ensemble du programme, développement et production, et fait son affaire des risques, couverts par une marge que son conseil d’administration a acceptée au nom de ses actionnaires. Le cas se présente souvent quand l’industriel propose de dériver une version militaire d’un produit civil existant, les modifications apparaissant faibles et le client demandant un prix forfaitaire, qui semble lui simplifier la vie.

C’est sur la base d’un tel contrat forfaitaire qu’est lancé un troisième programme majeur pour la Marine, un programme d’avion de patrouille maritime, basé sur un avion civil. Ce programme doit impérativement aboutir à temps, car on ne peut ni prolonger au-delà l’avion Atlantique 2 ni interrompre une mission nécessaire à la protection des SNLE. Malheureusement, c’est autour de la date d’aboutissement des deux autres programmes que l’Atlantique 2 doit disparaître, si bien qu’il y a deux exigences : réussir le développement dans les temps, et financer simultanément les trois programmes. Est-on bien dans un cas d’adaptation simple ?

Désastres de plusieurs programmes analogues

Trois programmes d’avions de patrouille maritime conduits récemment sur la base d’avions civils ont connu des difficultés de développement lourdes, des retards de plusieurs années, et des dépassements de budget de plusieurs milliards. Le pire des cas a été celui de la dernière version de l’avion de patrouille maritime Nimrod de la Royal Air Force, dont le développement a été arrêté après une dépense infructueuse d’une dizaine de milliards de livres.

L’avion de patrouille maritime P8 de l’US Navy basé sur le Boeing 737 n’a pu quant à lui être mis en production qu’après un long et complexe développement ayant coûté près de 10 milliards de dollars. Quant au système dit Meltem développé par Thales avec Airbus Espagne pour la marine turque sur la base d’un biturbopropulseur simple, le CN235, il a eu de fortes difficultés techniques. Il a fallu dix ans pour livrer les premiers appareils, après une renégociation du contrat et des pertes lourdes pour l’industriel, alors même que des centaines de CN235 civils étaient en service.

La difficulté de transformer un avion civil de série en un système d’armes complexe évoluant à basse altitude et basse vitesse avec des virages serrés pendant les pistages de sous-marins, dans un brouillard salin très corrosif, a été sous-estimée dans ces trois cas, et les industriels comme l’État acheteur ont pris des vessies pour des lanternes et ont bu le bouillon. Un des éléments du problème, la corrosion saline, est bien connu, au moins en France, par les fortes difficultés induites dans l’entretien, plus que laborieux, des hélicoptères de la Marine livrés par Airbus et NHIndustries. Quant aux virages à fort facteur de charge, ils ont nécessité des transformations profondes des structures des avions civils pris comme base, et une surveillance permanente de leur état de fatigue.

Sur un sujet beaucoup plus simple, la transformation en avion ravitailleur MRTT de l’Airbus A330, le développement a connu quelques lenteurs, alors même que les risques avaient été réduits par le développement préalable d’une version à base d’A310. Les difficultés budgétaires de l’époque ont fait que les commandes françaises initiales ont été passées, prudemment, pour une version moins ambitieuse que celle spécifiée.

L’A400M, un développement que l’on savait difficile

Le développement de l’avion de transport Airbus A400M partait, quant à lui, d’une feuille blanche, et non pas d’un avion civil existant. Mais il est utile de le citer ici, car le contrat correspondant a été passé à prix forfaitaire pour l’ensemble du développement et de la production, c’est-à-dire avec la méthode contractuelle retenue pour le nouvel avion de patrouille maritime. Les nombreuses difficultés techniques à envisager pour ce programme A400M, aux spécifications justifiées mais très exigeantes, auraient demandé un type de contrat permettant un suivi pied à pied du programme par l’OCCAr, agence délégataire des États.

Mais les promesses d’Airbus et les exigences des États coopérants ont fait adopter une méthode contractuelle toute autre, qui apparaissait protectrice mais n’a pas permis de tenter de contrer à temps les difficultés techniques rencontrées. Elle a été une des causes des multiples réunions de crise où les États et Airbus se sont réparti les charges supplémentaires, après avoir même envisagé l’arrêt du programme à ses débuts. On aurait peut-être pu arriver à l’excellent service opérationnel que rend aujourd’hui l’A400M par des voies plus sûres.

Ces exemples montrent qu’on peut s’attendre à des difficultés :

– Quand les capacités demandées sont très ambitieuses, même si elles sont opérationnellement justifiées,

– Quand on demande aux industriels de traiter à prix forfaitaire sur l’ensemble du développement et de la production, ce qui leur impose de prendre des marges très élevées dont l’acheteur ne peut contrôler la justification pour comparer les offres, ce qui fausse la concurrence. Il ne peut pas non plus en contrôler la consommation pendant le développement, si bien que les demandes de renégociation du marché pour couvrir les aléas n’apparaissent que par surprise, mettant le programme en danger, et amenant à des ponctions sur les programmes contemporains.

– Quand on s’adresse à un industriel qui ne connaît pas le domaine opérationnel à traiter.

Un pari triplement risqué

Qu’en est-il dans notre programme d’avion de patrouille maritime ? L’ambition opérationnelle est très forte, la forme contractuelle a généré des difficultés dans le cas de l’A400M, et l’industriel pressenti, Airbus, ignore le domaine de la patrouille maritime anti-sous-marine. L’ambition opérationnelle : que peut-on élaguer ?

Une mesure simple du niveau de l’ambition opérationnelle est que Airbus a dû proposer un appareil de 100 tonnes pour remplacer l’Atlantique 2 qui exécutait de façon satisfaisante la mission principale anti-sous-marine, et des missions secondaires anti-surface et air-sol, avec 47 tonnes. La cause principale semble en être le choix d’emporter en interne à l’avion un missile anti-navires lourd (missile qui reste à développer) pour une mission secondaire, la mission anti-navires de surface qui est remplie actuellement sur l’Atlantique 2 par l’Exocet AM39.

Ce choix amène à prévoir une soute très importante, et a amené Airbus à ne pas se contenter de modifier un A320, comme prévu à l’origine, et à passer à un A321XLR à très grand rayon d’action, bien plus lourd, ce qui va nécessiter une refonte des hangars et de leurs voies d’accès. Il amène aussi à anticiper des coûts à l’heure de vol et des coûts de maintenance qui, étant en général proportionnels au poids, seront au moins doubles de ceux de l’Atlantique 2. Sachant que ces coûts forment les deux tiers du coût complet de tout programme aéronautique, l’effet de ce choix est extrêmement important.

Sur l’avion bien moins lourd retenu par Dassault Aviation la difficulté est évitée par l’accrochage sous voilure du nouveau missile, mais cette solution simple et éprouvée n’a pas, ou n’a plus, les faveurs de la Marine. C’est pourtant celle retenue pour l’avion P8 par l’US Navy, qui est de loin le plus grand opérateur au monde d’avions de patrouille maritime. Une révision de ce choix serait de nature à réduire les risques, la taille de l’appareil nécessaire, le devis initial et ses marges, et le coût sur la durée de vie.

Faire plus ambitieux que l’US Navy ? Il y faut réfléchir à deux fois ! A-t-on une autre option dans la situation budgétaire actuelle, face à la menace que fera peser un programme très ambitieux et risqué sur les deux autres programmes majeurs, et face au besoin de renforcement de la flotte de surface, qu’un rapport parlementaire vient de mettre à nouveau en évidence ?

Veut-on dimensionner l’avion pour aller à plus de 4.000 km de la France tirer des missiles anti-navires, ou bien accepte-t-on de se concentrer sur la mission principale anti-sous-marine, qui participe à la protection des SNLE, et d’emporter sous la voilure les armes destinées aux missions secondaires, comme le fait l’US Navy ?

Réduire les autres risques : Faut-il pousser les aléas du programme sous le tapis du contrat forfaitaire, qui donne une fausse sécurité et n’est pas adapté à un programme risqué, surtout si l’ambition opérationnelle n’est pas réduite ? Ou adopter un type de contrat qui permette de suivre pas à pas le développement, mais aussi de vérifier le détail des marges initiales : sont-elles suffisantes, induisent-elles ou non une distorsion de concurrence ? Et il faut se demander à nouveau si on doit confier une partie importante d’un développement majeur à un bureau d’études inexpérimenté dans le domaine concerné.

Rêveries

Le domaine de la patrouille maritime aurait dû être couvert par un programme de coopération franco-allemande, dit MAWS, mais l’Allemagne l’a fait capoter en cours de route pour acheter plusieurs lots d’avions américains P8, nous laissant financer seuls un nouveau développement. A la génération précédente, elle avait refusé d’acheter l’Atlantique 2, dont elle fabriquait pourtant 40%. Deux claques dont la France se serait bien passée.

Mais voilà qu’on entend dire aujourd’hui au sein de l’État qu’une des vertus du choix d’Airbus serait de permettre de relancer la coopération franco-allemande sur le sujet, coopération qui est morte et « ganzkaputt » (toute cassée) depuis que l’Allemagne a commandé un deuxième lot de P8… Après ce camouflet, qui n’est pas le seul dans la période récente, faut-il faire tourner à travers un programme de patrouille maritime les usines allemandes, en plus des usines espagnoles ? Ce serait appeler la claque suivante.

Motion de censure: le général Desportes alerte sur des « conséquences graves » pour les armées

Motion de censure: le général Desportes alerte sur des « conséquences graves » pour les armées

Censure du gouvernement : quelles conséquences sur les armées ?
Le vote d’une motion de censure et la destitution du gouvernement serait un coup dur pour l’Armée française privée de hausse de budget alerte le général Vincent Desportes. Avec des « conséquences graves », en pleine guerre en Ukraine et avec le retour de la menace djihadistes après la prise de la ville d’Alep en Syrie.

La censure du gouvernement et sa destitution qui s’annonce après l’utilisation du 49.3 lundi par le Premier ministre Michel Barnier, pourrait avoir de lourdes conséquences sur l’armée française. C’est l’alerte lancée ce mardi sur RMC et RMC Story par le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre, professeur de stratégie à Sciences Po et HEC, alors que la guerre en Ukraine fait rage.

Pour le militaire, ceux qui voteront la censure sont « irresponsables »: « Je suis plus qu’inquiet. La France était péniblement en train de reconstituer ses armées depuis 2017. C’est un coup très dur porté aux armées. Concernant la défense, voter la censure aujourd’hui est irresponsable et ceux qui le feront en porteront les responsabilités et les conséquences seront graves« , alerte le général.

« Notre armée sera affaiblie« 

Vincent Desportes estime aussi qu’une censure pourrait avoir des conséquences pour la France, l’industrie de défense française et aussi pour l’Ukraine en guerre avec la Russie depuis février 2022. Une censure entraînerait des problèmes au niveau des équipements, des munitions, des blindés: « Il y aura un trou et un retard. La crédibilité de la France au sein de l’Europe est menacée », juge-t-il.

« Notre armée de 2025 sera affaiblie par rapport à 2024 », prévient le général.

Se reconstituer ou continuer d’aider l’Ukraine

Le lancement du porte-avions successeur du Charles de Gaulle pourrait être retardé, les avions de chasse pourraient ne pas être livrés et le parc de blindés, « dont on a cruellement besoin comme on le voit en Ukraine », ne sera pas renouvelé. Les commandes qui devaient être passée avec ce budget ne le seront pas et la France devra revoir à la baisse ou annuler les grands exercices prévus avec l’Otan en 2025.

Et la France qui a promis 3 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine devra arbitrer entre dépouiller ses armées ou continuer son effort, en raison d’un budget constant bloqué par l’absence de gouvernement et de budget: « Avec cet argent nous devions reconstituer notre stock de munition et racheter des canons Caesar que nous avons donné à l’Ukraine, et bien nous ne pourrons pas ».

Une nouvelle menace en Syrie

Des conséquences industrielles pourraient également entraîner une hausse du chômage. « L’industrie de défense française c’est plus de 200.000 emplois dans 4000 entreprises réparties sur le territoire qui étaient en train d’embaucher parce qu’il y avait un effort de défense. Cet effort va s’arrêter net et une partie de ces emplois est directement menacé », craint l’ancien directeur de l’École de guerre.

Armée phare de l’Europe et moteur en matière de défense selon le général, la France « face à la menace, choisi de bloquer son effort de défense », déplore-t-il, alors qu’une nouvelle menace grandit dans le Nord de la Syrie depuis la prise d’Alep par des rebelles djihadistes: « Nous devrons déployer des soldats en masse dans les rues de France. Et c’est à ce moment-là que certains irresponsables veulent censurer, en prenant ce risque-là, le Premier ministre », conclut le général.

Un rapport parlementaire appelle à accélérer le remplacement des E-3F AWACS de l’armée de l’Air

Un rapport parlementaire appelle à accélérer le remplacement des E-3F AWACS de l’armée de l’Air


En 2035, les quatre avions E-3F SDCA [Système de Détection et de Commandement Aéroporté], communément appelés AWACS, totaliseront près de 45 ans de service au sein du 36e Escadron de détection et de commandement aéroportés [EDCA] de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE].

Or, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 ne prévoit pas de lancer un programme pour leur trouver des successeurs dans les années qui viennent. « Le remplacement de quatre systèmes de détection et de contrôle aéroporté [AWACS] pourrait reposer sur la capacité aérienne de surveillance et de contrôle de l’Alliance [AFSC] », précise seulement le texte.

Pour rappel, en novembre 2023, l’Otan a indiqué qu’elle remplacerait les 14 E-3A Sentry de sa Force aéroportée de détection lointaine et de contrôle [NAEW&C] par six E-7A Wedgetail, acquis auprès de l’américain Boeing, d’ici 2030.

Quoi qu’il en soit, pour le député François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis sur les crédits alloués au programme 146 « Équipement des forces – Dissuasion », le remplacement des E-3F SDCA ne doit pas attendre 2035, même si ceux-ci ont été régulièrement modernisés depuis leurs entrée en service.

« L’avion radar E-3F est une capacité stratégique pour l’armée de l’air et de l’espace, y compris pour la composante aéroportée de notre dissuasion. [Il] permet en effet de détecter, d’identifier et de classifier la situation tactique d’un théâtre d’opérations et de partager celle-ci avec les avions de chasse et le centre d’opérations », a d’abord rappelé le rapporteur.

Mais étant donné que le tableau capacitaire mis en annexe de la LPM 2024-30 n’évoque pas leur remplacement, il est logique que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoie pas d’autorisations d’engagement de crédits pour lancer un programme afin d’acquérir de nouveaux avions d’alerte avancée. Ce qui est une erreur pour M. Cormier-Bouligeon.

« Repousser la durée de vie de nos AWACS actuels jusqu’à 2035 ne parait pas opportun non seulement d’un point de vue opérationnel mais également financier. En effet, le coût de l’heure de vol ne manquerait pas d’exploser dans une telle hypothèse, du fait de l’augmentation des coûts de maintien en condition opérationnelle d’un aéronef en fin de vie », a-t-il fait valoir.

Aussi, a-t-il continué, il « semble donc urgent de décider du successeur de l’AWACS, dès 2025, dans le cadre du prochain ajustement annuel de la programmation militaire ».

Visiblement, le député a une idée précise de la solution qu’il conviendrait à adopter. Malgré la référence faite implicitement à l’E-7A Wedgetail par la LPM 2024-30, le meilleur choix, selon lui, serait le système GlobalEye, développé par le suédois Saab [et écarté par l’Otan au profit de l’avion de Boeing].

« Les premiers essais du système GlobalEye de Saab par l’armée de l’Air et de l’Espace semblent positifs. En outre, l’acquisition de ce système, peu onéreux en comparaison de l’E-7 Wedgetail […], constituerait un signal fort en faveur de l’Europe de la défense et consoliderait notre coopération capacitaire naissante avec la Suède [acquisition par la Suède d’Akeron MP et par la France de missiles NLAW] », a fait valoir M. Cormier-Bouligeon.

L’hypothèse d’un achat de systèmes GlobalEye pour remplacer les E-3F SDCA circule déjà depuis plusieurs mois. Elle a notamment été évoquée par Intelligence OnLine et le quotidien Les Échos, pour qui le Falcon 10X de Dassault Aviation serait pressenti pour mettre en œuvre cette capacité.

Pour rappel, la solution de Saab repose actuellement sur l’avion d’affaires Bombardier Global 6000. Ce dernier est doté de capteurs résistants au brouillage électronique, d’un radar à longue portée Erieye ER, d’un radar à antenne active SeaSpray [fourni par Leonardo] et d’une boule optronique. Les données qu’il collecte dans une rayon de 400 km sont ensuite fusionnées au sein d’un système de commandement et de contrôle [C2] multi-domaines.

Photo : Armée de l’Air & de l’Espace