Entre les budgets 2024 et 2025, pas un euro de différence ? Le gouvernement démissionnaire privilégie pour l’instant le statu quo dans les plafonds budgétaires fixés pour l’an prochain. Un scénario qui, s’il se maintient, reviendrait à stopper net la nouvelle dynamique engagée au bénéfice des armées françaises.
Avec plusieurs semaines de retard sur le calendrier établi, le Premier ministre Gabriel Attal a finalement choisi le statu quo en proposant une enveloppe identique à celle de 2024, soit 492 Md€. La raison invoquée ? Avancer dans la construction d’un budget qui devra impérativement être présenté au Parlement le 1er octobre puis adopté avant le 1er janvier. Et, par là, fournir une base de travail potentiellement réversible au futur gouvernement.
Les différentes enveloppes ne sont pas détaillées, mais ce gel théorique des dépenses implique néanmoins quelque 10 Md€ d’économies à réaliser pour les différents ministères. L’annonce intervient en effet sur fond d’austérité. Un effort de 25 Md€ sera nécessaire pour tenir l’objectif de 5,1% de déficit public en 2024, annonçait mi-juillet le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Lemaire. Resteraient 10 Md€ à trouver, dont la moitié à charge des ministères.
Si le ministère des Armées s’en était bien sorti lors du premier tour de vis de février dernier, aucun détail n’a depuis filtré sur les arbitrages suivants. Les premiers échos font état de situations variables, certains étant plus touchés que d’autres. Pour la mission Défense, un statu quo ou, pire, un recul des crédits aurait pour principale conséquence d’enrayer la trajectoire haussière d’une loi de programmation militaire à peine entamée et considérée dès son adoption comme un socle à renforcer selon le contexte.
Reconduire les crédits à l’identique – probablement le meilleur scénario en l’état – reviendra à empêcher le franchissement de la marche de 3,3 Md€ prévue pour porter les dépenses militaires à 50,5 Md€. De nouveaux arbitrages seraient donc à prévoir, ceux-ci venant s’ajouter aux étalements et renoncements consentis pour mettre sur pied une LPM dont la nécessité n’est plus à démontrer. Ce sera ensuite autant de crédits à trouver et à répartir entre les cinq annuités restantes pour s’assurer de remplir les objectifs d’une LPM dite « de transformation », calcul d’autant plus complexe que l’accélération de l’effort se situe au-delà de l’horizon 2027.
La balle est désormais dans l’autre camp. Celui du Nouveau Front Populaire (NFP) a rapidement battu en brèche la copie de Matignon. La principale faction de gauche a pris les devants pour, sans surprise, revenir sur la rigueur gouvernementale et soutenir une envolée des dépenses. Certains proposent de rehausser l’enveloppe globale de 30 Md€ afin de soutenir la croissance, les services publics, les salaires de la fonction publique, les aides au logement et la gratuité de l’enseignement. Mais pas un mot, du moins jusqu’à présent, sur les armées.
Une vive polémique se dessine entre le Pentagone et la Colline du Capitole autour de l’avenir et de l’allocation des fonds destinés à la Loi sur la production de défense (DPA), une loi cruciale de l’ère de la guerre de Corée qui a renforcé la capacité des États-Unis à dynamiser rapidement des industries clés lors des crises de sécurité nationale. Si cette législation s’est avérée indispensable par le passé – alimentant la production de véhicules blindés lors de la guerre en Irak et celle des vaccins contre le COVID-19 – le débat actuel porte surtout sur la meilleure façon de prioriser et de dépenser des milliards pour revigorer le secteur de la défense américaine, un soutien fondamental à des alliés en temps de guerre tels que l’Ukraine et Israël.
Un budget point de friction
Le point d’achoppement principal est le budget du compte d’investissement de la DPA, connu sous le nom de Titre III. Les bureaux du Congrès expriment depuis longtemps leur agacement face à ce qu’ils perçoivent comme des demandes de budget insuffisantes de la part du Pentagone et des plans de dépenses trop spéculatifs. Cette friction est devenue particulièrement évidente en août lorsque le Sénat a publié son projet de loi budgétaire pour la défense pour l’année fiscale à venir, proposant de plus que doubler les fonds demandés par le Pentagone – mais uniquement si ces fonds sont alloués à des projets spécifiques énoncés dans le projet de loi, une rupture avec la coutume selon laquelle le Pentagone exerce un contrôle général sur ce compte.
Vers une plus grande efficacité
Un responsable de la défense, qui a tenu à garder l’anonymat, a admis que le langage prescriptif de la législation limite la flexibilité, mais a reconnu l’existence de plus en plus de préoccupations quant à la gestion efficace du budget en expansion. Malgré les importantes priorités à long terme du Pentagone pour la DPA, il a eu du mal à prouver sa capacité à gérer efficacement le financement accru.
La DPA permet au Pentagone de contourner les processus traditionnels d’acquisition, en investissant directement chez les fournisseurs de niveau inférieur pour accélérer la production d’armes, un élément essentiel pour des réponses opportunes lors des crises. La demande récente du département de la Défense d’un budget de 968 millions de dollars pour l’exercice 2024, soit une augmentation significative par rapport aux 668 millions de l’année précédente, a été réduite par le Congrès à moins de 600 millions. Certaines des coupes sont dues aux réticences du Congrès quant à la capacité du département à gérer efficacement des fonds importants, compte tenu des difficultés de personnel à gérer les dossiers de la DPA.
Paolo Garoscio
Journaliste chez Economie Matin. Ex-Chef de Projet chez TEMA (Groupe ATC), Ex-Clubic. Diplômé de Philosophie logique et de sciences du langage (Master LoPhiSC de l’Université Paris IV Sorbonne) et de LLCE Italien.
Depuis une dizaine d’années, l’industrie de défense française est engagée dans une dynamique porteuse particulièrement efficace à l’exportation, l’ayant amenée sur la seconde marche du podium mondial, après les États-Unis, mais devant la Russie.
Si la France exporte une grande variété d’équipements, allant du missile antichar au sous-marin, en passant par l’obus d’artillerie et l’avion de chasse, trois équipements se démarquent et portent, en grande partie, la progression des exportations françaises de défense aujourd’hui.
Ainsi, le chasseur Rafale, le sous-marin Scorpene et le canon Caesar, font régulièrement les gros titres, en France comme ailleurs, pour leurs succès internationaux. Si, désormais, tous se félicitent de ces succès, qu’on attribue volontiers à l’innovation et la détermination française, peu savent, en revanche, que ces trois équipements ont eu des débuts pour le moins difficiles, lorsque les armées françaises n’en voulaient pas.
Sommaire
Les stars de l’exportation des équipements de défense français
Il est, aujourd’hui, incontestable que le Rafale, le Scorpene et le Caesar, portent, à eux trois, la dynamique d’exportation française en matière d’armement, grâce à des contrats qui se chiffrent en centaines de millions, voire en milliards d’euros, mais également en entrainant, avec eux, d’importants contrats d’équipements et de maintenance, ruisselant dans toute la BITD (Base Industrielle et Technologie Défense).
Ainsi, après une quinzaine d’années de vaches maigres et d’inquiétudes industrielles et politiques,le Rafale de Dassault Aviation, s’est imposé, avec 300 appareils commandés sur la scène internationale, comme le plus grand succès européen d’exportation d’avions de combat depuis le Mirage F1, dans les années 70 et 80, et comme l’avion de chasse moderne le plus exporté aujourd’hui, après le F-35 américain.
De même, le sous-marin Scorpene, avec 16 navires commandés (bientôt 19 avec la commande indienne) par 5 forces navales, dépasse déjà le précédent record français détenu par la Daphnée dans les années 60, et vient directement menacer le Type 214 allemand, successeur du Type 209 qui détient le record occidental de sous-marins exportés dans les années 80 et 90.
Chose encore plus rare, pour un équipement français, le Caesar est en passe de s’imposer comme un équipement standard au sein de l’OTAN, alors que cinq forces armées européennes, en plus de la France, ont déjà signé des commandes en ce sens (Belgique, Estonie, Lituanie, République tchèque et France), et que deux autres ont signé des lettres d’intention en ce sens (Croatie et Slovénie).
Il est toutefois particulièrement intéressant de constater que ces trois équipements qui, aujourd’hui, portent les exportations françaises en matière d’équipements de défense, et qui rapportent plusieurs milliards d’euros de production industrielle export, chaque année, à la balance commerciale nationale, ont connu des débuts particulièrement difficiles.
En effet, les armées françaises, ou certaines d’entre elles, n’en voulaient pas !
La Marine nationale préférait le F/A-18 Hornet au Rafale M en 1993
Lorsqu’il est question des débuts difficiles du Rafale, et de ses différents échecs commerciaux de 1997 à 2015, au Maroc, au Brésil ou encore aux Pays-Bas, il est fréquent de se voir rappeler la phrase désormais ô combien « pas prophétique » du ministre de la Défense Hervé Morin en 2010, lorsqu’il jugeait l’appareil trop compliqué et trop cher pour pouvoir être exporté.
Cette position ministérielle avait, il est vrai, à ce point inquiété Dassault Aviation, que l’industriel préféra sacrifier la ligne d’assemblage du Mirage 2000, après l’échec de l’appareil en Pologne, même si certains marchés potentiels se profilaient déjà en Europe de l’Est et en Asie, à moyen terme, pour le monomoteur français.
En effet, l’avionneur français craignait que le gouvernement français, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, abandonne le Rafale pour une version modernisée du Mirage 2000, comme pouvait l’être le Mirage 2000-9 vendu aux Émirats arabes unis.
Le fait est, en procédant ainsi, Dassault obligea le ministère de la Défense à respecter ses engagements de commandes minimum de Rafale, avec 11 appareils par an, pour maintenir la ligne de production active, jusqu’à la première commande Égyptienne, en 2015, suivie, depuis, par beaucoup d’autres.
Quelques années plus tôt, cependant, c’est bien le ministère de la Défense, et son locataire, François Léotard, qui sauvèrent le programme Rafale, plus spécifiquement, le Rafale Marine. En effet, en 1993, l’ensemble de l’état-major, rue Royale, n’avait qu’une idée en tête : sortir du programme Rafale, pour pouvoir acheter des F/A-18 Hornet américains.
Il est vrai qu’à ce moment-là, l’aéronavale française était face à une évolution très incertaine, en particulier à court terme. Ainsi, les deux porte-avions français, embarquaient toujours des chasseurs de troisième génération, le Super-Étendard d’attaque, le F-8 Crusader de supériorité aérienne, et l’Étendard-4P de reconnaissance.
Ces appareils, mis en œuvre en Irak trois ans plus tôt, étaient alors largement dépassés face à une défense aérienne ou une chasse moderne, et face au groupe aérien embarqué américain, alignant F-14, F-18, A-6 et A-7.
De fait, lorsque l’US Navy proposa à la Marine nationale, une flotte d’une soixantaine de F/A-18 Hornet en occasion récente, pour le prix de moins de vingt Rafale M, tout l’état-major, ou presque, s’est mobilisé pour tenter de faire pression sur le ministère, et laisser le programme Rafale à la seule Armée de l’Air.
Or, le retrait de la Marine de ce programme aurait non seulement fait porter son développement sur la seule Armée de l’air, mais cela aurait, également, augmenté le prix unitaire de l’appareil, avec, à la clé, une réduction du volume de production. De fait, avec le retrait de la Marine, le programme Rafale pouvait, tout simplement, péricliter.
Le ministère de la Défense décida cependant de rejeter l’offre américaine, et de poursuivre le programme Rafale comme prévu. Notons qu’aujourd’hui, les Rafale M du premier lot, au standard F1, ont été portés au standard F3R multirôle, et volent toujours, alors que l’US Navy a retiré du service l’ensemble de ses Hornet.
Le Caesar, le système d’artillerie révolutionnaire conçu par GIAT dans le dos de l’Armée de terre
Si la Marine nationale a tenté de se retirer du programme Rafale pour se tourner vers un chasseur américain, l’Armée de terre, elle, a tout simplement ignoré, pendant plusieurs années, le canon Caesar, et n’a consenti à en commander que cinq exemplaires, initialement, pour lancer la carrière internationale du système d’artillerie conçu par GIAT.
Il est vrai que quand le concept du Caesar est apparu dans l’esprit des ingénieurs français, l’Armée de terre percevait encore le reliquat de ses nouveaux canons automoteurs AuF1 GCT, dont elle était particulièrement satisfaite, un temps au moins. En outre, elle venait de lancer l’acquisition du canon tracté TrF1, pour soutenir les éléments projetés.
De fait, le besoin d’un nouveau système, tout innovant fut-il, était loin d’être la priorité de l’état-major de l’Armée de terre. Surtout que le programme Caesar semblait devoir relever des défis impossibles.
En effet, il s’agissait non seulement de franchir le cap des tubes de 52 calibres, ce qui entrainait de nombreuses évolutions, notamment au niveau de la culasse, mais aussi de parvenir à installer ce canon sur un châssis 6×6 susceptible de résister aux contraintes mécaniques du tir.
Le Caesar avait, force est de le reconnaitre, des ambitions particulièrement élevées, devant assurer un tir soutenu de 155 mm, avec une grande précision et une portée de 40 km, tout en pouvant embarquer, en monobloc, à bord d’un avion C130. À vrai dire, pas grand monde, en dehors des ingénieurs de GIAT, ne pensaient alors la chose possible. Pas question, donc, de dépenser des crédits dans ce programme.
Ces derniers avaient, pourtant, déjà résolu le problème, en ajoutant un faux châssis au châssis principal du camion UNIMOG 6×6 sélectionné, car seul à répondre aux exigences françaises alors. Celui-ci permettait d’absorber une grande partie des efforts mécaniques lors du tir, alors qu’avec d’autres innovations, le Caesar passait de concept farfelu, à système d’armes efficace et redoutable.
En dépit de ces avancées, et de la présentation officielle du Caesar lors du salon Eurosatory 1994, l’Armée de terre n’était toujours pas convaincue. Le ministre de la Défense, Alain Richard, consenti toutefois à en acquérir cinq exemplaires, pour lancer la carrière internationale du système.
Ce ne sera qu’une fois les premiers exemplaires livrés et expérimentés, que l’Armée de Terre prit la mesure du potentiel de ce nouveau système, d’abord pour remplacer les TrF1, puis pour devenir la pièce d’artillerie standard de ses régiments, en remplaçant les AuF1.
Même aujourd’hui, la Marine nationale ne veut pas entendre parler du Scorpene, ni d’un quelconque sous-marin à propulsion conventionnelle.
Si le ministère de la Défense est parvenu à sauver le programme Rafale, et à faire adopter le Caesar par l’Armée de Terre, personne, en revanche, n’a réussi à faire changer de point de vue la Marine nationale, sur la question des sous-marins à propulsion conventionnelle.
Depuis qu’elle a reçu son premier sous-marin nucléaire d’attaque, le Rubis, en 1983, celle-ci considère, en effet, qu’il lui serait très inefficace de se doter d’une flotte mixte, alliant SNA et sous-marins d’attaque à propulsion conventionnelle, ou SSK. Pour elle, un SNA peut faire tout ce que fait un SSK, en mieux, et un plus rapide, alors que l’inverse n’est pas vrai.
De fait, même si on venait à proposer à la Royale deux SSK plutôt qu’un SNA, soit sensiblement la même enveloppe budgétaire, celle-ci refuserait sans le moindre doute.
Pourtant, le SNA a un immense défaut : il ne s’exporte pas. Or, la flotte de 6 SNA et de 4 SNLE, ne suffit pas pour garantir la pérennité et l’évolution des compétences sous-marines de Naval Group et de sa chaine de sous-traitance et d’équipements, pourtant indispensables à la dissuasion française.
D’ailleurs, la Grande-Bretagne, second, et seul pays opérant une flotte sous-marine nationale à propulsion nucléaire comparable à celle de la France, avec 7 SNA et 4 SNLE, a dû se tourner vers certaines technologies américaines, pour concentrer ses investissements de R&D pour maintenir sa filière industrielle.
Naval Group, alors DCNS, prit un parti différent, en poursuivant la conception, la fabrication et l’exportation de sous-marins à propulsion conventionnelle, un exemple unique sur la planète. En effet, tous les industriels construisant des SSK dans le monde, peuvent s’appuyer sur une commande nationale pour concevoir et fabriquer leurs premiers exemplaires.
C’est le cas de la Chine avec le Type 39A, la Russie avec les 636.3 et 677, l’Allemagne avec le Type 214 et Type 212/CD, de la Suède avec le A26, l’Espagne avec le S80 plus et de la Corée du Sud avec le KSS-III, tous proposant à l’export des sous-marins en service, dérivés de modèles en service ou bientôt en service, dans leur propre marine.
Naval group, pour sa part, est parvenue à faire du Scorpene, un modèle initialement codéveloppé avec l’Espagne, avant de devenir exclusivement français, un véritable succès international. Celui-ci a d’ailleurs dépassé le record de 15 sous-marins français exportés établi par la Daphnée dans les années 60, et vient désormais flirter avec les ventes de Type 214 de l’allemand TKMS, pourtant champion absolu des exportations de sous-marins depuis les années 70 et 80 avec le Type 209.
Il fallut, cependant, beaucoup de détermination, et une certaine dose de chances, pour convaincre Santiago et la Marine chilienne, ses premiers clients, d’acquérir les deux premiers Scorpene, pour lancer la carrière internationale du modèle, alors que la Marine nationale refusait, et refuse toujours, de s’en équiper.
Le puissant lien entre l’attractivité à l’exportation et la mise en œuvre d’un armement par les armées nationales
Pourtant, un équipement militaire majeur, comme un sous-marin ou un avion de combat, bénéficie grandement d’être mis en œuvre par ses armées d’origine, pour son attractivité internationale.
En effet, une commande nationale permet de porter une grande partie de la R&D du modèle, et donc d’en faire un système financièrement compétitif face à la concurrence internationale.
Ainsi, lors de la compétition norvégienne en 2018, Berlin s’assura du succès de TKMS, en annonçant la commande de 2 sous-marins du même modèle pour la Bundesmarine, et en portant 66 % des couts de R&D pour son développement. Ne pouvant s’aligner, Naval Group et le Scorpene, pourtant favoris jusque-là, durent se résigner à abandonner la compétition.
En second lieu, un sous-marin, un avion de combat ou un navire en service dans les armées nationales d’origine, peut prétendre à une meilleure évolutivité, et à une maintenance sécurisée, puisque l’industriel doit, avant tout, assurer ces aspects pour ses propres forces. Ce sont ces paradigmes qui amenèrent la Marine hellénique à exiger des FDI très proches de celles en service au sein de la Marine nationale, pour son programme de frégates.
Enfin, disposer d’un équipement, au sein des armées nationales, permet d’en faire la promotion lors des exercices internationaux, mais aussi lors des conflits. Ainsi, le Rafale et le Caesar sont devenus d’autant plus attractifs qu’ils avaient montré leur efficacité opérationnelle au Levant et en Afrique, obtenant au passage le fameux qualificatif « Combat Proven ».
Peut-on refonder le lien entre les armées et l’industrie de défense au bénéfice des deux ?
Bien évidemment, la commande nationale n’entraine pas le succès international. Toutefois, elle ouvre des opportunités commerciales accrues et renforcées, dans les compétitions et discussions avec les armées partenaires, souvent inaccessibles aux équipements destinés exclusivement à l’exportation.
Cela vaut, d’ailleurs, aussi bien pour les équipements français que pour les autres. Ainsi, le Mig-35 et le JF-31 chinois n’ont toujours pas convaincu sur la scène internationale, alors que le Su-35s, et le J-10C, rencontrent davantage de succès, nonobstant les conditions spécifiques des exportations d’équipements de défens de la Russie et de la Chine.
On peut, dès lors, s’interroger du succès qu’aurait pu rencontrer le Scorpene, ou la corvette Gowind 2500, si la Marine nationale s’était équipée de quelques exemplaires ?
Néanmoins, aujourd’hui, les Armées françaises n’ont aucun intérêt, en dehors de répondre à d’éventuelles exigences du ministère des Armées, pour s’équiper de ces équipements, et, plus largement, pour soutenir l’émergence de nouveaux équipements, n’entrant pas strictement dans son calendrier d’acquisition.
Pourtant, ces exportations représentent un enjeu majeur pour préserver l’autonomie stratégique française, avec une BITD capable de produire la presque totalité des équipements de défense nécessaires, la commande française, seule, ne suffisant pas à cela.
Il conviendrait donc d’imaginer des mécanismes permettant aux armées de retirer des bénéfices directs du succès des exportations françaises, l’amenant à réviser leur stratégie d’équipements pour soutenir l’émergence de ces nouveaux équipements, y compris en participant à leur développement.
Certains pays, comme la Corée du Sud et la Turquie, ont institutionnalisé ce lien, leurs armées commandant, quasiment systématiquement, mais souvent en petites quantités, les équipements produits par leur BITD respective, tant à des fins d’expérimentation opérationnelle, que pour soutenir leurs exportations. Ceci créé, d’ailleurs, un tempo technologique beaucoup plus soutenu pour l’industrie de défense dans ces deux pays.
Une solution, en France, serait de créer un fond ministériel destiné à cette fonction, régénéré par les succès enregistrés à l’exportation de la BITD, par une évaluation et captation des recettes budgétaires ainsi générées. Ce mécanisme budgétaire serait assez proche, dans sa mise œuvre, des recettes variables employées dans les années 2010 pour compléter le financement du ministère de la Défense, par la vente d’infrastructures ou de licences télécom.
Conclusion
On le voit, le succès que rencontre aujourd’hui le Rafale, le Scorpene ou le canon Caesar, doivent bien davantage à la détermination de leurs industriels d’origine, et parfois d’un coup de pouce politique de la part du ministère de la Défense, que du soutien des Armées elles-mêmes.
Il ne s’agit, évidemment, de jeter l’opprobre sur les Armées françaises et leurs état-majors, qui doivent, depuis plusieurs décennies, déployer des trésors d’inventivité pour parvenir à optimiser les programmes industriels indispensables à leur modernisation, avec des budgets sans marge de manœuvre.
Pour résoudre ce problème, et se préparer à absorber le choc que vont représenter l’arrivée des nouvelles BITD chinoises, coréennes ou turques, ainsi que la montée en puissance des offres industrielles allemandes, italiennes ou encore, espagnoles et polonaises, il conviendrait de mettre en œuvre un dispositif dégageant, justement, ces marges de manœuvre, et qui bénéficieraient simultanément aux armées et aux industriels, sans surcouts pour l’état.
Des solutions, en ce sens, peuvent être imaginées, même dans un cadre aussi contraint que celui de la France aujourd’hui. Encore faut-il que le problème soit étudié au bon niveau, par les politiques comme par les industriels eux-mêmes, et bien entendu, par les Armées.
Article du 15 juillet en version intégrale jusqu’au 24 aout 2024
En 2014, lors du sommet de l’Otan organisé à Newport [Pays-de-Galles], la Belgique avait pris l’engagement, comme les autres Alliés, de porter ses dépenses militaires à 2 % du PIB au cours des dix prochaines années. À l’époque, la Défense belge avait dû se résoudre à de nouvelles coupes budgétaires, d’un montant de 140 millions d’euros. Et cela alors que ses ressources avaient déjà diminué d’environ 20 % en l’espace de dix ans.
« Nous sommes sur les rotules », avait alors commenté le numéro deux de la Défense belge. « Nous devons économiser nos moyens lors d’entraînements. Résultat: nos troupes sont moins bien préparées et leur sécurité lors des réelles opérations est compromise », avait-il déploré.
Depuis, le ministère belge de la Défense a lancé plusieurs programmes d’armement, comme l’achat de 34 chasseurs-bombardiers F-35A, le renouvellement des équipements terrestres via le partenariat CaMo [Capacité Motorisée], noué avec la France, ou encore l’acquisition conjointe, avec les Pays-Bas, de nouvelles frégates et d’une capacité de guerre des mines. En outre, il a élaboré le plan STAR [Sécurité/Service – Technologie – Ambition – Résilience], qui définit une vision stratégique jusqu’en 2030
Pour autant, dix ans après le sommet de Newport, le compte n’y est pas. Selon les derniers chiffres de l’Otan, le budget belge de la Défense doit s’élever à seulement 1,3 % du PIB en 2024… Ce qui est encore [très] loin du compte. Et l’engagement pris lors du sommet de Newport ne devrait pas être tenu avant… 2035.
Aussi, en mai dernier, le président du comité militaire de l’Otan, l’amiral Rob Bauer avait morigéné les responsables belges. « Ne pas se préparer à la guerre signifie que l’on augmente la probabilité d’une guerre », avait-il affirmé, lors d’une audition devant la commission de la Défense de la Chambre. Et d’ajouter : « En Belgique comme dans d’autres pays, les gens pensent que cette menace russe est très loin de nous. Ce n’est pas une pensée théorique que la Russie puisse attaquer. Les Russes ont souvent menti : ils ont dit qu’ils n’allaient pas attaquer l’Ukraine, ils l’ont fait. Ils ont dit qu’ils n’annexeraient pas la Crimée, ils l’ont fait ».
Alors que, comme la France, la Belgique se trouve dans une situation politique compliquée, les élections législatives du 9 juin dernier n’ayant pas permis de dégager une majorité claire, le quotidien flamand Het Laatste Nieuws a lancé un pavé dans la mare, cette semaine, en affirmant que l’Otan songerait à délocaliser son Département de communication et d’information [NCIA], qui emploie un millier de personnes, de Mons vers un autre État membre si le gouvernement belge n’augmente pas ses dépenses militaires plus rapidement.
Information ? Bruit de coursive ? En tout cas, d’après la presse d’outre-Quiévrain, il s’agirait d’une « fuite après une réunion entre l’état-major et l’équipe du formateur fédéral ».
« Le siège de l’OTAN est à Bruxelles, en Belgique, et Mons est en Belgique. Beaucoup de pays lorgnent sur ces implantations et d’autres pays qui, notamment, eux, répondent à l’obligation des 2 % et à l’engagement des 2 %. Donc je pense qu’à partir du moment où on se veut crédibles et partenaires, il faut répondre à ces engagements », a résumé Boris Morenville, responsable du Syndicat libre de la fonction publique – Défense, auprès de RTL Info.
Du côté du ministère belge de la Défense, on se veut rassurant. « Plus de 1000 civils et militaires de la NCIA sont actuellement basés en Belgique et il n’est pas prévu de délocaliser les installations ou le personnel de la NCIA de Belgique vers un autre pays », a-t-il réagi.
Le deuxième contributeur après les États-Unis compte réduire de moitié ses dépenses militaires au profit de Kiev en 2025.
Coup de rabot pour l’aide à l’Ukraine : l’Allemagne, deuxième contributeur après les États-Unis, compte réduire de moitié ses dépenses militaires au profit de Kiev en 2025, misant sur l’argent généré par les avoirs russes gelés pour continuer à soutenir le pays.
Le gouvernement d’Olaf Scholz, en quête d’économies budgétaires, ne prévoit «pas d’aides supplémentaires» aux 4 milliards d’euros inscrits dans son projet de budget de l’an prochain pour aider militairement Kiev, a indiqué samedi une source parlementaire à l’AFP. Il n’y aura pas non plus d’enveloppe additionnelle pour Kiev cette année, au-delà des 8 milliards d’euros de financement déjà approuvés.
Elle a d’ores et déjà des conséquences : à l’heure actuelle «aucune nouvelle commande n’est lancée pour l’Ukraine, car elles ne sont plus financées», a déclaré à l’hebdomadaire le député Andreas Schwarz, membre de la commission du budget et spécialiste des questions de défense.
Selon le FAS, il n’a ainsi pas été possible de financer, en juillet, un système de défense antiaérienne de type IRIS-T en faveur Kiev. le ministère de la Défense voulait aussi commander cette année, hors budget 2024, ses munitions d’artillerie et des drones, affirme le journal.
Avoirs russes
Cette décision rajoute de l’incertitude sur l’avenir du soutien militaire à Kiev, alors que l’aide militaire américaine est elle aussi en danger, en cas d’élection du républicain Donald Trump à la Maison Blanche.
Berlin ne prévoit pour 2026 qu’un plafond de trois milliards d’euros, et plus qu’un demi-milliard annuel pour 2027 et 2028, selon le FAS. Pour compenser, l’Allemagne table sur «la création, dans le cadre du G7 et de l’Union Européenne, d’un instrument financier utilisant les avoirs russes gelés», a toutefois affirmé à l’AFP une source au sein du ministère des Finances. «L’aide bilatérale allemande reste au plus haut niveau, mais mise sur l’efficacité de cet instrument», a ajouté la source.
Les alliés de l’Ukraine travaillent depuis plusieurs mois sur un dispositif qui permettrait d’utiliser une partie des 300 milliards de dollars d’avoirs russes gelés dans le monde pour soutenir Kiev dans sa guerre contre l’armée russe. Un «accord politique» entre les pays du G7 a certes été trouvé mi-juin sur une proposition américaine visant à financer un prêt de 50 milliards d’euros. Mais pour le moment, aucune mise en œuvre concrète de ce plan n’a été engagée.
Berlin part pourtant «du principe que ces fonds seront utilisables à partir de 2025», a ajouté la source parlementaire. «L’Occident, et donc l’Allemagne en tant que plus grand contributeur européen, ne relâchera pas son soutien à l’Ukraine», a assuré à l’AFP le député libéral allemand Karsten Klein, membre de la commission du budget.
Reste que le ministre des Finances a expressément écrit le 5 août à son homologue de la Défense Boris Pistorius (SPD) pour lui demander de «garantir» que le plafond des 4 milliards budgétés l’an prochain sera respecté, selon le FAS.
«Style de Donald Trump»
Le projet de budget 2025 a fait l’objet d’âpres discussions au sein de la coalition tripartite entre Libéraux, Verts et sociaux-démocrates.
M.Lindner a demandé à ses homologues de faire des économies afin de respecter le «frein à l’endettement», une règle constitutionnelle qui vise à empêcher l’État de s’endetter de façon trop importante.
Le projet de budget doit encore être discuté au sein du Parlement, avant son adoption d’ici la fin de l’année.
L’opposition chrétienne-démocrate (CDU), qui a le vent en poupe dans les sondages nationaux avant des élections régionales de septembre, à haut risque pour les partis de la coalition dans plusieurs États de l’est du pays, entend mettre la pression sur le gouvernement lors des discussions budgétaires qui auront lieu à l’automne.
«La coalition fait de la politique dans le style de Donald Trump en stoppant toute aide supplémentaire à l’Ukraine en raison de dispute de politique intérieure», a déploré samedi sur X, le député de la CDU Norbert Röttgen.
De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les insuffisances de l’effort de defense français face à la montée en puissance des menaces internationales, alors que l’encre de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, votée en juillet dernier, est à peine sèche.
Entre le spectre d’une Chine surpuissante, la renaissance de la puissance militaro-industrielle russe, les perspectives pessimistes concernant la guerre en Ukraine, les tensions au Moyen-Orient et le possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, plus que jamais depuis la fin de la crise des Euromissiles, le rôle des armées françaises, pour garantir la sécurité du pays, mais aussi de ses alliés, est aujourd’hui crucial.
La LPM 2024-2030, en reprenant le format des armées conçu en 2013 par un Livre Blanc structuré autour d’une menace dissymétrique, et en ne visant que le plancher d’investissement fixé par l’OTAN de 2 % du PIB, ne répond ni en volume, ni dans son calendrier, aux défis qui s’accumulent face aux armées françaises.
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Pour autant, les arguments avancés pour expliquer ce manque d’ambition et de moyens, apparaissent raisonnables, avec un déficit public chronique ne parvenant pas à passer sous la barre des 3 %, une dette souveraine s’approchant des 120 % de PIB, et une économie encore chancelante avec une croissance limitée et un chômage vivace, le tout venant caper les capacités d’investissements de l’État.
Alors, est-il illusoire de vouloir amener l’effort de défense français au niveau requis pour effectivement répondre aux enjeux sécuritaires ? Comme nous le verrons dans cet article, tout dépend de la manière dont le problème est posé.
Une LPM 2024-2030 à 2 % PIB est objectivement insuffisante pour répondre aux enjeux sécuritaires à venir
Si la LPM 2024-2030 s’enorgueillit d’une hausse inégalée des dépenses de défense sur sa durée, avec un budget des armées qui passera de 43,9 Md€ en 2023 à 67 Md€ en 2030, l’effort de défense, c’est-à-dire le rapport entre ces dépenses et le produit intérieur brut du pays, demeurera relativement stable, autour de 2 %.
De fait, en de nombreux aspects, cette hausse annoncée des crédits sera en trompe-l’œil, d’autant qu’elle sera en partie érodée par les effets de l’inflation, comme ce fut d’ailleurs le cas lors de la précédente LPM.
Dans un précédent article, nous avions montré qu’il serait nécessaire, pour la France, de produire un effort de défense supérieur ou égal à 2,65 % PIB pour répondre aux enjeux du moment. Depuis sa rédaction, plusieurs facteurs sont venus aggraver les menaces, donc le calendrier des besoins pour les armées, et avec eux, les besoins d’investissements.
Répondre au besoin de recapitalisation des armées françaises
D’abord, avec un effort à 2,65 % tel qu’il a été préconisé, la recapitalisation des armées françaises, après 20 années de sous investissements critiques, se voulait relativement progressive. En effet, le pic de menaces alors évalué se situait entre 2035 et 2040, ce qui laissait une quinzaine d’années à l’effort de défense pour combler les lacunes constatées, et remplacer les matériels les plus obsolètes comme les hélicoptères Gazelle, les Patrouilleurs Hauturier, et bien d’autres.
Or, le tempo s’est considérablement accru ces derniers mois, sous l’effet conjugué d’une Chine de plus en plus sûre d’elle dans le Pacifique, d’une Russie, en pleine confiance, qui a renoué avec une puissance militaro-industrielle de premier ordre, d’un axe de fait qui s’est formé entre ces deux pays, l’Iran et la Corée du Nord, et la menace désormais très perceptible du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche à l’occasion des élections présidentielles américaines de 2024.
En d’autres termes, là où l’on pouvait considérer raisonnable, un délai de 15 ans pour recapitaliser les armées françaises il y a quelques mois, il est aujourd’hui nécessaire de faire le même effort de modernisation et de transformation, sur un délai sensiblement plus court, le pic de menace pouvant débuter dès 2028, voire avant cela, selon les prévisions les plus pessimistes.
Assurer la transformation conventionnelle vers le théâtre européen
Sur ce même intervalle de temps, les armées françaises doivent aussi assurer une profonde transformation d’une partie significative de leurs forces, pour répondre aux besoins spécifiques du théâtre centre-Europe face à la Russie.
En effet, à ce jour, une part majoritaire des armées françaises, et plus spécifiquement de l’Armée de Terre, est conçue et organisée pour répondre aux besoins de projection de puissance sur des théâtres dissymétrique, en Afrique notamment. Légères et très mobiles, ces unités ont démontré une grande efficacité en Irak ou dans la zone Sud-saharienne.
Toutefois, force est de constater que les VBCI, VAB et même les VBMR et EBRC plus récents, manquent de puissance de feu et de protection pour évoluer face à un adversaire symétrique comme peut l’être la Russie, alors que, dans le ciel, les forces aériennes souffrent de ne disposer d’aucune capacité avancée de guerre électronique ou de suppression des défenses aériennes adverses, pour s’opposer à une défense antiaérienne performante, dense et structurée, comme c’est le cas dans les armées russes.
Étendre les armées et leur résilience
Non seulement les armées françaises apparaissent « trop légères » pour un affrontement en Europe centrale, mais elles souffrent, dans le même temps, d’un format trop réduit pour envisager de s’engager dans un affrontement conventionnel symétrique.
Ainsi, avec seulement 200 chars de combat, moins de 120 tubes d’artillerie, et au mieux, deux brigades lourdes, et deux brigades moyennes, pouvant répondre à ce type d’engagement, les armées françaises ont tout juste la possibilité d’engager une division mécanisée complète sur un éventuel front oriental.
Pire encore, une fois les deux brigades disponibles engagées, l’Armée de terre ne dispose que de peu de réserves matérielles pour assurer la rotation des forces, même si un effort a été fait lors de la LPM 2024-2030, pour tenter d’accroitre les forces de réserves, afin de renforcer la résilience humaine des armées.
La situation n’est guère meilleure dans les autres armées, avec une flotte de chasse limitée à 185 appareils pour l’Armée de l’air, un unique groupe aéronaval pour la Marine, et une flotte d’escorteurs de premier rang trop réduite pour effectivement assurer la sécurité des grandes unités majeures que sont le porte-avions et les 3 PHA, encore moins d’assurer la sécurité des espaces maritimes dont elle a la charge.
Renforcer l’industrie de défense nationale
Si la guerre en Ukraine a montré, de manière évidente, les insuffisances de format des armées françaises, elle a aussi mis en évidence le sous-dimensionnement et la vulnérabilité de l’industrie de défense nationale, qui peine à produire ne serait-ce qu’une partie des munitions nécessaires à l’Ukraine pour tenir face à la puissance retrouvée du complexe industriel militaire russe. Rappelons , à ce titre, que la France a un PIB presque 60 % plus important que celui de la Russie.
Sur ce même intervalle de temps réduit, allant jusqu’en 2028, 2030 au mieux, il serait donc aussi indispensable de reformater l’ensemble de l’outil industriel de défense français, afin de répondre aux besoins de reconstruction et d’extension des armées, mais aussi pour soutenir, dans la durée, les opérations militaires des armées françaises engagées dans un conflit conventionnel symétrique, le cas échéant.
Il convient aussi de conscidérer que l’industrie française, par sa position géographique, et par le statut spécifique du pays disposant d’une dissuasion, pourrait avoir un rôle tout particulier à jouer pour soutenir les armées européennes dans un tel engagement, et pas uniquement les armées françaises, en charge d’une portion seulement de la ligne de défense.
Renforcer la dissuasion française face à la menace sino-russe
Enfin, il s’avèrerait probablement nécessaire de revoir le format et les moyens à disposition de la dissuasion française, aujourd’hui construite sur le principe de stricte suffisance, mais en temps de paix.
En effet, la Russie a explicitement fait savoir qu’elle n’était plus engagée par les accords internationaux post-guerre froide, alors que la Chine est engagée dans un effort sans précédant pour renforcer sa triade nucléaire, et la mettre au niveau des Etats-Unis et de la Chine.
Ne pouvant écarter un possible retour de l’isolationnisme américain, et devant anticiper un engagement total des forces US dans le Pacifique face à la Chine, il revient donc à la France, et à la Grande-Bretagne, d’assurer le parapluie dissuasif des pays européens.
Or, pour ce faire, les deux pays souffrent d’un déficit de moyens pour contrer la menace russe qui peut s’appuyer sur une triade nucléaire forte de 12 SNLE (contre 8 franco-britanniques), de 110 bombardiers stratégiques (contre une vingtaine de Rafale/ASMPA français), et de plusieurs centaines de missiles ICBM et SRBM terrestres (contre 0 dans les deux pays).
Un effort de défense à 3 % PIB comme point d’équilibre entre besoins immédiats et à venir
Relever le défi préalablement esquissé, d’ici à 2030, nécessiterait une étude approfondie et un effort national dépassant de beaucoup le seul périmètre du ministère des Armées, et surtout de cet article.
En revanche, sur la base d’un point d’équilibre moyen établit autour de 2,65 % de PIB, comme analysé dans de précédents articles, on peut estimer qu’un effort de défense transitoire à 3 % du PIB s’avèrerait nécessaire, dans les années à venir, pour financer l’ensemble des mesures requises, sur le calendrier imposé par la détérioration de la situation internationale.
Or, dans la situation budgétaire actuelle du pays, qui peine déjà à financer les 47 Md€ des armées valant moins de 2 % du PIB 2023, comment peut-on espérer amener cet effort de défense à 70 Md€ (2023), soit 3 % du PIB ?
Combien coute à l’État le budget des armées 2023 à 45 Md€ ?
Pour répondre à cette question, il convient dans un premier temps d’estimer la soutenabilité de l’effort de défense à 2 % du PIB en 2023, valant 47 Md€. Il est nécessaire d’introduire la notion de retour budgétaire, c’est-à-dire les recettes et économies budgétaires réalisées par sur le Budget de l’État, en application des investissements consentis sur le budget des armées.
La notion de retour budgétaire
Pour calculer ce retour budgétaire, il convient dans un premier temps d’effectuer une découpe synthétique du budget des armées, comme suit :
20 Md€ pour les frais de personnels militaires et civils
19 Md€ pour les acquisitions, R&D et entretient des équipements des armées
et enfin 8 Md€ pour la dissuasion, dont 4 Md€ pour les couts de personnels, et 4 Md€ pour les investissements industriels et technologiques.
De fait, on peut décomposer le budget des armées en deux catégories, 24 Md€ pour les couts de personnels, et 23 Md€ pour les investissements industriels. Or, chacune de ces catégories produit un retour budgétaire propre.
Ainsi, les recettes d’état concernant les dépenses de personnels peuvent s’évaluer au travers du taux de prélèvement moyen sur PIB français calculé par l’OCDE, qui s’élève à 47 % en 2022. Ainsi, les 25 Md€ qu’auraient dû investir les armées pour les couts de personnel en 2023 si l’effort de defense avait atteint 2%, auraient généré 11,3 Md€ de recettes fiscales et sociales dans le pays.
Les plus attentifs auront certainement remarqué que ce calcul prend en compte des recettes sociales qui, logiquement, ne s’imputent pas au budget de l’État. Toutefois, dans la mesure où les comptes sociaux sont structurellement déficitaires en France, et compensés chaque année par le budget de l’État, il est possible, par simplification, de considérer que toutes les recettes s’appliquant aux comptes sociaux, diminuent d’autant la compensation de l’État chaque année, et donc s’imputent à son budget.
Calcul du retour budgétaire sur le budget théorique des armées 2023 à 2 % PIB
Le taux est sensiblement différent pour ce qui concerne les investissements industriels, et ce, pour plusieurs raisons. En premier lieu, le taux de TVA appliqué à toutes ces prestations est fixe à 20 %, là où le taux moyen de recette de TVA par rapport au PIB n’est que de 12 %. En d’autres termes, la simple application systématique d’un taux de TVA à 20 % fait croitre le taux de prélèvement moyen sectoriel appliqué à l’industrie de défense de 8 %, pour atteindre 55 %.
En second lieu, l’industrie de défense est, par nature, beaucoup moins exposée que le marché national aux importations, de sorte que l’immense majorité de son réseau de sous-traitance est, lui aussi, national.
S’applique donc un coefficient multiplicateur de recettes supplémentaires pour l’état, que l’on peut aisément ramener par défaut à 65 % des investissements consentis, en lien avec le coefficient multiplicateur keynésien ramené à ce seul secteur industriel. Sur cette base, les 23 Md€ d’investissements industriels et technologiques des armées, génèrent donc 15 Md€ de recettes et économies sur le budget de l’État.
Ainsi, sur les 47 Md€ investis initialement par l’état à 2% du PIN, nous venons de montrer que le cout résiduel ne serait que de 47 – (11,3 + 15) = 20,7 Md€. Ce cout doit encore diminuer. En effet, les industries de defense françaises exportent, en moyenne chaque année, l’équivalent de 50 % des investissements nationaux réalisés.
Ainsi, si 23 Md€ sont investis par l’État, cette règle empirique, mais aisément confirmée sur les 20 dernières années, voudrait qu’en moyenne, les industries de defense françaises exportent chaque année pour 11,5 Md€ d’équipements de defense. Déduction faite de la TVA puisque exportés, et des productions locales, ces exportations rapportent 40 % des sommes investis en taxes et cotisations sociales au budget national, soit 4,6 Md€.
Au total, donc, sur les 47 Md€ investis, l’état récupère ou économise en moyenne 30,9 Md€, et ne doit abonder ce budget par d’autres sources de financement qu’à hauteur de 16,1 Md€.
Combien couterait à l’état un budget des armées (2023) à 3 % PIB (70 Md€)
Sur les mêmes hypothèses, il est possible de calculer quel serait le surcout réel engendré par une hausse de l’effort de defense de 2 à 3 % du PIB, soit un budget des armées à 70 Md€ sur la même hypothèse de travail 2023.
L’approche la plus triviale serait de s’appuyer sur une croissance homothétique des couts, c’est-à-dire des couts de personnels passant de 22 à 32,7 Md€, des couts industriels de 19 à 28,3 Md€, et une dissuasion passant de 8 à 11,9 Md€, dont 6 Md€ de couts de personnels. Ainsi posé, le reste à charge de l’État passerait de 20,7 à 37,7 Md€, soit une hausse de 17 Md€, sans tenir compte des exportations.
Cette hypothèse est pourtant aussi peu efficace que peu crédible. En effet, passer les dépenses de personnels totales de 23 Md€ à 32,7 Md€ n’aurait aucun sens, les armées ne parvenant déjà pas à remplir leurs objectifs de recrutement aujourd’hui. En outre, les besoins identifiés en début d’article, porte davantage sur de nouveaux équipements, et de nouvelles capacités industrielles et opérationnelles, que sur des forces simplement augmentées de 50%.
Hypothèse d’une croissance budgétaire optimisée
Prenons donc une hypothèse différente, à savoir des couts de personnels amenés à 28 Md€, une dissuasion amenée à 11 Md€ dont 5 Md€ pour les personnels, et les investissements industriels et technologiques passant de 19 à 31 Md€. Ce découpage génère un investissement total RH de 33 Md€, pour un investissement industriel total de 37 Md€.
En appliquant les mêmes données que lors du calcul précédent, nous obtenons donc un retour budgétaire RH de 15,5 Md€, et un retour budgétaire industriel de 24 Md€, soit un total initial de 39,6 Md€. En reprenant l’hypothèse de croissance homothétique des exportations à 50 % des investissements industriels, nous atteignons 7,4 Md€ de recettes supplémentaires.
Au total, donc, les 70 Md€ (2023) initialement investis, engendreraient un retour budgétaire de 47 Md€, soit un cout marginal de 23 Md€. En comparaison des 16,1 Md€ aujourd’hui, le surcout du reste à charge de l’État n’augmenterait que de 6,9 Md€.
Un surcout budgétaire de 7 Md€ surévalué
Ce solde est toutefois très supérieur à ce que le budget de l’État devrait effectivement supporter en termes de charges supplémentaires. En effet, en passant de 23 à 37 Md€ d’investissements, les industries de défense seraient amenées à créer de 100.000 à 130.000 emplois directs, et autant d’emplois indirects et induits, soit un total de plus de 200.000 emplois créés en hypothèse basse, auxquels il convient d’ajouter 100.000 emplois supplémentaires liés à la hausse des exportations.
Ces 300.000 créations d’emplois viendraient, évidemment, alléger les dépenses sociales de l’état et des collectivités locales, en soutien aux chercheurs d’emplois, si pas directement, tout au moins par transitivité, à termes.
Avec un cout moyen par chercheur d’emplois estimé aujourd’hui autour de 15 000 € par an pour les différents services de l’État, ces 300 000 nouveaux emplois représenteraient 4,5 Md€ d’économies sur le budget de l’État.
Ainsi, le reste à charge net de l’état, pour avoir amener le budget des armées de 47 Md€ et 2 % du PIB, à 70 Md€ et 3 % du PIB, n’atteindrait que 2,4 Md€ par an, soit à peine plus de 0,09 % du PIB français.
Applications et contraintes du modèle présentée
Bien évidemment, l’approche proposée ici, n’est pas exempte de faiblesses. La plus évidente d’entre elles, est le fait de considérer qu’un constat empirique puisse être transposé comme une règle.
Ainsi, si effectivement, sur les décennies passées, les exportations de l’industrie de défense française ont respecté, en moyenne, le principe des 50 % des investissements nationaux, rien ne garantit qu’une hausse des investissements dans ce domaine puisse être, automatiquement, suivie par une hausse similaire des exportations.
Pour sécuriser cet aspect, il serait, en effet, nécessaire que les armées adoptent une stratégie d’équipement plus favorable aux exportations, et ainsi garantir que la hausse des crédits disponibles s’accompagne d’une hausse des marchés adressables par l’industrie de défense française.
On notera également que pour répondre aux enjeux sécuritaires, il serait nécessaire d’augmenter les effectifs des armées, probablement par l’intermédiaire d’une extension rapide de la Garde Nationale. Cela suppose non seulement que la Garde nationale vienne renforcer les unités existantes de l’armée de terre comme aujourd’hui, mais qu’elle puisse donner naissance à des unités autonomes et intégralement équipées, à l’instar de la Garde Nationale US.
En outre, il serait indispensable, dans cette hypothèse, aux armées technologiques, Marine nationale et Armée de l’Air, de mener une réflexion pour intégrer efficacement le potentiel RH de la Garde Nationale et de la Réserve, pour étendre leurs capacités opérationnelles, et pas simplement pour les suppléer.
Conclusion
On le voit, amener l’effort de défense de la France à 3 % du PIB, ce qui paraissait hors de portée des finances publiques à l’entame de cet article, semble bien plus accessible à la fin de celui-ci.
Pour y parvenir, il faut cependant accepter de profondément faire évoluer le paradigme fort encadrant l’effort de défense national, à savoir ne considérer celui-ci, au seul prisme des dépenses, sans jamais considérer, dans sa conception et son équilibrage, les recettes qui seront, ou sont, générées par ces investissements.
Ce dogme, hérité d’un gaullisme qui n’avait connu qu’une croissance forte et des budgets excédentaires, ne peut plus, aujourd’hui, répondre aux enjeux spécifiques qui encadrent le financement des armées françaises.
Toutefois, contrairement à de nombreux pays, la France dispose d’un atout pour augmenter ses dépenses et investissements dans ce domaine, une industrie de défense globale capable de produire la presque totalité des équipements de defense des armées. Cette industrie est, par ailleurs, largement exportatrice, et faiblement exposée aux importations, en faisant un outil exceptionnel en matière d’efficacité de l’investissement public.
Évidemment, 2,4 Md€ de surcouts, ce n’est pas rien, ce d’autant qu’il faudra très certainement une période de croissance et d’adaptation pour que les équilibrés évoqués se stabilisent. Pour autant, l’effort à consentir, pour effectivement transformer les armées françaises en une force de protection répondant aux enjeux du moment, apparait parfaitement à la portée des finances publiques d’un pays comme la France, qui plus est en les mettant en perspective des risques associés à l’inaction, ou à une action trop timorée.
Reste que si l’innovation technologique est plébiscitée au sein du ministère des Armées, et plus globalement, de la fonction publique, les modèles disruptifs venant bousculer des décennies de planification, certes inefficaces, mais confortables, sont beaucoup plus difficiles à imposer, ou simplement à faire valoir.
Article du 19 février 2024 en version intégrale jusqu’au 24 juillet 2024
Alors que le conflit en Ukraine s’enlise dans sa troisième année, les tensions entre l’Occident et la Russie ne cessent de s’intensifier. Le président français Emmanuel Macron a récemment évoqué la possibilité d’envoyer des troupes en Ukraine, une déclaration qui a suscité de vives réactions sur la scène internationale. Cependant, ces propos belliqueux semblent en décalage avec la réalité de l’armée française, si l’on en croit les révélations d’un ancien officier supérieur.
Guillaume Ancel, ancien lieutenant-colonel formé à la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr, a accordé une interview explosive au journal lunion.fr. Ses déclarations jettent une lumière crue sur l’état actuel des forces armées françaises et leur capacité à faire face à un conflit de haute intensité comme celui qui se déroule en Ukraine.
« Nous n’avons pas aujourd’hui une armée capable de se battre dans les conditions de l’Ukraine« , affirme sans détour Ancel. Cette assertion choc repose sur plusieurs facteurs qu’il détaille au fil de l’entretien. Selon lui, l’armée française s’est progressivement transformée en un « super corps expéditionnaire léger », adapté à des interventions ponctuelles sur des théâtres d’opérations lointains, mais mal équipé pour un conflit prolongé et intense aux portes de l’Europe.
L’ancien officier pointe du doigt le manque criant de matériel lourd et de munitions. Il rapporte les propos alarmants du chef d’état-major des armées, Thierry Burkhard, qui aurait déclaré devant des parlementaires : « Si on voulait s’impliquer dans une guerre comme celle de l’Ukraine, nous aurions 15 jours de munitions« . Cette pénurie s’explique, selon Ancel, par des choix stratégiques erronés faits après la fin de la Guerre froide.
La professionnalisation de l’armée, avec la fin du service militaire en 1997, a certes permis de constituer une force d’élite, mais au prix d’une réduction drastique des effectifs et d’une spécialisation excessive. « On a formé une armée d’élite, en passant de 600 000 hommes à 200 000 militaires« , explique Ancel. Ce choix a conduit à la fermeture de nombreuses bases et à l’abandon de certaines capacités, notamment dans le domaine du combat blindé mécanisé.
L’ancien lieutenant-colonel critique également le manque de débat public sur ces questions cruciales. Il déplore une tradition de silence imposée aux militaires, remontant selon lui à Napoléon Bonaparte. Cette « grande muette« , comme on surnomme l’armée française, peine à communiquer avec la société civile et à faire entendre ses besoins.
Face à la résurgence de la menace russe, Ancel plaide pour un changement radical de paradigme. Il préconise notamment l’acquisition de chars de combat modernes, comme le Léopard II, utilisé par plusieurs pays européens. Pour lui, une défense européenne coordonnée et bien équipée est nécessaire pour faire face aux défis géopolitiques actuels, bien que le leader russe ait nié toute envie de s’étendre vers l’Europe.
Ces révélations soulèvent de nombreuses questions sur la pertinence de la politique de défense française et sur sa capacité à répondre aux défis géopolitiques actuels. Alors que le président Macron a annoncé une augmentation significative du budget de la Défense, Ancel estime que ces investissements ne suffiront pas s’ils ne s’accompagnent pas d’une refonte en profondeur du modèle d’armée.
L’interview d’Ancel à lunion.fr agit comme un signal d’alarme. Elle met en lumière le décalage entre les ambitions affichées par le pouvoir politique et les réalités du terrain. À l’heure où les tensions internationales s’exacerbent, la France se trouve face à un défi de taille : moderniser rapidement ses forces armées pour les adapter à un monde où la guerre conventionnelle, loin d’avoir disparu, semble malheureusement redevenir une option.
L’industrie de défense nécessite des capitaux importants pour pouvoir se développer et ainsi mettre au point ses nouveaux projets. La plateforme SouvTech Invest a l’ambition de devenir l’un des outils de ces financements. Entretien avec Pierre-Elie Frossard.
Entretien avec Pierre-Elie Frossard, co-fondateur de Souvtech Invest. Propos recueillis par Alban de Soos.
Vous venez de lancer votre plateforme de financement participatif dans le secteur de la défense et de la sécurité SouvTech Invest.Comment vous est venue cette idée d’établir un lien entre banque et défense ?
SouvTech Invest est un projet que nous avons porté avec l’équipe de Vauban Finance, cabinet de conseil spécialisé dans le secteur de l’industrie de défense que j’ai cofondé. Ce projet est le fruit de nos expériences professionnelles partagées : le monde de la finance comprend mal l’industrie de la défense et de la sécurité et les entreprises de la base industrielle de technologie et de défense (BITD) rencontrent des difficultés d’accès au financement bancaire. Avec notre équipe, composée d’anciens de grands groupes comme MBDA et Nexter, ainsi que d’un ancien banquier, nous avons décidé de prendre à bras le corps cet enjeu. Le financement participatif est une des solutions pour y parvenir, mais il existe d’autres initiatives comme Defense Angels, qui fédère les business angels de la défense, et Colibri, une place de marché d’échanges de titres portés par le cluster EDEN. Nous réfléchissons aujourd’hui avec à une alliance de financeurs privés pour la sécurité et la défense.
Par ailleurs, il y a un changement de paradigme français depuis février 2022 et l’invasion de l’Ukraine, avec un discours du Président de la République insistant sur la nécessité d’avoir une économie de guerre. Cela implique donc des investissements supplémentaires dans la BITD, et la situation a également permis de sensibiliser les Français à cette nécessité.
Le lancement de SouvTech Invest s’inscrit dans ces deux nouvelles réalités : c’est une nouvelle brique dans le continuum de financement de la défense, et un moyen pour les Français d’y investir directement.
Concrètement, comment fonctionne votre plateforme de crowdfunding ? J’imagine qu’elle s’oriente en priorité vers les PME ?
Notre plateforme cible principalement deux types d’entreprises : les startups et le soutien de l’innovation, et les PME/ETI et le soutien de la réindustrialisation.
Les investisseurs peuvent soutenir ces entreprises en suivant deux formes d’engagement. En fonds propres (equity) : ils peuvent acheter des parts de l’entreprise sous forme d’actions, avec la possibilité de les revendre dans un, deux, trois ou quatre ans, et potentiellement réaliser une plus-value si l’entreprise prospère. Cette option est surtout destinée à l’innovation. Et en produits de dette : Ils prêtent de l’argent aux entreprises contre le versement d’intérêts, ce qui est principalement utilisé pour la réindustrialisation.
Il s’agit d’investissements qui visent à compléter les financements bancaires existants, en remplaçant par exemple les fonds propres que les entreprises doivent normalement avancer.
L’idée de Souvtech est de permettre aux investisseurs de participer au financement du secteur de la défense. Dans le contexte actuel, cet investissement est non seulement patriotique, mais aussi rentable. Cela signifie qu’il s’agit d’une opportunité d’investissement à la fois stratégique pour la souveraineté nationale et financièrement avantageuse pour celui qui y investit.
La France est connue pour ses performances dans les BITD. On parle souvent du canon César par exemple.Quels sont les atouts de la défense française ?
Il faut comprendre que le modèle de défense français est complet puisqu’il couvre tous les besoins des forces armées : aéronautique, terrestre, naval et spatial. Les produits français sont au plus haut niveau technologique et offrent une grande capacité d’usage, avec peu de restrictions sur leur utilisation. Cela les rend très attractifs à l’exportation. C’est vraiment la qualité de la BITD française.
Avec ces avantages, comment la France se positionne-t-elle face aux autres puissances mondiales ?
La France cherche à maintenir sa souveraineté en encourageant les pays européens à acheter du matériel français. Cependant, de nombreux partenaires européens continuent à préférer le matériel américain en raison de leur engagement au sein de l’OTAN. Par exemple, l’Allemagne, l’Italie et la Belgique ont opté pour les F-35 américains, bien que le Rafale soit tout aussi performant et probablement mieux adapté à leurs besoins.
Dans ce contexte, la France doit poursuivre deux objectifs principaux : renforcer ses alliances avec d’autres partenaires européens pour construire une industrie de défense européenne solide, et convaincre que cette industrie est crédible et s’intègre parfaitement dans le dispositif de sécurité européen, afin de promouvoir l’achat de matériel européen par les pays européens.
En ce qui concerne les autres puissances, les principaux concurrents de l’industrie française sont aujourd’hui la Corée du Sud, la Turquie et la Chine. Ces pays produisent des équipements de plus en plus qualitatifs, rapidement livrés et très compétitifs sur le papier. Sachant que leurs pratiques commerciales et leur éthique diffèrent largement de celles en vigueur en Europe, la concurrence en devient d’autant plus forte.
L’un des principaux avantages pour la France est l’utilisation éprouvée de ses équipements au combat.
En effet, l’engagement de l’armée française offre des retours d’expérience précieux, permettant de maintenir et d’améliorer constamment la qualité de l’équipement. Cet engagement, soutenu depuis des années, se reflète directement dans la performance et la fiabilité du matériel français.
Par ailleurs, il est important de noter que lorsque l’on parle de ce secteur, on fait souvent référence aux grands groupes de défense comme Airbus, Dassault, Safran, MBDA et Thales. Cependant, on omet souvent de mentionner la BITD, qui est un cœur de cible pour SouvTech Invest et comprend principalement des PME et ETI sous-traitantes de ces grands groupes. Certaines de ces entreprises souhaitent vendre directement leurs produits, mais elles rencontrent de nombreuses difficultés.
Le point intéressant est que la France, à travers divers organismes, essaie de promouvoir l’exportation directe des PME et ETI. En d’autres termes, certaines PME et ETI produisent des équipements aptes à l’exportation. Un axe important de la nouvelle stratégie consiste donc à soutenir et encourager ces entreprises à se lancer sur les marchés internationaux.
Aujourd’hui, quel domaine fait le plus défaut à l’industrie française et mériterait des financements, notamment au travers de la plateforme SouvTech Invest ?
Si nous nous focalisons sur de très grandes capacités, il y a des enjeux majeurs. Par exemple, lorsqu’on évoque les drones MALE en France, on se heurte à un problème : nous n’avons pas de drones MALE opérationnels, et l’Eurodrone est en panne. Concernant les capacités de transport stratégique, il est souvent rapporté que nous en manquons cruellement.
Mais ces questions relèvent typiquement du niveau de l’État français, notamment dans le cadre de la FPM (Feuille de route pour les projets militaires) et de la loi de programmation militaire, ainsi que des grands programmes de défense. Quand on parle de défense, on aborde des programmes et des enjeux régaliens que la France doit gérer, notamment avec le concours des grands groupes industriels.
Chez SouvTech, notre vocation est de travailler principalement avec la chaîne de sous-traitance, surtout au stade initial : l’innovation.
Il est crucial de réfléchir aux technologies déterminantes pour demain, telles que l’intelligence artificielle, le quantique, le cyber, les nouveaux matériaux, et le New Space, qui prend de plus en plus d’ampleur. Nous nous concentrons donc principalement sur l’aspect technologique et les start-ups.
L’innovation ne peut pas être strictement dirigée. Bien qu’elle existe, on ne peut pas simplement demander à la DGA (Direction générale de l’armement) ou à l’AID (Agence de l’innovation de défense) de s’en occuper. La DGA a ses propres thématiques et problématiques, et elle suit une partie de l’innovation, mais celle-ci doit également émerger de divers horizons, y compris du secteur civil. L’idée est de financer cet écosystème innovant, qui sera ensuite repris par la DGA et l’AID. Mais au début, il faut que ce soit foisonnant pour bien fonctionner.
Notre objectif est donc de contribuer à la réindustrialisation, en donnant de la visibilité aux grands groupes sur l’augmentation des budgets. Selon la LPM (Loi de programmation militaire), 413 milliards d’euros sont prévus jusqu’en 2030, ce qui montre une volonté accrue d’augmenter les moyens de production. Nous finançons ces entreprises de la chaîne de sous-traitance en complément des acteurs existants.
Nous proposons ainsi le financement participatif, permettant aux Français d’investir directement dans des projets qui les intéressent. Actuellement, ils investissent principalement dans l’immobilier (80%) et dans les énergies renouvelables (20%). Le financement participatif, qui représente 2 milliards d’euros par an, est en forte croissance, car les citoyens souhaitent de plus en plus prendre des décisions directes et placer leur épargne au cœur d’enjeux pertinents pour eux et qui ont du sens à leurs yeux.
L’objectif de SouvTech Invest est de proposer une alternative complémentaire au système de financement actuel, en offrant la possibilité d’investir dans des thématiques liées à la souveraineté nationale, à la protection de la nation, et aux enjeux industriels et technologiques essentiels pour notre sécurité dans un monde incertain.
C’est une thématique parallèle, permettant aux Français de s’investir directement dans la protection de leur pays à travers un investissement direct, clair et engagé.
Les urnes ont livré leur verdict et la « clarification » souhaitée par le président Macron au moment de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin dernier, n’a pas eu lieu dans la mesure où aucune formation politique n’a obtenu la majorité absolue, fixée à 289 sièges.
Ainsi, avec 178 élus, le Nouveau front populaire [LFI, PS, PCF, écologistes, NPA, etc.] en est très loin, même si son résultat est supérieur à celui qu’avait précédemment obtenu la Nouvelle union populaire écologique et sociale [Nupes] dont il est la continuité. Sa progression est surtout due au PS, qui double pratiquement le nombre de ses députés, alors que LFI en a perdu une poignée [71 contre 75].
L’ancienne majorité présidentielle, composée notamment de Renaissance, de Horizon et du Modem, a sans doute « sauvé les meubles ». Mais ses 156 députés ne seront évidemment pas suffisants pour former un gouvernement. Même chose pour le Rassemblement national et ses alliés issus des Républicains qui, malgré un écart conséquent en termes de suffrages exprimés par rapport au Nouveau front populaire [3’134’022 voix], n’a obtenu que 143 sièges. Enfin, avec une soixantaine de députés, Les Républicains sont parvenus à maintenir peu ou prou leur position par rapport à la dernière assemblée.
Dans de telles conditions, il sera très difficile, de former un gouvernement… et donc de maintenir un cap politique en esquivant les motions de censure que ne manqueront pas de déposer ses opposants. À moins de trouver d’improbables majorités de circonstances ou quelques élus dont l’échine est plus souple que celle de leurs collègues, ce qui, en l’état actuel des choses, est une tâche impossible.
En attendant, l’heure de vérité arrivera très vite, avec la Loi de finances initiale pour 2025, qui doit être soumise au Parlement à la fin du mois septembre [du moins, en théorie]. Et cela alors que l’état des finances publiques s’est encore aggravé au cours de ces derniers mois.
Ainsi, selon les derniers chiffres de l’INSEE, à la fin du premier trimestre 2024, la dette publique avait encore augmenté de 58,3 milliards pour s’établir à 3159,7 milliards d’euros [soit 110,7 % du PIB]. Quand au déficit public, aucune amélioration n’est en vue : il devrait s’élever à 5,1 % du PIB en 2024… Ce qui a d’ailleurs motivé la Commission européenne à placer la France en « procédure de déficit excessif », quinze jours après que l’agence de notation Standard & Poor’s a dégradé la note de la dette française de AA à AA-.
« La France […] soumettra son plan national budgétaire et structurel à moyen terme [pour une durée de cinq ans] le 20 septembre 2024. La Commission procédera ensuite à son évaluation. Ce n’est qu’en novembre 2024 que la Commission formulera ses recommandations. La France aura six mois pour s’y conformer. Et, si, en juin 2025, la France n’a pris aucune mesure correctrice, alors la Commission pourrait envisager des sanctions », explique le site officiel Vie Publique.
Le risque est donc de voir les taux d’intérêts augmenter, ce qui augmentera mécaniquement la charge de la dette, sur laquelle il n’y a aucune marge de manœuvre. Aussi, pour le projet de loi de finances 2025, on peut s’attendre à des débats houleux sur les mesures à prendre : faudra-t-il augmenter les recettes [et donc les impôts], réduire les dépenses, ou faire les deux à la fois ?
Quoi qu’il en soit, au vu des positions affichées [et défendues] par les uns et les autres, trouver une majorité pour faire passer ce texte [qui, par ailleurs, ne manquera pas d’être modifié par le Sénat] avant le 31 décembre prochain sera une gageure. D’où l’hypothèse très probable d’un retour à une pratique qui était en vogue lors des IIIe et IVe Républiques, avec leurs majorités instables : la méthode dite du douzième provisoire.
Concrètement, en cas de blocage, le Parlement vote une loi d’urgence budgétaire dont les dépenses et les recettes, identiques à celles de la précédente loi de finances, sont divisées par douze. Ainsi, on appliquerait ces douzièmes pour chaque mois de l’année 2025, tant qu’un nouveau budget n’aura pas été adopté.
Sauf que, selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, qui n’est pas contraignante stricto sensu, il est question d’augmenter le budget du ministère des Armées de 3,3 milliards d’euros en 2025, pour le porter à 50,5 milliards. Un effort quasi identique est prévu pour les annuités 2026 et 2027.
Si la méthode du douzième provisoire s’applique, alors le ministère des Armées devra faire une croix sur la trajectoire financière de la LPM, alors que plusieurs programmes d’envergure ont d’ores et déjà été engagés et que la modernisation de la dissuasion est un impératif. En outre, il faudra aussi prendre en compte les effets de l’inflation, ce qui compliquera davantage une équation déjà difficile à résoudre, d’autant plus que les marges de manœuvres sont déjà étroites…
Avec la guerre aux confins de l’Europe, l’apparition de nouveaux champs de conflictualité et des menaces qui s’empilent, une telle situation n’est évidemment guère confortable. Se posera également la question de l’engagement de la France auprès de ses Alliés.
Une solution serait de faire en sorte que les crédits du ministère des Armées soient votés en dehors d’un projet de loi de finances initiale. Là, il n’y aurait aucun difficulté à trouver une majorité confortable, le bloc central comme le RN et LR ayant pris l’engagement de respecter la LPM 2024-30 durant la campagne électorale. Seulement, il n’est pas certain qu’un tel expédient puisse être possible d’un point de vue juridique.
L’armée française est de plus en plus confrontée à des problèmes de recrutement. Elle a dû mal à attirer les meilleurs dans ses rangs et à les retenir. Pour l’avenir de la France, il est pourtant essentiel que l’armée puisse attirer l’élite de la nation.
« Derrière Alexandre, il y a toujours Aristote » déclarait le général de Gaulle. Cette citation couplée à l’évolution constante des technologies et la réactivité des différents protagonistes au Levant et en Europe de l’Est, nous rappelle la nécessité d’avoir des officiers intellectuellement agiles, capables de décider rapidement et efficacement. Il est donc nécessaire d’attirer dans les promotions des grandes écoles militaires les plus capables de la nation.
Pour cela il faut d’abord les trier, le système de classe préparatoire actuel permet de sélectionner efficacement tout en formant intellectuellement les candidats. Le niveau de ce système de sélection par concours étant liée au niveau du vivier et le niveau scolaire s’abaissant, on pourrait en déduire que nos intégrants sont naturellement moins doués.
Savoir sélectionner les meilleurs
Pourtant, l’effet de l’effondrement du niveau scolaire observé par les classements PISA cache une importante disparité. En effet, si le niveau des moyens et des plus faibles s’est abaissé, le niveau des meilleurs est resté constant. On constate également que les meilleurs lycées sont concentrés dans les grandes métropoles, notamment en Île-de-France.
Malheureusement, le nombre d’Aspirants des armées originaires des classes préparatoires parisiennes est particulièrement bas. Si la place prépondérante des classes préparatoires militaires dans l’origine des lauréats des concours d’officiers est une explication à ce phénomène, les élèves originaires des lycées parisiens en classe préparatoire des lycées militaires sont aussi marginaux. A contrario, les élèves originaires de ces établissements sont légion à HEC, Polytechnique et ENS.
Le lien entre performance académique et origine sociale étant incontestable, les grandes écoles militaires doivent aspirer à recruter des élèves officiers originaires des grandes métropoles.
On pourrait rétorquer que c’est impossible, que la remise en question de l’autorité de la société rend la jeunesse française imperméable à la rigueur militaire. Si cette remise en cause s’est incarnée dans le monde du travail, notamment par le système de start-up qui attire la jeunesse diplômée, elle a atteint aujourd’hui ses limites. On observe en effet que l’école Polytechnique conserve une année complète liée à son statut militaire en mettant en avant le développement des qualités humaines de ses élèves. HEC propose à ses élèves une formation au leadership de plusieurs semaines encadrées par des sous-lieutenants saint-cyriens. De plus, le succès des « team buildings » dont notamment les formules « boots camps » ne sont plus à démontrer. Pour finir l’engouement (105 000 ventes pour Qu’est-ce qu’un chef ? et 160 000 pour Servir) autour des livres du général de Villiers nous démontre que l’armée incarne dans l’ensemble de la population française une réponse à cette crise de l’autorité prophétisée par Hannah Arendt dans La crise de la culture. Pourtant, si l’image de l’armée n’a jamais eu une aussi bonne presse depuis 1968, on n’observe pas un enthousiasme généralisé à l’engagement et notamment chez les enfants des élites.
De multiples causes provoquent cette réticence, on peut trouver de nombreuses explications dans les conjonctures internationales et économiques. Mais, il faut souligner aussi des problèmes structurels au sein des armées françaises.
Un problème de recrutement au sein des armées
En effet, depuis les années 1990, un phénomène de métropolisation s’est développé, groupant ainsi les élites économiques dans un nombre restreint de lieux quand auparavant un notable d’une ville moyenne possédait une situation enviable. Aujourd’hui, les étudiants les plus qualifiés acceptent des conditions de logement et de transport contraignantes pour débuter leur carrière dans ces grandes villes. Il leur apparait comme préférable d’être mal logé dans les centres urbains principaux plutôt que d’habiter dans une ville classique.
Or, le bassin parisien est un désert militaire, quasiment aucune des unités opérationnelles n’y a sa garnison, idem pour Lyon et Marseille. Le succès de la gendarmerie et des pompiers de Paris auprès des jeunes saint-cyriens démontre l’attrait de ces régions auprès des élèves-officiers. En grossissant le trait, on peut dire qu’il est statiquement plus probable d’être muté dans la diagonale du vide que dans les zones périurbaines pour un jeune officier. Les villes de garnison sont de moins en moins attrayantes.
Des officiers mal rémunérés
À cette vie hors des centres dynamiques, démographiques et économiques s’ajoute la solde. En effet, l’officier français est moins bien rémunéré que les officiers allemands, américains et anglais. La société moderne mesurant la réussite professionnelle à la capacité de consommation des individus, un officier peut se sentir lésé au regard de l’investissement que son métier demande.
L’armée française pour sa part propose une vie d’aventure et de don de soi à ses futurs officiers, elle se positionne donc sur un créneau qui attire principalement des réfractaires à la société de consommation.
Si ce profil est potentiellement le bon, il est minoritaire comme le sont toujours les réfractaires.
La combinaison des deux premiers facteurs en crée un troisième qui est la dévalorisation du statut d’officier. En effet, si un jeune de 20 ans peut aspirer à une vie d’aventure et donc quitter le confort des grandes villes, il n’incarnera pas la réussite contrairement à ceux qui auront fait un choix différent. La pression sociale qui s’exercera alors sur lui le fera hésiter et voir reculer alors qu’il possédait les qualités nécessaires pour être un officier compétent.
L’addition de ces trois facteurs freine l’attraction des armées auprès des jeunes des élites des grandes métropoles. Il faut pourtant se souvenir que le terme de « corniche » nous vient des classes préparatoires de Stanislas. Il existait donc une époque où les lycées les plus prestigieux de France s’enorgueillissaient d’envoyer certains de leurs meilleurs élèves à Saint-Cyr.
L’escalade des tensions partout dans le monde nous rappelle que recruter une élite militaire est primordial. Ce recrutement des meilleurs profils pour les armées françaises du XXIe siècle ne pourrait se réaliser sans régler le problème de l’isolement géographique ni l’amélioration de la solde.