Les trois marches du succès à travers le juste dimensionnement des capacités industrielles d’un programme d’armement

Les trois marches du succès à travers le juste dimensionnement des capacités industrielles d’un programme d’armement


 

L’armée de Terre renouvelle son matériel en s’appuyant sur la technologie. Du fait de son coût, ceci aboutit à un équipement soutenu au plus juste, avec des séries, dans certains cas, relativement limitées. Une des conséquences de ce choix est qu’une montée en puissance de l’outil militaire, si elle est réalisable, s’inscrirait a minima dans la durée, devant l’impossibilité de régénérer rapidement les matériels, soumis à un emploi beaucoup plus important qu’initialement prévu. C’est pourquoi le GCA (2S) Michel Grintchenko milite pour dimensionner dès le temps de paix les capacités industrielles de soutien à un niveau suffisant pour pouvoir s’imposer face à un adversaire déterminé. Une surcapacité industrielle apparente, qui pourrait être en grande partie supportée par l’industrie privée, si l’État en favorisait l’émergence.

 

Après la modernisation de sa composante d’aérocombat avec les programmes Tigre et NH90, l’armée de Terre reçoit enfin aujourd’hui ses indispensables matériels terrestres de nouvelle génération, organisés autour du programme de cohérence Scorpion. Une nouvelle ère s’ouvre pour les forces françaises, qui visent à pouvoir prendre rapidement l’ascendant sur l’ennemi en anéantissant sa volonté de poursuivre un conflit meurtrier et perdu d’avance. Le programme mise sur la supériorité technique, permettant d’accélérer les mouvements et d’atteindre des résultats décisifs, notamment grâce à l’info-valorisation propre à raccourcir au maximum le cycle décisionnel. Rapidité d’action et de décision devraient permettre de conserver l’initiative, si importante au combat.

Mais le revers de la médaille réside dans une diminution drastique des volumes, se traduisant par une réduction du format des forces, au risque de perdre les effets de masse tactique et industrielle. Moins d’unités sur le terrain, ce sont également des chaines avec de matériels moins nombreux, atteignant pour certains un volume trop faible pour bénéficier d’économies d’échelle. Le sur-mesure devient de l’artisanat de luxe et coûte bien cher !

Pour ses hélicoptères, l’armée de terre s’est même habituée à raisonner à la machine près. Les numéros de série deviennent connus des grands chefs, à l’exemple du Tigre 2028 touché en 2013 au Mali, dont les difficultés de remise en état ont été à l’ordre du jour de plus d’une réunion de haut niveau.

Mais si leur nombre est plus faible, les appareils de nouvelle génération ont également grandement complexifié la réalité du soutien, brouillant ce qui devrait être simple et masquant l’important derrière des données techniques relativement absconses. Déblayer ce qui semble complexe sera nécessaire avant d’aborder les trois marches du soutien qui doivent être maîtrisées.

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À l’image d’un parcours du combattant qui voit se succéder plusieurs obstacles, l’armée de Terre a absorbé le premier obstacle majeur, constitué par le mur de l’équipement : ses matériels sont à présent bien commandés et la LPM veillera à ce qu’ils soient livrés à temps.

L’armée de Terre doit à présent gérer le mur du fonctionnement, avant d’espérer ne pas être handicapée par celui de la régénération de potentiel. Trois stades importants dans la vie d’un programme, rythmé par une gestion scrupuleuse du potentiel accordé.

Le Niveau de soutien opérationnel (NSO) doit permettre aux forces de franchir le mur du fonctionnement. Le but visé est celui de rendre les matériels disponibles par une série d’actions de maintenance ; actions qui peuvent relever du domaine préventif, quand il s’agit de répondre au plan d’entretien programmé par le constructeur ou du domaine curatif, quand il s’agit de traiter les pannes courantes et les incidents mineurs.

Opérations préventives et curatives se traduisent cependant dans les ateliers par un travail conséquent. Elles nécessitent un budget important pour financer les multiples besoins comme la formation des spécialistes, l’acquisition des outillages, la mise à jour des documents techniques et la gestion du flux des pièces de rechange. Malheureusement, ce besoin est parfois volontairement minoré pour rendre le nouveau programme plus compatible avec le budget des armées. Or, d’un soutien sous-dimensionné découlera une activité plus faible qu’escomptée ; un choix douloureux, mais dont la gestion des conséquences demeure dans le domaine de responsabilité du décideur militaire.

Il n’en est pas de même pour le troisième mur à franchir, celui de la régénération de potentiel qui relève du monde industriel. Ayant usé le segment du cycle de vie alloué aux forces, le matériel quitte les armées et rejoint l’industrie pour être régénéré au cours d’activités de maintenance lourde. Tout comme il est fondamental de trouver des stations-service disposant de carburant pour faire le plein de sa voiture, il est indispensable que les matériels dont le potentiel doit être régénéré trouvent des ateliers industriels disponibles pour les accueillir.

La cohérence de la construction de cet outil industriel relève de la DGA. La mise en œuvre est portée par les organismes de maîtrise d’œuvre de milieu comme la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) pour les matériels terrestres et la Direction de la Maintenance aéronautique (DMAé) pour les matériels aériens. Les ateliers étatiques et privés en assurent l’exécution.

Dans ce domaine, l’armée de terre n’agit alors qu’en tant que client, marquant ses efforts dans le budget qu’elle accorde aux actions à réaliser et en attendant des résultats. En cas de problème, elle ne peut que constater les dysfonctionnements, se plaindre des différents retards et obtenir quelques compensations financières.

La notion de cycle de vie est importante à saisir. Sur chaque cycle de vie, les appareils disposent d’un volume d’heures à consommer (potentiel horaire) sur un temps donné (potentiel calendaire) ; l’appareil est arrêté (et même interdit d’emploi) dès qu’il a atteint la première des deux butées. Afin d’éviter les attentes, la fin du cycle correspond dans la planification industrielle à la date de la prochaine visite industrielle, où les ateliers procèderont aux opérations très longues (de l’ordre d’une année) qui ouvriront un nouveau cycle de potentiel, donnant aux opérationnels un nouveau capital d’heures à consommer.

Il s’agit d’une sorte de respiration naturelle entre le soutien opérationnel (NSO) et le soutien industriel (NSI), qui permet de s’assurer dans la durée du fonctionnement en sécurité des appareils : le NSO génère de la disponibilité et le NSI du potentiel. C’est grâce à cette organisation que des appareils d’une cinquantaine d’années, comme le Puma et la Gazelle sortent de grande visite avec une étonnante jeunesse.

Un soutien industriel bien dimensionné permettra de régénérer sans à coup le potentiel. Mais le moindre grain de sable pourra venir perturber la belle mécanique. Si les capacités industrielles sont insuffisantes, si les opérations techniques sont plus complexes du fait d’une usure anormale des appareils ou si l’emploi opérationnel est supérieur aux estimations consommant le potentiel plus rapidement que prévu, le nombre d’appareils en attente de prise en main ne pourra qu’inévitablement augmenter. Pour reprendre l’image d’un voyage sur une autoroute, lorsque le trafic est chargé, le moindre incident est susceptible de
dégénérer en bouchons interminables, encore en place longtemps après la résolution de l’incident.

Certains appareils se dégraderont alors sur les parkings en attendant leur prise en main. D’autres se transformeront en commodes réserves de pièces pour le reste de la flotte, alors qu’un nombre à peu près constant d’appareils sortiront des ateliers pour entamer un nouveau cycle. Dans un tel scénario, la dette se creuse et le parc s’atrophie mécaniquement. Un triste gâchis, pouvant donner l’impression de posséder des appareils « quasi jetables », incapables de dépasser en nombre suffisant le premier cycle d’utilisation. Un état de fait bien loin de la philosophie d’une loi de programmation militaire ambitieuse et rigoureuse !

L’armée de Terre a vécu une telle période de paralysie d’un parc lors des opérations de rénovation de la flotte Cougar. Les chantiers ont été programmés sur un an, à partir d’une capacité industrielle surévaluée. Ils ont duré en fait pour chaque appareil plus de trois ans, privant l’armée de terre de la moitié de sa flotte de Cougar pendant dix ans. L’EMAT a été insatisfait, s’est plaint et a tempêté. Rien n’a pourtant changé et le paquebot industriel a poursuivi sur son erre de retards, incapable de reprendre l’initiative. Le match a été perdu dès la planification, sans aucune capacité de correction.

S’agit-il d’un cas fortuit, ou d’un cas d’école, susceptible de se reproduire à plus grande échelle sur d’autres parcs de nouvelle génération ?

Quand on analyse les difficultés qui ont accompagné la régénération des matériels revenus d’opérations extérieures (OPEX), on ne peut que constater combien le soutien industriel est souvent le parent-pauvre des réflexions de fond. Certains pensent que comme d’habitude « l’intendance suivra ». D’autres espèrent que le programme y pourvoira. D’autres enfin déplorent des financements insuffisants et estiment que l’État n’a pas à payer dès le temps de paix un hypothétique effort de guerre, puisque la paralysie observée relève d’une surconsommation conjoncturelle.

Tous ces avis sont partiellement vrais, mais ils doivent être ordonnés dans l’espace et le temps. Entendons par l’espace la cartographie des lieux et des acteurs, puisque l’État n’est pas seul. Il peut et doit s’appuyer sur les entreprises françaises d’une Base industrielle et technologique de défense (BITD) ordonnée. Quant au temps, il n’est pas linéaire, générant des besoins dictés par les circonstances.

On peut ainsi distinguer trois cas de figure, qui représentent pour un programme trois marches à franchir, constituant un continuum qui croît en exigence. Le point de départ réside dans l’usage courant du temps paix. Le besoin passe ensuite par un stade intermédiaire, caractérisé par l’engagement majeur, qui génère des besoins proches de ceux du temps de guerre dans un régime juridique et économique du temps de paix. Enfin le continuum débouche sur la guerre, qui se caractérise par des besoins sans limites, mais dans une organisation et un système juridique différents, qui sont ceux du temps de guerre. Ce passage d’une marche à l’autre nécessite d’avoir été suffisamment anticipé pour qu’il se fasse de façon cohérente.

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La première marche est donc celle du programme et de la vie courante. Elle correspond pour les états-majors à la Situation opérationnelle de référence (SOR).

Les besoins sont calculés dans une logique d’utilisation « de bon père de famille », envisageant les consommations raisonnables que l’on peut se payer en accord avec la programmation budgétaire. Le volume horaire retenu et les objectifs de disponibilité permettent d’accomplir le travail quotidien. La capacité du soutien industriel est calculée pour répondre au vieillissement attendu du parc.

Le volume d’heures allouées permet de former, puis d’entraîner les équipages pour qu’ils dominent des tactiques qui, reconnaissons-le, génèrent de plus en plus d’interactions entre les différents matériels et de multiples unités françaises ou étrangères. Bien sûr, ce volume permet de remplir les contrats opérationnels qui dans certains cas demeurent très exigeants.

Les besoins de cette première marche sont réduits au maximum, grâce à l’adjonction de moyens de simulation, voire de substitution qui permettent de s’entraîner avec des matériels bien plus économiques que les systèmes d’armes réels.

Cette première marche envisage une attrition faible, découlant essentiellement d’un niveau d’accident que l’on ne peut malheureusement éradiquer définitivement ainsi que des inévitables pertes subies en OPEX.

Les capacités industrielles sont alors construites dans une logique semi-étatique. La partie régalienne, fournie par des capacités industrielles étatiques, est renforcée de capacités privées résultant de différents appels d’offres. Le moins cher est souvent retenu, même s’il délocalise son activité pour réduire les coûts de main d’œuvre. Les stocks de rechanges sont réduits au minimum pour ne pas gonfler des investissements considérés à tort à ce moment-là comme non productifs.

Il s’agit de la vie quasi normale de nos armées, bénéficiant d’un soutien régi par la loi du marché dans un système de temps de paix, totalement en phase avec les aspirations d’une société peu portée à consentir plus de dépenses pour sa défense.

Si intellectuellement le système est très cohérent, un examen plus minutieux souligne déjà certaines fragilités. Le Tigre par exemple n’atteint ses objectifs de disponibilité qu’au prix d’efforts très conséquents ; quant au Caïman, même si sa consommation a été envisagée dans une option minimaliste de 200 heures de vol par an (soit pratiquement une heure de vol tous les deux jours), il rencontre déjà de nombreuses difficultés pour maîtriser cette première marche. Nombre d’opérations de maintenance sont interrompues par des attentes de pièces, voire dans certains cas, par des attentes de main d’œuvre et des décisions techniques.

L’entraînement des forces est optimisé dans des centres d’entrainement façonnés pour des petites unités. Nous sommes bien loin de l’exercice « Kecker Spatz » (Moineau hardi) qui en septembre 1987 a mobilisé dans les champs et les forêts de Bade-Wurtemberg et de Bavière, près de 55 000 militaires allemands et 22 000 soldats français de la FAR !

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La seconde marche est celle de l’Hypothèse d’un engagement majeur (HEM).

Deux questions alimentent alors les réflexions : comment passe-t-on d’une marche à l’autre (de la SOR à l’HEM) et combien de temps doit-on envisager de rester sur le pic HEM ? Cette problématique a par ailleurs fait l’objet d’un rapport d’information de l’Assemblée nationale en février 2022.

Véritable étape intermédiaire entre le temps de paix et le temps de guerre, l’engagement majeur se caractérise par bon nombre d’exigences du temps de guerre qui doivent être satisfaites par un système juridique de temps de paix, sur la base d’un outil construit pour soutenir la SOR.

Par rapport au stade précédent, l’utilisation du parc opérationnel pour exécuter les missions s’accroît considérablement, puisque les missions à remplir sont de fait beaucoup plus nombreuses. L’attrition des parcs augmente, rendant urgent de réparer les dommages de combat et impératif de régénérer plus rapidement le potentiel. La tension se porte alors sur les stocks de rechanges et de munitions, les matières premières, les composants électroniques et les machines-outils ainsi que sur le niveau de soutien industriel qui doit libérer plus d’appareils, beaucoup plus rapidement.

Ce besoin d’un potentiel supérieur exigé par l’emploi opérationnel entraîne pour les matériels aériens la nécessité de rapprocher les visites périodiques industrielles et de raccourcir les délais d’immobilisation. Pour revenir à l’exemple du Caïman, il sera nécessaire d’envisager de consommer beaucoup plus d’heures de vol par an. Là où le schéma précédent envisageait une visite toutes les 900 heures après 4,5 ans d’utilisation, il faudra effectuer cette même visite au bout de deux ou trois ans. Dans le premier cas pour la SOR, le nombre nécessaire de plots industriels pour régénérer le potentiel se situait entre un quart et un cinquième du parc (une vingtaine de plots) ; dans le second pour l’HEM il se rapprocherait du tiers (une trentaine).

Où donc trouver dans un bref délai les capacités industrielles nécessaires ? Et comme la construction de ces ateliers prendra du temps, comment financer à budget constant une surcapacité industrielle sous-employée en régime normal, devenue à peine suffisante lors d’un hypothétique engagement majeur ?

La réponse se situe dans l’anticipation, l’organisation et l’association des talents et des intérêts. L’État dans un tel scénario n’est pas seul. Il doit pouvoir s’appuyer sur les industriels privés, qui ont également leurs intérêts à faire valoir.

Le rapport sénatorial a pointé du doigt qu’il n’existait pas de structure de pilotage d’une telle montée en puissance. Pourtant, l’État doit se placer en facilitateur, pour favoriser la constitution de capacités industrielles cohérentes avec les besoins de cette seconde marche.

Faciliter ne dit pas financer complètement, car ces capacités doivent entrer dans une logique de profit industriel, que les entreprises iront chercher dans des marchés connexes, civils ou à l’étranger avec l’appui de l’État.

C’est ce qui se passe aujourd’hui pour certains hélicoptères pour lesquels une capacité industrielle bien étoffée existe en France, grâce à l’entretien d’appareils étrangers. Les stocks, outillages et capacités techniques sont gonflés par rapport aux besoins strictement nationaux et pourront directement être affectés aux forces françaises en cas de besoin. C’est notamment le cas des hélicoptères de la famille Cougar-Caracal pour lesquels la maintenance est ouverte aux industriels privés qui peuvent équilibrer leur outil industriel sur un palier haut, rentabilisé par les clients civils et étrangers.

Ce n’est malheureusement pas le cas du Caïman pour lequel la maintenance est toujours fermée au bénéfice de quelques entités, sur un schéma calculé pour répondre au besoin de la marche précédente. L’État se retrouve alors seul devant le fardeau de devoir développer une capacité industrielle réactive, permettant de régénérer rapidement le parc qui répondra aux exigences d’un engagement majeur qui n’est pas encore d’actualité. Une démarche altruiste possible quand on n’a pas à gérer des programmes plus prioritaires les uns que les autres !

Aujourd’hui, les capacités du soutien industriel du Caïman sont telles, que le potentiel du parc risque d’être consommé plus rapidement qu’il ne sera régénéré. Ceci risque d’aboutir à une extinction progressive de la flotte, au moment où l’armée de terre en aura le plus besoin : une bien triste évidence à formuler, alors que la catastrophe peut encore être évitée !

Un appareil de nouvelle génération doit donc être appréhendé à travers ses capacités tactiques, son soutien opérationnel et la fluidité avec laquelle il sera régénéré. L’armée de Terre doit donc considérer le soutien industriel comme partie prenante de la capacité opérationnelle de ses matériels.

Comme les autres armées, il est fondamental qu’elle s’assure que son outil de combat fonctionne dans le temps, dans une logique patrimoniale d’assurance-vie de la Nation. En lien avec la DGA, elle doit associer dès à présent les industries françaises pour construire cet outil qui doit fournir l’indispensable profondeur stratégique industrielle susceptible de soutenir dans la durée une hypothèse d’engagement majeur.

Externalisations, SOUTEX, résilience toutes ces notions sont intimement liées et feront vivre en symbiose les armées avec la nation.

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La troisième marche est celle de la guerre.

Un scénario bien longtemps occulté, mais dont Vladimir Poutine a rappelé la triste réalité en février 2022, en ravivant le spectre de la guerre en Europe. La guerre engendre la démesure, notamment dans les calculs prédictifs. Elle repose cependant sur une autre logique, qui est celle du temps de guerre.

L’État sera en mesure de reprendre la main, par le biais des réquisitions, sur toutes les capacités industrielles nécessaires, pourvu qu’elles n’aient pas été délocalisées. La guerre nécessite des stocks importants de rechange. Elle autorise des cadences de travail aux trois-huit, sept jours sur sept, ce qui laisse envisager une réduction considérable de la durée des grandes visites.

Si l’argent ne sera plus un problème, du fait du passage en économie de guerre, certaines réalités techniques s’imposeront, comme la faiblesse des compétences techniques, qui ne pourront pas être improvisées.

D’où l’intérêt extrême de positionner la guerre dans le continuum de l’engagement majeur. Il ne serait pas raisonnable de la découvrir au sortir de la vie courante, comme s’il était normal qu’elle nous surprenne alors qu’elle est aux portes de l’UE ! Partir de trop bas nous empêcherait de devenir rapidement réactifs.

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La crédibilité de l’outil militaire demeure indissociable de la solidité et de la complémentarité de la base industrielle de défense. Elle doit être construite en cohérence avec les besoins prévisibles de l’État et les intérêts des entreprises. Même si le temps de paix fixe, en accord avec la notion de programme d’armement et de contrat opérationnel, la priorité à un usage modéré des matériels, il faut dès à présent préparer la soutenabilité d’un engagement majeur.

Certes, nécessité faisant loi, l’argent nécessaire sera injecté au moment voulu. Mais tout cet argent ne compensera pas le temps nécessaire pour construire des ateliers, se doter des outils et des stocks nécessaires, former le personnel pour qu’il maîtrise les indispensables gestes techniques. Par ailleurs, il faudra du temps pour que les bureaux d’étude sachent analyser les différentes solutions techniques et proposent les ajustements nécessaires aux actes de réparation et aux programmes d’entretien.

Plus que jamais, il est nécessaire de se préparer au pire en s’appuyant sur la vitalité de la BITD largement à même de soutenir l’effort de défense. Brisons donc les habitudes et les rentes de situation héritées d’un monde où la guerre ne semblait qu’appartenir au passé ! Il en va réellement de la crédibilité du système et de notre capacité de « gagner la guerre, avant la guerre » !

AVATAR, une expérimentation pour progresser sur les drones armés

AVATAR, une expérimentation pour progresser sur les drones armés


Non, Avatar n’est pas qu’une franchise cinématographique à succès. C’est aussi une expérimentation sur les drone armés conduite par le Battle Lab Terre, et en coopération avec DGA Techniques terrestres, afin d’alimenter les réflexions sur la robotique de demain. 

Drone et fusil d’assaut

« Nous savons que certains systèmes de ce genre sont utilisés, mais ce sont surtout des bricolages de garage », nous explique Aymeric, architecte armes et munitions d’infanterie et coordinateur technique du segment drones armés au sein de DGA TT. Quelques entreprises étrangères s’y sont essayées aussi. Les armées françaises, elles, partent de zéro. « Aujourd’hui, la doctrine est assez floue. Nous n’avons pas de systèmes en service, nous ne savons pas quelles sont les performances accessibles à ce type de système », ajoute-t-il.

Alors, pour progresser, le Battle Lab Terre s’est rapproché du département robotique et mini-drones de DGA TT et de l’Agence de l’innovation de défense pour lancer le projet « Action par Vecteur Aérien de Tir d’Armement Robotisé » (AVATAR). Derrière cet acronyme, une expérimentation « 100% maison » qui « apportera des réponses » à l’ensemble des acteurs. 

Entamés en juin 2021, les travaux ont débouché sur un premier démonstrateur, fruit de l’assemblage d’un drone commercial et d’un armement qualifiés. Le besoin étant pressant, il fallait « être réactif donc nous avons tout fait en interne ». Pour l’armement, DGA TT est parti d’un fusil d’assaut HK 416 FC modifié, modèle court du nouveau fusil d’assaut des armées françaises. Le système emporte plusieurs capteurs ainsi que deux liaisons séparées, l’une pour le pilotage et l’autre, chiffrée, pour le déclenchement du tir. Soit un niveau de sécurité suffisant pour envisager, « d’ici à la fin de l’année », des tirs à partir de munitions réelles. 

Sur le volet technique, les premiers résultats obtenus à partir de simunitions et de balles à blanc démontrent que les vrais facteurs limitants résident dans la stabilité du drone et dans les moyens de visée. « Entre la stabilité de la plateforme et le champ de vision, cela permettrait d’envisager des tirs discriminés jusqu’à une distance de 100-150 mètres », pointe DGA TT. Plusieurs idées émergent déjà, comme la possibilité de créer des manœuvres de diversion en envoyant le drone générer du bruit et de la fumée sur des angles où l’adversaire ne s’attend pas à être attaqué.

Avec ses capteurs embarqués et son tir laser, AVATAR est conçu comme un vrai simulateur de tir de combat

Spécifier, expérimenter, entraîner

DGA TT insiste, « l’objectif n’est absolument pas de livrer un système opérationnel, mais bien un démonstrateur qui nous permettra de mieux comprendre les capacités d’un tel système ». In fine, l’opération s’avérera bénéfique pour tous. Côté DGA TT, AVATAR aura participé à défricher le terrains normatif, réglementaires et de spécification d’un matériel. Monter un armement sur un drone est une manipulation inédite en France et « il a donc fallu vérifier auprès de nos autorités de tutelle ce qui est permis et ne l’est pas ». L’expérience acquise contribue également à construire les futurs modes opératoires des essais portant sur des systèmes de drones armés.

Côté armée de Terre, AVATAR appuiera les travaux technico-opérationnels qui serviront à mieux comprendre les avantages et inconvénients tactiques de tels systèmes. Désormais « en phase de finition », le démonstrateur sera livré au Battle Lab Terre d’ici décembre prochain. Il sera ensuite confié à la section Vulcain, unité expérimentale précurseure sur la question robotique. Ses militaires déploieront AVATAR lors de mises en situation aux CENTAC et CENZUB. Grâce à ses capteurs et à son tir laser, AVATAR deviendrait alors un joueur parmi d’autres, participant lui aussi à la manœuvre en tant qu’ami ou ennemi et entraînant les combattants à « lever le nez ». 

Comme au cinéma, l’AVATAR français pourrait avoir une suite, toujours à l’initiative du Battle Lab Terre et de l’AID. Le sujet est naissant côté français et la plateforme, malgré un emport limité, peut encore évoluer. Après le tir cinétique, le largage de munitions, par exemple, est un scénario envisagé pour la suite.

Les premiers essais sur CAESAR NG attendus pour début 2023

Les premiers essais sur CAESAR NG attendus pour début 2023


Moins d’un an. C’est l’intervalle entre l’annonce de la notification du marché CAESAR NG et le lancement d’une première série d’essais. Ceux-ci seront menés à Bourges par les équipes de DGA Techniques terrestres.

Programmés pour janvier 2023, ces essais porteront sur la vérification des niveaux de protection à partir d’un véhicule représentatif, essentiellement un châssis lesté. Ces tests sont généralement de trois ordres : balistiques, contre les mines et contre les IED. Le sujet concerne tant Nexter, maître d’œuvre et responsable, entre autres, de la cabine blindée, qu’Arquus, fournisseur d’un nouveau châssis.

Dérisquer la protection en priorité est un choix logique. Non seulement elle représente l’une des évolutions majeures avec la motorisation et l’entrée dans la bulle Scorpion, mais elle s’avère aussi dimensionnante pour l’ensemble du véhicule. Une fois cette question fixée, il devient en effet difficile de revenir dessus sans devoir modifier d’autres composantes.

De chaque côté, il s’agit d’être au rendez-vous de 2024, date à laquelle la DGA devra choisir entre la production de 33 CAESAR NG et le rétrofit du parc existant ou l’acquisition de 109 pièces neuves. Le jalon coïncide avec la livraison des 18 CAESAR commandés cet été pour remplacer ceux donnés à l’Ukraine. Début septembre, Arquus s’est vu notifié la commande des châssis correspondants par Nexter.

Si le calendrier établi pour CAESAR NG est pour l’instant tenu, une accélération du tempo est-elle envisageable ? Les réflexions engendrées par la guerre en Ukraine participeraient à soutenir ce scénario. Les capacités de DGA TT, bien que conséquentes, ne sont cependant nullement infinies. Entre la monté en puissance du programme CaMo, la poursuite de Scorpion et l’arrivée d’autres sujets majeurs, toute accélération engendrera des arbitrages potentiellement difficiles.

Les résultats de ces essais initiaux devraient aussi intéresser hors France, le CAESAR NG ayant déjà fait mouche par deux fois à l’export. Avec la Belgique, qui a acté la commande de neuf exemplaires au travers du contrat CaMo 2 et prévoit d’en acquérir 18 ou 19 supplémentaires grâce au plan STAR. Avec la Lituanie ensuite, qui a retenu le CAESAR NG pour la seconde phase de son programme d’artillerie automotrice. La Défense lituanienne débloquera entre 110 et 150 M€ pour le développement et l’achat de 18 pièces dont la livraison débuterait à l’horizon 2027.

Deux avions de combat pour le SCAF « n’est pas inacceptable » mais ce n’est pas la solution privilégiée, selon le DGA

Deux avions de combat pour le SCAF « n’est pas inacceptable » mais ce n’est pas la solution privilégiée, selon le DGA

 

http://www.opex360.com/2022/09/14/deux-avions-de-combat-pour-le-scaf-nest-pas-inacceptable-mais-ce-nest-pas-la-solution-privilegiee-selon-le-dga/


 

Étant donné sa complexité, ce programme a été organisé selon plusieurs piliers [avion de combat, moteurs, effecteurs connectés, cloud de combat, cohérence d’ensemble, furtivité, capteurs]. Et, pour chacun d’entre-eux, un maître d’œuvre a été désigné selon le principe du « meilleur athlète ». C’est ainsi que Dassault Aviation a été choisi pour mener les travaux relatifs au NGF, avec Airbus Defence & Security [avec ses filiales allemandes et espagnoles] comme partenaire principal.

Seulement, et alors que la phase 1B, qui doit ouvrir la voie à un démonstrateur du NGF, devrait déjà être en cours, Dassault Aviation et Airbus DS peinent à s’entendre. Ainsi, et après avoir fait beaucoup de concessions, aux dires de son Pdg, Éric Trappier, le premier entend garder les leviers censés lui permettre d’assurer la maîtrise d’oeuvre pour laquelle il a été désigné. Ce que lui consteste le second étant donné qu’il revendique un rôle plus actif dans le domaine des commandes de vol et celui de la furtivité.

Ce désaccord entre Dassault Aviation et Airbus DS est maintenant ancien : il avait en effet été évoqué le 5 février 2021 par Angela Merkel, l’ex-chancelière allemande. « C’est un projet sous leadership français mais il fait quand même que les partenaires allemands puissent être à un niveau satisfaisant face à leurs homologues [français]. Nous devons donc voir très précisément les questions de propriété industrielle, de partage des tâches et de partage de leadership », avait-elle déclaré, à l’issue d’un conseil de défense franco-allemand.

Quoi qu’il en soit, Dassault Aviation ne cache pas son impatience… Et va jusqu’à parler d’un « plan B » s’il n’y aucune avancée d’ici la fin de cette année. Et l’hypothèse d’un échec a été évoquée pour la première fois par l’ex-Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre, lors de sa dernière audition à l’Assemblée nationale, en juillet. « Si jamais nous échouons dans les projets franco-allemands, nous pourrons continuer à faire de l’aviation de combat à partir d’évolutions successives du Rafale », avait-il dit.

 

 

Les positions de Dassault Aviation et d’Airbus DS sont-elles irrémédiablement inconciliables? En tout cas, selon Emmanuel Chiva, le successeur de M. Barre à la tête de la Direction générale pour l’armement [DGA], les deux industriels sont « en train de discuter ». Et d’ajouter : « J’attends le résultat » de leurs « discussions très rapides » étant donné qu’on devrait en savoir plus d’ici la fin de ce mois, a-t-il confié à BFMTV, le 13 septembre.

Cela étant, si aucun accord n’est trouvé, deux avions de combat pourraient être développées dans le cadre du SCAF, dont un par la France. Cette hypothèse avait d’ailleurs été avancée en février 2021 par le comité d’entreprise allemand d’Airbus Defence & Space et le puissant syndicat IG Metall.

« Il est crucial de transférer à la jeune génération les connaissances des ingénieurs qui ont travaillé sur le Tornado et l’Eurofighter. Si l’Allemagne ne construit pas son propre démonstrateur, ce savoir-faire sera perdu », fit valoir, à l’époque, Bernhard Stiedl, du syndicat IG Metall. « Si Berlin renonce désormais à un démonstrateur au début du projet, alors le SCAF deviendra un projet de politique industrielle pour la France, financé dans une large mesure par l’Allemagne », avait soutenu le comité d’entreprise d’Airbus Defence & Space. En clair, on n’est pas loin d’un « plan B » allemand…

Quoi qu’il en soit, pour M. Chiva, il n’est « pas inacceptable qu’il y ait deux avions de combat puisque l’avion est une plateforme qui fait partie du programme SCAF » même si « ce n’est pas la solution qui est privilégiée aujourd’hui ». Et à la question de savoir s’il y aura un « nouveau Rafale », le DGA a répondu : « Il y aura un futur de l’aviation de chasse française, c’est certain ».

Ce « futur » sera incarné par le standard F5 du Rafale qui, selon le général Frédéric Parisot, le major général de l’armée de l’Air & de l’Espace [MGAEE] devra être « capable d’emmener un équipier de type Loyal Wingman [drone de combat autonome, ndlr] », intégrer de « l’intelligence artificielle afin d’aider le pilote » et disposer de « différents moyens de connectivité ».

Quant à l’Allemagne, l’hypothèse avancée par Christian Mölling, le directeur du Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik [Conseil allemand des relations étrangères] dans les colonnes de Breaking Defense, est qu’elle finisse par rejoindre le programme Tempest [ou FCAS], conduit par le Royaume-Uni, avec le concours de l’Italie et du Japon. Et tant pour le SCAF que pour le FCAS, « personne n’a l’argent à part l’Allemagne », a-t-il relevé.

Drones armés : des recommandations pour faire émerger une solution française

Drones armés : des recommandations pour faire émerger une solution française


« À la bourre ». Trois mots suffisent pour résumer la position de la France dans le développement des drones armés. Pour rattraper le retard, des acteurs industriels et étatiques ont planché durant six mois sur une liste de recommandations, sous l’égide du Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres  (GICAT).

La France à la traîne

La surprise fut de taille lorsque, en 2008 au cours d’une mission sur les drones, une délégation française découvrit qu’Israël maîtrisait la totalité du spectre disponible depuis près d’une décennie. Quatorze ans plus tard, les États-Unis, la Turquie, la Chine ou encore la Pologne sont venus gonfler le peloton de tête. La France, elle, est toujours à la traîne malgré quelques alertes, notamment en provenance des rangs parlementaires.

L’industrie française n’est aujourd’hui pas en mesure de répondre aux besoins opérationnels des armées qui, pourtant, disposent de capacités « bien en deçà de ce qu’elles devraient être ». Et ce retard a désormais pour conséquence d’obliger le ministère des Armées à envisager une solution américaine pour équiper les forces spéciales françaises.

Face à ce constat, le GICAT a initié une réflexion globale avec l’appui du Centre de recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (CreC Saint-Cyr), « matrice de transfert entre les besoins capacitaires et l’aspect industriel ». De décembre 2021 à juillet 2022, des industriels de toutes tailles, membres ou non du GICAT, ont été invités à échanger deux fois par mois avec les représentants du ministère des Armées et du ministère de l’Intérieur.

Les objectifs de ce groupe de réflexion sur les « DRones Aériens à charges OpératioNnelles actives », (GR DRAGON) ? Contribuer à l’émergence de solutions souveraines, mettre à niveau l’ensemble des acteurs quelle que soit leur carrure et dialoguer avec les utilisateurs potentiels. Le tout, en se focalisant sur les drones de moins de 150 kg dont la charge utile génère des effets sur les personnels, véhicules et infrastructures.

Soutenir l’émergence d’une filière

Plusieurs recommandations ont émergé au terme de six mois de réflexions et ont été présentées début juillet lors d’une séance de restitution. Qu’importe l’objet, les acteurs s’accordent tous pour dire qu’il faut désormais « aller vite, très vite », le retard étant aggravé par l’évolution rapide des technologies, l’intérêt croissant engendré par les conflits au Haut-Karabagh et en Ukraine et la densification de l’offre étrangère.

Une première tentative de rattrapage émergeait dernièrement à l’initiative de l’Agence de l’innovation de défense (AID). Ce sont les appels à projets Colibri et Larinae, émis avec l’objectif de déboucher sur des démonstrateurs en 9 à 12 mois pour le premier, en 12 à 18 mois pour le second. Là aussi, il est question aboutir rapidement. Au point d’avoir dû décliner quelques demandes de report de délai. L’effort à consentir dépasse le seul périmètre de Larinae et Colibri. Pour être plus plus agile, plus rapide et créer de nouveaux matériels « non pas en cinq ou six ans mais en quelques mois », il faut donner de la liberté, de l’espace et de l’oxygène aux entreprises, estime le GR DRAGON.

Les règles de certification et de qualification, par exemple, sont « trop contraignantes et pas assez agiles au regards des bonds technologiques prévisibles ». « Le drame de ce début de siècle, c’est le principe de précaution », pointait un intervenant. Ces règles doivent devenir incrémentales et agiles. Le GR DRAGON recommande à ce titre d’établir au plus vite des groupes de travail entre l’État et l’industrie pour plancher sur les règles d’emploi et sur la problématique des zones d’essais et d’entraînement.

La démarche s’accompagne aussi d’un effort de sensibilisation. Systèmes d’armes « de rupture », ces drones « kamikazes », « tueurs » et autres munitions rôdeuses jouissent, premièrement, d’une image peu reluisante aux yeux du grand public. Le déploiement de ces matériels ne pourra se faire que s’ils sont « socialement acceptés » grâce à l’usage du bon vocabulaire et à une intransigeance vis-à-vis des questions éthiques.

Une équation économique à trouver

Bien qu’elle dispose des talents nécessaires, l’industrie doit encore se structurer autour de quelques grands champions. Sans visibilité ni stratégie nationale, il reste par ailleurs difficile pour les industriels de se positionner à long terme sur un sujet exigeant des investissements majeurs en R&D. « Il est indispensable que l’État donne de la visibilité aux acteurs industriels en leur garantissant son aide financière sur la durée tout en hiérarchisant ses besoins prioritaires en termes de souveraineté », souligne le GICAT. L’amorce reposerait sur un plan d’urgence d’au moins 150 M€ sur trois ans. L’effort permettrait de dépasser le stade du démonstrateur pour expérimenter des CONOPS et offrir in fine une capacité initiale susceptible de répondre à un besoin urgent. L’intervalle serait également mis à profit pour structurer un écosystème national.

L’équation est conditionnée par le niveau élevé de R&D qu’exigent ces développements. Il ne s’agit pas seulement de combler l’écart avec la concurrence, mais aussi de plancher sur des briques naissantes ou à venir, comme le vol en essaim, la résilience des communications ou le rôle de l’intelligence artificielle. Et ne pas limiter la réflexion aux seuls conflits récents. « Ce que l’on voit en Ukraine n’est pas nécessairement ce que l’on verra dans cinq ans », pointait un intervenant.

Pour maintenir la dynamique dans la durée, l’État français devrait y consacrer plusieurs centaines de millions d’euros en moyenne par an à compter de la fin de la décennie, estime le GICAT. Si elle évolue avec un temps de retard, la lutte anti-drones se généralise et se durcit en parallèle. Désormais, aucun drone n’est indétectable, et encore moins indestructible. L’attrition est donc une donnée intrinsèque à leur emploi. Réponse parmi d’autres, la massification entraîne une réflexion sur l’équilibre à trouver entre les coûts d’acquisition et le degré de technicité. Autres paramètres clés, la normalisation et une logique de modularité doivent être privilégiées afin de réaliser des économies d’échelle.

Cette équation économique inclut aussi dès l’origine la question de l’export. À l’instar des autres filières, celle-ci ne peut se développer en ne misant que sur le marché intérieur. La clientèle étrangère s’avère cruciale en termes économiques, conformément au souhait de la BITD d’exporter 50% de sa production. Les principes d’exportation doivent néanmoins être anticipés afin de ne pas subir le veto d’un éventuel fournisseur étranger ou, pire, de devoir brider l’emploi par les opérationnels.

Armée de Terre – A propos de la prochaine sortie du bois sur le sujet robotique

Armée de Terre – A propos de la prochaine sortie du bois sur le sujet robotique

 

Mars attaque – publié le 8 septembre 2022
Le responsable du sujet robotique au sein du bureau Plans (en charge de l’avenir à moyen-long terme, pour résumé) de l’état-major de l’armée de Terre (EMAT) est récemment revenu sur la construction et l’intégration progressives d’une capacité robotique au sein des forces terrestres françaises.
La grande étape à venir étant la formalisation et la présentation d’ici la fin de l’année des besoins de l’armée de Terre pour de tels équipements. Etape de « sortie du bois » sur le besoin opérationnel, le fondement de toute action, après une intense phase de maturation et d’exploration, en lien notamment avec le Battle Lab Terre, et d’expérimentation, notamment avec la section exploratoire robotique (SOR) Vulcain.
Un besoin opérationnel qui ne remet pas en cause fondamentalement les grandes réflexions actuelles quant à l’avenir des forces terrestres, mais permet à la fois d’apporter un plus sur certains facteurs de supériorité opérationnels (FSO), notamment l’endurance et la masse, ouvre de nouvelles perspectives à travailler, notamment en termes de coopération, et son lot de défis (notamment pour la compréhension).
Le tout en intégrant la responsabilité éthique, avec non pas des SALA (qui ne seront pas développés pour les armées françaises), mais des SALIA (systèmes d’armes létaux intégrant de l’autonomie), comme présentés notamment dans l’avis émis par le comité d’éthique de la défense en avril 2021. CE qui conduit au fait que le commandement conservera l’appréciation de situation permettant la poursuite de mission, sera responsable de l’emploi des robots, et supervisera les fonctions critiques. Des grands principes qui demandent concrètement de s’assurer, avec les industriels, que cela est réalisable techniquement, dans les situations rencontrées en opérations.
Au final, le projet Vulcain, sur les aspects de robotique, permet d’espérer intervenir sur 2 axes forts : augmenter la profondeur tactique des effets (en distance de frappe, en capacités de renseignement, etc.), et augmente les possibilités de saturation sur l’adversaire (physique, électronique, cognitive…). Encore faut-il alors passer chacune des capacités selon le double prisme du : Qu’est-ce que je veux en faire ? L’analyse fonctionnelle. Et combien cela va me coûter ? L’analyse de la valeur. Une équipe robotisée de désignation des feux dans la profondeur peut avoir un sens tactiquement, mais peut perdre tout avantage dès lors que les contraintes et les coûts s’envolent. A quels couts permets-t-elle d’entrer dans la bulle adverse, de se prendre des coups et d’y rester ? Notamment parce que, pour le moment, une capacité robotisée coute globalement, via son empreinte RH, plus chère qu’une capacité non robotisée. D’où le besoin de laisser maturer la partie automatisation jusqu’en 2030, pour espérer faire de réelles économies, en atteignant de réelles plus-value. La charge cognitive consentie doit être acceptable, soit une notion d’efficacité forte : « si je mobilise 3 personnels sur la gestion du robot, il faut que cela apporte beaucoup ». Heureusement, « il existe des systèmes à haute VA qui sont atteignables avec une autonomie réduite ».
Ainsi, selon l’armée de Terre, dans le domaine, les forces terrestres sont à un carrefour dans le choix des effets à atteindre, et les décisions qui sont en train d’être prises conditionneront l’architecture générale qui sera retenue et sur laquelle les besoins seront travaillés conjointement avec la Direction Générale de l’Armement (DGA). Notamment quant au choix de l’architecture générale entre : unités entièrement robotisées, unités mixtes, robotique comme outil de l’arrière, robotique tactique, opérative ou stratégique, etc.
C’est dans ce cadre que le projet Vulcain est lancé, projet qui a vocation à nourrir l’expression du besoin robotique de l’armée de Terre (sans être un programme d’armement en tant que tel), pour permettre de mettre en œuvre une capacité de robotique tactique à l’horizon 2040. Pour la préparation de l’avenir, il doit orienter les travaux de préparation de l’avenir et tout particulièrement les aspects robotique du projet Titan, visant la modernisation de la composante « lourde » des forces terrestres, ainsi que la cohérence et la connectivité interarmées (et non plus uniquement interarmes). Pour sa part, le programme MGCS intègrera une robotique qui lui est propre (des ailiers autonomes, et une capacité d’agression), qui est réfléchit pour la cohérence dans l’approche Vulcain, mais qui est bien pour le coup une opération d’armement en tant que tel.
Le 1er palier s’intéressera à ce qui marche (« la technologie étant plus mure pour ce qui vole par rapport à ce qui roule« ), pas cher et en qui les forces peuvent avoir entièrement confiance. La logique choisie, à priori, sera de ne pas prendre une fonction opérationnelle robotique, mais bien de raisonner robotique dans les fonctions opérationnelles existantes. En partant, à ce jour, d’un drone Niveau 0 (ou presque) de l’autonomie, puis demain, une autonomisation plus importante. Classiquement, la réflexion est faite en termes d’effets à obtenir, et ne présuppose pas du modèle de drone.
A ce jour, il n’a pas été encore comparé à grande échelle, par l’armée de Terre des unités totalement non dotées de robots et des unités mixtes ou à forte densité de robots. Néanmoins, en Janvier 2022, un 1er exercice de simulation a été mené (via les capacités de simulation notamment de la DGA) avec des unités hybrides (dotées notamment de munitions télé opérées et pouvant réaliser une défense statiques robotisée) ; il est indiqué que « de ce qui a été vu, il a été identifié de forts intérêts opérationnels, avec de bons résultats obtenus, du moins en simulation ».
Mais l’armée de Terre n’a pas encore clairement exprimé ses besoins en robotique. Jusqu’à présent, il a été vu du positif et également du négatif (cf. ici). Le vrai défi étant celui de la technologie appliquée à la réalité du terrain : l’acheminement en zone opérationnelle et la logistique afférente (MCO + énergie), l’IHM, la connectivité et l’intégration tactique, la chaine feu sécurisée, le changement de milieu, de posture et de mode d’action (passer d’un robot intégré à un convoi en rase campagne à un robot participant à du combat débarqué en pleine ville) , la prise en compte de l’environnement, la mobilité en milieu déstructuré, etc.
Un tel environnement se définissant comme :
  • « Visibilité dégradée par des épisodes de fortes pluies, tempête de sable, etc. ;
  • Difficulté de localisation : signal GNSS de faible qualité, voire absent, ou intentionnellement brouillé ;
  • Chemins non viabilisés ;
  • Obstacles divers par leur nature et leurs caractéristiques ;
  • Choix des trajectoires contraint par la mission, la présence de dispositifs visant à empêcher la progression voire la présence de forces hostiles ;
  • Evolution dans des zones dont les infrastructures ont été endommagées voire détruites et perturbent l’élaboration et le suivi d’une trajectoire ».
Ainsi, comme explicité, « il a fallu évacuer le fantasme, identifier le souhaitable et travailler l’accessible », et placer un double curseur :
  • Quant au degré d’autonomie entre un système entièrement télé opéré (techniquement simple, car aujourd’hui la télé opération, même à grande vitesse, est techniquement accessible, avec des interfaces homme-machine à ce jour d’un bon niveau, mais qui donnent une charge cognitive élevée, avec effet tunnel liée) et un système totalement autonome (techniquement complexe mais qui donne une charge cognitive plus faible). Un domaine où il ne faut pas se laisser arrêter par une autonomie relative, car en soit ajustable, et où la valeur opérationnelle du robot est intrinsèquement liée à la synergie homme machine du système ;
  • Quant au niveau d’intégration entre un système qui remonte toutes les données captées avec un traitement de données centralisé (qui sature les réseaux mais ne nécessite pas d’IA embarqué) et un système qui remonte les données choisies et qui les traite en décentralisé (pour une frugalité numérique, mais un besoin fort en IA embarqué), tout en étant encore en mesure de garantir la supervision humaine des fonctions critiques (les fonctions non critiques pouvant elles avoir une autonomie plus forte, donc être moins intégrées, avec alors une connectivité choisie). Ainsi, des robots se débrouillent à ce jour « pas trop mal même en étant brouillés ».
Le dernier point étant la confiance, dans l’exécution et la supervision des fonctions critiques. Mais aussi « un socle de confiance technique et tactique » qui conditionne l’acceptation opérationnelle et humaine de tels systèmes. Le socle de crédibilité étant celui de la mobilité semi autonome dans le milieu, la performance et la régularité dans l’exécution de la tâche, le côté « combat compatible » (rusticité, MCO, logistique….), l’entraînement en situation réelle, et la sécurité (fonctionnement, cyber, etc.). Ces 4 points étant présentés comme « non négociables », car le but n’est pas de faire une démonstration technologique, mais bien de remplir une mission, de les intégrer dans une unité. D’où l’urgence d’atteindre un 1er socle de crédibilité. L’envoi de 4 plateformes terrestres robotisées à Gao en 2021, « avec des modules d’autonomie très légers », a été utile pour savoir comment on projette des robots et ce que cela implique. Par contre, ils sont restés à l’intérieur de la plateforme opérationnelle désert de Gao, car les militaires qui les ont reçu n’avaient pas été assez entraînés avec (ndlr : le retard dans les livraisons a obligé à changer en cours de route l’unité qui les utilisera, celle s’étant entraînée avec en France étant déployée sur le mandat précédent à l’unité finalement utilisatrice), et la confiance n’était pas suffisante pour que le chef tactique prenne le risque de les emmener sur le terrain, en patrouille.
Pour atteindre ce socle, une démarche progressive a été choisie, avec des objectifs et une déclinaison annuelle. Entre une phase initiale jusqu’en 2024 (et une primo capacité en via une plateforme polyvalente aérienne évolutive PPAE), une phase de montée en puissance (notamment avec une plateforme polyvalente terrestre évolutive PPTE), puis le changement d’échelle en 2030. Après l’unité expérimentatrice mise en place pour les réflexions « tactique robotique », les grandes étapes attendues sont :
  • Des unités pilotes (encore à identifier) en 2025 dans chaque fonction opérationnelle, soit peu de temps après le 3ème incrément Scorpion (un élément important, rapport au sujet connectivité et transmissions via SICS et autres) ;
  • L’arrivée de la robotique transverse en 2030, et des unités opérationnelles en 2030 ;
  • Une robotique intégrée à d’autres programmes à partir de 2034-2035 (que cela soit MGCS, système anti-aérien du futur – SAAF, autant de programmes d’armement au sein du grand volet Titan).
Avec également une progression entre systèmes autonomes juxtaposées, intégrés et équipiers : des robots juxtaposés dès aujourd’hui, notamment pour reconnaissance et renseignement, demain sureté, agression et logistique, plus tard en mobilité et contre-mobilité ; puis des robots intégrées (en transmissions, reconnaissance, renseignement, etc. ; et enfin des robots équipiers post 2030.
Et des marches à passer, comme le concept d’emploi des systèmes automatisés publié en juin 2022, les études prospectives en ciblerie robotisée attendues pour octobre, l’expression du besoin des unités pilotes pour le 1er décembre 2022, les phases exploratoires comme le Probot avec 12,7 pour un poste de tir mobile jusqu’à la fin de l’année, de nouveaux drones aériens comme le Tundra d’Hexadrone (intéressant pour sa modularité), etc. Le défi Cohoma est également présenté comme particulièrement riche d’enseignements, et beaucoup est attendu de l’appel à projets Colibri et Larinae qui représenté un premier incrément dans une capacité robotisée d’agression via des systèmes bas coût de neutralisation.
Pour conclure, il est présenté un cap donné, une méthode assumée des « petits pas », et des avancées qui doivent être crédibles et démontrer de pertinence en analyse fonctionnelle comme en analyse de la valeur. En contournant, si nécessaire, les limitations techniques actuelles.

Économie de guerre : de premiers engagements et une nouvelle réunion en octobre

Économie de guerre : de premiers engagements et une nouvelle réunion en octobre

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Produire plus d’armement, plus vite et moins cher. Voilà le triple enjeu fixé par le ministère des Armées et les industriels français au cours d’une première réunion de travail consacrée à l’économie de guerre. Parmi les premiers engagements pris, la simplification administrative et l’engagement d’une réflexion sur les stocks.

Le format, « assez inédit », entendait refléter l’importance du sujet. Autour de la table, le ministre des Armées, les chefs d’état-major, la Direction générale de l’armement (DGA), le Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN) et les principaux représentants de la base industrielle et technologique de défense française. Ensemble, ils ont initié un plan d’action pour être « capable de produire suffisamment, d’une part, et dans les temps, d’autre part, à des prix qui sont responsables dans les années qui viennent », a rappelé le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Une série de caps, pour majorité pressentis, ont été fixés de chaque côté. 

Pour les armées, le premier engagement sera celui de la simplification des expressions de besoin. « Ces vingt dernières années, parfois, nous ont conduit à quelques pentes dans lesquelles nous avons demandé à certains équipements de tout faire », relève le ministre des Armées. Il s’agira de parvenir à émettre des expressions de besoin « beaucoup plus rustiques, beaucoup plus simples, ce qui nous permettra, en fonction des besoins de massifier ».

Second axe d’effort : la simplification administrative. Si le ministre souligne « une volonté de bien faire », un programme d’armement repose parfois sur « des milliers de pages de documentation administrative ». Et si ces documents sont autant de gages de qualité de la part de l’industriel, la notion de risque « doit s’évaluer autrement » en temps de guerre. « Incontestablement, on doit savoir prendre quelques risques, y compris dans les procédures en les réduisant ». Le délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva, et son adjoint, le général Thierry Carlier, ont donc été mandatés pour être force de propositions.

Dans les rangs industriels, le principal engagement porte sur la gestion des stocks. La crise sanitaire, puis la guerre en Ukraine ont chacune contribué à fragiliser les chaînes d’approvisionnement. « On ne peut pas comprendre qu’un certain nombre de pièces soient produites à l’étranger, parfois même dans des pays qui sont potentiellement des concurrents ou des compétiteurs », explique un ministre qui souhaite « un agenda de relocalisation » pour écarter ces dépendances.

« Pendant des années, avoir du stock était un signal de mauvaise gestion », déclarait-il. Il faut désormais inverser le registre et garantir la constitution de réserves « suffisamment solides pour faire face ». Au risque d’une diminution des marges, ce pour quoi le ministre en appelle à « la dimension patriotique » de la souveraineté. La main d’œuvre qualifiée, enfin, doit être préservée en réfléchissant par exemple à l’intéressement et à la participation.

Traduits en objectifs, et « au regard de ce que nous connaissons de la guerre en Ukraine », l’effort doit permettre de réduire le temps de production d’un obus d’artillerie de 155 mm à trois mois au lieu de neuf mois. Même logique pour le canon CAESAR, livré au terme d’un processus parfois long de 30 mois. « Grâce aux efforts de Nexter, nous sommes arrivés à 24 mois. Je souhaite que l’on puisse tomber à 12 mois », indique le ministre des Armées. Exemples parmi d’autres, tant les munitions d’artillerie que le canon CAESAR figurent désormais dans une liste de 10 armements prioritaires, aux côtés de la défense sol-air, entre autres.

Le ministère des Armées en a conscience, « tout cela ne se fera pas du jour au lendemain ». D’autres questions se posent, à l’instar des investissements financiers à consentir. Sauf écueil parlementaire, le ministère des Armées bénéficiera d’une enveloppe supplémentaire de 3 Md€ en 2023. « Est-ce que cela suffit à réparer très vite tout ce qui a été abîmé pendant des années ? Non ». Pour Sébastien Lecornu, l’effort budgétaire doit « coller au risque ». Hors, depuis le 24 février, « le niveau de risque est d’une autre nature ». Les différents acteurs se réuniront à nouveau au mois d’octobre pour progresser dans ces réflexions, « dans un RETEX permanent de ce que nous voyons en Ukraine ».

La nouvelle voile des chuteurs opérationnels français qualifiée par la DGA

La nouvelle voile des chuteurs opérationnels français qualifiée par la DGA

 


La Direction générale de l’armement (DGA) a qualifié fin juillet le nouveau système de mise à terre des chuteurs opérationnels (SMTCOPS), conçu pour les sauts à très grande hauteur à ouverture commandée et sous oxygène.

Notifié en 2016 à Zodiac Aerosafety Systems, depuis absorbé par Safran, ce marché d’un montant maximal de 80 M€ couvre le développement et la livraison de 755 ensemble, ainsi que le soutien associé. Les premiers exemplaires arriveront dans les forces d’ici à la fin 2022.

Le SMTCOPS vise à équiper les chuteurs opérationnels des forces armées et de la Gendarmerie nationale d’un ensemble complet d’équipements et d’accessoires de parachutage de haute performance.

« Là où son prédécesseur permettait de sauter de 7000 m d’altitude avec une charge de 160 kg, le nouveau système permettra de sauter de 9000 m avec 200 kg de charge et une dérive sous voile de 50 km », précisait le ministère des Armées lors de son point presse hebdomadaire.

Un système repose sur une voile PHANTOM 400, des moyens de communication et de navigation, des équipements de sécurité, de protection thermique et balistique, ainsi que sur une capacité d’emport sous gaine ou de colis autoguidés. Cette dernière capacité autorisera le largage de colis pouvant suivre jusqu’à 18 chuteurs simultanément.

Pour l’heure, la qualification prononcée porte uniquement sur le parachute, l’emport de charge sous gaine et les équipements de sécurité. Les autres matériels feront l’objet d’une qualification ultérieure.

Le SMTCOPS pourra être utilisé « aussi bien pour des missions d’infiltration sous voile (ISV), notamment de nuit, que pour des sauts à ouverture basse (SOB), ou encore pour la formation et la préparation opérationnelle des chuteurs opérationnels », complète le ministère des Armées.

Ce système avait reçu la certification QAC121 de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) en mars dernier, devenant le seul parachute au monde certifié par une agence civile pour des sauts à 10 000 m.

VBAE : 1 M€ de la Belgique pour réaliser l’étude de faisabilité

VBAE : 1 M€ de la Belgique pour réaliser l’étude de faisabilité


La Défense belge débloquera 1 M€ pour l’étude de faisabilité visant à développer le futur véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE). Une étude réalisée en partenariat avec la France et dont la conduite a été confiée à l’OCCAR.

Cette participation au programme VBAE « s’inscrit dans la volonté du gouvernement de permettre à la Belgique de rester un partenaire de défense crédible au niveau international, de renforcer davantage nos partenariats et en outre, de continuer à construire une défense européenne », souligne la ministre de la Défense belge Ludivine Dedonder en réponse à une question parlementaire.

Côté français, l’ex-délégué général pour l’armement Joël Barre se félicitait encore mi-juillet d’une coopération franco-belge qui « donne satisfaction » et permettra, dans le cas du VBAE, de partager les coûts non récurrents.

Cette étude de faisabilité sera menée entre fin 2022 et 2024 et coûtera environ 5 M€. La Belgique y contribuera à hauteur de 1 M€. Une contractualisation par l’intermédiaire de l’OCCAR devrait intervenir avant l’an prochain au profit d’un trio industriel franco-belge.

L’enjeu de cette étude est triple. L’expression du besoin traduira les besoins des deux partenaires en exigences technico-opérationnelles concrètes. La faisabilité de préconception, ensuite, tiendra compte des capacités et limites technologiques pour évaluer la concrétisation de ces exigences.

Les résultats seront déterminants pour les jalons ultérieurs de développement du prototype et de production. Des auxquelles la France, la Belgique « et éventuellement d’autres partenaires » pourront décider de participer ou non.

Étroitement lié aux programmes européens FAMOUS et FAMOUS 2, le développement et l’acquisition du VBAE sont d’ores et déjà inscrits dans la programmation budgétaire belge pour 2023-2030. Plus de 351 M€ seront investis en trois temps (2024, 2025 et de 2028 à 2031) au travers du partenariat CaMo.

La ministre de la Défense a par ailleurs confirmé les deux rôles de reconnaissance au combat et d’accompagnement du Jaguar et en a ajouté un troisième : le VBAE sera aussi un véhicule de commandement pour les troupes au contact.

« Léger et très mobile », ce véhicule de la classe 7 à 10 tonnes devra offrir une protection balistique, contre les mines et contre les IED suffisante à l’équipage. Il sera équipé des capteurs nécessaires aux missions de reconnaissance et devra pouvoir s’intégrer parfaitement dans la bulle d’infovalorisation SCORPION.

Le ministère des Armées évalue un détecteur multi-capteurs d’engins explosifs improvisés monté sur un VAB

Le ministère des Armées évalue un détecteur multi-capteurs d’engins explosifs improvisés monté sur un VAB

http://www.opex360.com/2022/08/15/le-ministere-des-armees-evalue-un-detecteur-multi-capteurs-dengins-explosifs-improvises-monte-sur-un-vab/


 

« Quelle que soit la force du blindage, les quantités d’explosifs qui ont été utilisées au Mali […] est telle que, de toute façon, même le meilleur engin blindé ne peut pas protéger les soldats qui s’y trouvent. [Aussi], nous travaillons sur des technologies de détection, fondées sur des radars », comme « le radar pénétrateur de sol, destinés aux engins qui ouvrent les itinéraires » ou encore « des radars aériens embarqués pour déceler, entre plusieurs passages, d’éventuelles modifications de terrain qui auraient pu intervenir », avait ainsi expliqué Mme Parly, évoquant également des travaux portant sur des « véhicules autonomes pour les ouvertures d’itinéraires ».

Depuis, le ministère des Armées a été plutôt discret sur ces technologies en cours de développement. Pour autant, des dispositifs sont en cours d’évaluation, comme l’a indiqué l’Agence de l’Innovation de Défense [AID], dans son dernier bilan d’activité [.pdf].

Ainsi, ce document évoque – succintement – le projet DMC, pour « Détection Multi-Capteurs d’engins explosifs improvisés ».

Confié à TSIX [Thales] et l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis [ISL], ce projet vise à démontrer la faisabilité d’un système permettant de détecter les EEI [ou les mines] à distance, en fusionnant trois modes de détection.

Comme l’explique l’AID, l’idée est d’installer à bord d’un Véhicule de l’avant blindé [VAB] des capteurs permettant de détecter des circuits électroniques [détection de jonction non-linéaire] et des fils électriques présents dans un engin explosif improvisé ainsi que des changements dans l’infrarouge.

« En 2021, ces trois technologies ont été intégrées sur un véhicule de l’avant blindé pour une campagne d’essais en 2022 », a précisé l’AID. Et d’ajouter : « À terme, ces technologies pourraient être intégrées dans le futur système d’ouverture d’itinéraire », susceptible d’être autonome.

À noter que l’ISL a aussi mis au point un système embarqué de détection de changement dont la finalité est de mettre en évidence les modifications apparues sur un itinéraire précédemment parcouru. Ce qui faciliterait également la détection des EEI.

Ce dispositif « permet de visualiser les modifications quasi invisibles du terrain d’opérations. Robuste aux aux conditions d’illumination changeantes et aux variations de trajectoire, il fonctionne en zones brouillées ou non couvertes par le GPS. Il a fait l’objet de tests opérationnels extensifs », explique l’ISL.

Par ailleurs, et dans le domaine « combat naval et lutte sous la mer », le bilan de l’AID évoque aussi un projet franco-japonais qui, appelé DeMICTA [Demonstrator for MIne Countermeasure Technological Activities], a été lancé en 2021 afin de mettre au point une capacité de détection des mines enfouies ou posées sur le fond grâce à un algorithme « de fusion de données ». Ce dispositif utilise la « complémentarité de deux sonars, haute fréquence [de conception française] et basse
fréquence [de conception japonaise] », explique l’agence.

Ce projet, porté par Thales et Mitsubishi Heavy Industries, prévoit « l’intégration de ce système sur un drone sous-marin et son évaluation dans des conditions opérationnelles d’ici 2025 », précise l’AID.

Photo : Direction générale de l’armement