par Jean-Luc Basle – CF2R – TRIBUNE LIBRE N°167 / décembre 2024
Ancien directeur de Citigroup New York, auteur de « L’Euro survivra-t-il ? » (2016) et de « The International Monetary System : Challenges and Perspectives » (1982)
Les États-Unis ont accédé à la requête des Ukrainiens, maintes fois formulée, de les autoriser à frapper des cibles en territoire russe avec les missiles longue-portée de fabrication américaine et européenne que sont les ATACMS, Himars,Storm Shadow et Scalp. L’accord obtenu, les Ukrainiens ont attaqué la Russie les 19 et 21 novembre. La Russie a répondu avec force et célérité en ciblant, le 21 novembre, le constructeur aérospatial ukrainien Yuzhmash sur les bords du Dniepr avec un nouveau missile hypersonique, l’Oreshnik. Surpris, les Occidentaux ont immédiatement accusé la Russie d’escalader la guerre. Leur surprise tient à ce que dans le passé Vladimir Poutine, craignant un emballement du conflit, n’avait pas réagi quand les Occidentaux avaient franchi ses lignes rouges, perçues à l’ouest comme de simples bluffs. Mais cette fois, la ligne n’était pas rouge, mais rouge vif et Poutine a réagi. Les évènements des 19 et 21 novembre donnent à réfléchir sur ce que le futur nous réserve, d’autant que dans son allocution du 21 novembre, Vladimir Poutine a informé les Occidentaux qu’il n’existait pas de défense aérienne en Occident capable d’arrêter l’Oreshnik et qu’il y aurait une réponse à toute frappe ukrainienne sur le territoire russe. La guerre est perdue sur le terrain. Washington le sait. La raison et la sagesse préconisent donc l’arrêt du conflit et l’amorce de négociations. Encore faut-il au préalable s’interroger sur les motivations américano-ukrainiennes.
Pourquoi cibler le territoire russe quand de l’avis des experts ces attaques ne changeront pas l’issue du conflit ? Personne n’a réponse à cette question, aussi les conjectures vont-elles bon train. Serait-ce pour le transformer en une guerre d’usure qui épuiserait économiquement la Russie, provoquant la colère des Russes et la démission de Poutine ? Pour sauver la face en espérant obtenir un meilleur règlement du conflit ? Pour provoquer une réaction de Vladimir Poutine qui le décrédibiliserait sur la scène internationale ? Pour frustrer le projet de paix de Donald Trump ? Quelles qu’en soient les raisons, une chose est sure : l’Oreshnik a changé la donne. La Russie a désormais une option entre l’inaction et la réponse nucléaire. Dans un signe de défiance, les Ukrainiens ont à nouveau frappé Koursk les 23 et 25 novembre. Peut-être les Russes n’auront-ils pas besoin de répondre à ces attaques si Washington a compris leur message ? Le temps des rodomontades est passé, celui des négociations est venu pour éviter un affrontement direct russo-américain dont on n’ose imaginer les conséquences.
Le 22 février 2022, jour du lancement de l’opération militaire spéciale, Vladimir Poutine a pris soin d’en donner les objectifs immédiats : démilitarisation, dénazification et neutralité de l’Ukraine. Les objectifs stratégiques qui sous-tendent cette opération sont au cœur du différend russo-américain. Ils sont énumérés dans le projet de traité d’architecture européenne de sécurité que Vladimir Poutine a remis à Washington et à Bruxelles le 17 décembre 2021, et se résument en deux points essentiels : retrait de l’OTAN des nations qui l’ont rejoint après 1991 (en conformité avec la promesse de James Baker à Mikhaïl Gorbatchev) et neutralité des nations limitrophes de la Russie.
Ce projet d’architecture s’appuie sur le principe de l’indivisibilité de la sécurité qui stipule que la sécurité d’une nation ne peut se faire au détriment d’une autre – principe inscrit dans les déclarations d’Istamboul de 1999 et d’Astana de 2010, signées par les membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dont les Etats-Unis, la Russie, l’Ukraine, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, etc.[1] A ce principe, les États-Unis en opposent un autre, celui de la « porte ouverte »[2], qui donne à toute nation le droit de s’allier à toute autre nation sans égard à l’impact d’une telle alliance sur une ou plusieurs autres nations – principe inscrit dans l’Acte final d’Helsinki et la Charte de Paris pour une nouvelle Europe. Ces positions antinomiques augurent mal d’une résolution du conflit, sauf renoncement improbable des États-Unis à leurs visées hégémoniques.
Ce règlement du conflit est d’autant plus improbable que Donald Trump entend le régler par la force. « Nous obtiendrons la paix par la force » a-t-il déclaré récemment. Qu’entend-il par ces mots ? Nul ne le sait, mais ils se situent dans le droit fil de la politique de l’escalade dominante (Escalation Dominance) qui repose pour partie sur une escalade de la violence et pour partie sur le bluff ou « stratégie de l’ambiguïté »,[3] ou encore « théorie de l’Homme fou » (Madman), chère à Richard Nixon, qui se résume par cette expression : « arrêtez-moi ou je fais un malheur (sous-entendu « je recours au nucléaire »). En l’espèce, cela signifie, si l’on prend la déclaration de Donald Trump au mot, que Vladimir Poutine doit se soumettre à la volonté américaine. Ouah ! Ce serait la première fois dans l’histoire des nations que le perdant impose sa volonté au vainqueur !
Le problème avec cette approche est qu’elle n’est plus valide. Vladimir Poutine y a trouvé réponse avec le missile Oreshnik, équipé d’une charge conventionnelle capable de faire d’énormes dégâts, comme démontré lors de l’attaque de Yuzhmash. A toute nouvelle attaque ukrainienne sur le sol russe, la Russie répondra par une attaque Oreshnik sur le sol ukrainien, voire sur celui de ses alliés que la Russie qualifie désormais de co-belligérants. C’est au tour des États-Unis d’être coincés dans un dilemme cornélien du tout ou rien – « tout » signifiant un engagement direct dans la guerre, et « rien » l’ignominie. La déclaration péremptoire de Donald Trump est donc vide de sens. Poutine est en position de force.
Si Trump maintient sa position, un accord est impossible à moins que Poutine accepte un accord bâclé pour mettre fin à une guerre qui lui coûte cher et qui menace son économie, en se satisfaisant de l’annexion du Donbass et de la neutralité de l’Ukraine. Ce serait une erreur. La neutralité de l’Ukraine serait une neutralité de façade. Les États-Unis ne renonceront pas à leur objectif de démembrer la Russie. Une guérilla larvée émergera en Ukraine – la CIA et son avorton la National Endowment for Democracy (NED) ont une grande expérience en la matière – guérilla qui forcera tôt ou tard Poutine à envahir l’Ukraine. C’est alors que la question du règlement définitif du conflit se posera. Une paix durable n’est donc possible qu’à deux conditions. Les États-Unis doivent :
a) accorder à la Russie ce qu’ils se sont octroyés en 1823 avec la doctrine de Monroe, une sphère d’influence ;
b) renoncer au mythe de l’hégémonie messianique. Peut-être Donald Trump y consentirait-t-il pour avoir la paix et mener à bien son programme de réformes, mais l’appareil de sécurité (ministères des Affaires étrangères et de la Défense, complexe militaro-industriel et agences de renseignement – CIA, NSA, etc.) n’est pas prêt à accorder à la Russie ni l’un ni l’autre.
A ce point du débat, il convient de revenir à la thèse de l’Américain William Gilpin préconisant à la fin du XIXe siècle la construction d’une voie ferrée reliant New York à Moscou pour faciliter les échanges commerciaux. Cette thèse, en opposition frontale avec celle de l’Anglais Halford Mackinder, a longtemps été ignorée, avant d’être reprie par Henry Wallace, vice-président des Etats-Unis de 1941 à 1945.[4] Cette adhésion à la vision de Gilpin lui valut très probablement d’être éliminé de la course à la Maison Blanche en 1944. S’il avait été élu, loin d’être des ennemis, Washington et Moscou auraient été des partenaires industriels et commerciaux dans un monde apaisé.
La paix est non seulement possible mais aussi bénéfique. Le Vietnam qui fut en guerre avec les États-Unis pendant vingt ans, est aujourd’hui son troisième fournisseur après la Chine et le Mexique.
[1] Créé en 1973, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a pour objet la paix et la sécurité des États.
[2] La doctrine de « la porte ouverte », due au secrétaire d’État John Hay, avait pour objet d’ouvrir la porte de la Chine aux États-Unis à la fin du XIXe siècle en traitant toutes les nations sur un pied d’égalité afin qu’aucune n’est le contrôle total du pays.
[3] Gilles Andréani, professeur affilié à Sciences Po, se fait l’avocat de cette méthode dans un récent article intitulé : « Ukraine, troupes au sol, ambigüité stratégique : il faut mettre fin à la désunion occidentale », Telos, 22 mai 2024.
[4] Halford Mackinder opposait l’empire naval britannique à un empire continental euroasiatique en devenir, appelé île-monde, qui serait contrôlé par la Russie.
Retour sur la décision du président américain sortant, Joe Biden, et de son homologue anglais, Keir Starmer, d’autoriser les forces armées ukrainiennes à utiliser des missiles ATACMS et Storm Shadows contre l’Oblast russe de Koursk. Une décision qui a déclenché une riposte « appropriée » de Moscou assimilée à une menace nucléaire et à une déclaration de guerre de la Russie aux pays de l’OTAN devenus de facto belligérants.
Les 20 et 21 novembre derniers, Joe Biden et Kern Stammer ont autorisé l’Ukraine à utiliser des missiles ATACMS et Storm Shadow capables d’atteindre 300 km pour frapper le territoire russe. La motivation officielle de cette décision aurait été de dissuader la Corée du Nord d’envoyer davantage de troupes et de faire dérailler la contre-attaque russe à Koursk, en train de porter ses fruits après un étrange retard. Et même la France, qui a déjà fourni des missiles à longue portée à l’Ukraine, a déclaré qu’autoriser Kiev à frapper des cibles militaires en Russie, voire même à envoyer une force européenne au sol, restait une option sur la table. De son côté, la président russe Vladimir Poutine a estimé qu’étant donné que les forces ukrainiennes ne peuvent pas utiliser les missiles occidentaux seules, elles ont forcément été appuyées par des spécialistes militaires des pays fournisseurs (Etats-Unis, Grande-Bretagne, etc) pour insérer les données de renseignement nécessaires au ciblage.
Ceci a entraîné la décision de Vladimir Poutine de riposter de façon « appropriée » en testant un missile « Oreshnik » RS26 de portée intermédiaire (IRBM) et hypersonique. Conçu pour emporter 6 ogives nucléaires, ce missile, lancé avec de simples explosifs conventionnels, a été testé et utilisé comme un avertissement quant à la capacité de Moscou à viser avec des armes nucléaires ou pas – et sur une distance de 5500 km – n’importe quel point de l’Ukraine et n’importe quelle capitale occidentale. En juin dernier, lors d’une réunion avec des représentants d’agences de presse internationales, alors que ces missiles occidentaux étaient déjà utilisés en Ukraine et en Crimée annexée contre des objectifs russes, Poutine avait déjà émis l’hypothèse que Moscou pourrait réagir en fournissant à son tour des missiles “dans les régions du monde d’où seront lancées des attaques sensibles sur les sites des pays qui fournissent des armes à l’Ukraine“. Ces derniers jours, cette menace s’est accentuée et se dirige désormais directement vers des cibles occidentales, d’où le risque de « III guerre mondiale » agité par les médias et nombre de commentateurs. Maintes voix ont également exprimé leur étonnement concernant la décision de Biden de monter d’un cran le degré de belligérance alors que le peuple américain a voté pour un président élu ayant promis de faire la paix. Qu’en est-il vraiment ?
Premièrement, il faut garder à l’esprit que la guerre psychologique a toujours été partie intégrante de la guerre. De ce point de vue, deux mois avant que le supposé non-interventionniste Donald Trump entre en fonction (20 janvier), chaque camp, celui pro-Ukraine et la Russie, a intérêt à exercer des pressions maximales sur les dirigeants et les populations respectives, afin d’arriver à la table des négociations tant annoncées avec le meilleur rapport de force concret et psychologique. C’est ainsi qu’il faut comprendre les propos menaçants des proches de Poutine qui ont avoué que le but est de faire « tressailler de peur » l’Occident (Kadyrov, Medvedev). Poutine lui-même a déclaré : « nous nous considérons pleinement fondés à employer nos armes contre les infrastructures militaires des pays qui autorisent l’usage des leurs contre nos propres installations (…). Je recommande vivement aux élites dirigeantes des pays qui envisagent de déployer leurs contingents militaires contre la Russie d’y réfléchir à deux fois », dans son discours de 8 minutes. Maniant le chaud et le froid, Vladimir Poutine a également dit dans son discours-avertissement, spécialement aux Anglais et aux Etats-Unis, mais aussi implicitement à la France, que la Russie serait « toujours prête, aujourd’hui encore, à résoudre tous les différends de cette manière » par le dialogue, mais en précisant que Moscou pourra « affronter tous les développements possibles que pourraient occasionner les événements en cours. Et si certains en doutent encore, ils ont bien tort de le faire. La Russie répliquera toujours »… La peur est en fait une arme qui peut s’avérer efficace, car, comme on l’a vu avec la victoire de Donald Trump et de sa nouvelle équipe, notamment Vence, Kennedy et Musk, on sait que la promesse de paix – et donc la peur de la guerre – a motivé nombre d’Américains démocrates et républicains à voter Trump afin d’éviter la « troisième guerre mondiale », expression-épouvantail d’ailleurs utilisée le 20 novembre par Trump Junior sur les réseaux sociaux. Il convient donc de relativiser la gravité certes réelle de la situation.
D’un autre côté, il serait imprudent de réduire les avertissements de Poutine à un simple bluff, car l’histoire regorge d’exemples selon lesquels les menaces et surenchères créent des engrenages guerriers infernaux. Toutefois, les dirigeants des deux camps, et même le soi-disant fou Kim Jong Un Guide suprême de Corée du Nord, ne sont pas des jihadistes candidats au suicide. Ils aiment la vie, la chair, le luxe, ont des familles, des intérêts et donc un désir de survie, comme l’expliquait inlassablement mon ami et maître le géostratège Pierre Marie Gallois, inventeur de la dissuasion nucléaire française dite « du faible au fort ». Ils n’ont donc pas l’intention de déclencher le feu nucléaire final, du moins jamais contre une autre alliance ou puissance nucléaire plus forte ou aussi forte qu’eux. Il est certes aussi vrai que la nouvelle doctrine nucléaire qui a été approuvée par Vladimir Poutine le 26 septembre dernier prévoit une éventuelle «réponse nucléaire contre tout pays qui attaquerait la Russie même s’il ne possède pas d’armes atomiques mais qui serait soutenu par des puissances nucléaires », ce qui est exactement le cas de l’Ukraine, aidée par des pays de l’Otan – dont trois sont des puissances nucléaires et d’autres abritent des ogives nucléaires. Toutefois, malgré la gravité apparente de la situation, il faut raison garder et rappeler qu’aucun déplacement d’ogive nucléaire stratégique n’a été détecté pour le moment et que l’essai du missile hypersonique RS26 russe du 22 novembre a été effectué – comme un essai précédent en Sibérie d’ailleurs – après en avoir informé les Occidentaux afin qu’ils sachent qu’il ne s’agissait pas d’une attaque nucléaire tournée contre une capitale européenne ou ouest-américaine. De la même manière, en autorisant depuis des mois les Ukrainiens à frapper les forces russes avec des missiles de 250 à 300 km, les Occidentaux ont toujours annoncé par avance leur décision de façon directe ou progressive, comme cela s’est passé avec les Storm Shadow et ATACMS américains, dans le cadre d’une « communication » stratégique et médiatique qui a à chaque fois laissé le temps aux troupes russes de se préparer et de déplacer hommes, munitions ou autres engins de guerre.
Le message de guerre psychologique de Vladimir Poutine, qui sait déjà que l’administration Trump pourrait lui laisser les terres ukrainiennes actuellement conquises – Crimée incluse – est de faire comprendre que c’est une erreur de penser qu’il bluffe et que l’on peut « désanctuariser » impunément le sol d’un pays nucléaire, comme cela s’est produit depuis le 6 août dernier avec l’incursion ukrainienne vers Koursk, et comme on le voit avec l’autorisation de frapper le sol russe sur un rayon de 300 km. De ce point de vue, la révision de la doctrine nucléaire puis l’essai du 22 novembre dernier sont destinés à réintroduire une effectivité de la dissuasion qui aurait été apparemment érodée. D’une certaine manière, on peut dire que Russes et Américains procèdent depuis des jours, plus encore qu’avant, à un « dialogue stratégique in vivo et in concreto ». La Russie a donc logiquement averti les États-Unis (via le Centre national russe pour la réduction des risques nucléaires), plus d’une demi-heure avant le lancement du missile hypersonique, dans le cadre d’un système d’échange automatique visant à « maintenir une communication constante » avec un système du camp adverse, selon les propres termes du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Face aux capitales pro-ukrainiennes qui estiment que la sanctuarisation nucléaire du territoire russe peut être violée sans conséquences graves, alors que pendant toute la guerre froide l’OTAN n’a jamais tenté de pénétrer « l’étranger proche russe » ou foulé le sol des pays membres du Pacte de Varsovie, d’autres Etats – même pro-ukrainiens, comme l’Italie – prennent au sérieux les avertissements poutiniens : le ministre des Affaires étrangères transalpin, Antonio Tajani, a ainsi déclaré qu’il refusait que l’Ukraine utilise des armes italiennes sur le sol russe. De même, l’Allemagne, plus grand contributeur de l’UE à l’effort de guerre ukrainien, a confirmé par la bouche de son chancelier, Olaf Scholz, que les missiles de croisière Taurus ne seraient jamais fournis à Kiev. Mieux, Scholz a téléphoné à Poutine immédiatement après la chute de son gouvernement, en parlant de nécessité de dialogue, ceci au grand dam des pays les plus antirusses, la Pologne et les pays Baltes. Quant au trio Autriche-Slovaquie-Hongrie, ce dernier pays présidant l’UE jusqu’au 31 décembre et ayant présenté à Donald Trump un plan de paix en juin dernier, il ne veut absolument pas participer à l’escalade et souhaite continuer à bénéficier du gaz russe par oléoduc. Ce trio est d’accord sur ce point avec Angela Merkel qui a avoué dans ces mémoires, parues ces jours-ci, puis dans des interviews récentes, que l’économie allemande a besoin du gaz russe bon marché par gazoducs pour que son économie et son industrie demeurent compétitive. Le chancelier Scholz a ouvertement reconnu lui-même que la reprise des relations avec Moscou permettrait de sauver l’Allemagne d’une crise économique énergétique provoquée par les sanctions sur les hydrocarbures russes. Une vision partagée plus clairement encore non seulement par la droite allemande ultra de l’AFD mais aussi par la gauche souverainiste de Sarah Wangenknecht, les deux étant en pleine ascension électorale, surtout en Allemagne de l’Est, certes, mais de plus en plus dans d’autres Landers également.
Deuxièmement, il convient de relativiser la potentielle escalade inhérente aux autorisations occidentales de frapper le territoire russe et à la riposte russe par le test du missile hypersonique. L’autorisation faite aux Ukrainiens d’utiliser des missiles ATACMS et Storm Shadow contre le territoire russe ne changera pas plus la donne et les rapports de force que cela n’a été le cas lorsque ces armes ont été utilisées depuis des mois contre la Crimée et des forces russes dans le Donbass. Non seulement ces missiles ont souvent été abattus par la défense aérienne russe, mais ils ont été livrés en nombre très limités aux forces ukrainiennes. Par ailleurs, l’arrivée sur le front russe de militaires nord-coréens, qui a servi de prétexte à Washington pour justifier l’autorisation des ATACMS contre la Russie, a été exagérée par le camp pro-ukrainien, car si la présence de 10 000 soldats nord-coréens sans expérience du combat et armés de 70 canons et lance-roquettes est avérée, cela demeure infime par rapport aux 700 000 soldats russes au total équipés de 2 000 pièces d’artillerie sur la ligne de front. Et les reporters sur place le long du front ont plus vu de mercenaires colombiens que de Nord-Coréens. En réalité, pour ne pas avoir à trop dégarnir ses troupes en pleine progression dans l’Oblast de Doniesk, les forces russes tentent de récupérer les terres du sud occupées par les Ukrainiens dans l’oblast de Koursk avec le minimum de troupes du Donbass et le maximum de forces intérieures et de mercenaires. Enfin, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, et le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kirby, ont souligné à quel point l’utilisation de l’ATACMS par les Ukrainiens était inutile puisque les aéroports russes et autres bases d’importance stratégique sont situés bien hors de leur portée.
Revenons maintenant sur le discours du maître du Kremlin, qui a insisté sur un point d’histoire que l’Occident, Washington et l’Otan ont du mal à admettre, à savoir que « ce n’est pas la Russie, mais les États-Unis qui ont détruit l’architecture internationale de sécurité et, en poursuivant leurs combats, s’accrochent désespérément à leur hégémonie, entraînant la planète entière dans un conflit global ». La référence aux casus belli de la proposition faite à l’Ukraine en 2008 d’adhérer à l’OTAN, des soutiens occidentaux aux révolutions ukrainiennes antirusses de 2004 et 2014 – sans oublier la question des missiles antimissiles américains installés en Pologne et en Roumanie, rentre certes dans le registre d’une propagande de guerre psychologique visant à renverser les rôles et accuser l’Occident du bellicisme dont Moscou est justiciable. Toutefois, le propos peut malgré tout convaincre d’autant plus efficacement certains occidentaux épris de paix qu’il contient une part de vérité susceptible d’enfoncer un coin dans l’unité occidentale et de susciter une certaine empathie dans les pays du Sud global. Enfin, concernant la volonté russe de produire à nouveau et en masse des missiles à portée intermédiaire (5500 km) pouvant frapper toutes les capitales occidentales, sauf l’Australie et la Nouvelle Zélande, Poutine a rappelé que leur développement s’est effectué « en réponse aux programmes lancés par les États-Unis, consistant à produire et déployer en Europe et dans la région Asie-Pacifique leurs propres missiles de courte portée et de portée intermédiaire. Nous estimons que les États-Unis ont commis une erreur en 2019 lorsqu’ils ont déchiré, sur un prétexte fallacieux, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Aujourd’hui, les États-Unis ne se contentent pas de produire de tels équipements : ils ont entrepris, dans le cadre de leurs exercices militaires, le transfert de ces systèmes avancés vers différentes régions du monde, notamment en Europe, sans compter qu’ils s’entraînent à leur utilisation lors de leurs manœuvres ». L’allusion au projet de George Bush jrentre 2004 et 2008 de prépositionner dans toute l’Europe de l’Est des missiles et anti-missiles américains pouvant annuler la capacité d’interception ou de riposte russe (option certes réduite ensuite par Barak Obama à la Roumanie avant que la Pologne fasse de même en 2024), est ici évidente et participe aussi d’une tentative de renverser l’accusation de bellicisme originel. Du point de vue de Bruxelles et Washington, il s’agit là d’un pur narratif poutinien qui, même si l’extension de l’OTAN vers l’est et l’ingérence pro-démocratique en Ukraine sont indéniables, ne justifie aucunement la guerre d’agression russe en Ukraine et l’annexion de territoires d’un pays voisin dont Moscou avait reconnu à maintes occasion l’indépendance et les frontières depuis 1991.
En guise de conclusion : la paix annoncée par Donald Trump est-elle compromise pour autant ?
Pas forcément ! Premièrement parce que l’intensification des menaces et utilisations d’armes toujours plus efficaces et dissuasives des deux côtés du front ne signifie pas forcément une entrée dans la III -ème guerre mondiale, même si le risque n’est pas nul, mais rentre dans le contexte des dernières avancées et démonstrations de capacités de nuisance de part et d’autre avant l’ouverture prochaine de négociations annoncées par l’Administration Trump. Ensuite, il faut rappeler que, paradoxalement, cette montée en puissance – apparemment très inquiétante et « co-belligène – arrive dans un contexte global de possibles négociations imminentes. Il faut « tout faire pour mettre fin à la guerre en 2025 par la diplomatie en partant d’’une Ukraine forte’, a ainsi déclaré le président Volodymyr Zelensky, alors qu’il avait fait criminaliser dans la loi ukrainienne pareille idée et qu’il excluait toute négociation territoriale dans son fameux « plan de victoire ». Il a même été jusqu’à saluer parmi les premiers la victoire de Donald Trump et sa vision de la « paix par la force » et voit dans la nouvelle administration la perspective de sortir de la guerre par le haut, afin que cela n’apparaisse pas comme une trahison de sa part comme une décision du protecteur américain. Ceci en échange, bien sûr, de garanties pour l’avenir de la part des Etats-Unis, de l’OTAN et de l’UE. De son côté, Vladimir Poutine – lors de l’entretien téléphonique avec le chancelier allemand, Olaf Scholz, le 15 novembre dernier, a réitéré qu’un éventuel accord pour la fin du conflit doit “se baser sur les nouvelles réalités territoriales”, ou plutôt sur ce que Moscou a réalisé jusqu’à présent. Ceci paraissait totalement inacceptable et inaudible il y a encore un ou deux mois, et a fortiori durant l’été, lorsque l’Ukraine réussissait une incroyable percée en terre russe vers Koursk, mais elle est hélas devenue totalement réaliste pour les nationalistes ukrainiens maintenant qu’elle est au cœur du plan de paix du président américain élu et que les rapports de force sont nettement en faveur de l’armée russe, avec une progression accélérée dans l’oblast de Doniesk, partout sur la ligne de front, puis même dans l’Oblast de Koursk, où les troupes ukrainiennes reculent et subissent de lourdes pertes d’ailleurs peu médiatisées. Après l’appel téléphonique avec Scholz, le Kremlin a rappelé que Poutine – dans un discours au ministère des Affaires étrangères – a posé le retrait des forces ukrainiennes des quatre régions partiellement occupées (Donetsk, Lougansk, Zaporhizhia et Kherson) comme condition d’un cessez-le-feu. Or cette option é été clairement acceptée par Donald Trump, son vice-président J.D. Vence et la quasi-totalité de son équipe, néo-cons y compris, dont Marco Rubio. En fait, le plan de paix de Trump, qui s’est appuyé en partie sur celui présenté par Victor Orban en juillet dernier, prévoit des régions autonomes de chaque côté d’une zone démilitarisée, le renvoi dans au moins vingt ans de l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN ; une neutralisation totale du pays, des garanties de ne jamais redevenir une puissance nucléaire et une base de l’empire rival US, et un abandon des territoires russophones en cours de conquête par la Russie et annexés à cet effet. Il est clair que pour voir le jour, ce plan théoriquement inacceptable par Kiev, passe par une remise en question totale du “plan de victoire” de Zelensky qui a parlé au contraire d’”une invitation” de l’Alliance comme base fondamentale de la paix » …. Le président ukrainien devrait donc non seulement se dédire, donc s’auto délégitimer, mais il devrait agir en contravention non seulement du droit ukrainien mais surtout de la Constitution ukrainienne, laquelle interdit tout abandon de souveraineté, inscrit dans le marbre l’adhésion du pays à l’OTAN au plus vite, et assimile à une forfaiture le simple fait de vouloir changer la constitution sous l’influence directe ou indirecte de forces étrangères.
Pour ce qui est du « dindon de la farce » qu’est l’Union européenne, première victime des sanctions, en pleine récession, obligée de payer son gaz 3 à 5 fois plus cher que les États-Unis, et sur qui va peser le fardeau financier de la reconstruction de l’Ukraine, le plan Trump prévoit qu’elle devra prendre la place des États-Unis sur le front de l’aide militaire, ce qui impliquera de multiplier par deux les contributions annuelles – à ce jour autour de 20 milliards, soutenues en grande partie par l’Allemagne – et à un moment où, par ailleurs, l’économie n’est pas au mieux… Face au réalisme cynique du plan Trump, que d’aucuns comparent déjà aux accords de Munich signés avec Hitler par l’Anglais Neville Chamberlain en 1938, notamment, pour éviter en vain une guerre et en se déshonorant, l’effondrement de Kiev n’est pas une option pour de nombreux États membres de l’OTAN et de l’UE. Cela représenterait en effet, selon Bruxelles et les grandes capitales européennes, surtout les Pays-Baltes, la Roumanie et la Pologne, une menace existentielle pour leur sécurité, avec à la clef un double risque d’encourager la Russie à recommencer sa politique expansionniste dans l’avenir une fois son armée reposée et renforcée, puis d’autres pays aux appétits impérialistes à faire de même. En outre, les services de renseignement occidentaux estiment que si le pays se retrouvait aux mains des Russes, 10 millions d’Ukrainiens pourraient fuir vers l’Europe, avec un exode aux proportions bibliques. Un vrai dilemme « paix maintenant » versus « si vis pacem para bellum ». Un vrai casse-tête pour l’avenir de l’UE et la crédibilité de l’Alliance atlantique, mais que les partisans de l’America First sont déterminés à résoudre avec le triomphe de la Realpolitik et des accords bilatéraux sur les logiques multilatérales et les alliances globales désormais fragiles et inquiètes du risque d’arrêt brutal de leurs logiques d’expansion permanente et existentielles, bien que belligènes…
Né le 23 décembre 1929 en Cochinchine, Huynh Bax Xuan et décédé le 1er décembre 2018, est sorti des Ecoles de Saumur et de Saint-Cyr-Coëtquidan en 1950.
Aide de camp du général de Lattre en 1951 en Indochine, Chef de poste à Nasan en 1952 puis commandant de sous-secteur en 1953. Il est capturé au combat en avril 1953. Interné dans un camp de prisonniers et de déserteurs de l’armée française, il est soumis à la surveillance et aux brimades de ces derniers. Il monte en novembre 1953 un audacieux plan de soulèvement du camp, qui échoue. Repris après son évasion, il est mis au pilori par le commandant du camp devant tous les prisonniers rassemblés.
Il avait été capturé le 10 avril 1953, à la tête du bataillon qu’il commandait dans le delta tonkinois, au nord de l’actuel Vietnam. Transféré de camp en camp de sûreté, il va connaître l’enfer : les pieds cadenassés dans un carcan ou entravés par de lourdes chaînes, le cachot noir de lm70 de long, dont il ne sort que 10 minutes par jour, la demi-ration de riz, le camp de prisonniers où la mortalité dépasse 80% en 10 ans, les pénibles séances de rééducation politique où il est traité de criminel de guerre et de traître. Il ne sera pas de ceux qui seront libéré à la fin de la guerre.
La rigueur s’atténue en 1975 à la chute de Saigon, au moment où près de 500.000 soldats sud-vietnamiens sont placés en camp de rééducation. Avec trois survivants, il est mis en résidence surveillée près d’Hanoï. Libéré en mai 1976, il retrouve sa mère à Ho-Chi-Minh-Ville et récupère ses papiers militaires. Mais le Consulat de France reste sourd à ses démarches. Lors de deux tentatives d’évasion par la mer, il échappe à la police et se réfugie à Bien Hoa, où il se marie. Il réussit en 1980 à joindre un ancien officier du maréchal de Lattre qui obtient son rapatriement.
A Paris en juillet 1984, ses ennuis ne sont pas terminés. Étant en prison en 1955, il n’a pas pu demander son maintien dans la nationalité française. Le Tribunal de Grande Instance de Rennes reconnaît sa nationalité en janvier 1986 après 2 ans d’action judiciaire. Le ministère de la Défense le promeut alors lieutenant-colonel. Commandeur de la Légion d’honneur, il avait reçu la médaille des évadés, en 2016, à Rennes, dans le cadre des cérémonies du 71e anniversaire du 8-Mai 1945.
Le soldat qui a souffert 20 ans pour la France est bien « un Français à part entière » La France l’avait oublié depuis 1953, dans les camps du Vietminh, le lieutenant-Colonel Huynh Ba Xuan est décédé samedi 1er décembre 2018, à Rennes, dans sa 89e année.
Un hommage particulier à été demandé par l’Amicale des anciens prisonniers internés, déportés, d’Indochine, et le Souvenir français. Il nous laisse un livre pour raconter son histoire extraordinaire « Oublié 23 ans dans les goulags viet-minh, 1953-1976 », éditions L’Harmattan.
A nous le souvenir, à lui l’immortalité !
Jean-Baptiste Tomachevsky
Mon grand-oncle paternel s’est engagé dans la Légion étrangère, parti combattre pendant la guerre d’Algérie. Il est mort pour la France en 1962. C’est lui qui m’a donné l’amour de la Patrie et l’envie de la servir. Appelé sous les drapeaux en février 95, j’ai servi dans 6 régiments et dans 5 armes différentes (le Train, le Génie travaux, l’artillerie sol-air, les Troupes de marine et l’infanterie). J’ai participé à 4 opérations extérieures et à une MCD (ex-Yougoslavie, Kosovo, Côte d’Ivoire, Guyane). Terminant ma carrière au grade de caporal-chef de 1ère classe, j’ai basculé dans la fonction publique hospitalière en 2013 en devenant Responsable des ressources humaines au centre hospitalier de Dieuze. J’ai décidé ensuite de servir la Patrie différemment en devenant Vice-président du Souvenir Français (Comité de Lorquin-57) où je suis amené à participer à une cinquantaine de cérémonies mémorielles par an. Je participe également à des actions mémorielles auprès de notre jeunesse. Je suis également porte-drapeau au sein de l’Union nationale des combattants (UNC) de Lorquin (57) et membre du conseil départemental de l’ONaCVG de la Moselle, collège 2 et 3. J’ai également créé sur un réseau social professionnel un compte qui regroupe près de 16 000 personnes dédié au Devoir de mémoire. Je transmets et partage les destinées de ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la France. J’ai rejoint THEATRUM BELLI en novembre 2024 pour animer la rubrique « Mémoires combattantes ».
La Direction technologique et logistique de l’armée israélienne a publié ces derniers jours de nouvelles données relatives aux opérations menées par Tsahal dans la bande de Gaza et au Sud-Liban. Parmi les nombreux éléments communiqués, Blablachars s’est intéressé aux chiffres concernant les véhicules blindés et les chars. On apprend que 90% des engins atteints par des projectiles antichars ou des Engins Explosifs Improvisés (EEI) de forte puissance ont été réparés et remis en service. Le délai moyen pour la réparation des engins est de 20 jours selon les services de maintenance de l’armée israélienne, même si les plus endommagés ont nécessité des durées d’immobilisation supérieures aux 2 jours mentionnés. 90% des problèmes 90% des problèmes mineurs ayant affecté les engins blindés de Tsahal ont tous été réglés sur la zone des opérations dans des bases d’opérations avancées ou dans des centres logistiques dédiés situés à proximité de le zone des combats, sans qu’il soit nécessaire de procéder à leur évacuation. Enfin on apprend que la capacité opérationnelle est de 88% pour les engins blindés engagés à Gaza et au Sud-Liban et pour certains depuis quatorze mois.
Sur le plan humain, Tsahal indique que 5300 soldats ont été blessés et soignés durant l’offensive terrestre dans la Bande de Gaza, alors que 709 soldats avaient été traités en 2014 lors des opérations dans cette zone. Concernant le Sud-Liban, 700 soldats ont été blessés et soignés alors qu’en 2006 ce chiffre était de 833. Le taux de létalité s’établit à 6.9% des blessés traités à Gaza et à 7.1% au Liban, ce taux était de 9.2% à Gaza en 2014 et de 14.8% au Liban en 2006. Le Corps médical de Tsahal indique que cette baisse du taux de létalité est liée à l’amélioration de la prise en charge et du traitement des soldats blessés sur le champ de bataille, avec pour la première fois la réalisation de transfusions de sang total sur la zone, dont 300 soldats auraient bénéficié. La présence d’officiers médicaux supérieurs au sein de chaque unité élémentaire a également contribué à améliorer la prise en charge des soldats blessés, avec un temps moyen inférieur à 4 minutes entre la blessure et l’arrivée du médecin, ce délai est de 10 à 25 minutes au Liban en 2006.
Enfin en termes de transport, il faut en moyenne 66 minutes à un blessé évacué par hélicoptère depuis Gaza pour rejoindre un hôpital et 84 minutes depuis le Liban. Par voie terrestre ces durées sont respectivement de 91 et 111 minutes. Ces chiffres indiquent que les opérations de Tsahal à Gaza et au Sud-Liban sont bien des opérations de haute intensité conduites face à des adversaires déterminés et bien équipés.Selon les autorités israéliennes 12000 soldats blessés ont suivi des programmes de réhabilitation physique depuis le début des opérations de Tsahal dans la bande de Gaza soit un peu moins de 1000 par mois. Sur ces 12000 soldats 66% sont des réservistes, 93% sont des hommes et 51% ont entre 18 et 30 ans. Le nombre de blessés a augmenté dans la zone Nord de 150% entre septembre et octobre dernier en raison de l’engagement de Tsahal au Sud-Liban avec plus de 900 blessés évacués vers les hôpitaux de la région en un mois. Enfin on apprend qu’au moins 1500 soldats ont été blessés au moins deux fois depuis le début des opérations. Même si les élongations logistiques restent relativement réduites, les chiffres communiqués montrent une véritable progression depuis les derniers engagements majeurs de Tsahal, tant dans le domaine de la maintenance que dans celui du traitement des blessés, permettant à l’armée israélienne de mener ses opérations dans de meilleures conditions.
Ci-dessous les clichés du premier Merkava IV Barak détruit par un Engin Explosif Improvisé de forte puissance.
En plus d’une victoire militaire en Ukraine, les dirigeants russes souhaitent constituer d’importants effectifs militaires en vue d’un éventuel conflit avec l’OTAN dans l’espace Baltique et la péninsule de Kola. Les prévisions actuelles comptent sur une augmentation des effectifs militaires russes d’environ 350 000 hommes, pour atteindre un total de 1,5 million de soldats et d’officiers. Dans le contexte du conflit qui se déroule actuellement en Ukraine, cet objectif ne peut être atteint sans une nouvelle vague de mobilisation massive.
En 2024, les pertes humaines irréversibles d’environ 30 000 soldats par mois sont à peu près équivalentes à l’afflux de soldats sous contrat et de volontaires, qui constituent l’essentiel de l’effectif militaire russe apte au combat au cours de la même période. Cette nouvelle vague de mobilisation a été reportée car le Kremlin se méfie des conséquences politiques potentiellement négatives qu’elle pourrait avoir dans le pays. En outre, l’armée russe souffre d’un déficit de personnel de commandement et d’armes pour les nouvelles unités qu’il est prévu de créer. D’une manière générale, plus la guerre en Ukraine se prolonge, plus la machine militaire russe se détériore. Par conséquent, en fournissant à l’Ukraine l’aide nécessaire pour poursuivre la guerre, l’Occident affaiblit le potentiel militaire de la Russie et augmente le temps qu’il faudra à Moscou pour reconstituer ses forces armées une fois que la guerre sera terminée. Cependant, la pression exercée par la guerre sur la société et le système politique ukrainiens pourrait provoquer une crise politique dont l’issue serait imprévisible, tant sur le plan national qu’international.
Yuri Fedorovest titulaire d’un doctorat et spécialiste des questions politiques et militaires russes. Il a travaillé à l’Institut d’études américaines et canadiennes et à l’Institut de l’économie mondiale et des affaires internationales, tous deux basés à Moscou. Il a enseigné pendant plusieurs années à l’Institut des relations internationales de Moscou. Après avoir quitté la Russie en 2006, Yuri Fedorov a vécu en Europe, où il a d’abord occupé le poste de chercheur à la Chatham House, au Royaume-Uni. Depuis 2008, il travaille comme journaliste en République tchèque. Il est membre du syndicat des journalistes de la République tchèque et auteur sur la branche Russie de Radio Svoboda. Son dernier ouvrage, publié en 2024, s’intitule The Ukrainian Front of the Third World War.
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Les effectifs de l’armée russe après deux ans et demi de guerre en Ukraine
Mélissa Cornet effectue des travaux de recherche en Afghanistan depuis janvier 2018 pour des think tanks locaux ou internationaux. Entre janvier et juin 2024, elle réalise un reportage sur les droits des femmes afghanes avec la photographe irano-canadienne Kiana Hayeri. Ce reportage, « No Woman’s Land », est exposé jusqu’au 18 décembre 2024 à Paris, sur le Port de Solférino, face au Musée d’Orsay. Exposition extérieure, accès libre, ouverte au public 24 h / 24 h, 7 jours sur 7. En partenariat avec la Ville de Paris. Propos recueillis par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb.com.
En 2024, l’Afghanistan se trouve plongé dans une combinaison de crises interconnectées. La crise humanitaire est sans précédent, avec un effondrement économique qui entraîne des niveaux de pauvreté et de malnutrition catastrophiques. Les droits humains sont également dans une situation critique, avec des groupes vulnérables, notamment les femmes et les minorités, qui font face à des restrictions sévères et à une exclusion croissante. L’exposition présentée documente la condition actuelle des femmes et des filles afghanes sous le régime taliban. A ne pas manquer, actuellement à Paris, bientôt aux Pays-Bas, à La Haye
Pierre Verluise (P. V. ) : Vous présentez à Paris, Port de Solférino, une exposition « No Woman’s Land », consacrée à la situation des droits des femmes en Afghanistan réalisée en 2024 avec Kiana Hayeri dans le cadre de la 14e édition du Prix Carmignac. Nous en présentons ci-dessous trois photos, mais pouvez-vous nous en dire plus sur cette exposition, son accueil et ses suites possibles ?
Mélissa Cornet (M. C. ) : L’exposition « No Woman’s Land » est le fruit d’un travail de terrain mené sur six mois en collaboration avec Kiana Hayeri, qui se consacre à illustrer la condition actuelle des femmes et des filles afghanes sous le régime taliban. L’objectif central de l’exposition est de montrer le contraste poignant entre la résilience des femmes afghanes et la répression systématique à laquelle elles sont confrontées dans leur quotidien. À travers des portraits intimes et des récits personnels, nous avons cherché à révéler les aspects souvent invisibles de leur lutte pour l’autonomie, la dignité et la liberté de choix.
L’accueil de l’exposition a été profondément significatif : les visiteurs ont réagi non seulement par une profonde empathie envers ces femmes, mais aussi avec un sentiment d’injustice qui dépasse les frontières. Ce que nous espérons désormais, c’est que « No Woman’s Land » continue de voyager pour sensibiliser un public international, avec une deuxième étape confirmée aux Pays-Bas, à La Haye, en décembre 2024 et un site interactif en construction. Nous envisageons également des publications qui approfondiraient ces récits et des débats autour des mécanismes de soutien aux droits humains. Par ailleurs, cette exposition est un appel à l’action pour la communauté internationale, en soulignant le besoin urgent d’interventions concrètes pour protéger les droits fondamentaux des femmes afghanes.
P. V. : Au vu de vos expériences de terrain en Afghanistan de 2018 à 2024, comment ont évolué les droits des femmes, en particulier après le retour des taliban [1] au pouvoir le 31 août 2021 ?
M. C. : Avant 2021, les femmes en Afghanistan bénéficiaient d’une fragile, mais réelle, expansion de leurs droits, dans les domaines de l’éducation, de la participation politique, et de l’accès à l’emploi. Si ces acquis demeuraient limités et souvent précaires, ils représentaient néanmoins une avancée significative. Depuis le retour au pouvoir des taliban en 2021, c’est la trajectoire inverse, et les femmes ont vu leurs libertés réduites à un point critique : interdiction d’accéder à l’éducation secondaire et universitaire, restrictions draconiennes de leurs déplacements sans accompagnement masculin, et exclusion systématique des espaces publics, économiques et sociaux.
Gardi, district de Ghos, Nangarhar, Afghanistan, 13 février 2024.
Le régime actuel cherche non seulement à restreindre leurs droits, mais aussi à effacer leur présence visible de la sphère publique. Cette régression est structurelle, visant à établir une société où les femmes sont entièrement marginalisées et invisibilisées. Les effets psychologiques et sociaux de cette situation sont dévastateurs, non seulement pour les femmes elles-mêmes mais pour la société afghane dans son ensemble, qui se trouve ainsi privée de la contribution active de la moitié de sa population.
P. V. : Quelles sont les différentes crises qui affectent fin 2024 l’Afghanistan ? En admettant qu’elle existe, la « communauté internationale » a-t-elle directement ou indirectement des parts de responsabilité dans ces crises ?
M. C. : En 2024, l’Afghanistan se trouve plongé dans une combinaison de crises interconnectées. La crise humanitaire est sans précédent, avec un effondrement économique qui entraîne des niveaux de pauvreté et de malnutrition catastrophiques. Les droits humains sont également dans une situation critique, avec des groupes vulnérables, notamment les femmes et les minorités, qui font face à des restrictions sévères et à une exclusion croissante. Par ailleurs, l’isolement politique et économique du pays exacerbe cette crise multidimensionnelle, les sanctions et le gel des avoirs ayant contribué à l’effondrement des systèmes de services publics essentiels.
En ce qui concerne la responsabilité de la communauté internationale, elle est complexe et ambivalente. Le retrait militaire chaotique de 2021 a laissé un vide que les taliban ont rapidement rempli, sans pour autant que des solutions durables soient mises en place pour stabiliser le pays. Par ailleurs, l’approche punitive adoptée par certains pays en matière d’aide humanitaire et au développement a accentué l’isolement du régime mais a surtout privé le peuple afghan de ressources vitales. Il y a donc une part de responsabilité dans l’échec de l’établissement de conditions propices à une stabilité durable, qui aurait pu permettre une meilleure transition pour les afghans.
P. V. : Les récents décrets des Taliban ont encore restreint les libertés des femmes, y compris l’interdiction de chanter et de lire en public. Comment ces mesures affectent-elles la manière dont les États occidentaux peuvent répondre à la situation en Afghanistan ?
M. C. : Les restrictions imposées aux femmes par le régime taliban placent les pays occidentaux dans une position diplomatique extrêmement délicate. D’une part, collaborer avec les taliban pour garantir un accès humanitaire et une stabilité minimale n’est pas populaire avec les opinions publiques occidentales. D’autre part, refuser tout dialogue empêche tout levier d’influence directe et, par conséquent, toute possibilité d’exercer une pression pour des changements même minimes.
Afghanistan, Jalalabad, province de Nangarhar, 12 février 2024
Ces décisions génèrent un effet boomerang aux niveaux social et politique. En tolérant l’oppression en Afghanistan, certains États risquent de banaliser la répression de genre dans le discours international, voire de légitimer indirectement d’autres régimes autoritaires. Cela pourrait également alimenter une dynamique de repli dans les politiques migratoires et de sécurité en Occident, alors que des milliers d’Afghans, et surtout des Afghanes, cherchent à quitter leur pays.
P. V. : Quelles actions vous semblent les plus efficaces pour soutenir les droits des femmes Afghanes ?
M. C. : Les actions les plus efficaces pour soutenir les droits des femmes afghanes passent par un engagement de terrain et une coopération internationale qui privilégie la sécurité et l’autonomisation des femmes afghanes. Le soutien aux ONG locales, l’établissement de fonds sécurisés pour les femmes afghanes, et un plaidoyer constant dans les instances internationales sont des leviers cruciaux. Il est aussi essentiel que les voix des femmes afghanes soient mises au premier plan dans les forums et débats, afin que leurs revendications soient intégrées dans les processus de prise de décision.
Quant au rôle des féministes occidentales, leur solidarité est indispensable et doit s’incarner par des actions concrètes, au-delà des simples déclarations , par exemple en collaborant directement avec les associations afghanes et en amplifiant les récits des femmes sur le terrain, ou en soutenant les voies de migration légales pour les femmes afghanes, et en les accueillant à bras ouverts en Europe et lors de leur processus d’intégration.
P. V. : Tournons-nous vers l’avenir. Quels sont vos espoirs pour l’évolution des droits des femmes afghanes et comment envisagez-vous de continuer à plaider pour leur autonomisation ? M. C. : Nos espoirs pour les femmes afghanes sont indissociables d’une vision de long terme qui mise sur l’éducation, le soutien psychologique et l’autonomisation économique comme leviers de transformation.
Dans un avenir idéal, nous espérons une évolution vers un meilleur respect des droits humains, notamment ceux des femmes, de manière pacifique. Après des décennies de conflit, personne ne veut aujourd’hui d’une transition violente. Pour notre part, nous poursuivrons nos efforts par des expositions, des publications, et des partenariats tel que celui que nous avons actuellement avec Amnesty International.
L’exposition « No Woman’s Land » est actuellement exposée à Paris, port de Solférino, en contrebas du Quai Anatole France, jusqu’au 18 décembre 2024. Ce reportage a été réalisé grâce au soutien du Prix de Photojournalisme de la Fondation Carmignac.
Copyright Novembre 2024-Cornet-Verluise/Diploweb.com
[1] NDLR : Taliban : cette appellation est le pluriel de « taleb » (instruit, dans le sens coranique) et ne prend donc jamais de « s ».
L’armée russe a tiré ce missile expérimental jeudi à Dnipro en «réponse», selon le Kremlin, aux récentes attaques ukrainiennes menées contre la Russie avec des missiles américains et britanniques.
Les services secrets ukrainiens (SBU) ont montré dimanche à un petit groupe de journalistes, dont l’AFP, les fragments d’un nouveau missile balistique russe, identifiés jeudi par le président russe Vladimir Poutine comme étant «Orechnik», une arme inconnue jusque-là qui a frappé selon lui une usine d’armements à Dnipro.
Quelques heures après ce tir présenté par le Kremlin comme un «signal» aux Occidentaux et à Kiev, Vladimir Poutine s’était vanté de la réussite de la frappe russe avec un nouveau missile hypersonique, qu’il avait baptisé «Orechnik». L’armée russe a tiré ce missile expérimental en «réponse», selon le Kremlin, aux récentes attaques ukrainiennes menées contre la Russie avec des missiles américains et britanniques.
Lieu tenu secret
La rencontre entre le SBU ukrainien et les journalistes s’est déroulée dans un lieu tenu secret pour des raisons de sécurité. Le SBU a ainsi montré des débris métalliques, plus ou moins grands, alignés sur un faux gazon, issus d’un missile russe tiré jeudi, affirme-t-il, contre la ville de Dnipro, là où «Orechnik» a frappé selon Moscou l’usine du groupe ukrainien PivdenMach qui produit notamment des composants pour missiles.
Des parties d’un missile balistique, que la Russie a utilisé dans une frappe vers la ville de Dnipro cette semaine. Valentyn Ogirenko / REUTERS
SBU
Les services secrets ukrainiens ont assuré que c’était «la première fois» que les forces ukrainiennes voyaient un tel projectile depuis le début de l’invasion russe en février 2022. Valentyn Ogirenko / REUTERS
À cette occasion, les services secrets ukrainiens n’ont pas souhaité confirmer publiquement qu’il s’agissait de débris d’«Orechnik» mais ont assuré que c’était «la première fois» que les forces ukrainiennes voyaient un tel projectile depuis le début de l’invasion russe en février 2022. «Cet objet n’avait jamais été documenté par les enquêteurs de sécurité auparavant», a indiqué un enquêteur du SBU prénommé Oleg, expliquant qu’il s’agissait «d’un missile balistique», ce qui correspond à «Orechnik». L’enquêteur a assuré que Kiev donnerait «des réponses» ultérieures sur les caractéristiques précises du missile présenté.
Selon Vladimir Poutine, qui a esquissé jeudi soir quelques caractéristiques d’«Orechnik», ce missile hypersonique «à portée intermédiaire» peut aller à la vitesse de Mach 10, soit «soit 2,5 à 3 kilomètres par seconde».
Vendredi, lors d’une réunion télévisée avec des responsables militaires, le maître du Kremlin a assuré que Moscou avait une réserve de ces missiles «prêts à l’emploi». Il a également ordonné sa production en série et son utilisation ultérieure lors d’essais, notamment «en situation de combat», après avoir lancé jeudi que la Russie était «prête» à «tous» les scénarios dans son conflit contre l’Ukraine et l’Occident.
Bon, il faut répondre absolument à cette autorisation d’emploi des armes à longue portée occidentales sur notre sol.
Mais, c’est déjà le cas depuis longtemps en Crimée et dans nos nouvelles provinces d’Ukraine…
Je parlais de notre vrai sol, crétin !
Dans ce cas, on n’a pas beaucoup d’autre solution que d’agiter la peur nucléaire.
Oui, mais on l’a déjà fait 20 fois. Il faut augmenter la dose, mais sans aller trop loin. Un dernier avertissement avant l’avertissement terminal qui précédera l’ultime avertissement où on emploiera peut-être un peu de nucléaire pas méchant. Une simple déclaration menaçante ne suffira pas.
Un exercice de déploiement ?
Déjà fait !
Une demi-mise en alerte ?
Déjà fait !
Des essais en Nouvelle-Zemble ?
C’est prévu, mais c’est déjà employer un peu de nucléaire et il faut surtout quelque chose tout de suite. Ce sera peut-être l’étape suivante.
Il y a toujours l’idée de modifier la doctrine nucléaire que l’on a lancée il y a quelques mois. On peut la publier demain.
Bonne idée, je prends. Autre chose ?
J’ai une idée, chef. On utilise depuis longtemps des missiles contre l’Ukraine des missiles conventionnels capables de porter éventuellement des charges nucléaires et si on faisait l’inverse en frappant conventionnellement une ville ukrainienne avec un missile stratégique nucléaire ? Pour le coup, cela foutra la trouille à tout le monde.
Pas mal, mais c’est peut-être un poil trop.
On peut refroidir un peu en n’utilisant pas un de nos précieux missiles intercontinentaux, mais un missile intermédiaire toujours en cours de développement depuis 13 ans.
C’est le truc que l’on avait camouflé en missile intercontinental parce qu’on n’avait pas le droit de construire des missiles intermédiaires à l’époque ?
Oui, c’est ça, chef, le RS-26.
Bonne idée. Il faut avertir les Américains au moment du tir, pour qu’il n’y ait pas de mauvaise interprétation, on va l’utiliser dans une zone symbolique – par exemple là où les Ukrainiens fabriquaient les missiles intercontinentaux – et je dirai que c’est juste un essai pour un engin nouveau. Comme cet essai sera forcément une réussite, je louerai ensuite les avancées prodigieuses de la science et de l’industrie russe. Sur un malentendu, cela peut passer. Mais au fait à quoi ça sert d’avoir un missile à portée intermédiaire ?
A refaire le coup des SS-20, chef. Avec ça on ne menace vraiment que les poules mouillées européennes, mais pas les États-Unis. On peut menacer, comme à l’époque des SS-20, de détruire toutes les bases européennes où sont stockés les bombes B-61 et donc le parapluie nucléaire américain en Europe. Le président des États-Unis serait alors placé devant un dilemme : soit il utilise contre nous des armes stratégiques américaines avec une riposte sur les États-Unis, soit il lâche les Européens qui deviennent alors très vulnérables.
Je retiens l’idée. J’annoncerai qu’on va les produire en série, même si je ne suis pas sûr qu’on ait les moyens de le faire. Avec ces armes intermédiaires, et notre armée plus puissante que jamais, on pourra se permettre beaucoup de choses une fois que la guerre en Ukraine sera terminée, surtout si les Américains se désengagent de ce continent.
Vous êtes génial chef !
Je sais. Résumons la manœuvre de peur : je fais une ou plusieurs déclarations à la fois méchantes et maîtrisées, on publie la nouvelle doctrine avec l’idée qu’une attaque aérienne conjointe massive sur notre sol pourra justifier de l’emploi de l’arme nucléaire et on lance un missile intermédiaire quelque part. Bien entendu, tous les relais : chefs d’État sympathisants, chefs de partis d’extrême-gauche et d’extrême-droite, influenceurs, faux médias, idiots utiles chanteront en cœur le couplet du « C’est la faute à Joe Biden et à ses vassaux européens qui veulent nous entraîner dans la troisième guerre mondiale ». Cela freinera au moins toutes les initiatives en faveur de l’Ukraine. En avant !
Face à Poutine et après Trump, européaniser la dissuasion française ?
Perspectives sur l’actualité Guerre
La guerre d’Ukraine a ouvert un nouveau contexte stratégique et établi un nouveau modèle pour les conflits d’agression que la Russie pourrait mener à l’avenir face à l’espace européen.
Alors que l’Europe se prépare à entrer dans la deuxième ère Trump, la France doit trouver les moyens d’éviter à la fois la guerre et la soumission.
La guerre d’Ukraine, par sa durée et l’ampleur des pertes que subissent les belligérants, marque le retour en Europe des conflits conjuguant ampleur et durée, destructions matérielles et pertes humaines avec, pour un des deux belligérants, un enjeu de survie nationale. Alors que la nation ukrainienne lutte pour son existence face à l’agression russe, la France semble doublement à l’abri d’un tel risque.
D’une part grâce à sa situation « d’île stratégique » qui la voit en paix durable et confraternelle avec l’ensemble du continent européen, ce qui lui confère une profondeur stratégique historiquement inédite. D’autre part, grâce à sa dissuasion nucléaire nationale autonome qui la prémunit contre tout anéantissement ou chantage nucléaire. Pour autant, la France est profondément impliquée dans la défense de cet espace européen au sein duquel elle vit une communauté de valeur et de destin avec ses voisins, partenaires et alliés. Mais dans ce contexte, la dissuasion nationale autonome n’est pas une panacée, et le contexte du retour durable d’une Russie agressive et expansionniste crée de nouvelles situations à risque que son modèle de forces actuel ne permettrait pas toujours d’affronter. Notamment en raison de la prolongation potentielle des crises, mais aussi d’un ordre international bien moins binaire et plus économiquement complexe que dans les années de la Guerre froide.
Si les dirigeants français admettent volontiers à travers leurs déclarations depuis les années 1970 qu’une part des « intérêts vitaux » du pays se situe en Europe, force est de constater que la France serait bien incapable, dans le format actuel, d’européaniser sa dissuasion de manière crédible et efficace pour s’ériger en protectrice de dernier ressort de l’intégrité de l’espace européen. Surtout dans un contexte conjuguant crise conflictuelle longue, escalade lente et doutes sur l’engagement américain : trois hypothèses probables à court ou moyen terme. La conséquence est qu’il faut sans doute admettre que les intérêts de la France en Europe ne sont pas « à ce point vitaux » pour que celle-ci puisse offrir une garantie de sécurité avec son seul arsenal nucléaire actuel — qui la verrait prête à « risquer Paris pour Vilnius ».
Il faut donc l’admettre, l’hypothèse d’un conflit conventionnel existe face à la Russie, dont l’escalade pourrait et devrait être maîtrisée. Il faudrait ainsi pouvoir mener celle-ci dans la durée, en coalition, avec l’appui de forces nucléaires françaises « différentes » pour un meilleur épaulement avec les forces conventionnelles. Un point de vue, pour l’heure, résolument hérétique, mais qui découle d’une modification profonde du contexte stratégique.
Une dissuasion française historiquement cohérente
Les fondements de la dissuasion nucléaire française, de la doctrine aux composantes et moyens, reposent en grande partie sur le traumatisme de juin 1940 et servirent son édification pendant la guerre froide, comme une continuité de « l’esprit de résistance » 1. Il s’agissait — et c’est toujours le cas — alors d’éviter le retour d’une situation menaçant la survie même de la France en tant que nation, sans avoir à dépendre du bon vouloir d’un allié anglo-saxon, ni devoir revivre les épouvantables sacrifices humains et matériels des conflits mondiaux. L’arme nucléaire, de par sa puissance, apporta à la fois la menace la plus totale et la solution la plus radicale à l’enjeu central de la défense nationale : survivre en tant que nation 2. La défaite de Dien Bien Phu en 1954 et la crise de Suez en 1956 confirmèrent du point de vue de Paris le caractère à minima aléatoire de l’alliance américaine et la nécessaire indépendance absolue des moyens d’assurer la survie nationale 3.
L’hypothèse d’un conflit conventionnel existe face à la Russie.
Stéphane Audrand
Avec le développement d’un arsenal crédible, doté de composantes variées, d’une capacité de frappe en second et d’un volume suffisant pour infliger des « dommages inacceptables » à toute puissance quelle que soit sa taille et sa profondeur stratégique, la France se dota d’une « assurance vie » autonome. Celle-ci protège son territoire national et sa population d’une élimination brutale, sans discontinuer depuis 1964 (première prise d’alerte des FAS) et de manière très robuste depuis 1972 (première patrouille de SNLE). Sur le plan doctrinal, une pensée française riche et complexe, incarnée par les généraux Ailleret, Beaufre, Gallois et Poirier, permit de jeter les fondements d’une dissuasion nucléaire autonome, « tous azimuts », strictement défensive — seule justification de l’arme atomique nationale. Une dissuasion centrale dans le modèle des forces militaires françaises, ce que synthétisa pour le grand public le premier Livre blanc de 1972 4.
Pour la France, depuis plus de 50 ans, l’hypothèse d’un conflit majeur en Europe est systématiquement liée à un dialogue dissuasif s’appuyant sur l’arme nucléaire nationale. Face à la nécessité de prévenir le contournement « par le bas » de l’arsenal nucléaire, de témoigner de la solidarité de la France envers ses alliés et de pouvoir justifier, le cas échéant aux yeux du monde, de l’opinion française, et de l’adversaire l’ascension aux extrêmes nucléaires, la France avait articulé à partir des années 1970 son corps de bataille en Allemagne autour de l’idée que son engagement forcerait « l’ennemi » (forcément soviétique mais sans le nommer) à « dévoiler ses intentions » 5. Il s’agissait de faire face à toutes les hypothèses de crise, depuis l’option extrême d’un assaut massif du Pacte de Varsovie sur l’Europe occidentale jusqu’aux hypothèses d’attaques limitées aux frontières de l’OTAN (prise de gage territorial), ou d’une opération de contournement de la lutte armée par l’URSS qui ressemblerait au « coup de Prague » de 1968.
L’engagement hors de France du corps de bataille français composé d’appelés du contingent était alors la manifestation tangible de la détermination politique de Paris ainsi que la justification possible du recours à l’arme nucléaire « tactique », non dans une optique de bataille devant être gagnée, mais plutôt de signalement que la France, après avertissement, serait prête à toutes les options, y compris les plus extrêmes. À aucun moment il ne s’agissait dans l’esprit de « gagner » militairement contre le Pacte de Varsovie, ni même de « durer » en conflit, mais plutôt de restaurer, in extremis, un dialogue politique au bord du gouffre, en assumant le fait de contribuer si nécessaire à l’escalade pour ne pas laisser s’installer un conflit d’usure, destructeur, qui ramènerait les souvenirs de Verdun à l’ombre d’Hiroshima. Le choc avec la superpuissance soviétique ne pouvant déboucher sur une victoire conventionnelle à un prix acceptable, seule la dissuasion apportée par une promesse d’anéantissement mutuel devait pouvoir faire reculer Moscou.
Cet édifice national — doctrinal et capacitaire — qu’est la dissuasion reste, en 2024, d’une surprenante cohérence et globalement d’une saisissante validité. Toutefois, les conditions politiques et militaires « à l’est du Rhin » ont profondément évolué depuis 1991, de même que le modèle des forces de l’armée française, conventionnelles et nucléaires. La dissuasion était devenue après la chute du mur de Berlin réellement « tous azimuts » dans un contexte où aucune puissance hostile ne menaçait réellement la France et où l’hypothèse d’une attaque par armes de destruction massive était réduite à la lubie plus ou moins rationnelle du dirigeant d’un petit État « voyou » ou d’une organisation terroriste. Cet apaisement du contexte stratégique, propice au désarmement et à la maîtrise des armements, a contribué à ramener le format de l’arsenal nucléaire français à un étiage, strictement suffisant pour maintenir une capacité crédible permanente et constituer une assurance vie face à l’impensable, tout en maintenant pour l’avenir des savoir-faire et des capacités (notamment humaines) qui pourraient se perdre en un an, mais mettent trente ans à être (re)créées.
En parallèle, le succès du projet européen a fait de la France une « île stratégique ». Alors que le corps de bataille français se justifiait par la présence de milliers de chars du Pacte de Varsovie à quelques centaines de kilomètres des frontières françaises, l’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne des anciens pays vassaux de Moscou, leur émancipation démocratique et leur adhésion à un espace européen uni et étroitement intriqué sur le plan économique et culturel, a donné à la France une profondeur stratégique importante au sein d’un espace pacifié qui ne semblait plus menacé par la Russie. Cette évolution très favorable a pleinement justifié les « dividendes de la paix », la professionnalisation des forces françaises, la réduction de leur format, leur transformation expéditionnaire, l’abandon de l’idée de corps de bataille en Europe et, plus largement, de défense territoriale. Elle a aussi justifié le renoncement aux forces nucléaires tactiques qui assuraient le « tuilage » entre l’engagement du corps de bataille et l’ascension au seuil thermonucléaire. Tout cela était cohérent et adapté au contexte, et ne remettait pas en cause les équilibres de la dissuasion — jusqu’en 2022.
La France pouvait sereinement maintenir un arsenal pour sa seule défense, régulièrement professer publiquement le caractère européen de ses intérêts vitaux 6 et douter, à l’occasion, de la sincérité de l’engagement américain en Europe. Sans avoir pour autant à s’interroger réellement sur les scénarios possibles qui pourraient la voir s’engager concrètement au profit de ses voisins d’Europe centrale et orientale avec sa dissuasion en cas de défaut américain, ni investir dans des capacités conventionnelles d’ampleur pour les épauler le cas échéant. La menace était objectivement faible et l’allié américain toujours présent et en apparence fiable pour se contenter d’une rhétorique théorique. Or l’agression de l’Ukraine que mène la Russie depuis 2014 et qu’elle a choisi de transformer en conflit majeur depuis février 2022 illustre les nouvelles formes que pourrait prendre une agression russe contre une partie des alliés et partenaires européens de la France. Une agression qui pourrait prendre en défaut un modèle français pensé pour des crises « courtes, fortes et proches ».
Un modèle pensé pour les « crises courtes, fortes et proches »
L’hypothèse centrale commune à tous les scénarios de la guerre froide était celle d’une crise courte. L’idée que le choc avec le Pacte de Varsovie ne durerait pas était absolument centrale. Elle se fondait sur la préparation des deux camps, sur l’ampleur de leurs moyens militaires nucléaires et conventionnels et sur le caractère idéologique de leur opposition. Pour la France, la menace était très proche. Les plans soviétiques situaient la frontière française à moins de dix jours de combat 7. Dans ces conditions, en cas d’attaque surprise appuyée par des frappes nucléaires tactiques, toute mobilisation nationale était illusoire et le « rouleau compresseur » soviétique ne pourrait que difficilement être freiné. Méfiants envers la crédibilité de l’hypothèse de représailles nucléaires américaines, les Français avaient taillé leur dispositif après leur retrait du commandement intégré de l’OTAN pour que les forces françaises de bataille soient toutes entières déployées en Allemagne et soient à la fois la seule unité de réserve de l’Alliance et le seul rempart « conventionnel » du pays, avec comme but de manœuvre l’ambition non de vaincre, mais de tester la détermination de l’ennemi 8.
L’agression de l’Ukraine que mène la Russie depuis 2014 et qu’elle a choisi de transformer en conflit majeur depuis février 2022 illustre les nouvelles formes que pourrait prendre une agression russe contre une partie des alliés et partenaires européens de la France.
Stéphane Audrand
Que cette force soit détruite ou malmenée, à quelques centaines de kilomètres au plus de Paris, impliquait que la France serait, très rapidement, en situation de menace existentielle, sinon d’anéantissement au moins d’invasion sur fond de bataille nucléaire tactique. Dans ces conditions, centrer l’hypothèse principale de la défense nationale sur la dissuasion thermonucléaire au bord du gouffre faisait parfaitement sens, et l’autonomie de la dissuasion française en renforçait encore la crédibilité, face aux alliés comme face aux adversaires. Le reste de l’OTAN, pour sa part, était préoccupé par deux risques antagonistes : d’une part, l’invasion en bonne et due forme de l’Europe occidentale, et d’autre part la prise de gages limités, le « Hamburg grab » 9. Une telle hypothèse aurait pu voir l’URSS saisir des « tranches de salami » ou des « feuilles d’artichaut » selon les théoriciens, sous la forme de gages territoriaux limités par une attaque surprise avant de s’enterrer et de demander des négociations, contraignant l’OTAN à « passer pour l’agresseur qui escalade » s’il avait menacé de représailles ou tenté de contre attaquer (un modèle que Vladimir Poutine utilise sous la forme modernisée d’une sanctuarisation agressive10).
Si le risque d’invasion de grande ampleur plaidait pour un dispositif étalé dans la profondeur, celui de la prise de gages limitée, associé aux inquiétudes ouest-allemandes de n’être qu’un champ de bataille sacrificiel, plaidait pour une défense de l’avant, avec le positionnement permanent de toutes les forces de bataille au plus près de la frontière, ne laissant que les forces françaises (qui refusaient la bataille de l’avant) comme seules réserves 11. Américains comme Soviétiques, peu désireux d’avoir à engager un échange nucléaire tactique pouvant déboucher sur une escalade incontrôlable, s’employèrent à trouver, tout au long de la guerre froide, les moyens de retarder le seuil nucléaire le plus longtemps possible, voire de pouvoir l’emporter, au moins dans la bataille d’Europe, par les seules forces conventionnelles.
D’une position centrale d’usage initial dans les années 1950, à l’époque des « représailles massives », les armes nucléaires ne firent que reculer dans l’esprit des belligérants potentiels, pour ne plus être qu’une forme de garantie contre la défaite en rase campagne pour l’OTAN comme le Pacte de Varsovie à la fin des années 1980 12. Le point commun entre les conceptions de l’OTAN et celles de la France restaient l’hypothèse d’une crise courte. Il était alors peu concevable qu’un conflit en Europe dure plus de quelques semaines. La décision devait être emportée par les forces pré-positionnées et par l’afflux rapide des forces de second échelon (venant d’URSS ou d’Amérique du Nord), sans passer par une mobilisation pluriannuelle. Qu’il s’agisse de contrer une attaque menaçant directement ses frontières ou de se porter en soutien de ses alliés, la dissuasion française demeurait la clé de voûte de la stratégie de la France en cas de conflit, capable de neutraliser rapidement toute agression soviétique par une ascension aux extrêmes qui semblait inéluctable si l’adversaire semblait vouloir s’engager de manière résolue, au-delà d’un gage territorial. Une crise « courte, forte et proche » en somme.
La défense de l’espace européen après 2025 : des crises « longues, lointaines, à l’escalade lente »
L’agression russe de l’Ukraine s’inscrit dans une stratégie pluriannuelle de contournement de la lutte armée 13 qui a échoué et s’est transformée, malgré la volonté des stratèges russes, en un conflit ouvert et prolongé. Elle constitue malheureusement sans doute le modèle des conflits d’agression que la Russie pourrait mener à l’avenir face à l’espace européen. Menant initialement une stratégie de déstabilisation par un mélange d’influence, de propagande et d’actions clandestines ciblées (sabotages, assassinats, cyber attaques), la Russie entreprend le « modelage » de sa cible tout en soufflant le chaud et le froid de manière officielle. Il s’agit d’isoler son adversaire, de semer le doute chez ses soutiens éventuels et au sein de son opinion tout en se créant des points d’appui. Le même schéma s’est dégagé en Géorgie ou en Ukraine hier et pourrait se retrouver en Moldavie, en Finlande ou dans les pays Baltes demain.
Selon une mécanique rôdé, la Russie utiliserait ensuite les opportunités que lui offriraient des crises survenant de manière épisodique ( économiques, migratoires, tensions sociales et ethniques, voire crises climatiques) pour accroître la pression de ses attaques hybrides tout en commençant des opérations armées sous faux drapeau (milices, mercenaires, « petits hommes verts »), notamment pour « protéger » les prétendues minorités russes (ou au moins russophones). Face à des États bénéficiant de garanties explicites de sécurité de la part des États-Unis, la Russie tentera de les faire passer pour les agresseurs, recherchera la conciliation éventuelle d’une administration américaine isolationniste ou occupée en Asie ou au Proche-Orient ou reculera de manière provisoire en patronnant des accords de cessez-le-feu tout en professant son désir de paix et en additionnant les demandes plus larges et sans lien direct avec la crise. Si la crise survient dans un espace « intermédiaire » tel que la Biélorussie (à la faveur d’une révolte) ou la Moldavie, l’engagement russe pourrait être plus direct, surtout si les forces ont été régénérées après une pause ou un arrêt du conflit avec l’Ukraine. Bien entendu, tout au long de la crise, la Russie agiterait la menace nucléaire pour peser sur les opinions (et d’abord la sienne), mais sans signalement stratégique particulier vis-à-vis des trois puissances nucléaires occidentales pour ne pas donner aux spécialistes le sentiment qu’elle sort de la « grammaire nucléaire ». Il s’agit de maintenir une forme de « sanctuarisation stratégique agressive » par la parole, à l’ombre de laquelle la Russie a les mains libres sur le plan conventionnel, en comptant sur le fait que la peur du nucléaire des démocraties occidentales tend, à l’heure des réseaux sociaux, à transformer la dissuasion en une théologie de l’inaction des décideurs politiques.
L’agression russe de l’Ukraine s’inscrit dans une stratégie pluriannuelle de contournement de la lutte armée qui a échoué et s’est transformée, malgré la volonté des stratèges russes, en un conflit ouvert et prolongé.
Stéphane Audrand
La crise se prolongeant, elle pourrait déboucher sur des combats ouverts entre les forces d’un pays de l’Union européenne et des unités de l’armée russe, avec ou sans intervention américaine, qui pourraient durer des mois entre déni plausible de la Russie, blocage turc ou hongrois de l’OTAN, polémique sur les réseaux sociaux et atermoiements bruxellois. Pendant le déroulé de cette crise, à aucun moment il ne serait opportun pour la France de faire valoir que l’intégrité du ou des pays menacés constitue un « intérêt vital » pour Paris. Ni l’opinion, ni nos autres alliés, ni la Russie ne jugeraient crédible une menace nucléaire de la part de Paris, qui s’attirerait en outre un feu nourri de critiques en provenance d’une communauté internationale « hors zone OCDE » assez sensible à la question de la retenue dans l’usage, même rhétorique, de l’arme nucléaire.
La crise continuant, en cas de mise en péril de l’intégrité territoriale d’un État de l’Alliance, la question de l’engagement au sol à son profit se poserait. Qu’il se fasse « avec l’OTAN » et sous la justification de l’article 5 du traité de l’Atlantique nord serait le cas le plus favorable, celui que la Russie souhaite éviter : bénéficiant du soutien des forces américaines, de leurs capacités clé de voûte (espace, cyber, C3, dissuasion, guerre électronique), la victoire conventionnelle défensive serait sans doute possible. Encore faudrait-il, pour qu’elle y prenne sa part et tienne ses engagements, que la France soit en capacité de projeter une division de combat, avec ses soutiens, pour de longs mois. L’hypothèse serait alors celle d’une crise qui à défaut d’être proche, serait encore « courte et forte », un conflit dont le risque d’ascension aux extrêmes — s’il ne peut jamais être totalement écarté — pourrait néanmoins être contenu, les dirigeants russes devant comprendre rapidement qu’ils devraient se retirer sous peine de ne pas pouvoir cacher à leur opinion leur défaite face au potentiel de l’Alliance qui leur est très supérieur. Mais ce scénario « OTAN uni » n’est plus (hélas) le seul à considérer. Il est parfaitement possible, au vu de l’évolution de la politique américaine, que les craintes françaises exprimées depuis plus de 70 ans soient finalement fondées, plaçant Paris dans une situation de « victoire morale », mais aussi au pied du mur. Après avoir plaidé pour une défense européenne plus autonome en cas de défaut américain, la France devrait « assumer ».
L’hypothèse d’une Europe qui assume seule la tentative de mise en échec d’une agression russe d’une partie de son espace dans le cadre d’une crise hybride prolongée est un véritable casse-tête. Outre l’aspect diplomatique qui consisterait en la création et surtout au maintien dans la durée d’une coalition de bonnes volontés très dépendantes de l’État, toujours fluctuant, des forces politiques en Europe, il faudrait surtout parvenir sur le plan militaire à assumer un combat potentiellement durable, surtout si la Russie, voyant l’échec (encore) de son contournement de la lutte armée, se décidait à assumer une posture offensive plus transparente après s’être assurée d’un nihil obstat américain. D’un engagement initial de quelques bataillons, la France se retrouverait avec une brigade au bout de quelques semaines, puis une division au bout de quelques mois, au sein d’une coalition hétéroclite pouvant rassembler Britanniques, Belges, Baltes, Polonais, Tchèques, Scandinaves, Canadiens… Mais sans doute sans l’Allemagne, de manière directe, ni la plupart des pays d’Europe occidentale.
Les premiers cercueils des militaires français passant le pont de l’Alma susciteraient une émotion intense, mais on ne va pas au seuil nucléaire pour 10 morts. Ni pour 100. Et pour 1 000 ? Mille morts militaires — professionnels et non conscrits — pour la France serait à la fois immense, mais bien peu au regard de l’histoire ou des hypothèses de la guerre froide, surtout si ce chiffre est atteint au bout de six mois ou un an d’engagement purement conventionnel qui, après quelques mois, n’occuperait plus le devant d’une scène médiatique volatile. Outre le fait que l’armée française serait, au bout de cette année, à la peine pour régénérer un dispositif qui aurait perdu environ 4 000 hommes (avec un ratio de trois blessés pour un tué) et des centaines de véhicules, sa dissuasion pèserait peu dans le conflit : elle se prémunirait contre toute menace nucléaire sur notre territoire national, se sanctuariserait sans doute aussi contre des frappes conventionnelles massives sur la métropole, mais serait peu crédible pour contraindre Moscou… À quoi d’ailleurs ? « Dévoiler ses intentions » ?
Aucun président français ne serait crédible en annonçant à ses adversaires, ses alliés ou le monde qu’il fait de la survie de l’intégrité du territoire estonien une question d’intérêt vitaljustifiant un « ultime avertissement » sous la forme du tir d’une ou plusieurs armes de 300 kilotonnes, rompant un tabou nucléaire vieux de plus de 80 ans. La Russie, en revanche, aurait beau jeu de rappeler, surtout si elle est en situation de défaite sur le champ de bataille, qu’elle dispose de moyens nucléaires tactiques qu’elle pourrait décider d’employer, y compris sur son propre territoire, pour oblitérer bases ou forces adverses de la coalition européenne, tout en maintenant qu’une guerre nucléaire demeure impossible à gagner et doit être évitée.
Les premiers cercueils des militaires français passant le pont de l’Alma susciteraient une émotion intense, mais on ne va pas au seuil nucléaire pour 10 morts. Ni pour 100. Et pour 1000 ?
Stéphane Audrand
Mais même en cas de violation du tabou nucléaire par la Russie sur un champ de bataille qui entraînerait la mort de quelques milliers de militaires européens, serait-il crédible, là encore, d’engager le cœur de la dissuasion dans son format actuel pour contrer cette menace ? La réponse assez candide d’Emmanuel Macron quant à l’absence de réponse nucléaire française à une hypothétique frappe nucléaire russe sur l’Ukraine en 2022 permet au moins d’en douter et, en matière de dissuasion, la volonté du dirigeant est au moins aussi importante que la crédibilité de son arsenal. Une des raisons principales de cette difficulté est que la dissuasion française n’a pas vraiment de « gradation » dans son concept d’emploi et son arsenal. Depuis la disparition de la composante terrestre et de la Force aérienne tactique, son échelle manque de barreaux pour affronter des crises majeures mais non existentielles, trop sérieuses pour qu’on les ignore mais trop lointaines pour qu’on puisse envisager d’assumer la menace radicale d’une destruction mutuelle assurée. Certes, les Forces Aériennes Stratégiques conservent, avec le missile ASMP-A, un moyen aérien permettant des frappes plus « dosées » que les SNLE, mais leur rôle est, comme leur nom le suggère, éminemment stratégique et leur engagement serait porteur d’un signal clair : la France envoie son avertissement nucléaire, elle est prête à monter aux extrêmes, ce qui ne serait pas forcément le cas, loin de là.
Européaniser la dissuasion française : « réponse flexible », « dissuasion intégrée », « arsenal bis »
Le destin de la dissuasion nucléaire française est sans doute, comme certains l’ont écrit avec à-propos, de ne plus être à l’avenir « chimiquement pure 14 », à la fois dans l’isolement de l’arme nucléaire par rapport aux affrontements conventionnels, mais aussi par l’idée que cette arme ne serait qu’un objet dissuasif en toutes circonstances. Le concept français, on l’a vu, était pertinent lorsque la menace était forte, proche et devait se concrétiser de manière brutale et existentielle. Dans ces conditions, il y avait une vraie logique à refuser le principe même d’une guerre conventionnelle (au-delà d’un choc court) et à s’en remettre à la promesse d’anéantissement mutuel pour stopper l’agression au bord du gouffre. Les déclarations françaises qui concernant son étranger frontalier proche (la République Fédérale d’Allemagne) pouvaient être crédibles, car là encore très proches du territoire national et impliquant un corps de bataille de conscrits. Mais l’extension d’un « parapluie » nucléaire français à l’Europe centrale et orientale, à notre profondeur stratégique, ne peut pas se faire avec la même doctrine ni le même arsenal.
Il ne s’agit pas d’ailleurs seulement d’une question de nombre d’armes ou de format des composantes actuelles, mais plutôt de revoir le cœur de la conception de l’arme nucléaire française. L’exemple américain des garanties à l’Europe est ici éclairant : passées les toutes premières années de la guerre froide et dès qu’exista le risque d’anéantissement mutuel, il était devenu évident que les États-Unis ne seraient pas forcément prêts à risquer leur survie s’ils pouvaient espérer, sans désavouer leurs alliés, contenir un conflit au continent européen. La conséquence fut d’une part que les forces conventionnelles prirent une importance croissante et, d’autre part, que les États-Unis, pour prévenir tout découplage en cas d’attaque nucléaire soviétique limitée au continent européen, se dotèrent de moyens à portée limitée pour offrir une garantie crédible de riposte nucléaire depuis l’Europe qui n’engagerait pas le cœur de la triade protégeant l’Amérique du Nord. Cet exemple peut servir de guide pour penser l’avenir d’une forme de dissuasion nucléaire française au profit de l’espace européen.
Cela supposerait bien entendu de commencer par admettre que Berlin, Varsovie ou Tallin ne seront jamais Paris. Il n’y a d’ailleurs ni mépris ni abandon dans cette remarque, simplement le constat lucide que l’organisation actuelle de l’Europe en États nations repose sur une réalité de communautés nationales qui, si elles peuvent être proches, solidaires et confraternelles, ne sont néanmoins ni fongibles ni vouées à se sacrifier les unes au détriment des autres. Mais elles peuvent partager leur défense, et le font déjà pour la plupart au sein de l’OTAN. Pour qu’elle soit crédible, une garantie nucléaire française doit respecter cette réalité, tout en respectant aussi l’ordre nucléaire mondial et sa clé de voûte, le Traité de non prolifération. Il est donc exclu à la fois de transférer des armes nucléaires « à l’Europe », mais aussi d’encourager une prolifération nationale d’autres pays européens.
La première crédibilité de la dissuasion nucléaire française au profit d’une Europe qui serait au moins en partie « abandonnée » par l’allié américain passe donc par le renforcement des forces conventionnelles françaises. Pas pour recréer un corps de bataille sacrificiel de conscrits, mais pour mettre à disposition de l’Alliance, comme Paris s’y est engagée, des forces de combat terrestre d’un volume suffisant (une division avec l’arme aérienne et le soutien naval associés), pouvant être soutenue et relevée dans la durée, malgré des pertes lourdes. Cela suppose un effort capacitaire et industriel, mais aussi humain. Pas sous la forme d’un service national, mais plutôt d’un accroissement volumétrique de la réserve opérationnelle, en nombre mais aussi en jours d’activité annuels. Si, comme le soulignait le chef d’État major de l’armée de terre, avant de penser volume il faut penser cohérence, on ne peut pas faire l’économie de penser le nombre et les pertes. Cet effort est complémentaire du renforcement de la défense antiaérienne et antimissiles ou de l’acquisition de capacités de frappes conventionnelles dans la profondeur, qui donneraient là encore plus de flexibilité pour gérer une escalade avec la Russie.
Ajoutons qu’il faut aussi être prêts à faire cet effort dans le temps long. Si un éventuel conflit entre la Russie et l’espace européen serait sans doute bien moins violent que les hypothèses de 1964-1991, il serait sans doute plus long et pèserait sur des forces plus petites qui doivent gagner autant en profondeur temporelle qu’en cohérence et en masse. Pouvoir non pas dire, mais montrer à nos alliés et nos adversaires que « nous serons là, en nombre, dans la durée » est la première condition pour être crédibles et dissuasifs. Et pouvoir envisager de mettre en échec une agression russe par des moyens purement conventionnels est à la fois devenu possible et tout à fait souhaitable. Dans l’État actuel des choses, tant que dure au moins la garantie nucléaire américaine au profit de l’Europe, il est possible d’en rester là : européaniser la dissuasion française tant que Washington demeure fiable aux yeux de nos alliés n’est sans doute pas envisageable. Or, les États-Unis pourraient vouloir à la fois se retirer ou s’abstenir en cas de crise sur le plan conventionnel, mais maintenir une forme de garantie nucléaire en dernier ressort.
Et si les États-Unis « partaient » ou que certains pays d’Europe admettaient, à l’image de la France, que leur garantie nucléaire pourrait être incertaine ? Bruno Tertrais évoquait la première possibilité dans ces pages en parlant d’un « scénario Trump », qui se traduirait par un lien transatlantique nucléaire délibérément cassé par le président-élu américain. Alors, la seconde étape de la crédibilité serait de disposer, à l’image des Euromissiles, d’une forme d’arsenal « bis », séparé du cœur de la dissuasion nationale qui reposerait toujours sur le tandem FAS-FOST. Centré sur une composante terrestre (missiles balistiques et de croisière sur transport érecteur lanceur), cet arsenal de quelques dizaines d’armes pourrait être basé en totalité hors de France, dans des pays partenaires volontaires, via des accords bilatéraux avec Paris, à l’image des accords permettant aujourd’hui l’implantation d’armes nucléaires américaines en Europe. La dualité des vecteurs serait assumée, ce qui est moins problématique pour des forces non stratégiques (après tout, un Rafale est déjà un « vecteur dual »), et ces forces pourraient à la fois contribuer aux frappes conventionnelles dans la profondeur et permettre d’assumer une escalade nucléaire « non stratégique » si la Russie souhaitait s’engager sur ce terrain. Cet arsenal « bis », qui demeurerait la propriété de la France sous son contrôle exclusif pour être en conformité avec le TNP, offrirait, en cas de crise, une précieuse réassurance collective et une étape intermédiaire dans le dialogue nucléaire, susceptible de répondre aux armes nucléaires tactiques russes engagées contre les forces françaises ou le territoire de ses alliés sans que ses options se limitent à « le M51 ou rien ». Bien entendu, le coût de cette restauration de la composante terrestre ne serait pas négligeable et il serait souhaitable que les pays qui en bénéficient puissent contribuer d’une manière ou d’une autre à la prise en charge de ce fardeau commun, là encore sans violer le cadre de la non-prolifération. La séparation de cet arsenal du reste des forces de dissuasion rendrait la démarche budgétaire plus facile.
Le dernier élément de crédibilité, celui qui en fait fonde les autres, serait une évolution de la doctrine française et de sa pensée stratégique, pour la mettre en cohérence avec les enjeux européens et le niveau de la menace. Encore une fois, il s’agit de défendre de manière crédible une profondeur stratégique qui n’est pas nationale, sans prétendre de manière fallacieuse que son intégrité est « vitale » pour nous. La prise en compte de l’arsenal « bis » impliquerait de construire une doctrine qui serait toujours dissuasive et défensive. La France peut et doit continuer de refuser le principe de la « bataille » nucléaire stratégique. Mais elle peut aussi admettre que certaines armes nucléaires de faible puissance pourraient avoir leur utilité, séparément des forces stratégiques, pour contrer le risque d’usage de telles armes par la Russie, notamment si elle voyait ses forces conventionnelles s’effondrer face à l’Alliance et qu’elle souhaitait pour des raisons de politique intérieure notamment, renverser la table pour éviter la défaite en combinant usage militaire du nucléaire tactique et sanctuarisation agressive par menace nucléaire stratégique. La réponse « flexible » de l’arsenal « bis » français dans le cadre d’une dissuasion européenne « intégrée », cohabitant avec sa propre sanctuarisation stratégique, mettrait ainsi en échec cette option russe — la dissuaderait — et préserverait ce qui resterait le cœur de la réponse alliée, une action défensive conventionnelle. In fine, la France aurait préservé à la fois ses alliés et sa propre liberté d’action, ce qui est un des bénéfices les plus précieux de la dissuasion.
La France peut et doit continuer de refuser le principe de la « bataille » nucléaire stratégique. Mais elle peut aussi admettre que certaines armes nucléaires de faible puissance pourraient avoir leur utilité, séparément des forces stratégiques, pour contrer le risque d’usage de telles armes par la Russie
Stéphane Audrand
Admettons-le, ces réflexions reposent sur des hypothèses qui peuvent sembler lointaines ou impensables, hétérodoxes, voire hérétiques pour certains. La plus insupportable pour la plupart de nos alliés étant le retrait de la garantie américaine ou son affaiblissement terminal. Pourtant, en 2024, ce risque n’a jamais été aussi élevé depuis 1947 et la situation de la conflictualité en Europe n’a jamais connu un tel emballement depuis la fin des années 1970. Si nous voulons parvenir à éviter à la fois la guerre et la soumission, comme nous y sommes parvenus face à l’URSS, il faut élaborer une nouvelle posture défensive cohérente et crédible. La dissuasion française a admirablement rempli ce rôle ambigu au sein de l’Alliance jusqu’à la chute du mur de Berlin, lorsque la menace était à 300km de ses frontières. Maintenant qu’elle est à 1 500 kilomètres, il faut repenser la totalité de notre modèle de forces et de notre doctrine dissuasive, pour retrouver d’abord une capacité conventionnelle crédible qui sera suffisante tant que la protection américaine sur l’Europe sera crédible, et commencer à réfléchir au format et à la doctrine qui pourraient permettre d’offrir une forme de garantie de sécurité nucléaire élargie à l’Europe qui soit crédible. Ne pas le faire pourrait contribuer à encourager certains pays d’Europe à rechercher, de manière autonome, leur propre dissuasion, relançant les risques de prolifération au cœur du continent. Bien entendu, à l’heure où la France traverse des difficultés budgétaires durables, ce débat impose des choix et, sans doute, des renoncements qui doivent être affrontés en conscience, non par les armées ou la technostructure, mais bien par la classe politique.
Cette idée de « disparition » possible de la France est d’ailleurs évoquée sans détours par le général De Gaulle dans son discours du 15 février 1962. Cité par Nicolas Roche dans Pourquoi la dissuasion, Paris, PUF, 2017, p. 102.
Avery Goldstein (dir.) Deterrence and Security in the 21st Century — China, Britain, France and the Enduring legacy of the Nuclear Revolution, Stanford, Stanford UP, 2000.
Sur le « Hamburg Grab », voir Scott D. Sagan et Kenneth N Waltz, The spread of nuclear weapons — a debate renewed, New York, Norton, 2003.
Voir Pierre Vandier, La dissuasion au troisième âge nucléaire, Paris, Éditions du Rocher, 2018, p. 70-72.
C. Franc : « Le corps d’armée français — essai de mise en perspective », Revue de Tactique Générale, Paris, CDEC, p. 118-121, avril 2019.
Les résidents marchent sur le site d’une frappe de missile russe, au milieu de l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, à Dnipro, Ukraine, le 21 novembre 2024. Mykola Synelnykov / REUTERS
Cette frappe constituerait «surtout une poursuite de l’attitude escalatoire de la Russie», a indiqué le Quai d’Orsay, tout en soulignant qu’à ce stade, la France n’avait «pas eu la confirmation» d’un tel tir.
«Si ce tir était confirmé, il s’agirait d’un événement extrêmement grave», réagit la diplomatie française
Un tir de missile intercontinental de la Russie sur l’Ukraine serait «un événement extrêmement grave» s’il était avéré, a estimé jeudi le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. «Il est évident que si ce tir était confirmé, il s’agirait d’un événement extrêmement grave et il s’agirait surtout d’une poursuite de l’attitude escalatoire de la Russie», a indiqué Christophe Lemoine, tout en soulignant qu’à ce stade, la France n’avait «pas eu la confirmation» d’un tel tir.
Le «voisin fou» russe utilise l’Ukraine comme «un terrain d’essai», dénonce Zelensky
Le «voisin fou» russe utilise l’Ukraine comme «un terrain d’essai», a dénoncé Volodymyr Zelensky dont l’armée de l’air a accusé Moscou d’avoir tiré jeudi, pour la première fois de l’Histoire, un missile intercontinental sur son pays.
«Toutes ses caractéristiques: vitesse, altitude sont celles d’un missile balistique intercontinental. L’expertise est en cours», a-t-il déclaré dans une vidéo publiée sur Telegram. «Notre voisin fou (…) utilise l’Ukraine comme un terrain d’essai», a-t-il ajouté, estimant que cette attaque inédite montre «à quel point (Vladimir Poutine) a peur».
Un tir de missile intercontinental russe marquerait «une escalade», selon Downing Street
«Les informations provenant d’Ukraine sont profondément préoccupantes (…) Si c’était avéré, ce serait un nouvel exemple d’un comportement immoral, irresponsable, qui marquerait une escalade de la part de la Russie», a indiqué le porte-parole à des journalistes.
Selon Londres, les Russes préparent depuis «des mois» le tir d’un nouveau missile balistique
«Il y a aujourd’hui des informations de presse, non confirmées, selon lesquelles la Russie a tiré un nouveau missile balistique vers l’Ukraine, ce qu’ils (les Russes) préparent depuis des mois d’après ce que nous savons», a déclaré John Healey devant la commission Défense du Parlement britannique.
Le ministre a par ailleurs à nouveau refusé de confirmer que des missiles de croisière britanniques Storm Shadow avaient été tirés par l’Ukraine vers la Russie. Le ministère russe de la Défense a annoncé jeudi avoir abattu deux missiles de ce type tirés par l’Ukraine et qui visaient son territoire, sans préciser le lieu ni le moment de cette interception.
«Les actions des Ukrainiens sur le terrain parlent d’elles-mêmes, n’ayez aucun doute que le gouvernement britannique accroît son soutien pour l’Ukraine», a toutefois indiqué John Healey, rappelant avoir discuté avec ses homologues ukrainien Roustem Oumierov mardi, et américain Lloyd Austin dimanche.
«Je ne vais pas rentrer dans les détails opérationnels du conflit. Cela mettrait en péril la sécurité des opérations et en fin de compte, le seul qui bénéficierait d’un tel débat public est le président (russe Vladimir) Poutine», a-t-il répété.
Le ministre britannique de la Défense John Healey. Kin Cheung / REUTER