« L’humanité est à un malentendu de l’anéantissement » : Lettre ASAF du mois de mars 2023

« L’humanité est à un malentendu de l’anéantissement » : Lettre ASAF du mois de mars 2023

 

Souvenons-nous de Sarajevo ! Celui du 28 juin 1914 qui a vu l’assassinat d’un obscur archiduc, certes prince héritier de l’Empire d’Autriche Hongrie, mais pratiquement inconnu des chancelleries européennes. Et pourtant ! La conséquence en fut une guerre mondiale de 51 mois, 20 millions de morts, 21 millions de blessés et le démembrement de quatre empires : russe, austro-hongrois, allemand et ottoman.

« L’humanité est à un malentendu de l’anéantissement » : Lettre ASAF du mois de mars 2023

« L’humanité est à un malentendu de l’anéantissement »
Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, le 1er août 2022

 

Souvenons-nous de Sarajevo ! Celui du 28 juin 1914 qui a vu l’assassinat d’un obscur archiduc, certes prince héritier de l’Empire d’Autriche Hongrie, mais pratiquement inconnu des chancelleries européennes. Et pourtant ! La conséquence en fut une guerre mondiale de 51 mois, 20 millions de morts, 21 millions de blessés et le démembrement de quatre empires : russe, austro-hongrois, allemand et ottoman.

Aujourd’hui la guerre en Ukraine, outre l’affrontement direct de deux armées nationales et de milices plus ou moins affiliées à celles-ci, génère de nombreuses « frictions » aux frontières entre la Russie et ses voisins immédiats (Pays baltes, Pologne, Roumanie, Moldavie), y compris dans les espaces aériens correspondants et jusqu’en Méditerranée où des navires occidentaux sont souvent victimes d’attitudes « inamicales » de la part d’unités de la marine russe. En outre, depuis peu, la flotte russe du Nord a repris, en mer de Barents, une forte activité qui inquiète fort les pays scandinaves et principalement la Finlande et la Norvège.

Le 10 mars 2022, un drone de combat de fabrication russe, mais utilisé aussi par l’armée ukrainienne, s’est écrasé dans un parc en Croatie, après avoir survolé la Roumanie et la Hongrie, heureusement sans faire de victime. Aucun des belligérants n’a avoué être à l’origine de cette « bavure » que l’on ne connaît toujours pas aujourd’hui.. C’est dire que le sujet est suffisamment sérieux pour que seul le silence soit utilisé comme moyen pour éviter d’autres embrasements.

Mais peut-on ériger comme règle que de tels incidents n’auront jamais de suite ? Si un missile russe, même « égaré », tombait sur une école, un hôpital ou un centre commercial d’un pays frontalier de la Russie, membre de l’OTAN, en faisant de nombreuses victimes, ou si, à l’inverse, un pilote français d’un avion Rafale basé en Lituanie, un peu fébrile, détruisait un avion russe s’amusant à des provocations en s’introduisant dans l’espace aérien européen et otanien , sommes-nous sûrs que le conflit ne changerait pas de dimension ?

Sur les frontières séparant la Russie et l’Ukraine de leurs voisins otaniens, c’est-à-dire sur une bande nord-sud étendue, mais de profondeur relativement étroite, sont concentrés tellement de moyens militaires et d’armements modernes que les risques d’un « malentendu » sont multipliés. Certes, les états-majors occidentaux veillent à réduire au maximum ces aléas, mais un accident est toujours possible.

Néanmoins, et même si le pire n’est pas toujours sûr, où pourrait nous conduire une telle « bavure » ? À une troisième guerre mondiale comme Sarajevo nous a conduits à la première ?  Certes, le contexte n’est pas le même et, en particulier, la dissuasion nucléaire n’existait pas en 1914. Cependant, l’arme nucléaire est-elle une garantie absolue d’éviter l’extension de la guerre ? Arme de non emploi, elle suppose que ceux qui en sont dotés adhèrent à l’essence même de la dissuasion qui repose sur un raisonnement cartésien, presque sur une logique mathématique : si tu me fais du mal et même si tu me détruis, je serai moi-aussi capable de te détruire. Est-on sûr que le logiciel intellectuel de monsieur Poutine fonctionne comme le nôtre et que le maître du Kremlin soit sensible à une casuistique nucléaire qui repose sur un mode de raisonnement extrêmement subtile ?

Dès l’été 1944, il était écrit que l’Allemagne serait vaincue et même écrasée. Cela a-t-il empêché Hitler de poursuivre la lutte au risque de l’anéantissement de sa population ? Non ! La première bombe atomique lancée sur Hiroshima n’a pas suffi à faire plier le militarisme japonais ; il en a fallu une seconde sur Nagasaki. L’opération militaire américaine El Dorado Canyon menée en 1986 contre Kadhafi a-t-elle amené celui-ci à résipiscence ? Non ! Il a fallu une nouvelle opération, multinationale celle-là, en 2011, pour éliminer ce fauteur de troubles.

« Le Rhin sort de son lit, jusqu’au bûcher ; le feu se répand au sein du Walhalla, le paradis des guerriers, qui finit par brûler de fond en comble. Un monde disparaît, un autre est à reconstruire… » Les dignitaires nazis, à commencer par leur chef suprême, adoraient Richard Wagner. Pourtant ; c’est bien ainsi que se termine le « Crépuscule des Dieux » préfigurant la propre fin de leur régime. Espérons que monsieur Poutine soit plus sensible à la musique de « Kalinka » ou des « Bateliers de la Volga » qu’à celle du maître de Bayreuth.                                                                                                      

Gilbert Robinet
Secrétaire général de l’ASAF

https://www.asafrance.fr/item/le-necessaire-retour-des-forces-morales-lettre-asaf-du-mois-de-mars-2023.html

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“Le nécessaire retour des forces morales” : Lettre ASAF du mois de février 2023

Le nécessaire retour des forces morales” : Lettre ASAF du mois de février 2023

À l’heure où nous commémorons, ce mois-ci, le 107anniversaire de la bataille de Verdun, notre pays est envahi par la morosité. Il est vrai que, depuis trois ans, il traverse sans discontinuer des difficultés de tous ordres […]. Cependant, nous devrions nous interroger sur les ressorts qui ont permis, à Verdun, à des hommes […] de tenir.

"Le nécessaire retour des forces morales" : Lettre ASAF du mois de février 2023

Le nécessaire retour des forces morales

« Les poitrines sont le meilleur rempart de la cité »
(Thucydide 400 ans av. J.-C.)

À l’heure où nous commémorons, ce mois-ci, le 107anniversaire de la bataille de Verdun, notre pays est envahi par la morosité. Il est vrai que, depuis trois ans, il traverse sans discontinuer des  difficultés de tous ordres : pandémie, mouvements sociaux et grèves à répétition, inflation, crise énergétique, accidents climatiques, spectre de la guerre à la frontière de l’Europe. Cependant, nous devrions nous interroger sur les ressorts qui ont permis, à Verdun,  à des hommes, appartenant à toutes les classes sociales, aux niveaux scolaires et culturels les plus variés et dont les vies antérieures allaient de la plus confortable à la plus rude, de tenir.

Si, dès les premiers jours de la bataille  qui en compta 301 (du 21 janvier au 18 décembre 1916), la résistance fut aussi acharnée, c’est parce que les combattants acceptèrent, quand bien-même cela aurait pu, parfois, leur paraître discutable sur le plan tactique, de tenir le terrain à tout prix (formule souvent utilisée dans les ordres du jour des chefs), sans aucune tentation de révolte et souvent dans les pires conditions. Pourquoi ? Parce que ces hommes défendaient  leur territoire tout autant qu’ils obéissaient à leurs chefs. Chaque soldat défendait avec acharnement son morceau de créneau, sur parfois à peine plus d’un mètre de terrain, parce qu’il avait conscience que derrière lui se tenait le pays tout entier et, en son sein, sa mère, sa femme ou encore ses enfants. Son moteur ? La force morale ! Verdun fut avant tout le triomphe des forces morales.

La victoire de Verdun montre ce que peut faire un peuple qui ne veut pas mourir. Un nouvel exemple de ce que peut-être la force d’âme d’un peuple nous est donné aujourd’hui par les Ukrainiens. C’est précisément cette volonté que le peuple français d’aujourd’hui a perdue et qu’il doit retrouver. Depuis quatre ans, des sondages répétés montrent que les Français font preuve d’un immense pessimisme et, parmi eux, les jeunes plus encore que leurs aînés. Au sein de l’Union européenne, ils sont médaillés d’argent, seule l’Italie se montrant encore moins confiante en l’avenir.

Tout cela pourrait apparaître comme une caractéristique bien française, une forme d’individualisme bien connue, bref, un péché véniel. Sauf que, comme ne cessent de nous le répéter nos responsables politiques, « nous sommes en guerre » et, de surcroît, une autre guerre, aux frontières de l’Europe, menace notre vie intérieure. Or, la guerre est précisément la circonstance qui exige, de la part des habitants d’un pays attaqué, le sursaut moral le plus grand. Il n’y a pas d’événement supérieur à celui-ci en termes d’exigences ! De plus, ce sont précisément des jeunes qui ont constitué, le 13 novembre 2015 , l’essentiel des cibles des terroristes qui ont frappé à Paris. Ce sont donc ces jeunes qui, en priorité, doivent trouver les forces morales permettant à notre pays de rester debout.

Si néanmoins les jeunes Français ont besoin pour ce faire de références, de modèles, il leur suffit de penser à ces autres jeunes du même âge, et qui pourraient être leurs frères et sœurs (qui le sont peut-être dans certains cas) et qui combattent sur terre, sur mer et dans les airs, au Sahel, dans le Golfe arabo-persique ou en Méditerranée orientale, ou encore à tous ces soldats qu’ils croisent dans leur quotidien dans nos villes dans le cadre de l’opération Sentinelle. Ces soldats, comme leurs lointains parents de 1914 (oui, parents, car pas une seule  famille française n’a pas eu au moins l’un de ses membres, proche ou lointain, mobilisé entre 1914 et 1918) n’ont pas seulement le sentiment d’avoir derrière eux des dunes de sable, des regs, des vagues soulevées par la houle ou des nuages plus ou moins menaçants, mais aussi leur maison, celle de leurs parents ou de leurs amis. En traquant les terroristes jusque dans leurs repères, c’est le territoire national français qu’ils défendent.

Pour ce qui concerne les aspects strictement militaires, qui sont ceux qui, au premier chef, intéressent l’ASAF, il faut que la France retrouve son rang de puissance et, pour cela, se réarme. Un accroissement substantiel des moyens doit s’accompagner d’une doctrine militaire adaptée à une nouvelle vision en matière de politique étrangère en direction du Moyen-Orient, de l’Afrique, mais aussi, désormais, de l’Europe où le combat de haute intensité est de retour comme l’avait prédit l’actuel chef d’état-major des Armées.

Nous devons aujourd’hui faire preuve de courage pour gagner non pas la guerre, mais les guerres, celle  qui est portée sur notre sol et celle qui nous menace depuis l’Est. Cependant, la valeur de notre outil militaire dépend, en très grande partie, du moral de la Nation car d’une part, dans notre démocratie, c’est elle-même qui règle notre organisation militaire et d’autre part parce que nos soldats en émanent et que leur état d’esprit ne peut pas être très différent de celui de leurs concitoyens. Enfin, n’oublions jamais qu’en dernier ressort, et quelles que soient la quantité et la qualité des équipements militaires dont on dispose, c’est toujours avec son âme que l’on se bat.

La RÉDACTION de L’ASAF
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“L’identité nationale” : Lettre ASAF du mois de janvier 2023

L’identité nationale” : Lettre ASAF du mois de janvier 2023

 

À l’aube de la quarantième année d’existence de notre association, il est bon de rappeler que, parmi les éléments constitutifs de ses fondations, se trouve sa perception d’une unité nationale française. Notre identité nationale, c’est d’abord une histoire d’amour : l’amour d’un pays, de son passé, de son présent et même du futur que l’on espère pour lui.

"L’identité nationale" : Lettre ASAF du mois de janvier 2023

L’identité nationale

À l’aube de la quarantième année d’existence de notre association, il est bon de rappeler que, parmi les éléments constitutifs de ses fondations, se trouve sa perception d’une unité nationale française. Notre identité nationale, c’est d’abord une histoire d’amour : l’amour d’un pays, de son passé, de son présent et même du futur que l’on espère pour lui. En donner une définition est donc rigoureusement impossible. De même que l’amour entre des personnes est un hasard qui devient destin, l’identité nationale est la somme de hasards individuels qui deviennent destin collectif.

Oui, naître Français est le fruit du hasard. Le devenir aussi, car les prétendants à la citoyenneté française, que cela soit par désir ou par nécessité, ont souvent subi, dans leur pays d’origine, des événements qu’ils n’ont pas choisis. Nés sur le sol de France ou non, ceux qui  y vivent doivent l’aimer. Qu’importe la façon dont apparaît et se développe cet amour : ce peut-être le coup de foudre, ou un amour qui se construit jour après jour, voire un amour « de raison ». Ce peut être aussi un  amour « passion » au nom duquel on est prêt à tout donner, y compris sa vie, ou une  immense tendresse alimentée par les voix de tous ceux qui se sont tus après avoir apporté une pierre à l’édification de notre patrimoine commun, ou encore un amour acquis « non par le sang reçu, mais par le sang versé ».

C’est l’agrégation, dans le creuset commun de la Nation, de tous ces amours aux formes diverses qui constitue notre destin commun. On pourrait aussi la nommer « solidarité nationale ». Cette solidarité a un ciment : c’est, comme le disait Ernest Renan[1], « le sentiment des sacrifices que l’on a faits et de ceux que l’on est disposé à faire ». Traduisons en langage plus commun : c’est, simultanément, la commémoration du 11 novembre et  l’engagement volontaire, dans les armées, du jeune Français qui sait qu’il risque de partir en opération, au Sahel  ou ailleurs, où il risquera sa vie.

Certains seraient tentés de définir la Nation autour de la République et de la laïcité, d’autres autour des valeurs chrétiennes, d’autres encore en se référant à l’héritage de Pascal ou Montesquieu, de Hugo ou Zola, de Sartre ou Aron. Qu’importe si ce sont là, pour les uns ou pour les autres, leurs façons particulières d’exprimer leur amour de leur pays ! Ce qui compte, c’est  la finalité, c’est-à-dire la constitution, autour de ces valeurs variées, d’une conscience morale partagée.

Bien sûr, pour tenter de dessiner les contours de l’identité nationale peuvent aussi être avancées  des considérations relatives à la race, à la langue, à  la religion, aux fleuves et aux rivières, aux montagnes et aux collines, aux pâturages et aux vignobles, aux châteaux, aux églises, à toutes  les vieilles pierres qui témoignent de l’œuvre et, souvent, du génie de nos pères bref, à tout ce  qui constitue l’Histoire de notre pays. Une Histoire, soit dit en passant, qui est une.  On ne peut la découper en rondelles : il faut la prendre tout entière ou la laisser. C’est Marc Bloch qui disait[2] : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération ».

Alors voilà, nous, membres de l’ASAF, aimons notre pays. Depuis quarante ans bientôt, notre association travaille au rassemblement d’un maximum de Français autour d’un certain nombre de valeurs que vous, lecteurs de cette lettre, vous partagez. Depuis quarante ans bientôt, année après année, nos liens se sont resserrés et nous avons bâti une œuvre commune. Entre nous des affinités (au sens littéral du terme) si fortes se sont créées que les liens qui nous unissent sont indissolubles comme le sont les liens du sang. Nous nous sentons en analogie  tant nous nous  ressemblons. Tiens, n’est-ce pas là  la description d’une identité, la nôtre, l’identité ASAF qui est une partie indissociable de notre identité nationale ?

 

La RÉDACTION de l’ASAF
www.asafrance.fr


[1] Lors d’une conférence prononcée à la Sorbonne le 11 mars 1882 et intitulée : « Qu’est-ce qu’une Nation ? ».

[2] En 1940, dans son livre L’Étrange Défaite.

“L’Europe : Un espace géographique où Noël est fêté partout”. Lettre ASAF du mois de décembre 2022

L’Europe : Un espace géographique où Noël est fêté partout“. Lettre ASAF du mois de décembre 2022

                                                                                 Christmas Market At Cologne Cathedral

 

« S’inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’État de droit… ». Voici le salmigondis qui aurait dû servir d’introduction au traité constitutionnel européen de 2004 qui, en définitive, n’a pas été ratifié, et qui ouvre le traité de Lisbonne de 2007 qui lui a été substitué. Cette formule est d’une rare malhonnêteté intellectuelle puisqu’elle nie, implicitement, que l’ « héritage religieux » dont parle le texte est, sur le continent européen, à 99 % chrétien.

"L’Europe : Un espace géographique où Noël est fêté partout". Lettre ASAF du mois de décembre 2022

“L’Europe : un espace géographique où Noël est fêté partout”

 

Il y a 15 ans, le 13 décembre 2007, était ratifié le traité de Lisbonne

 

« S’inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’État de droit… ». Voici le salmigondis qui aurait dû servir d’introduction au traité constitutionnel européen de 2004 qui, en définitive, n’a pas été ratifié, et qui ouvre le traité de Lisbonne de 2007 qui lui a été substitué. Cette formule est d’une rare malhonnêteté intellectuelle puisqu’elle nie, implicitement, que l’ « héritage religieux » dont parle le texte est, sur le continent européen, à 99 % chrétien. Il aura donc fallu tout le cosmopolitisme de l’élite technocratique européenne pour évacuer toute référence explicite aux racines chrétiennes de l’Europe. Cerise sur le gâteau, dans ce jeu d’esquive malsain, de convictions identitaires incertaines, de déni de soi-même, le président de la République française du moment, inspiré sans doute par sa pathétique propension à la repentance, a pesé d’un poids décisif.

Pourtant, relisons ce qu’écrivait Fernand Braudel en 1986[1]: « En fait, l’expérience carolingienne est à l’origine – ou, si vous préférez, elle a confirmé la naissance – de la Chrétienté et aussi de l’Europe, les deux termes étant alors identiques, comme deux figures géométriques qui, exactement, se recouvrent ».

Tous les historiens s’accordent pour dire que c’est du  Xe  ou XIe  siècle jusqu’au milieu du XVe  que le destin de la France et de l’Europe s’est joué de façon irréversible. Ces siècles sont au coeur de notre histoire. Or, précisément, dès les premières années du XIe  siècle déferle sur l’Europe une vague de constructions d’églises nouvelles. Un chroniqueur de l’époque s’extasie : « C’était comme si le monde, en secouant son ancien costume, s’était redressé dans le blanc manteau d’églises nouvelles ». C’est le début de l’architecture romane qui, jusqu’au XIIsiècle, modèlera les paysages sur l’ensemble du continent. L’Europe alors se constitue et s’affirme ; elle se consolide, se cimente. Mais elle le fait justement parce qu’elle s’affirme chrétienne. Donnons à nouveau la parole à Fernand Braudel qui nous dit que dans cette période : « L’Europe n’est une que parce qu’elle est, en même temps, la Chrétienté ; mais la Chrétienté et, avec elle, l’Europe ne peuvent affirmer leur identité que face à l’autre. Aucun groupe, quelle que soit sa nature, ne se forme mieux qu’en s’opposant à un tiers. À sa façon, l’Islam aura participé à la genèse de l’Europe. D’où l’importance des croisades [2]»

Hou la la, monsieur Braudel ! Si vous teniez ces propos aujourd’hui, il n’est pas certain que votre agrégation d’histoire, vos douze diplômes de docteur « honoris causa » d’universités étrangères, votre Légion d’honneur[3] ou votre fauteuil à l’Académie française[4] vous épargneraient d’être traité d’affreux « islamophobe ». Pourtant, les musulmans intégristes, eux, ne s’y trompent pas et font référence plus volontiers que nous à cette période de notre histoire.  Ils continuent à nommer les Occidentaux et/ou les Chrétiens, car eux ont bien compris que  les deux se confondent : « les Croisés » !

Mais revenons à la déclaration introductive du traité de Lisbonne. On y fait référence à l’héritage humaniste de l’Europe. En vérité, c’est là une contrefaçon sémantique ayant pour objet d’éviter d’écrire « origine chrétienne de l’Europe ». Car, en effet, l’humanisme, c’est-à-dire « la position philosophique qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs [5]» est, par définition, d’essence chrétienne. La reconnaissance de l’individu procède par nature du message évangélique et s’oppose à l’ « umma » de l’Islam, c’est-à-dire à la communauté des croyants qui seule compte. Cette souveraineté de la personne, son unicité, sa responsabilité, sa capacité à choisir et aussi à espérer, qui n’ont rien à voir avec la forme dévoyée qu’est l’individualisme qui, hélas, nous submerge aujourd’hui, sont, par nature, d’essence chrétienne et européenne. Ce sont d’ailleurs ces notions qu’ont reprises les philosophes des Lumières sous une forme sécularisée. Elles constituent l’antithèse du caractère inéluctable de la destinée du musulman tout entier contenu dans la formule récurrente « Inch Allah ! ».

Ces quelques rappels historiques en même temps que théologiques devraient permettre d’éclaircir certaines zones d’ombre qui obscurcissent la pensée de certaines bonnes âmes et qui jouent chez elles le rôle de ce que Freud appelait le « continent noir » quand il évoquait la psychologie féminine :

  • La Turquie a-t-elle jamais eu vocation à rejoindre un jour l’Europe, quand bien même serait-elle devenue alors un modèle de démocratie ? La réponse est évidemment non !
  • Est-il normal, acceptable, souhaitable, utile, nécessaire de donner des gages aux « autres » (selon la terminologie de Braudel)  en gommant la croix rouge de nos véhicules sanitaires militaires  ou en demandant à nos militaires féminins de porter le tchador sous prétexte que nous sommes chez eux (la plupart du temps à leur demande), alors que, sur le territoire national, ceux qui se revendiquent de l’Islam prient dans nos rues ? De la même façon la réponse est non !
  • Peut-on refuser aux Ukrainiens de s’intégrer à un ensemble « qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs » ? Là encore, la réponse est non !

Inscrite dans le marbre d’un ersatz de constitution, la non référence à ses racines chrétiennes a scellé le destin de l’Europe. Celle-ci a opéré un virage identitaire et a renoncé à ses valeurs de civilisation. « Inch Allah ! ».

 

 La RÉDACTION de L’ASAF

https://www.asafrance.fr/item/l-europe-un-espace-geographique-ou-noel-est-fete-partout.html

[1]Dans son livre L’identité de la France, tome 2 Les hommes et les choses,  page 105.

[2] Ibid. page 149.

[3] Grade de commandeur.

[4] Élu au fauteuil d’André Chamson en 1984.

[5] Définition du dictionnaire Larousse.

Une minute de silence pour la France des morts” : Lettre ASAF du mois de novembre 2022

Une minute de silence pour la France des morts” : Lettre ASAF du mois de novembre 2022

La minute de silence sur la tombe du Poilu Inconnu un an après la première minute de silence en France, Agence Meurisse, 1923 – source Gallica-BnF

 

il y a un siècle, le 11 novembre 1922, la France célébrait la première « minute de silence » de son histoire. Auparavant, l’hommage aux morts était marqué soit par le son des cloches, soit par celui des canons. C’est le président du Conseil d’alors, monsieur Raymond Poincaré, qui imposa cette nouvelle forme d’hommage.

 

"Une minute de silence pour la France des morts" : Lettre ASAF du mois de novembre 2022

“Une minute de silence pour la France des morts”

 

En ce mois de novembre 2022, un anniversaire risque de passer complètement inaperçu. En effet, il y a un siècle, le 11 novembre 1922, la France célébrait la première « minute de silence » de son histoire. Auparavant, l’hommage aux morts était marqué soit par le son des cloches, soit par celui des canons. C’est le président du Conseil d’alors, monsieur Raymond Poincaré, qui imposa cette nouvelle forme d’hommage.

Auparavant, en mai 1919, un journaliste et ancien combattant australien, Edward George Poney, avait proposé, dans une lettre ouverte au journal London Evening News, de substituer au caractère bruyant des célébrations d’alors un temps de recueillement silencieux. L’homme d’État sud-africain, Sir James Percy FitzPatrick, suggéra, lui, deux minutes de silence : une minute pour les morts et une autre pour les vivants. Le 27 octobre 1919, le roi George V rendit officielle cette mesure dans tout le Commonwealth. Depuis, cette tradition des deux minutes s’est perpétuée dans tous les pays anglo-saxons. En France, c’est donc la durée minimale qui a été choisie et encore, notre minute de silence est rarement respectée dans son intégralité.[1]

Nous sommes en novembre, mois dont les deux premiers jours sont dédiés au souvenir des morts et mois dont le onzième jour nous voit commémorer le souvenir de tous les morts de toutes les guerres. À cette occasion, nous pourrions aussi nous souvenir de ce que fut l’année 2020 lorsque l’épidémie de la Covid nous vit confinés, d’abord du 17 mars au 11 mai, puis du 30 octobre au 15 décembre. Les morts se comptaient mensuellement par milliers, parmi lesquels de nombreux personnels soignants. Alors, comme ce fut le cas pour les victimes des attentats, d’aucuns proposèrent que ces personnels soignants, morts de la Covid dans l’exercice de leur fonction, soient déclarés « Morts pour la France ». Cela ne fut pas possible puisque cette qualification est aujourd’hui réservée aux soldats tués lors d’opérations menées à l’extérieur du territoire national. Le lieutenant-colonel Beltrame, mort en mars 2018, dans des circonstances que tout le monde a encore en mémoire, n’a pu lui-même en bénéficier.  C’est peut-être l’utilisation de la mention « Mort pour le service de la Nation » qui a été retenue pour le lieutenant-colonel Beltrame qui aurait été, dans le cas de la Covid, la plus pertinente. Elle permet l’inscription des noms des bénéficiaires sur les monuments aux morts et la reconnaissance de leurs ayants droit enfants comme « pupilles de la Nation ».

Pour autant, et compte tenu des circonstances sanitaires qui ont fait qu’au cours des mois terribles du printemps 2020, les familles des morts de cette épidémie, de tous les morts et pas seulement des soignants, n’ont pas eu la possibilité de leur rendre l’hommage qu’elles souhaitaient, nous pourrions réfléchir à « un geste » qui pourrait les aider à faire leur deuil demeuré jusque-là impossible.

Ce qui rend à ces familles l’épreuve de la mort de leur proche insupportable, c’est d’une part le fait d’avoir dû laisser le défunt mourir seul et d’autre part de n’avoir pas pu se réunir pour une cérémonie de funérailles. Il y eut là un « empêchement » à la réalisation de deux aspirations humaines parmi les plus profondes et de ce fait fondamentales.

Sans réunion pour un dernier adieu, sans cérémonie d’hommage, le deuil est encore plus douloureux. De surcroît, l’identité du défunt se fond dans le drame collectif. Son corps devient un parmi tant d’autres et, comme on n’a pas pu le voir, on a du mal à accepter la réalité de la perte ce qui est le premier objet du deuil. Ces décès deviennent alors des « disparitions » comme dans le cas des marins péris en mer où des soldats morts au combat dont on n’a jamais retrouvé la dépouille.

Depuis cette période extraordinaire, il y a toujours, aujourd’hui, quotidiennement, des morts « ordinaires » de la Covid. Au total, depuis le début de l’épidémie, cette maladie a déjà tué plus de 150 000 Français soit plus que les morts cumulées lors des guerres d’Indochine (83 300) et d’Algérie (25 000).

L’État devrait faire quelque chose pour aider la cicatrisation d’une plaie qui aura du mal à se refermer. Il faudra de sa part un geste fort à inventer pour créer un espace physique et psychique permettant d’annihiler un sentiment collectif d’impuissance voire de culpabilité. De nombreuses options sont possibles : une journée nationale dédiée à toutes les victimes, mais il y en a déjà beaucoup et celle-ci risque d’être diluée dans le nombre ; des noms gravés quelque part à l’instar de Ground zero à New York, mais où ? Dans chaque ville ou village ou en un lieu unique ?

Mais on pourrait aussi, plus simplement, lors d’une cérémonie de funérailles nationales rendre hommage, de façon collective, à toutes les victimes, sans aucune distinction, de cette épidémie, avec la pose d’une plaque commémorative dans un lieu symbolique (Invalides, Arc de Triomphe ?) et avec l’exécution d’une vraie minute de silence qui durerait… soixante secondes. La France que nous aimons, c’est aussi celle de tous ses enfants morts, quelles que soient les circonstances. Les morts de la Covid acquièrent une dimension nationale puisqu’ils sont les victimes d’un drame qui ne l’est pas moins. Ce sont nos morts à tous.

 

La RÉDACTION de L’ASAF
www.asafrance.fr

 

[1]  Un journaliste du MondeDonald Walther, a chronométré les 83 minutes de silence observées à l’Assemblée nationale entre 1998 et 2016. Il en a fait la moyenne qui est de 32,47 secondes avec un minimum record à … 11 secondes.

” La « rentrée parlementaire » : un saut dans  l’inconnu ? ” : Lettre ASAF du mois d’octobre 2022

” La « rentrée parlementaire » : un saut dans  l’inconnu ? ” : Lettre ASAF du mois d’octobre 2022

 

Souvenez-vous : « Nous allons entrer dans un monde nouveau. Rien ne sera plus comme avant ». Voici le leitmotiv que des oracles autoproclamés nous ressassaient à l’envi, en 2020 et 2021, à longueur de confinements. …

" La « rentrée parlementaire » : un saut dans  l’inconnu ? " : Lettre ASAF du mois d'octobre 2022

La « rentrée parlementaire » :
un saut dans  l’inconnu ?

Quand vous lirez ces lignes, nous serons en pleine « rentrée parlementaire ».  Le mot rentrée, jadis, ne s’appliquait qu’au monde scolaire et marquait le retour des élèves dans les classes après les congés d’été que l’on nommait « les grandes vacances ».  Aujourd’hui, ce terme s’applique à toutes les catégories de la  société, chacune effectuant « sa rentrée », et donc, en particulier, à la classe politique et au Parlement. Il est temps, en effet, que le calendrier  politique « normal »  reprenne ses droits car, depuis l’élection présidentielle d’avril et les élections législatives de juin, nous avons assisté à une foire d’empoigne parlementaire qui n’a, en aucune façon, éclairci le débat. Quel sera le cap poursuivi  lors de ce  nouveau quinquennat alors que nous sommes, sur fond de guerre, au bord de l’inconnu ?

Ainsi, souvenez-vous : « Nous allons entrer dans un monde nouveau. Rien ne sera plus comme avant ». Voici le leitmotiv que des oracles autoproclamés nous ressassaient à l’envi, en 2020 et 2021, à longueur de confinements. Parmi eux, nombreux étaient les laudateurs de la mondialisation, du libéralisme effréné, du supranationalisme européen qui, devenus les émules des devins de la mythologie grecque,  n’avaient pourtant jamais envisagé que le monde dans lequel ils se complaisaient puisse un jour disparaître.

Mais, à la vérité, ces pythies se trompaient. Après la pandémie qui, bien qu’atténuée, est toujours active, nous ne sommes pas  entrés dans un nouveau monde, mais dans le monde ancien, celui de la guerre, d’une politique internationale faite de sanctions et de rétorsions, d’une résurgence « du sang, de la  sueur et des larmes ».

Après avoir subi les effets destructeurs du productivisme et de la marchandisation, nous allons devoir nous réapproprier notre autonomie dans de nombreux domaines à commencer par notre capacité à nous protéger et à nous soigner, mais aussi à nous alimenter, à nous chauffer et à faire tourner nos usines sans dépendre de l’approvisionnement en matières premières ou en énergie de l’étranger.

Il nous faut entrer dans une véritable  économie de guerre et pratiquer un retour à une souveraineté nationale « à l’ancienne » qui devra s’accompagner, bien évidemment, d’un contrôle aux frontières. Il faudra aussi reconquérir une complète indépendance dans les domaines militaire et diplomatique ce qui loin d’affaiblir notre pays lui permettra, au contraire, de mieux faire entendre sa voix dans le concert des nations. Seuls des projets communs avec des alliés européens sûrs devront être privilégiés.

Cela est d’autant plus prégnant que le conflit de haute intensité, tel que nos penseurs éclairés disaient qu’il n’en existerait plus jamais,  qui a surgi en Ukraine, fait renaître la Guerre froide. Il faut donc d’urgence  relocaliser sur notre territoire toutes les industries concourant à un contrôle national  sur les secteurs vitaux pour la vie de la Nation et sa défense, comme les médicaments, l’énergie, la libre utilisation des moyens et infrastructures de transport et l’industrie d’armement.

C’est dans le domaine militaire qu’il faudra faire feu de tout bois  en procédant  à un réarmement massif de notre pays. En effet, aujourd’hui, notre armée est en situation de faiblesse ce qui la rend incapable de mener seule une opération militaire dans la durée contre une puissance régionale. Or, beaucoup de pays qui comptent dans le monde renforcent leurs moyens militaires et nous redécouvrons, à l’occasion  de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, que ce sont toujours les rapports de force qui régissent les relations internationales.

Dans l’affaire ukrainienne, le combat de haute intensité auquel nous assistons avait été pressenti par  le chef d’état-major des Armées qui ne cesse de répéter qu’il faut être capable de  « gagner la guerre avant la guerre ». Cette forme de dissuasion « classique » nécessitera de notre part  un effort considérable comme ce fut le cas pour la mise en place de notre dissuasion nucléaire dans les années soixante.

C’est bien là, aussi, un retour au monde d’hier où, au sortir de la Guerre froide, l’Occident a gagné la 3e guerre mondiale de la meilleure façon qui soit, c’est-à-dire en ayant évité de  la faire, mais après avoir consenti de très importants efforts pour sa défense.

Faute de n’avoir pas, collectivement, poursuivi cet effort après l’effondrement de l’URSS et afin d’engranger au plus vite « les dividendes de la paix », nous demeurons aujourd’hui tétanisés devant le président russe qui, lui, dans une situation économique plus défavorable que la nôtre, a fortement augmenté le  budget destiné à ses armées.

Dans son allocution du 14 juillet dernier, le président de la République, chef des Armées, s’est engagé à consentir l’effort nécessaire : dont acte. Mais, nous aurions préféré que les faits ne nous donnent pas raison et que cet effort fût engagé plus tôt.

La Rédaction de l’ASAF

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Lettre du Chef d’état-major de l’Armée de Terre – Au contact 54 – La préparation opérationnelle

Lettre du Chef d’état-major de l’Armée de Terre – Au contact 54 – La préparation opérationnelle

Pôle Rayonnement de l’armée de Terre – 10 octobre 2022

prat@rayonnement-terre.fr

Mesdames, Messieurs, Chers amis de l’armée de Terre, 

Le pôle rayonnement de l’armée de Terre a le plaisir de vous adresser ci-dessous, la lettre du général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre, “Au Contact”  n° 54, consacrée à la préparation opérationnelle de l’armée de Terre.

Nous vous invitons à cliquer sur l’éditorial pour accéder au contenu de la lettre.

Bien cordialement, 

Le pôle rayonnement de l’armée de Terre

Lire et télécharger la lettre d’information : Lettre CEMAT 54 – 10 10 2022

” La vérité du temps ” :   Lettre ASAF du mois de septembre 2022

La vérité du temps ” :   Lettre ASAF du mois de septembre 2022

 

Le 19 octobre 1950, quelques jours après que, dans la bataille de la Route coloniale numéro 4 (RC4), en Indochine, les forces françaises présentes furent pratiquement anéanties et perdirent 5 000 hommes. Ce jour-là, monsieur Pierre Mendès France, depuis la tribune de l’Assemblée, sut trouver les mots justes pour ébranler la conscience des députés …

" La vérité du temps " :   Lettre ASAF du mois de septembre 2022


La vérité du temps

Il est extrêmement rare qu’au sein de l’hémicycle de notre Assemblée nationale, les députés présents, saisis par la force morale et la rigueur intellectuelle sans faille de l’orateur se trouvant à la tribune, abandonnent momentanément les consignes de leur parti pour redevenir un court instant des personnes et non plus des « raisons sociales ».

Ce fut le cas le 19 octobre 1950, quelques jours après que, dans la bataille de la Route coloniale numéro 4 (RC4), en Indochine, les forces françaises présentes furent pratiquement anéanties et perdirent 5 000 hommes. Ce jour-là, monsieur Pierre Mendès France, depuis la tribune de l’Assemblée, sut trouver les mots justes pour ébranler la conscience des députés qui se trouvaient en face de lui. Il leur expliqua, alors, que pour sortir de la crise indochinoise, il n’y avait qu’une alternative : soit multiplier par trois les moyens militaires engagés, hommes et matériels, et donc multiplier par trois le budget des armées, soit rechercher un accord politique avec l’adversaire. Les deux options ayant été refusées, c’est pourtant la seconde que la France, gouvernée par monsieur Mendès France lui-même, fut contrainte de mettre en œuvre trois ans et demi plus tard, à Genève, après sa défaite à Diên Biên Phu.

Parfois, en effet, il peut arriver que du haut des quelques marches qui conduisent à la place de l’orateur, celui-ci, faisant abstraction de l’habituelle componction qui s’attache à l’exercice, réussisse à fendre un instant l’ordinaire dialogue narcissique auquel les élus présents à l’Assemblée se livrent habituellement. On peut alors apercevoir d’un coup, brutalement, pour la durée d’une éclipse, l’égoïsme de chacun refoulé au profit de l’intérêt général, c’est-à-dire au profit de la vérité du temps.

Les forces armées françaises sont engagées, sans discontinuer, depuis la fin de la guerre d’Algérie, dans ce que l’on nomme des OPEX (opérations extérieures). Au cours de ces cinquante dernières années, à la date du 25 juillet 2022, 779 militaires ont été tués au combat et, de l’aveu récent d’un chef d’état-major des Armées, on compte entre 250 et 300 blessés par an, dont certains très gravement atteints et nécessitant de lourdes amputations. Pourtant, depuis quand, s’agissant de l’engagement de nos soldats, n’a-t-on pas connu à l’Assemblée un tel moment ?

À notre connaissance, les dernières personnalités qui ont réussi à provoquer un frémissement de tout l’hémicycle, à générer un mouvement de houle silencieux recouvrant des visages surpris ou tendus, furent madame Simone Veil lors de son discours précédant le vote de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, le 17 janvier 1975, et monsieur Robert Badinter lors de sa présentation du projet de loi sur l’abolition de la peine de mort, le 9 octobre 1981.

Quand, au sujet de nos soldats qui font la guerre tous les jours, y aura-t-il un homme ou une femme qui, par le seul magnétisme de son verbe, saura nous faire revivre un tel moment d’exception ? Certes, l’exercice n’est pas facile et l’orateur, homme ou femme, doit se sentir bien seul à la tribune dans un tel moment. Armé de sa seule conviction, il doit être animé d’une foi profonde dans laquelle puiser et capable de se renforcer à la source et au fur et à mesure des mots prononcés.

Au cours de ces trente derniers mois, on a souvent assisté à des hommages, rendus par une Assemblée debout, aux personnels soignants de toutes catégories pendant les phases aiguës de la crise sanitaire de la Covid ou, plus récemment, aux sapeurs-pompiers engagés pour lutter contre des feux de forêt ayant atteint des intensités jamais égalées dans plusieurs régions de France. De même, pour chacun de nos soldats tués au combat, une minute de silence est respectée dans l’hémicycle.

Mais ce dont nos soldats ont besoin, ce ne sont pas des hommages, en particulier lorsqu’ils sont morts. Ce sont des voix capables de convaincre le président de la République et le gouvernement de fournir à nos armées les moyens nécessaires à un réarmement massif pour soit « gagner la guerre avant la guerre », soit avoir la capacité d’être engagées dans des combats de haute intensité et dans la durée (général d’armée Burkhard).

Ce que nos soldats et ceux qui les soutiennent attendent, c’est, à la tribune de l’Assemblée, un Danton : « Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la Patrie. Pour les vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France sera sauvée ! » ou un Clemenceau : « Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c’est tout un. Politique intérieure, je fais la guerre ; politique extérieure, je fais toujours la guerre. Je fais toujours la guerre ». 

À l’aube de son second mandat, le président de la République, chef des Armées, conscient de la dégradation inquiétante de la situation internationale liée à la guerre en Ukraine, s’est engagé à réévaluer sensiblement les annuités qui restent à courir de la loi de programmation militaire 2019-2025. Nous y serons très attentifs, car il s’agit là d’un nouveau rendez-vous avec la vérité du temps.

La Rédaction de l’ASAF

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Dans un monde dangereux faire face aux défis majeurs par le Club des vingt

Dans un monde dangereux faire face aux défis majeurs

 

par le Club des vingt – publié le 9 septembre 2022

https://clubdesvingt.home.blog/2022/09/09/a-propos-de-la-politique-etrangere-francaise-pour-le-nouveau-quinquennat/


Lettre d’information n° 64 – Juin 2022

I/ UN MONDE ENTRE BOULEVERSEMENTS ET RUPTURES

La politique étrangère de la France s’inscrit dans un contexte qui a profondément changé.

Avant même l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le monde apparaissait comme de plus en plus instable. La situation en ce début d’année 2022 confirme ce constat. Les grandes menaces globales s’affirment sans qu’on n’ait trouvé de vraies parades : famines, désastres environnementaux, risques sanitaires. Un affrontement et un semblant de guerre froide entre les Etats-Unis et la Chine se développent. Les Etats-Unis sont entrés dans une phase à la fois de retrait et de fortes tensions internes : la crainte d’un retour au pouvoir de Donald Trump et d’une majorité républicaine agressive est une possibilité sérieuse. La Russie veut consolider une nouvelle zone d’influence au nom de sa sécurité. Des régimes populistes, qui instrumentalisent souvent la corde nationaliste, s’affirment à travers le monde. Le Moyen-Orient comme une partie de l’Afrique connaissent une situation chaotique comme en témoigne la multiplication des Etats faillis. Le risque terroriste reste toujours présent malgré l’écroulement du proto-Etat crée par Daech en 2014. Des bruits de bottes sont entendus tant dans les Balkans, qu’en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, et en Asie, alors même que de nouveaux espaces de conflictualité apparaissent comme la cyberguerre ou la guerre de l’information via Internet. L’insécurité humaine, climatique ou sanitaire atteint des niveaux de létalité sans précédent et ont un effet systémique sur les menaces plus classiques, alimentant en particulier les nouveaux conflits.

Dans ce contexte déjà préoccupant, l’invasion de l’Ukraine par la Russie apparait comme apportant à l’ordre international un bouleversement géostratégique majeur tout en accentuant les formes nouvelles de conflictualité. Alors même que la guerre est loin d’être terminée, on peut d’ores et déjà faire plusieurs constats.

La puissance russe agressive a été surévaluée et a été mise en échec au début de son offensive. Les sanctions prises vont gravement affecter son économie et sa société et renforcer le caractère autoritaire du régime. L’ancrage de la Russie à l’Europe apparaît pour l’instant compromis. L’Ukraine affirme fortement sa résistance et son identité. Les liens, que l’on espérait distendre entre la Russie et la Chine, se renforcent sans prendre pour autant la forme d’alliance classique. D’une façon plus générale, l’ordre international né en 1945 est remis en cause et on risque d’assister, sinon à un retour, à une sorte de guerre froide, tout au moins à des formes de tension vives dont la nature est renouvelée et semble inévitable. L’Otan se réaffirme au détriment de l’autonomie stratégique de l’Europe. Une nouvelle répartition des forces apparait au sein de l’UE avec le poids croissant des pays de l’Est et de nouvelles pressions pour un nouvel élargissement, le déclin relatif de l’influence de l’Allemagne. Les Etats-Unis sont contraints de se réengager en Europe mais n’entendent pas renoncer à la priorité Asie-Pacifique. De nouveaux clivages apparaissent entre le West et le Rest, avec le refus de nombreux pays de s’engager sur le conflit ukrainien qui apparaît de plus en plus comme un conflit entre les Etats-Unis et la Russie par procuration dont les pays du Sud notamment font déjà les frais. Les Européens prennent peu à peu conscience de ces évolutions mais ne sont pas pressées d’en tirer les conséquences. Les plus déterminés, comme il est compréhensible, sont les anciens pays de l’Est qui ont pour la plupart des relations très difficiles avec Moscou et ne voient d’autres garanties de leur sécurité que celle des Etats-Unis. Enfin la Turquie prend ses distances avec l’Alliance et se lance dans des aventures militaires.

Alors que la mondialisation, qui apparaissait comme un phénomène irréversible, est remise en cause dans son organisation présente, les enjeux globaux ont une importance croissante dans la vie internationale et les stratégies de blocs ou d’alliances privilégiées ne leur sont que peu adaptées, sinon contreproductives. Si un consensus peut être atteint sur le diagnostic, il existe des clivages profonds entre les pays sur la façon de faire face aux défis que représentent notamment le changement climatique, la défense de l’environnement, la lutte contre les pandémies, la gestion de flux migratoires, les crises alimentaires et la lutte contre la pauvreté ou le respect des droits de l’homme. Les vieux schémas compétitifs, fondés exclusivement sur des intérêts nationaux concurrents n’ont plus la pertinence d’antan. Enfin, la guerre a profondément changé dans sa nature, dérivant de plus en plus de crises internes frappant des sociétés fragiles, ce qui n’exclut pas le retour à des conflits de haute intensité comme c’est les cas en Ukraine.

S’agissant de la France, elle conserve de nombreux atouts, certes frappés de nouvelle incertitudes, notamment son siège permanent au Conseil de sécurité, son rôle moteur en Europe, la dissuasion nucléaire, la francophonie et ses liens historiques avec de nombreux pays. Elle reste ainsi une puissance qui a une vocation qui devrait lui permettre de réagir à une telle évolution.

II/ DES ORIENTATIONS PRIORITAIRES

Sa capacité d’action se situe d’abord dans l’étranger proche : Europe, Russie, Afrique, Méditerranée/Moyen-Orient mais il appartient également à la France de jouer un rôle au niveau global tout en restant conscient que, dans le contexte difficile actuel, la marge de manœuvre dont dispose la France seule ne peut être que limitée. Ceci signifie qu’elle doit agir en concertation avec ses partenaires européens pour promouvoir ses initiatives en exploitant les opportunités offertes par la fluidité nouvelle des relations internationales, voire en tirant partie des crises qui peuvent survenir. La politique de la France est trop souvent réactive plus qu’active. Il convient donc de réfléchir aux objectifs qu’il importe de se fixer sur le long terme et définir les nouvelles orientations de politique étrangère en conséquence.

  1. Accélérer le pas en Europe

Dans un contexte géopolitique de plus en plus chaotique et dangereux, il est difficile de distinguer la sécurité de la France de celle de ses partenaires de l’UE, et même, dans ce contexte de globalité, de celle de l’ensemble du monde. De la même façon, l’influence de la France dans le monde sera d’autant plus forte que l’Union aura elle-même franchi le pas d’une ambition politique au service de ses valeurs et de ses intérêts. C’est cette conjonction des puissances, nationale et européenne, que la France doit s’efforcer de développer. Elle dispose des moyens de contribuer de façon particulièrement efficace à la gestion des défis globaux ou transnationaux, tels le réchauffement climatique, la lutte contre les pandémies, le terrorisme international, la gestion positive des flux migratoires etc. Les options nationales, face à ces enjeux, ne sont plus en effet d’actualité. Mais la conjugaison des puissances française et européenne, articulée aux autres puissances de plus ou moins grande envergure est aussi un gage de plus grande efficacité collective face aux risques de toute nature qui s’accumulent autour de nous. Une Europe puissante et influente sur la scène diplomatique, loin de diminuer la puissance et l’indépendance de notre pays, en est au contraire l’un de ses atouts majeurs.

Le temps est révolu où l’Europe n’était qu’un « levier d’Archimède » de la puissance française. C’est l’inverse qui est vrai désormais : la France doit servir à propulser la puissance de l’Union, autrement dit mettre tout son talent, sa force de conviction, son expérience et ses moyens, au service d’une Europe qui accepte de s’émanciper de toute dépendance stratégique. Sans un engagement déterminé de la France en faveur de la souveraineté européenne, celle-ci n’existera pas. Or la France a besoin de cette Europe forte, dans laquelle elle jouera un rôle majeur, avec l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et d’autres, pour défendre des intérêts et des valeurs communes. La guerre en Ukraine et le flottement du nouveau gouvernement allemand, donnent une chance à la France d’affirmer son leadership européen. Notre rôle et nos responsabilités de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, notre statut de puissance nucléaire responsable, notre détermination à jouer un rôle dans toutes les crises et les enjeux mondiaux, notre souveraineté dans l’engagement de nos forces militaires, tout ce qui fait la puissance de notre pays n’a rien à craindre, et tout à gagner, de la consolidation politique de l’Europe.

            Dans cette perspective, la France se doit de continuer, en concertation avec l’Allemagne, le rôle créatif et moteur qu’elle a eu depuis le Traité de Rome, notamment en renforçant les mécanismes institutionnels de l’Europe. De concert avec notre partenaire, elle doit penser sa politique européenne en définissant notamment les secteurs qu’elle estime prioritaires.

A cet égard, elle doit contribuer à promouvoir l’autonomie technologique de l’Europe en favorisant les coopérations industrielles et les investissements en particulier dans les domaines sensibles que sont les nouvelles technologies de l’information et l’industrie d’armement. Les activités des GAFAM seront suivies avec attention tant sur le plan des bonnes pratiques et du respect des règles instituées par la RGPD que sur le plan fiscal. La création d‘un véritable marché unique numérique respectant la vie privée des internautes sera poursuivie.

La réalisation de cet objectif pourrait être favorisée par le développement des coopérations renforcées, dont les modalités devraient être assouplies, avec nos partenaires les plus proches. La France s’appuiera sur son partenariat privilégié avec l’Allemagne –dans la parité- sans négliger toutefois des interlocuteurs comme l’Italie, à laquelle nous lie le traité du Quirinal, l’Espagne ou la Pologne. De même, elle veillera à nouer des relations de confiance avec les petits pays, en particulier de l’est européen par exemple par des visites bilatérales plus fréquentes. Dans cette perspective, l’idée d’une politique danubienne pourrait être proposée.

La promotion d’une véritable gestion européenne des flux migratoires est indispensable tant sur le plan économique que de la sécurité. Elle suppose non seulement une réforme des conditions de fonctionnement de Frontex mais également une concertation plus étroite de l’Europe avec les pays de transit ou de départ des flux migratoires en vue d’accords de réadmission. Ainsi cette politique aura comme objectif de définir une politique plus positive et plus adaptée aux exigences d’un monde moderne plus mobile et qui puisse concilier les préoccupations humanitaires mais aussi économiques de l’Europe et ses contraintes politiques et sécuritaires. Un droit européen de l’asile politique devrait être défini et le règlement de Dublin remis en cause. La dimension sociale du problème posé par l’intégration de populations immigrées devrait être traitée notamment avec la création d’une Agence européenne de formation, en ayant à l’esprit les besoins existants matière de travailleurs qualifiés.

            La revitalisation de l’OTAN provoquée par l’agression russe en Ukraine n’est pas forcément appelée à durer, l’orientation des Etats-Unis vers l’Asie restant prioritaire, les fonctions de l’organisation étant mal adaptées au monde post-bipolaire et les divergences entre Etats-membres tendant même à se renforcer. Le désengagement des Etats-Unis de l’Europe est inéluctable à terme, en particulier si les Républicains devaient revenir au pouvoir. Il rend indispensable la progression à petits pas vers une défense européenne, notamment à travers des coopérations concrètes. Dans cette perspective, il serait souhaitable de proposer la création d’une académie militaire européenne pour contribuer à insuffler une culture de défense commune au sein de l’Europe.

Il convient enfin de renforcer le rôle et la crédibilité de l’Europe dans le monde, non seulement sur les plans commerciaux, économiques et financiers mais également politiques. Le dialogue avec ses principaux partenaires sera intensifié et devrait porter sur des sujets concrets. Dans cette perspective il serait souhaitable de rétablir des relations de bon voisinage et des coopérations, y compris militaires, avec la Grande Bretagne. De même le dialogue avec les grands pays émergents devrait s’intensifier, à la fois en termes économiques mais également politiques, compte tenu de leur affirmation de plus en plus nette sur la scène internationale. Enfin les modalités des rencontres avec les Etats-Unis, la Chine et les pays émergents devront être renforcées avec comme objectif une plus grande efficacité et une meilleure prise en compte des intérêts communs à définir préalablement par les Etats membres.

  • Organiser la sécurité du continent européen

Faire en sorte que l’Europe puisse assurer sa propre sécurité

L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la guerre d’une extrême violence qui s’est installée désormais constituent un enjeu majeur pour l’Europe. Pour le moment, le conflit demeure dans une phase strictement militaire, l’avenir demeure très incertain, aucune perspective sérieuse de négociation ne se présente. Mais d’ores et déjà, la sécurité du continent européen s’en trouve bouleversée et appelle de nouvelles approches et de nouvelles décisions.

Dans la lettre du Club des Vingt n°61, nous recommandions de préparer notre dispositif militaire à faire face à un conflit de haute intensité, qu’il s’agisse de modernisation de notre dissuasion nucléaire considéré comme un enjeu central, ou de la nécessité de développer de façon accélérer les moyens de nos forces aériennes, navales, terrestres et cyber dont l’insuffisance est patente et nous suggérions de soumettre au nouveau parlement une loi de programmation nouvelle. Les évènements actuels doivent conduire la France à bousculer son calendrier, à amplifier et accélérer l’effort en vue de changer radicalement l’échelle de notre dispositif militaire et finalement de transformer notre modèle de défense.

Nous suggérions aussi que « la France devrait tendre à la mise en œuvre d’une nouvelle architecture de sécurité pour l’Europe, considérée comme l’enjeu  principal des Européens, négociée d’abord entre eux, puis avec les Etats-Unis, puis avec la Russie (…). Les scénarios possibles ne sont pas écrits. La Russie est devenue plus agressive et de ses choix dépendra la nature de nos liens avec elle ». Bien évidemment ces propos, les espoirs et les incertitudes qu’ils expriment, ne sont guère d’actualité. L’invasion de l’Ukraine a changé la donne. L’agression russe à l’encontre d’un Etat dont la souveraineté avait pourtant était reconnue par Moscou -en 1991 et en 1994 le mémorandum de Budapest- rend impossible de bâtir une architecture de sécurité à l’échelle du continent avec le concours de la Russie qui s’en est durablement exclue. Certes, cela reste souhaitable à terme, encore faudrait-il que les conditions en soient à nouveau réunies, à savoir la paix revenue en Ukraine sur des bases agrées et actées par la communauté internationale, Moscou ayant renoncé aux exigences affichées face à Washington en décembre 2021 à propos de l’OTAN en Europe orientale, la Russie affichant enfin des dispositions à un dialogue constructif avec les Européens. Ce n’est sans doute pas pour demain. Les propos tenus récemment par Vladimir Poutine au Forum de Saint Pétersbourg confirment, s’il en était besoin, que la Russie est engagée dans une stratégie conflictuelle durable avec l’Ouest.

L’objectif actuel est différent : il est d’assurer la sécurité de tous les Européens face à la Russie. Les Etats-membres de l’UE en ont désormais pris conscience. La déclaration du Conseil de l’UE à Versailles le 11 mars dernier est claire : des orientations nettes sont prises pour renforcer les capacités de défense de l’Union et des Etats-membres. Le principe de la souveraineté européenne est affirmé. C’est un moment solennel d’unité face aux menaces russes.

En même temps, plusieurs questions se posent qui font débat entre les gouvernements européens. La première concerne l’objectif poursuivi en Ukraine : mettre la Russie en « échec stratégique » pour l’affaiblir durablement comme le considèrent les Etats-Unis et les pays de l’Est de l’Europe, ou plutôt s’en tenir à une approche française partagée par l’Allemagne et l’Italie notamment, qui souligne, à juste titre, que « nous ne faisons pas la guerre à la Russie » et prône la recherche d’une négociation plutôt qu’une solution militaire.

Les autres questions qui font débat concernent l’OTAN. Américains et Européens, toutes sensibilités confondues, sont d’accord pour considérer que désormais face à la menace russe nouvelle, l’Alliance atlantique a retrouvé sa vocation première de défense collective de ses membres. Celle-ci est d’ailleurs considérée par une majorité d’Etats-membres de l’Est comme la seule ultime garantie de leur sécurité. Pour autant demeurent les incertitudes et les doutes sur la portée de l’article 5 du Traité du point de vue de l’engagement américain. Il ne faut pas non plus sous-estimer les bouleversements en cours du jeu stratégique mondial : le pivot américain vers l’Asie et l’affirmation chinoise. Enfin il est crucial d’empêcher que la sécurité des pays démocratiques de l’Europe fasse l’objet d’un dialogue exclusif et quasi secret entre Américains et Russes, hors de la présence des Européens. Il n’est pas question d’accepter un Yalta 2, comme le laissait entendre l’ultimatum russe de décembre 2021 exigeant un retour à la configuration stratégique antérieure à 1997.

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire que l’UE et ses Etats-membres s’organisent pour maîtriser eux-mêmes les fondamentaux de leur sécurité. A cet effet deux voies sont possibles : accroître les moyens de défense propres de l’Union européenne ou construire le pilier européen au sein de l’OTAN. Le débat est très ancien, mais jamais résolu, il doit l’être aujourd’hui face à la gravité nouvelle des menaces qui pèsent sur l’Europe. Le débat doit être à nouveau ouvert et mené à son terme au sein de l’UE et avec les Etats-Unis.

L’objectif devrait être de concilier le rôle fédérateur de l’OTAN dans le domaine militaire et la prise en considération des choix politiques exprimés par les Européens au sein de l’UE, y compris la possibilité pour les Européens de disposer d’une autonomie éventuelle de décision et d’action, avec un quartier général permanent de l’UE à cet effet.

Contribuer à une solution politique de la guerre en Ukraine

La guerre en Ukraine est un enjeu majeur pour l’Europe. Elle reste pour l’instant dans sa phase militaire et l’avenir demeure très incertain sur son évolution. L’agression russe à l’encontre d’un État dont la souveraineté avait pourtant été reconnue par Moscou (en 1991 et en 1994 avec le Mémorandum de Budapest) rend impossible de bâtir une « architecture de sécurité » à l’échelle du continent. La Russie s’en est durablement exclue, tant par son agression militaire, sa guerre de conquêtes territoriales et son régime autocratique, incompatible avec la démocratie qui est le fondement du système européen.

La France a proposé un schéma d’organisation du continent sous la forme d’une « communauté politique européenne » qui permettrait d’associer les pays et les sociétés désireux d’appartenir à la famille européenne sans affaiblir l’Union européenne actuelle par de nouveaux élargissements précipités. Cette approche est partagée par l’Italie et le président du Conseil européen. La France devrait surtout innover en dessinant les contours d’un statut d’État associé aux pays attirés par une adhésion à l’UE. Ce serait une étape intermédiaire durant le long processus d’adoption des critères d’adhésion (capacité de reprise de l’acquis communautaire, état de droit, gouvernance et séparation des pouvoirs, économie de marché, union monétaire). L’association commencerait par le volet des valeurs (article 2 du Traité), des positions internationales de l’UE (article 21) et d’un partenariat privilégié (article 8). Elle serait réversible.

Redéfinir nos relations avec les États-Unis

La relation avec les États-Unis doit faire l’objet d’une refondation sous le signe d’un véritable partenariat. S’il existe sur de nombreux points de larges convergences, notamment sur la lutte contre le terrorisme, il est clair que sur d’autres apparaissent de forts points de désaccords. Il en est ainsi notamment de la question de l’extraterritorialité des lois américaines, contraires au droit international, qui pénalisent nos sociétés, des dossiers de contentieux commerciaux, des relations avec la Russie, la Chine ou certains pays du Moyen-Orient, notamment dans le Golfe ou Israël. La refondation du lien transatlantique devrait être entreprise tant au niveau européen que national et être cohérent avec la volonté française d’affirmer son autonomie stratégique. Une concertation sera recherchée sur les dossiers les plus sensibles en particulier au Moyen-Orient et en Afrique où l’objectif de stabilisation de ces zones sensibles devrait être d’un intérêt commun.

Cette redéfinition passe également par un changement des pratiques de l’OTAN et la transformation de l’Alliance atlantique. Un mouvement se dessine en faveur d’un effort européen plus autonome, comme l’initiative européenne d’intervention et le fonds européen de la défense. Le nouveau gouvernement allemand devrait y être plus disposé. Il ne faut pas non plus sous-estimer les bouleversements en cours du jeu stratégique mondial : le pivot américain vers l’Asie et l’affirmation chinoise. On peut donc effectivement s’attendre à ce que, dans les années à venir, les Etats-Unis se prêtent plus volontiers dans ce cadre à un scénario de moindre présence militaire en Europe en échange d’un partenariat sur une base plus égalitaire.

Ceci justifie l’engagement de la diplomatie française : prendre un risque proportionné au résultat espéré, sortir l’Europe de son état de faiblesse. Le débat sur une nouvelle architecture de sécurité ouvre la voie à un rééquilibrage de la relation euro-américaine et à la transformation de l’Alliance atlantique.

D’ores et déjà, il faut changer les pratiques de l’OTAN pour infléchir sa gouvernance avec l’objectif de passer d’une alliance subordonnée à un partenariat entre (presque) égaux. La France a déjà, à juste titre, marqué ses réserves aux projets d’élargissement de l’OTAN à certains États d’Europe orientale. Elle devra veiller à ce que l’Alliance ne soit plus entrainée par les États-Unis dans des situations conflictuelles hors de la zone atlantique.

La politique de sanctions pratiquées à l’initiative des Etats-Unis devrait être remise en cause. D’une manière générale les sanctions internationales devraient avoir un caractère exceptionnel. Elles sont très rarement efficaces et ont de nombreux effets pervers comme on peut le constater s’agissant du conflit ukrainien. Contrairement à ce qui est attendu, elles renforcent généralement les pouvoirs en place tandis que les contre-mesures prises pour y répondre affectent fâcheusement les pays initiateurs des sanctions et les pays tiers. Elles ne sauraient être prises de façon unilatérale et devraient être décidées en conformité avec le droit international pour une durée limitée.

L’Union européenne devrait poursuivre l’objectif d’obliger les États-Unis à renoncer au caractère extraterritorial des lois qu’ils prennent, en dehors de toute légalité internationale pour sanctionner certains États. Le cas le plus frappant est celui de l’Iran. L’attitude américaine est profondément choquante et constitue entre les États-Unis et l’Union européenne un obstacle d’une très grande importance à une coopération loyale.

  • S’attacher à résoudre les crises dans notre environnement proche

Cet objectif doit se faire en privilégiant le dialogue. Ce dialogue doit s’accomplir tant au niveau européen que de façon bilatérale.

            Réduire les tensions dans les Balkans

            Les tensions dans les Balkans restent fortes. Il en est ainsi plus particulièrement en Bosnie, où le membre serbe de la présidence de Bosnie-Herzegovine, Milorad Dodik, fait appel ouvertement à la sécession et se retire des instances fédérales, de plus en plus paralysées. Par ailleurs, les contentieux entre la Serbie et le Kosovo n’ont toujours pas été réglés et le président Kosovar menace de poursuivre la Serbie devant la Cour internationale de justice pour génocide. De façon générale, l’extension des réseaux mafieux dans cette zone est une menace pour la sécurité européenne. L’Union européenne en tant que telle doit contribuer à apaiser ces tensions récurrentes qui rendent problématique leur adhésion. Ces réticences doivent être explicitement formalisées, d’autant plus que la demande d’adhésion de l’Ukraine ne peut renforcer la pression des pays balkaniques pour rejoindre l’UE.

Stabiliser l’axe de crise africain

La dégradation de la situation sécuritaire et la désagrégation des structures politico-administratives de plusieurs pays d’Afrique, notamment de l’Ouest, posent un vrai dilemme à la France qui agit en fonction d’accords de défense et d’actions de coopération au développement totalement dépassés, tout en étant associée par leurs citoyens à des régimes contestés car inefficaces et des sociétés déshéritées et déchirées. L’effondrement de plusieurs pays ne doit pas être exclu. L’évolution défavorable de la situation diplomatique et militaire au Sahel et la montée d’une francophobie véhémente dans de nombreux pays africains en partie entretenue par la Russie, à travers une campagne qui développe le thème de la responsabilité de l’ancienne puissance coloniale dans la montée du terrorisme comme dans l’extension de la pauvreté, ont mis la France sur la défensive, voire en situation préoccupante d’échec. Economiquement et culturellement la France est en recul tant en raison de la fascination pour le modèle anglo-saxon chez les jeunes que de la concurrence de la Chine et de la Turquie. Les débats qui ont lieu en France sur l’immigration ne peuvent que contribuer à la dégradation de l’image de la France. Quant au groupe Wagner, il est de plus en plus présent en Afrique, en particulier au Mozambique, à Madagascar, au Soudan, en RCA et, plus récemment au Mali. L’objectif poursuivi par les mercenaires russes est double : assurer la sécurité de régimes fragiles, notamment ceux nés de coups d’Etat, et prendre en gage l’exploitation des richesses minières locale.

Il convient de repenser les fondements mêmes et les orientations de notre politique africaine sur de nouvelles bases, à la fois au niveau français et au niveau de l’Union européenne, comme ceci vient d’être esquissé au sommet UE/Afrique tenue le 19 février 2022 à Bruxelles. Cette politique doit cibler l’ensemble de l’Afrique, y incluant les pays non francophones. Face au reproche de « néo-colonialisme », il serait souhaitable de développer l’idée de « partenariat ». C’est l’une des urgences du prochain quinquennat. La France, avec les partenaires européens qui le veulent, doit rester engagée en Afrique  pour bâtir une communauté de destin avec la jeunesse qui constitue la majorité de la population, les sociétés civiles et les diasporas résidant en Europe. Cette relation doit prendre en compte tous les aspects de cette relation qui doit être à la fois politique, économique, culturelle et sécuritaire.

Sur le plan politique la relation doit se développer sur le plan tant bilatéral qu’européen ou multilatéral (Banque mondiale). Le dialogue avec les sociétés civiles ne doit pas empêcher de poursuivre les échanges avec les pouvoirs en place, qu’ils soient légitimes ou pas. Il en est ainsi des rencontres au niveau des chefs d’État et de gouvernement, qu’il s’agisse des sommets africains ouverts aux non-francophones, du processus de Barcelone, du 5+5. La concertation avec certains de nos partenaires européens, en particulier l’Allemagne et la Grande Bretagne, sera poursuivie, voire avec la Chine. Notre ambition en Afrique inclut également une concertation avec l’ensemble maghrébin, notamment le Maroc, sur la base d’intérêts communs.

Les interventions militaires ne sauraient être qu’exceptionnelles, faites à la demande des pouvoirs en place, sur la base des accords existants, et temporaires. En revanche l’aide à la formation des armées nationales reste une priorité.

Le rôle de l’Agence française de développement reste essentiel. Mais il convient de veiller à ce que son action soit bien conforme aux objectifs de la politique étrangère, à travers la tutelle du ministère des affaires étrangères : ses moyens, notamment très concessionnels, devraient être renforcés en faveur des pays les plus pauvres. La coopération dans les domaines régaliens devrait être accentuée. En effet le risque sécuritaire ne va faire que croître : le renforcement de l’administration territoriale, de la justice, des forces de la gendarmerie est indispensable pour faire face à cette insécurité grandissante qui est un obstacle à la mise en œuvre des projets. Un programme massif d’aide à la formation et d’aménagement des territoires en faveur des sociétés fragiles et décomposées, et un dispositif de mobilité contractuelle, professionnelle ou étudiante, financé avec des fonds européens, seront mis en place avec de nouveaux moyens définis dans la durée. Les activités améliorant immédiatement le sort des populations et/ou créatrices d’emploi seront les cibles prioritaires de l’aide internationale. Le partenariat  public/privé sera privilégié. Les entreprises françaises devraient être incitées à investir davantage en Afrique à travers un système de garanties plus efficaces. Des accords de protection des investissements. Un véritable agenda de mise en œuvre locale d’une politique de sécurité humaine, en étroit partenariat avec les acteurs nationaux et locaux, constitue une réponse urgente aux échecs sur lesquels ont débouché les politiques d’intervention militaire.

Dans le domaine culturel, un effort prioritaire doit être poursuivi dans l’enseignement du français, tant au niveau des alliances française ou de centres culturels qu’à travers des établissements scolaires plus nombreux. Cet effort doit être fait par priorité dans les pays francophones de plus en plus tentés par l’usage de l’anglais. La promotion de la culture française privilégiera les réseaux sociaux et les outils numériques, de plus en plus utilisés par les jeunes africains. La propagande malveillante sera contrée par les outils adaptés.

Cette nouvelle politique devrait tenir compte des spécificités culturelles de l’Afrique et de l’ambivalence des nouvelles générations africaines partagées entre attirance et rejet à l’égard de la France. Elle peut s’appuyer sur les diasporas africaines vivant en France.

Promouvoir la stabilité en Méditerranée et au Moyen-Orient

Au Maghreb, la France doit se garder d’exprimer une différence de traitement et d’intérêt entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Elle doit agir dans le sens de la stabilité, de l’ouverture démocratique et de l’apaisement. A cet égard, le processus de réconciliation avec l’Algérie devrait se faire sur de nouvelles bases en proposant des coopérations tournées vers l’avenir plutôt qu’une approche irréconciliable du passé.

            Au Moyen-Orient, alors que les Etats-Unis se retirent et que la Russie et la Chine étendent leur influence, l’Europe et en particulier la France ne peuvent se désintéresser d’une région qui reste à bien des points de vue stratégique pour sa sécurité. La France se doit de parler à tout le monde, notamment les pays avec lesquels les relations sont particulièrement difficiles, comme la Turquie, la Syrie et l’Iran. La France se doit de promouvoir un processus de dialogue et de  stabilisation. Si les relations d’Israël avec certains pays arabes semblent s’être normalisées à travers notamment les accords dits « d’Abraham », la question palestinienne reste non résolue, constituant un déni du droit reconnu à l’autodétermination pour la population résidant dans les territoires occupés et une menace pour la sécurité d’Israël. Les accusations portés par de nombreuses et respectées associations de défense des droits de l’homme, comme HRW ou Amnesty, de même que le refus de promouvoir la solution des deux Etats appellent à rechercher  une solution sur des bases nouvelles et de se mobiliser pour mettre fin aux violences meurtrières comme vient de le souligner encore le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Dans le Golfe, la conclusion d’un accord sur le nucléaire reste indispensable. En outre la France  pourrait proposer à l’Iran comme aux monarchies arabes, un système de sécurité fondé sur des bases comparables à celles sur lesquelles a été fondée l’OSCE : mise en place de mesures de confiance, définition de garantie de non-agression, mécanisme de contrôle… Ce système de sécurité pourrait être validé et garanti par les membres permanents du Conseil de sécurité.

  • S’engager clairement dans la voie d’une diplomatie mondialisée

Notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité nous permet d’avoir cette ambition et d’affirmer notre volonté d’avoir une responsabilité à vocation mondiale, ce qui implique une diplomatie autonome.

Contribuer activement à la maîtrise des enjeux globaux

Une part croissante du bien-être, de la prospérité et de l’avenir des  jeunes français dépend de la façon dont les problèmes qui sont globaux par nature vont être gérés de façon coopérative et solidaire par toutes les nations. La pandémie du COVID en fournit un exemple présent à tous les esprits. Elle révèle l’urgence de la coopération multilatérale et son caractère incontournable. Sans traitement commun et solidaire des questions de nature globale, aucune solution durable n’est possible pour un pays comme la France alors que ces domaines sont très présents à l’esprit de nos citoyens.

La France se doit d’avoir un engagement fort sur les grands sujets qui mettent en jeu l’avenir de l’Humanité. Elle doit jouer un rôle exemplaire dans la redéfinition des modes internationaux et diplomatiques de traitement des défis globaux qui hélas décident aujourd’hui de l’écrasante majorité des cas de létalité. Elle a toujours été présente et active dans ces domaines qui exigent une large coopération autour des formes multiples de la gouvernance mondiale ; elle doit jouer un rôle pilote dans l’édiction de propositions concrètes renforçant la gouvernance globale climatique, sanitaire, alimentaire notamment : environnement, développement, sécurité alimentaire, droits de l’homme et démocratie, justice pénale internationale, lutte contre la criminalité et le terrorisme. En 2015, elle a servi de catalyseur à l’accord de Paris. Celui-ci sert de cadre très imparfait à la lutte contre le réchauffement climatique qui revêt un caractère crucial et immédiat pour l’humanité dans son ensemble : il est temps de faire preuve d’inventivité pour aller au-delà. Les années à venir vont être décisives pour tous ces domaines et vont exiger une forte coopération entre tous les Etats et toutes les composantes de leurs sociétés de même qu’un dépassement lucide et pensé des seuls horizons dessinés par les intérêts nationaux. La France doit encore intensifier son engagement aux côtés de tous les acteurs concernés. Elle est une force de proposition, un promoteur de la mise en œuvre des engagements pris et un soutien essentiel pour les instances multilatérales et les processus existants ou à créer. Partout elle devra donner l’exemple par ses pratiques nationales.

Une gestion multilatérale des problèmes sera également indispensable en matière de commerce international, de stabilité des flux financiers et monétaires, de soutien aux objectifs de développement durable des Nations Unies, de définition des normes pour les technologies nouvelles et de régulation des domaines du numérique comme le cyberespace et les crypto monnaies. La place de la France dans la compétition globale reflétera l’efficacité de son engagement dans ces domaines.

L’action de la France sera d’autant plus efficace qu’elle sera menée en bonne entente avec ses partenaires de l’Union Européenne au sein du G 7, du G 20, de l’OCDE et dans les multiples organes des Nations Unies compétents. La France travaillera avec le continent africain pour qu’il trouve toute sa place dans ces projets collectifs. Ainsi la France pourra peser, à travers des coalitions à géométrie variable, pour assurer des formes de gouvernance globale dynamiques, équilibrées et régulées qui préservent au mieux ses intérêts et sa sécurité à travers des champs très variés, dans un contexte qui promet d’être difficile.

Être actif dans la zone Indo-Pacifique

Les relations avec la Chine devraient être placées sous le signe du refus de rentrer dans la logique des blocs ou de la guerre froide. Dans cette perspective, il est indispensable de renforcer l’action européenne commune sans complaisance qui vise à contrer les dérives discriminatoires des autorités chinoises à l’égard des entreprises européennes. Notre action économique et culturelle en Chine devrait s’amplifier. Par ailleurs notre implication dans la zone Indo-Pacifique devrait s’accompagner d’un effort pour proposer une politique de stabilisation et d’équilibre des influences qui s’y exercent et ce de façon inédite, sans reproduire l’illusion dangereuse de blocs militaires.

Renforcer notre capacité de rayonnement

Pour promouvoir notre capacité de rayonnement, la France doit s’appuyer sur les ressorts de la puissance : outre les moyens traditionnels qui demeurent important -une défense respectée, une économie prospère- il faut compter sur la présence de nos entreprises, notre présence culturelle dans le monde, le rayonnement de notre langue. Elle doit se reposer également sur la présence croissante des Français de l’étranger et d’une francophonie en expansion, notamment en Afrique.

Elle dispose de réelles capacités de rayonnement à travers son réseau d’Instituts français, d’alliances françaises, de lycées et de médias, mais également à travers l’Agence française de développement. Elle est un des rares pays qui organise des débats d’idées, des festivals culturels, des journées linguistiques et des fêtes de la musique. Par ses activités culturelles partagées, la France fait référence. La langue française est perçue dans les mondes francophones comme une langue de cohésion nationale et d’émancipation. Il importe d’investir massivement dans la formation des professeurs et dans l’accès aux textes, en premier lieu sur le continent africain.

Son action culturelle, actuellement en graverepli, doit être relancée à travers un programme d’action pluriannuel, défini conjointement entre le MEAE et le ministère de la Culture. Le Ministre des affaires étrangères devra exercer de façon plus efficace sa tutelle sur les grands opérateurs de façon à veiller que leurs actions sont bien cohérentes avec la politique étrangère menée par la France.

  • Se donner les moyens d’une politique étrangère ambitieuse

            La présidentialisation de la politique étrangère est une évolution normale sous la Vème République. Cependant le ministère des Affaires étrangères reste un vivier de compétences indispensables pour mener une telle politique. Il convient de renforcer les liens entre le Président et sa cellule diplomatique et le Quai d’Orsay. La réforme de la haute fonction publique ne doit pas se traduire par un affaiblissement du corps diplomatique. Sa suppression, qui n’était pas une conséquence nécessaire de la réforme de la haute fonction publique, ne peut qu’être regrettée alors que ses compétences reconnues sont de plus en plus indispensable dans ce monde complexe. Son expertise comme sa spécificité et son professionnalisme doivent être sauvegardés.

Les grandes orientations de la politique étrangère de la France devraient être définies dans le cadre d’un livre blanc en début de mandat. Elles s’inscrivent dans le contexte d’un projet européen où se joue son destin. Elles feront l’objet d’un débat et d’un vote au niveau du parlement pour en consolider sa pertinence et sa crédibilité. En effet, les objectifs à long terme par-delà les problèmes de court terme doivent être définis en évitant de succomber au climat émotionnel d’une opinion influencée par les médias et réseaux sociaux.

Ces orientations doivent reposer sur la réalité d’un monde tel qu’il est. Elles doivent  rester fidèles à notre volonté de parler à tous, sans arrogance ni parti pris, de jouer un rôle de médiation, de contrer la logique des blocs qui reste dans les têtes tout en nous permettant de conserver une marge de manœuvre. Ainsi, l’objectif essentiel est d’assurer notre sécurité au sens large du terme et de restaurer notre autonomie stratégique tout en respectant nos alliances ou en nouant d’autres relations voire des partenariats avec les interlocuteurs qui comptent. Tout en réaffirmant son attachement à ses engagements internationaux, la France doit conserver son indépendance en matière de politique étrangère et exploiter les marges de manœuvre dont elle dispose, n’hésitant pas à jouer si besoin est le rôle de franc-tireur.

Notre action veillera à construire la gouvernance mondiale qui s’exerce dans un cadre multilatéral, notamment au niveau des Nations Unies et plus spécialement à celui du Conseil de sécurité qui a pour rôle d’assurer la paix et la sécurité internationale. La France se doit de contribuer à la stabilité du monde, notamment de notre environnement proche, par le dialogue diplomatique en limitant le recours aux interventions militaires ou aux sanctions, qui en toute hypothèse doivent être conformes à la légalité internationale.

La politique étrangère doit cependant être pensée dans un contexte plus large qui englobe notre politique de défense et de sécurité, la redéfinition claire des fonctions de notre dissuasion nucléaire dans ce monde nouveau et fragmenté mais également notre autonomie technologique. En effet, sans remettre en cause la mondialisation des économies, notre sécurité passe également par la recherche de moyens pour diminuer notre dépendance, notamment en matière d’approvisionnement de produits sensibles.

Enfin il convient d’assurer une meilleure adéquation entre les objectifs poursuivis et les moyens à mettre en œuvre, qu’il s’agisse des domaines économiques, financiers, technologiques, militaires ou de renseignements, qui doivent bénéficier d’une attention prioritaire. L’effort fait dans le domaine de la défense doit être poursuivi, voire amplifié, mais repensé dans le contexte des nouvelles donnes internationales qui ne sont plus celles du début de la Vème République. Ceci devrait conduire à une reformulation de la loi de programme militaire. Notre politique d’aide au développement s’inscrit également dans ce cadre.

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Dans le monde dangereux où nous vivons, la France se doit de fixer clairement ses priorités. Le renforcement de la construction européenne reste d’autant plus une priorité majeure que l’agression de la Russie en Ukraine lui pose un défi que l’on pourrait qualifier d’existentiel. L’affrontement entre les États-Unis et la Chine, qui n’est pas encore arrivé au même stade de maturité, ne nous concerne pas directement. Il convient d’éviter de s’y trouver impliqué. Enfin les tensions que l’on peut constater entre les pays occidentaux et le reste du monde, que la crise ukrainienne a ravivées, ne doivent pas déboucher sur de nouveaux affrontements : la France se doit de continuer de s’opposer à la logique des blocs et développer son dialogue à l’égard de pays qui se veulent de plus en plus non alignés.

Telles sont les principales orientations de politique étrangère proposées par le Club des Vingt qui supposeront un fort volontarisme des autorités françaises de même qu’un engagement européen sans arrogance et une mobilisation d’un outil diplomatique préservé.

Toutes les Lettres d’Information du Club des Vingt, depuis la première, peuvent être consultées sur les sites :

https://clubdesvingt.home.blog et

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*Hervé de CHARETTE –président du Club-, Roland DUMAS (anciens ministres des Affaires Etrangères), Sylvie BERMANN, Maurice GOURDAULT-MONTAGNE (Ambassadeurs de France), Général Henri BENTEGEAT, Bertrand BADIE (Professeur des Universités), Denis BAUCHARD, Claude BLANCHEMAISON, Jean-Claude COUSSERAN, Dominique DAVID, Régis DEBRAY, Yves DOUTRIAUX, Alain FRACHON, Michel FOUCHER, Jean-Louis GERGORIN, Renaud GIRARD, Nicole GNESOTTO, Bernard MIYET, Jean-Michel SEVERINO, Pierre-Jean VANDOORNE.

Club des Vingt. Siège social : 38 rue Clef, 75005 Paris. Adresse e-mail : contact@leclubdes20.fr

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