La France s’apprête à mettre un terme à sa présence militaire au Mali


 

Un double coup d’État qui n’a pas été anticipé, une campagne de désinformation qui n’a pas pu être contrée, malgré des succès opérationnels indéniables qui n’ont sans doute pas été suffisamment exploités médiatiquement, sauf lors de l’élimination de chefs jihadistes, une communication rompant avec la formule « bien faire et le faire savoir » [« l’indicateur de réussite n’est pas le nombre de jihadistes tués », faisait valoir le général Lecointre, l’ex-chef d’état-major des armées… Mais c’est un « indicateur » qui parle aux populations], une lutte d’influence, menée par la Russie et la Turquie, que les rodomontades de Paris n’auront pas découragé, une « transformation » de Barkhane annoncée lors d’une conférence de presse donnée avant un sommet du G7 et non pas à l’issue d’une réunion du G5 Sahel…

Bref, tout cela a conduit à un « contexte politique malien hostile » pour la force Barkhane, comme l’a récemment décrit Florence Parly, la ministre des Armées. Un contexte marqué par l’arrivée, à la demande de la junte malienne, « formateurs militaires russes » dans le nord du pays ainsi qu’à des « provocations » à l’égard de Paris et de ses partenaires européens, ce qui n’a pu que dégrader les relations diplomatiques, comme en témoigne l’expulsion de l’ambassadeur de France en poste à Bamako.

Dans ces conditions, la question de la présence militaire française au Mali se pose. Et aussi celle, par conséquent, des pays européens dont les troupes sont engagées dans la force Takuba, laquelle relève de Barkhane. Aussi, une décision devrait être bientôt annoncée. Mais selon les échos parus dans la presse, elle est déjà prise : sauf un changement improbable de l’attitude de la junte malienne, le retrait des forces françaises et européennes [du moins, celles de Takuba] serait acté.

D’où, d’ailleurs, la visite effectuée au Niger par Mme Parly, les 2 et 3 février. « Les échanges porteront également sur les récentes évolutions politico-sécuritaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest et sur les modalités de l’évolution du dispositif de Barkhane », avait préalablement indiqué le ministère des Armées, dans un communiqué publié juste avant ce déplacement à Niamey.

« La France reste engagée dans la lutte contre les groupes armés terroristes, aux côtés des forces sahéliennes, en étroite coordination avec ses alliés européens et américain qui participent à la force Barkhane et lui apportent un soutien précieux », était-il encore avancé dans ce texte.

D’après des informations obtenues par Europe1, l’annonce du redéploiement français au Sahel sera « officialisée dans les quinze prochains jours ». Et d’ajouter que « tout l’enjeu pour l’exécutif sera de marteler que ce n’est pas un ‘échec militaire’, mais que le dispositif doit évoluer à cause de la junte qui montre aux Français la porte de sortie ».

Ce retrait militaire français qui s’annonce posera un défi logistique évident, avec déjà plus de 700 véhicules [dont 430 blindés] devant être « rapatriés », ou, du moins, redéployés, sans doute au Niger. Et il faudra aussi prendre en compte les moyens engagés par les partenaires européens de Takuba. Et ce désengagement, s’il se fait en partie par la route, s’annonce délicat, comme l’a montré la récente traversée du Burkina Faso par un convoi de Barkhane…

A priori, et étant donné qu’il n’est pas question d’abandonner la lutte contre les groupes jihadistes, dont l’influence pourrait gagner le golfe de Guinée, Paris souhaiterait continuer à accompagner les forces armées locales par des détachements ad hoc… à la condition que les pays concernés en fassent la demande. C’était déjà l’idée de la tranformation de Barkhane, telle qu’elle avait été décrite par le président Macron, en juin dernier. Restera à voir l’avenir de Takuba, sachant que le Niger ne souhaite pas la présence de cette force européenne sur son territoire. Pour le moment, du moins.

Photo : EMA

Anticipation sur l’emploi des robots militaires

Anticipation sur l’emploi des robots militaires

Sciences & technologies
Saut de ligne

par le Lieutenant-colonel Arnaud Ledez – CDEC- Etudes et prospective –

Ce court texte d’anticipation par analepse explore les missions robotisées de la logistique opérationnelle. Par un discours d’anniversaire, le général COMFT revient sur la création des premiers régiments de logistique automatisée de combat (RLAC). De la profondeur stratégique « jusqu’aux derniers centimètres », cette logistique prédictive repose sur une combinaison de drones et sur des logisticiens toujours au cœur de la bataille.

 

L’EMPLOI DES ROBOTS MILITAIRES

Le général COMFT s’adresse au régiment après son chef de corps.

« Je vous remercie, mon colonel, de cette présentation des hommes et des femmes du 1er régiment de logistique automatisée de combat (RLAC) et je tiens à vous dire tout de suite le plaisir que j’éprouve à m’exprimer une nouvelle fois devant votre régiment dont je sais la qualité et qui incarne le lien fondamental entre le soldat et les nouvelles technologies. J’aime à dire que votre régiment symbolise notre nouvelle armée issue de Titan et de Vulcain.

Mes premières pensées vont vers celles et ceux qui ont donné leur vie ou ont été blessés dans l’accomplissement de leur mission. Une armée massivement robotisée n’est pas une armée sans risque, sans sueur, sans le sang parfois versé pour l’accomplissement de nos missions. Leur sacrifice est l’expression ultime de leur engagement. Je leur rends un hommage solennel et j’exprime à leurs familles mon affection et la solidarité des forces terrestres.

Je salue aussi les 8 900 hommes et femmes des forces terrestres qui sont en ce moment engagés sur le territoire national ou en opération extérieure, et puisque cela sera l’objet de mon discours, nous ne pouvons plus dissocier leurs missions des 38 000 robots militaires actuellement en opérations, dont 4 700 viennent du 1er RLAC.

Il y a 20 ans le général COMFT créait le 1er RLAC par scission du 1er RTP qui était porteur des traditions du 1errégiment de livraison par air dissous en 1997.

Dans un contexte de massification rendu nécessaire par de nouveaux conflits aux pourtours de la Méditerranée et à l’est de l’Europe, et bénéficiant des travaux déjà initiés lors des expérimentations de SCORPION (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation), l’arrivée des drones dans la logistique allait considérablement faire évoluer le soutien des combattants. La logistique au combat est aujourd’hui massivement robotisée, l’humain restant toujours dans ou sur la boucle de décision.

Aujourd’hui, je peux le dire devant tous sans crainte, la logistique de combat n’est plus une inquiétude pour les combattants face à l’ennemi. Ils savent que, dans les pires conditions environnementales, climatiques et sous le feu de la haute intensité, ils auront toujours un robot qui n’attendra qu’un ultime ordre de leur part pour leur délivrer munitions, énergie, eau, nourriture ou tout le nécessaire aux combattants dans l’accomplissement de leur mission.

Pour le public qui ne serait pas au fait des missions de votre régiment, permettez-moi de rappeler les prouesses de celui-ci au feu, prouesses qui ont considérablement changé notre manière de concevoir les missions de combat.

J’associe bien évidemment à cette prouesse nos trois autres régiments de logistique automatisée de combat créés depuis le 1er RLAC et nos quatre régiments de logistique automatisée dans la profondeur, les RLAP, qui planifient et conduisent initialement cette noria de robots. J’associe encore le 5e RMat de Nancy également recréé pour soutenir l’ensemble de vos robots et assurer une disponibilité essentielle à la réussite de votre mission.

Tout commence par les missions des régiments de la logistique automatisée de la profondeur dont la création est issue du constat que notre profondeur stratégique n’était plus acquise et qu’il faut aussi protéger nos flux logistiques.

Dotés de drones lourds, à vocation interarmées, et armés par des militaires de l’armée de Terre, de l‘armée de l’Air et de l’Espace et de la Marine nationale, ils assurent la livraison automatisée de charges lourdes entre nos bases logistiques en métropole, mais aussi le plus souvent maintenant depuis la France outre-mer et ses dépôts de résilience, vers les POD logistiques de théâtre. Le regroupement de l’impression 3D dans ces POD LOG a permis une agilité et une limitation significative de l’empreinte logistique des théâtres.

A partir de ces POD logistiques de théâtre, qui ressemblent à des montages de casiers de livraison que l’on connaît dans nos villes françaises, le défi logistique du 1er RLAC commence alors. La logistique de robot lourd se transforme en une logistique de robot du segment moyen et du segment léger.

L’humain reste au cœur de la logistique automatisée de combat, et je tiens à saluer les hommes et les femmes qui, dans la compagnie de commandement et de logistique automatisée, planifient et conduisent cette manœuvre si essentielle à la victoire tactique. Grâce à des calculateurs, à nos coéquipiers numériques d’intelligence artificielle et au soutien pour les faire fonctionner, vos soldats connaissent exactement le besoin en équipements et supervisent la manœuvre des robots pour assurer les flux logistiques jusqu’aux derniers centimètres.

En effet, chaque arme, légère ou lourde, intègre dorénavant un module numérique de logistique transmettant sa consommation et un bref état de bon fonctionnement. C’est donc l’arme qui demande des munitions maintenant. Chaque combattant peut aussi, grâce à ses nouveaux équipements de transmission du programme Vulcain, ou par son drone individuel de combat, émettre son besoin en eau, nourriture, complément de paquetage, petit matériel, etc. Tout ceci remonte vers vos postes de commandement et est fusionné avec la cartographie de la situation ennemie et amie. Je ne peux pas non plus ne pas avoir une pensée pour la manœuvre de renseignement automatisé de combat qui, grâce à d’autres robots, permet l’acquisition d’une visibilité du champ de bataille comme jamais vu jusqu’alors.

Fusionnant les prédictions de consommation des armes et des véhicules, les besoins émis par les soldats, prédisant des besoins complémentaires grâce au renseignement tactique, intégrant également notre manœuvre, les calculateurs initient et orientent les robots au plus proche des besoins.

Vos compagnies de robots logistiques intermédiaires, qui furent, dans l’armée de Terre, les premières compagnies en 2048 comprenant plus de drones que de soldats (une vraie révolution à l’époque) vont d’abord transporter cette logistique vers des POD intermédiaires au plus proche des combats. Combinant la roue et l’hélice, ils acheminent sur terre et dans les airs tout ce qui permet aux combattants de durer, sous la protection d’autres robots de combat, de robots de renseignement, de robots de transmission et de robots de commandement, par une véritable manœuvre interarmes et aéroterrestre.

Puis, vos compagnies de robots logistiques légers finalisent le transport. Ils transportent au plus près, par des drones plus légers et plus discrets, les équipements nécessaires. Après un vol tactique, vos robots se posent à quelques dizaines de mètres à l’abri, prêt à bondir dès que nécessaire pour rejoindre le combattant exactement au moment où celui-ci estimera pouvoir assurer sa réception.

Tout combattant sait aujourd’hui qu’il a toujours derrière lui un équipier robot de logistique de combat, qu’il peut appeler quand il est en mesure de le recevoir, simplement en appuyant sur l’écran de son transcommutateur Vulcain. Celui-ci arrive en quelques secondes, ce qui relevait auparavant du miracle.

S’il est vrai qu’au début il ne s’agissait que de petites quantités de munitions ou de matériels, les progrès immenses des techniques de robotique, la puissance actuelle des moteurs et l’ingénierie de l’énergie associée aux travaux sur des hélices silencieuses, permettent d’avoir des robots légers, robustes, y compris face à la guerre électronique ou aux attaques cyber et pouvant transporter des missiles, des obus, voire même aujourd’hui des drones légers de combat à chenilles. Les innovations énergétiques ont été une véritable révolution, permettant encore la supériorité de notre force terrestre face à de nombreux adversaires.

Le combat des blindés ou de l’artillerie s’en est trouvé changé, car maintenant ces unités peuvent être alimentées en munitions ou en énergie quand leurs calculateurs pensent que cela devient nécessaire, et partout où elles se trouvent, car vos robots savent où elles sont. Nos véhicules blindés de l’avant de tout type sont aujourd’hui ravitaillés en munitions et énergie directement pendant les combats, en modules électroniques de dépannage et en équipements divers par vos robots, le plus souvent sans que l’humain n’ait demandé quoi que ce soit. Les machines commandent aux machines, l’humain supervise et interfère parfois en redirigeant si besoin.

Combien de fois ai-je entendu que la logistique de combat n’est plus un problème ? Les hommes et les femmes, et permettez-moi cet amalgame, les robots de votre régiment, peuvent en être fiers.

Alors je tiens encore à vous remercier et à vous rappeler l’importance de la mission du 1er RLAC et ma satisfaction vis-à-vis des hommes et des femmes au combat, c’est le plus important.

Je profite enfin de l’honneur qui m’est fait de pouvoir vous parler pour faire quelques annonces.

Votre retour d’expérience, vos modes d’action et vos matériels nous ont permis de développer une compagnie de robots par régiment médical de l’armée de Terre. Dotés des robots les plus rapides, ils pourront transporter tous les médicaments nécessaires vers nos blessés. Les transcommutateurs Vulcain que vous avez au poignet sont aujourd’hui dotés d’un module médical établissant en permanence votre analyse individuelle médicale, mais aussi pouvant en cas de besoin requérir l’acheminement de produits médicaux si spécifiques.

Mais encore, dans un avenir très proche, ces compagnies auront une section de robots d’évacuation que vous avez pu expérimenter en exercice, et qui sont capables d’assurer l’évacuation rapide de nos soldats blessés dans un cocon stabilisateur vers les rôles 2 ou 3. C’est une vraie avancée qui n’aurait pu exister sans votre engagement dans la phase d’expérimentation.

Je sais pouvoir compter sur vous pour continuer à insuffler vigoureusement l’exigence de résultat au sein des armées, votre dynamisme et votre modernité.

Tout en vous renouvelant mes salutations les plus sincères, je vous demande de vous faire mon interprète auprès des femmes et des hommes des forces terrestres, pour leur exprimer toute ma confiance et mon estime. 

Et par saint Christophe, vive le 1er RLAC ! »

La préparation opérationnelle des unités logistiques de l’armée de Terre évolue

La préparation opérationnelle des unités logistiques de l’armée de Terre évolue

http://www.opex360.com/2019/02/18/la-preparation-operationnelle-des-unites-logistiques-de-larmee-de-terre-evolue/

Avec l’arrivée des véhicules SCORPION, le besoin en carburant des armées va augmenter significativement

Avec l’arrivée des véhicules SCORPION, le besoin en carburant des armées va augmenter significativement

 

Photo : Plein des véhicules pendant un raid blindé dans la Bande sahélo-saharienne (c) EMA

 

Le Véhicules de l’avant blindé [VAB], actuellement en service dans l’armée de Terre, est doté d’un moteur Diesel de 6 cylindres en ligne développant une puissance de 220 ch, ce qui permet de faire rouler ses 13 tonnes à la vitesse de 90 km/h. Avec un réservoir de 310 litres de gazole, son autonomie est d’environ 1.000 km.

Le Griffon, développé dans le cadre du programme SCORPION pour lui succéder, sera beaucoup plus lourd, avec une masse au combat de 25 tonnes. Ce qui suppose une motorisation plus musclée. D’où le choix d’un moteur diesel Renault-Volvo d’une puissance de 400 ch, consommant du carburant à la norme européenne antipollution Euro-3, couplé avec une transmission automatique, une suspension indépendante. Son autonomie, selon les chiffres disponibles, devrait être de 800 km.

Ce sera la même chose pour le Jaguar, appelé à remplacer l’AMX-10RC, le premier, doté d’un moteur diesel Volvo MD11 à 6 cylindres en ligne, devrait présenter une puissance massique 20 ch/t, contre 16,67 ch/tonne pour le second.

Et cela ne sera pas sans conséquences pour le Service des essences des Armées [SEA], comme l’a souligné son directeur, l’ingénieur général de 1ère classe Jean-Charles Ferré, lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

« Les nouveaux matériels, notamment Scorpion, vont consommer beaucoup plus que nos anciens véhicules de l’avant blindés, sans climatisation, plus légers et plus rustiques. […] Ils sont plus lourds et nécessitent une logistique beaucoup plus importante », a commencé par souligner l’ingénieur général Ferré. De même, a-t-il fait remarquer, « lorsqu’on passe d’un avion de combat à un réacteur à un avion de combat à deux réacteurs, on augmente nécessairement la consommation de carburant. »

Aussi, a prévenu le directeur du SEA, « toutes ces évolutions nous conduisent à prévoir, pour les années à venir, une augmentation de l’ordre de 20 % des consommations, qui passeront d’environ 800.000 à un million de mètres cubes par an. »

Et de préciser : « Cette augmentation s’accompagnera de celle des taxes. Je rappelle que le SEA, comme toute organisation, paie la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la TVA sur les produits pétroliers. » Ces dernières « s’appliquent sur le litre de gazole payé par un Français et sur le litre de gazole payé par le ministère des Armées. Il n’y a aucune différence », a-t-il insisté.

Par ailleurs, l’ingénieur général Ferré a aussi insisté sur un autre aspect que devra prendre en compte la « transition énergétique » pour répondre aux besoins des armées, dont « l’obsession est de pouvoir être mobiles sur l’ensemble des théâtres sur lesquels elles se déplacent. »

Dans le cadre des opérations extérieures, le SEA délivre plus de 120.000 mètres cubes de carburants aux forces engagées, « ce qui correspond à une livraison de plus de 260 tonnes quotidiennement sur l’ensemble des théâtres d’opérations », a indiqué l’ingénieur général Ferré.

Or, « les moteurs les plus récents de nos véhicules sont des moteurs Euro 6, dont les limitations en termes de qualité produit sont extrêmement drastiques. Le carburant avec lequel ils fonctionnent ne doit pas aller au-delà de quelques particules par million (ppm) de soufre, au risque de détruire la chaîne d’échappement », a expliqué le directeur du SEA. Et cela peut poser des problèmes, comme en Afrique, où « le gazole que l’on trouve dans les raffineries contient 5 000 ppm de soufre », ce qui fait qu’il « est donc inutilisable dans les moteurs Euro 6, sauf à provoquer immédiatement une panne. »

Cette question ne se pose pas pour le carburéacteur, qui bénéficie d’une norme internationale. À ce sujet, a indiqué l’ingénieur général Ferré, « les armées sont en mesure d’utiliser le carburéacteur à la place du gazole dans les véhicules terrestres », en y ajoutant un « additif particulier, qui est un améliorant en termes de lubrification et d’indice de cétane. »

« Cette possibilité simplifie considérablement la logistique pétrolière en évitant deux chaînes d’approvisionnement séparées. Nous pouvons ainsi utiliser un seul carburant pour tout ce qui roule, tout ce qui bouge et tout ce qui vole [à l’exception des navires, ndlr] », a continué le patron du SEA.

Et cela a un avantage : « Les taxes sur le carburéacteur sont beaucoup plus légères, puisque la TICPE ne s’applique pas. Le prix du carburéacteur est aujourd’hui autour de 60 centimes d’euro le litre alors qu’au mois d’octobre, celui du gazole délivré par le SEA était de 1,44 euro. Les prix sont mensuels et n’évoluent pas aussi vite que les prix à la pompe », a-t-il dit.

 

Les forces alliées en Europe ne se déplacent pas assez vite !

Les forces alliées en Europe ne se déplacent pas assez vite !

Le Service des Essences des Armées joue un rôle crucial dans l’exercice Trident Juncture 2018, comme dans la logistique en général (Photo : Ministère de la Défense / Olivier Debes)

 

Les pays européens n’agissent pas aussi vite que nécessaire pour résoudre des problèmes logistiques de longue date qui pourraient bloquer les efforts déployés pour faire face à une invasion de forces russes, selon un général de l’OTAN. « D’un point de vue militaire, je dirais bien sûr que les choses ne vont pas assez vite », a déclaré mercredi 31 octobre le général néerlandais Jan Broeks, directeur général de l’État-major international de l’Alliance. « Cela ne va pas assez vite. Bien sûr, il y a toujours un élément de rapidité avec lequel vous pouvez obtenir un financement, construire des brigades, construire des routes », a ajouté Broeks. « C’est beaucoup de travail mais, dans contexte militaire tel que le nôtre, nous devons être ambitieux ».

Ces défis en termes de rapidité relèvent en grande partie de deux ensembles. Le premier est logistique : trouver quelles routes peuvent supporter le poids et la taille de l’équipement militaire, augmenter la capacité des principaux ports ou réparer les voies ferrées. Le second est légal : il faut s’assurer que les nations aient préapprouvé l’entrée de forces d’autres nations dans leur espace aérien et le franchissement de leurs frontières terrestres.

Le général Broeks s’est rendu à Washington cette semaine en compagnie du lieutenant-général Esa Pulkkinen, l’officier finlandais qui occupe le poste de directeur général de l’état-major de l’Union européenne. Les deux généraux ont été accueillis par le Centre pour un nouveau groupe de réflexion sur la sécurité américaine. Pulkkinen a déclaré que l’ensemble des défis juridiques est celui auquel il est le plus facile de s’attaquer.

« Certains problèmes sont entre les mains de l’UE, d’autres entre les mains des États membres », a déclaré le général Broeks. Celui-ci a indiqué qu’il pourrait y avoir des développements dans le domaine des autorités compétentes dans les semaines et les mois à venir, avant le document d’orientation politique sur les alliances attendu en 2019. « Quand je pense à la mobilité aérienne rapide, il s’agit d’un élément très critique », a-t-il expliqué. « Pour le moment, c’est un élément de procédure. Si nous déployons des forces soit par ponts aériens, soit dans des missions avec appui fourni par des appareils à voilure tournante ou fixe, si elles ne devaient pas suivre de procédure de dépollution, alors nous sommes dans des cas de mobilité aérienne rapide. « Nous contrôlons cela en Europe », a-t-il ajouté. « Nous devons travailler avec les nations parce que ce sont elles qui exercent la souveraineté sur leur espace aérien ».

Dans le cadre complexe de la logistique inhérente aux déplacements de contingents militaires, penchons-nous un moment sur un facteur crucial du grand exercice Trident Juncture 2018, à savoir le ravitaillement en carburant. Composé de 152 soldats provenant de 9 nations alliées (France, Etats-Unis, Angleterre, Espagne, Belgique, Lituanie, Italie, Allemagne, Hongrie), la Modular Combat Petrol Unit (MCPU) est l’entité pourvoyeuse de soutien pétrolier pour Trident Juncture. Le Service des Essences des Armées (SEA) assure le commandement de cet organisme, intégré au Joint Logistic Support Group (JLSG), pour la durée de l’exercice. Cette cellule multinationale est composée d’officiers et de sous-officiers français et britanniques.

En s’appuyant sur deux dépôts de carburants situés à Sessvollmoen et Frigaard, la MCPU a pour mission de soutenir, en gasoil et en kérosène, les six brigades terrestres déployées en Norvège dans le cadre de l’exercice Trident Juncture. Au sud, sur le camp de Sessvollmoen, la MCPU se compose d’un dépôt de carburant, d’un laboratoire de campagne germano-hongrois ainsi que d’un peloton de transport américain permettant le rechargement en carburant de toutes les unités stationnées dans le sud de la Norvège. Chaque mouvement de carburant doit faire l’objet d’un certificat de transport visant à déclarer la provenance, le destinataire et la quantité de carburant transportée afin d’assurer le respect de la règlementation sur le transport de matériel dangereux. Le commandant Jean-Marc, officier du SEA inséré au JLSG, est en charge de ce travail, en liaison avec le lieutenant hongrois Mélinda et le sergent-chef allemand Micha, tous deux responsables du dépôt de carburant Sud.

Les unités font remonter à leur brigade les besoins en carburant, et celle-ci fait une demande au JLSG. En fonction de la localisation des demandeurs, le commandement du MCPU envoie la requête à traiter à l’unité MCPU positionnée au nord ou au sud. Sur le camp de Sessvollmoen, un peloton américain de transport est là pour délivrer le carburant aux brigades. Composé de 26 soldats et de 12 camions d’une capacité de 18.000 litres chacun, ce peloton permet l’acheminement du carburant jusqu’aux brigades.

Camion citerne conçu par Arquus pour le Service des Essences des Armées, exposé à Eurosatory 2018 (Photo: Forces Operations)

Le mot d’ordre adopté par les Américains le long de leur légendaire Red Ball Express en 1944 (voir notre article publié le 25 octobre 2018) était « Keep ‘em rolling ». Rien n’a changé et le rôle d’une unité comme le Service des Essences des Armées reste tout aussi primordial.

L’UE veut un  » Schengen militaire  » !

L’UE veut un « Schengen militaire » !

Alain Henry de Frahan – Forces Opérations Blog – 29 mars, 2018

forcesoperations.com/lue-veut-un-schengen-militaire/

Depuis la fin de la guerre froide, les obstacles administratifs à la circulation de contingents militaires au sein de l’Union européenne se sont multipliés, ne serait-ce que par l’ajout de nouveaux pays membres. Simultanément, la construction des grandes infrastructures ferroviaires et routières (ponts et tunnels compris) ont cessé de répondre à des impératifs de compatibilité avec les contraintes militaires. Il est désormais urgent de faire sauter ces obstacles !

Les chars et l’artillerie autopropulsée d’aujourd’hui excèdent, en masse et en gabarit, les engins pris en considération dans la construction des réseaux ferroviaires et routiers des années 1950-60. Des adaptations sont requises d’urgence (photo: US Army)

Une fois encore – et ce n’est pas par nostalgie pour une époque révolue –, on ne peut que déplorer une dégradation de certains paramètres de circulation concernant les armées européennes à l’intérieur de l’espace communautaire. Depuis des années, les déclarations alarmistes et les promesses de solutions s’évanouissent pourtant comme l’eau sur le sable…

Et voilà que les tensions croissantes avec la Russie réveillent les ardeurs pour pallier ces problèmes qui, s’ils ne sont pas résolus, pourraient bien coûter très cher à une Europe endormie par 75 ans de paix intérieure.

L’expression « Shengen de la défense » a été utilisée et elle est pertinente car il s’agit de progresser dans les limites d’un noyau de pays décidés à partager des règles communes plus vite et plus intensément que d’autres. 

Federica Mogherini, Haute Représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, a déclaré: « La promotion de la paix et la garantie de la sécurité de nos citoyens sont nos premières priorités en tant qu’Union européenne. En facilitant la mobilité militaire au sein de l’UE, nous pouvons être plus efficaces dans la prévention des crises, plus efficaces dans le déploiement de nos missions et plus réactifs en cas de difficultés. Ce sera une nouvelle étape dans l’approfondissement de notre coopération au niveau de l’UE, également dans le cadre de la coopération structurée permanente que nous avons officiellement lancée récemment, et avec nos partenaires, à commencer par l’OTAN. Pour nous, en tant qu’UE, la coopération reste le seul moyen d’être efficace dans le monde d’aujourd’hui. »

Mercredi 28 mars, la Commission européenne a donc présenté un plan d’action pour créer un « Schengen militaire » afin de faciliter les transports de troupes et de matériel au sein de l’Union européenne, actuellement freinés par une multitude de formalités administratives et un manque d’infrastructures adéquates, surtout en ce qui concerne les ponts routiers et l’infrastructure ferroviaire : depuis bien des années, on a cessé d’intégrer les paramètres militaires à ceux des seules exigences civiles. Ah, il faut bien réaliser que, en plus d’une inflation de gabarit, les presque 58 tonnes d’un char AMX Leclerc, 62,5 tonnes d’un M1A2 Abrams ou 64 tonnes d’un Leopard 2A7, c’est autre chose que les 37 tonnes d’un AMX 30B1, 47 tonnes d’un M60 ou 40 tonnes d’un Leopard 1 ! Mine de rien, cette inflation de la masse au combat des chars conduit à compliquer parfois diablement certains déplacements. La pose de ponts flottants, lorsqu’il faut s’y résoudre, ne s’effectue pas en quelques minutes… Ah ! N’oublions pas la question des tunnels trop étroits et trop bas !

Aussi le plan d’action présenté par la Commission européenne, élaboré en concertation avec l’OTAN, prévoit-il notamment d’identifier les besoins pour les transports militaires et de recenser les infrastructures utilisables. L’initiative s’inscrit dans la stratégie de relance d’une Europe de la Défense, un domaine dans lequel la plupart des pays membres de l’UE veillent jalousement à leur souveraineté nationale.

Plus fondamentalement, « Nous avons besoin d’un espace Schengen militaire. Les Russes ont une totale liberté de mouvement au sein de leur territoire. Nous devons pouvoir nous déplacer aussi rapidement, sinon plus vite, pour masser des forces contre un potentiel ennemi afin d’être dissuasifs », a soutenu récemment le général américain Ben Hodges, ancien commandant des forces américaines en Europe. C’est la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, qui est la première à avoir régulièrement évoqué la création d’un « Schengen militaire ». L’Allemagne a d’ailleurs déjà proposé la ville de Ulm pour accueillir, dans le cadre de l’OTAN, un QG dédié et déjà baptisé Joint Support and Enabling Command (JSEC).

Pour mémoire, l’Espace Shengen est le fruit d’un accord entre vingt-six pays européens pour supprimer les contrôles à leurs frontières intérieures. « Nous avons besoin de la même liberté de mouvement au sein de l’UE qu’un routier acheminant un chargement de pommes de Pologne en France », a fort justement déclaré le général Hodges. Les Etats baltes (Estonie, Lituanie et Lettonie) ont déjà constitué entre eux un mini-Schengen militaire, souligne Elisabeth Braw, analyste de l’Atlantic Council, un centre de réflexion spécialisé dans les relations internationales, a rapporté l’AFP.

Mais voilà… Dans la situation administrative actuelle, les formalités douanières à remplir pour acheminer un charroi militaire avec ses munitions depuis la France (par exemple) jusqu’à l’un des pays baltes constituent pour le moins un obstacle théorique sérieux à un déploiement urgent. A quoi s’ajoutent des obstacles au niveau de l’infrastructure routière et ferroviaire évoqués plus haut.

Il s’agit de commencer par dresser un inventaire de la situation actuelle en matière de mobilité militaire. Réglementation et infrastructure en constituent les deux volets. Sur base du rapport, l’étape suivante consistera à élaborer un calendrier d’action.

Une liste prioritaire de projets sera établie par la Commission européenne, avec une priorité pertinemment octroyée aux projets à double usage civil et militaire car les gros engins de génie civil bénéficieront aussi des solutions apportées aux armées.

On ne doute guère de l’approbation que doivent donner les Etats membres à ce plan d’action. Notons quand même qu’en novembre 2017, l’UE a lancé une coopération structurée permanente en matière de défense entre vingt-cinq pays, dans le cadre de l’Union de la Défense pour 2025 appelée de ses vœux par Jean-Claude Juncker, mais que le Royaume-Uni, le Danemark et Malte n’y participent pas.

Ce qui sera d’un grand intérêt – un intérêt peut-être vital – c’est le niveau et le rythme de concrétisation des bonnes intentions. L’Europe ne peut plus se permettre l’image de l’eau qui s’évanouit dans le sable… « Ce que nous voulons faire, c’est qu’au cas où il faudrait activer nos moyens de défense, nous soyons en mesure de le faire », a déclaré Violeta Bulc, Commissaire européenne aux Transports. Rien que ça.