L’armée de Terre renouvelle son matériel en s’appuyant sur la technologie. Du fait de son coût, ceci aboutit à un équipement soutenu au plus juste, avec des séries, dans certains cas, relativement limitées. Une des conséquences de ce choix est qu’une montée en puissance de l’outil militaire, si elle est réalisable, s’inscrirait a minima dans la durée, devant l’impossibilité de régénérer rapidement les matériels, soumis à un emploi beaucoup plus important qu’initialement prévu. C’est pourquoi le GCA (2S) Michel Grintchenko milite pour dimensionner dès le temps de paix les capacités industrielles de soutien à un niveau suffisant pour pouvoir s’imposer face à un adversaire déterminé. Une surcapacité industrielle apparente, qui pourrait être en grande partie supportée par l’industrie privée, si l’État en favorisait l’émergence.
Après la modernisation de sa composante d’aérocombat avec les programmes Tigre et NH90, l’armée de Terre reçoit enfin aujourd’hui ses indispensables matériels terrestres de nouvelle génération, organisés autour du programme de cohérence Scorpion. Une nouvelle ère s’ouvre pour les forces françaises, qui visent à pouvoir prendre rapidement l’ascendant sur l’ennemi en anéantissant sa volonté de poursuivre un conflit meurtrier et perdu d’avance. Le programme mise sur la supériorité technique, permettant d’accélérer les mouvements et d’atteindre des résultats décisifs, notamment grâce à l’info-valorisation propre à raccourcir au maximum le cycle décisionnel. Rapidité d’action et de décision devraient permettre de conserver l’initiative, si importante au combat.
Mais le revers de la médaille réside dans une diminution drastique des volumes, se traduisant par une réduction du format des forces, au risque de perdre les effets de masse tactique et industrielle. Moins d’unités sur le terrain, ce sont également des chaines avec de matériels moins nombreux, atteignant pour certains un volume trop faible pour bénéficier d’économies d’échelle. Le sur-mesure devient de l’artisanat de luxe et coûte bien cher !
Pour ses hélicoptères, l’armée de terre s’est même habituée à raisonner à la machine près. Les numéros de série deviennent connus des grands chefs, à l’exemple du Tigre 2028 touché en 2013 au Mali, dont les difficultés de remise en état ont été à l’ordre du jour de plus d’une réunion de haut niveau.
Mais si leur nombre est plus faible, les appareils de nouvelle génération ont également grandement complexifié la réalité du soutien, brouillant ce qui devrait être simple et masquant l’important derrière des données techniques relativement absconses. Déblayer ce qui semble complexe sera nécessaire avant d’aborder les trois marches du soutien qui doivent être maîtrisées.
* * *
À l’image d’un parcours du combattant qui voit se succéder plusieurs obstacles, l’armée de Terre a absorbé le premier obstacle majeur, constitué par le mur de l’équipement : ses matériels sont à présent bien commandés et la LPM veillera à ce qu’ils soient livrés à temps.
L’armée de Terre doit à présent gérer le mur du fonctionnement, avant d’espérer ne pas être handicapée par celui de la régénération de potentiel. Trois stades importants dans la vie d’un programme, rythmé par une gestion scrupuleuse du potentiel accordé.
Le Niveau de soutien opérationnel (NSO) doit permettre aux forces de franchir le mur du fonctionnement. Le but visé est celui de rendre les matériels disponibles par une série d’actions de maintenance ; actions qui peuvent relever du domaine préventif, quand il s’agit de répondre au plan d’entretien programmé par le constructeur ou du domaine curatif, quand il s’agit de traiter les pannes courantes et les incidents mineurs.
Opérations préventives et curatives se traduisent cependant dans les ateliers par un travail conséquent. Elles nécessitent un budget important pour financer les multiples besoins comme la formation des spécialistes, l’acquisition des outillages, la mise à jour des documents techniques et la gestion du flux des pièces de rechange. Malheureusement, ce besoin est parfois volontairement minoré pour rendre le nouveau programme plus compatible avec le budget des armées. Or, d’un soutien sous-dimensionné découlera une activité plus faible qu’escomptée ; un choix douloureux, mais dont la gestion des conséquences demeure dans le domaine de responsabilité du décideur militaire.
Il n’en est pas de même pour le troisième mur à franchir, celui de la régénération de potentiel qui relève du monde industriel. Ayant usé le segment du cycle de vie alloué aux forces, le matériel quitte les armées et rejoint l’industrie pour être régénéré au cours d’activités de maintenance lourde. Tout comme il est fondamental de trouver des stations-service disposant de carburant pour faire le plein de sa voiture, il est indispensable que les matériels dont le potentiel doit être régénéré trouvent des ateliers industriels disponibles pour les accueillir.
La cohérence de la construction de cet outil industriel relève de la DGA. La mise en œuvre est portée par les organismes de maîtrise d’œuvre de milieu comme la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) pour les matériels terrestres et la Direction de la Maintenance aéronautique (DMAé) pour les matériels aériens. Les ateliers étatiques et privés en assurent l’exécution.
Dans ce domaine, l’armée de terre n’agit alors qu’en tant que client, marquant ses efforts dans le budget qu’elle accorde aux actions à réaliser et en attendant des résultats. En cas de problème, elle ne peut que constater les dysfonctionnements, se plaindre des différents retards et obtenir quelques compensations financières.
La notion de cycle de vie est importante à saisir. Sur chaque cycle de vie, les appareils disposent d’un volume d’heures à consommer (potentiel horaire) sur un temps donné (potentiel calendaire) ; l’appareil est arrêté (et même interdit d’emploi) dès qu’il a atteint la première des deux butées. Afin d’éviter les attentes, la fin du cycle correspond dans la planification industrielle à la date de la prochaine visite industrielle, où les ateliers procèderont aux opérations très longues (de l’ordre d’une année) qui ouvriront un nouveau cycle de potentiel, donnant aux opérationnels un nouveau capital d’heures à consommer.
Il s’agit d’une sorte de respiration naturelle entre le soutien opérationnel (NSO) et le soutien industriel (NSI), qui permet de s’assurer dans la durée du fonctionnement en sécurité des appareils : le NSO génère de la disponibilité et le NSI du potentiel. C’est grâce à cette organisation que des appareils d’une cinquantaine d’années, comme le Puma et la Gazelle sortent de grande visite avec une étonnante jeunesse.
Un soutien industriel bien dimensionné permettra de régénérer sans à coup le potentiel. Mais le moindre grain de sable pourra venir perturber la belle mécanique. Si les capacités industrielles sont insuffisantes, si les opérations techniques sont plus complexes du fait d’une usure anormale des appareils ou si l’emploi opérationnel est supérieur aux estimations consommant le potentiel plus rapidement que prévu, le nombre d’appareils en attente de prise en main ne pourra qu’inévitablement augmenter. Pour reprendre l’image d’un voyage sur une autoroute, lorsque le trafic est chargé, le moindre incident est susceptible de
dégénérer en bouchons interminables, encore en place longtemps après la résolution de l’incident.
Certains appareils se dégraderont alors sur les parkings en attendant leur prise en main. D’autres se transformeront en commodes réserves de pièces pour le reste de la flotte, alors qu’un nombre à peu près constant d’appareils sortiront des ateliers pour entamer un nouveau cycle. Dans un tel scénario, la dette se creuse et le parc s’atrophie mécaniquement. Un triste gâchis, pouvant donner l’impression de posséder des appareils « quasi jetables », incapables de dépasser en nombre suffisant le premier cycle d’utilisation. Un état de fait bien loin de la philosophie d’une loi de programmation militaire ambitieuse et rigoureuse !
L’armée de Terre a vécu une telle période de paralysie d’un parc lors des opérations de rénovation de la flotte Cougar. Les chantiers ont été programmés sur un an, à partir d’une capacité industrielle surévaluée. Ils ont duré en fait pour chaque appareil plus de trois ans, privant l’armée de terre de la moitié de sa flotte de Cougar pendant dix ans. L’EMAT a été insatisfait, s’est plaint et a tempêté. Rien n’a pourtant changé et le paquebot industriel a poursuivi sur son erre de retards, incapable de reprendre l’initiative. Le match a été perdu dès la planification, sans aucune capacité de correction.
S’agit-il d’un cas fortuit, ou d’un cas d’école, susceptible de se reproduire à plus grande échelle sur d’autres parcs de nouvelle génération ?
Quand on analyse les difficultés qui ont accompagné la régénération des matériels revenus d’opérations extérieures (OPEX), on ne peut que constater combien le soutien industriel est souvent le parent-pauvre des réflexions de fond. Certains pensent que comme d’habitude « l’intendance suivra ». D’autres espèrent que le programme y pourvoira. D’autres enfin déplorent des financements insuffisants et estiment que l’État n’a pas à payer dès le temps de paix un hypothétique effort de guerre, puisque la paralysie observée relève d’une surconsommation conjoncturelle.
Tous ces avis sont partiellement vrais, mais ils doivent être ordonnés dans l’espace et le temps. Entendons par l’espace la cartographie des lieux et des acteurs, puisque l’État n’est pas seul. Il peut et doit s’appuyer sur les entreprises françaises d’une Base industrielle et technologique de défense (BITD) ordonnée. Quant au temps, il n’est pas linéaire, générant des besoins dictés par les circonstances.
On peut ainsi distinguer trois cas de figure, qui représentent pour un programme trois marches à franchir, constituant un continuum qui croît en exigence. Le point de départ réside dans l’usage courant du temps paix. Le besoin passe ensuite par un stade intermédiaire, caractérisé par l’engagement majeur, qui génère des besoins proches de ceux du temps de guerre dans un régime juridique et économique du temps de paix. Enfin le continuum débouche sur la guerre, qui se caractérise par des besoins sans limites, mais dans une organisation et un système juridique différents, qui sont ceux du temps de guerre. Ce passage d’une marche à l’autre nécessite d’avoir été suffisamment anticipé pour qu’il se fasse de façon cohérente.
* * *
La première marche est donc celle du programme et de la vie courante. Elle correspond pour les états-majors à la Situation opérationnelle de référence (SOR).
Les besoins sont calculés dans une logique d’utilisation « de bon père de famille », envisageant les consommations raisonnables que l’on peut se payer en accord avec la programmation budgétaire. Le volume horaire retenu et les objectifs de disponibilité permettent d’accomplir le travail quotidien. La capacité du soutien industriel est calculée pour répondre au vieillissement attendu du parc.
Le volume d’heures allouées permet de former, puis d’entraîner les équipages pour qu’ils dominent des tactiques qui, reconnaissons-le, génèrent de plus en plus d’interactions entre les différents matériels et de multiples unités françaises ou étrangères. Bien sûr, ce volume permet de remplir les contrats opérationnels qui dans certains cas demeurent très exigeants.
Les besoins de cette première marche sont réduits au maximum, grâce à l’adjonction de moyens de simulation, voire de substitution qui permettent de s’entraîner avec des matériels bien plus économiques que les systèmes d’armes réels.
Cette première marche envisage une attrition faible, découlant essentiellement d’un niveau d’accident que l’on ne peut malheureusement éradiquer définitivement ainsi que des inévitables pertes subies en OPEX.
Les capacités industrielles sont alors construites dans une logique semi-étatique. La partie régalienne, fournie par des capacités industrielles étatiques, est renforcée de capacités privées résultant de différents appels d’offres. Le moins cher est souvent retenu, même s’il délocalise son activité pour réduire les coûts de main d’œuvre. Les stocks de rechanges sont réduits au minimum pour ne pas gonfler des investissements considérés à tort à ce moment-là comme non productifs.
Il s’agit de la vie quasi normale de nos armées, bénéficiant d’un soutien régi par la loi du marché dans un système de temps de paix, totalement en phase avec les aspirations d’une société peu portée à consentir plus de dépenses pour sa défense.
Si intellectuellement le système est très cohérent, un examen plus minutieux souligne déjà certaines fragilités. Le Tigre par exemple n’atteint ses objectifs de disponibilité qu’au prix d’efforts très conséquents ; quant au Caïman, même si sa consommation a été envisagée dans une option minimaliste de 200 heures de vol par an (soit pratiquement une heure de vol tous les deux jours), il rencontre déjà de nombreuses difficultés pour maîtriser cette première marche. Nombre d’opérations de maintenance sont interrompues par des attentes de pièces, voire dans certains cas, par des attentes de main d’œuvre et des décisions techniques.
L’entraînement des forces est optimisé dans des centres d’entrainement façonnés pour des petites unités. Nous sommes bien loin de l’exercice « Kecker Spatz » (Moineau hardi) qui en septembre 1987 a mobilisé dans les champs et les forêts de Bade-Wurtemberg et de Bavière, près de 55 000 militaires allemands et 22 000 soldats français de la FAR !
* * *
La seconde marche est celle de l’Hypothèse d’un engagement majeur (HEM).
Deux questions alimentent alors les réflexions : comment passe-t-on d’une marche à l’autre (de la SOR à l’HEM) et combien de temps doit-on envisager de rester sur le pic HEM ? Cette problématique a par ailleurs fait l’objet d’un rapport d’information de l’Assemblée nationale en février 2022.
Véritable étape intermédiaire entre le temps de paix et le temps de guerre, l’engagement majeur se caractérise par bon nombre d’exigences du temps de guerre qui doivent être satisfaites par un système juridique de temps de paix, sur la base d’un outil construit pour soutenir la SOR.
Par rapport au stade précédent, l’utilisation du parc opérationnel pour exécuter les missions s’accroît considérablement, puisque les missions à remplir sont de fait beaucoup plus nombreuses. L’attrition des parcs augmente, rendant urgent de réparer les dommages de combat et impératif de régénérer plus rapidement le potentiel. La tension se porte alors sur les stocks de rechanges et de munitions, les matières premières, les composants électroniques et les machines-outils ainsi que sur le niveau de soutien industriel qui doit libérer plus d’appareils, beaucoup plus rapidement.
Ce besoin d’un potentiel supérieur exigé par l’emploi opérationnel entraîne pour les matériels aériens la nécessité de rapprocher les visites périodiques industrielles et de raccourcir les délais d’immobilisation. Pour revenir à l’exemple du Caïman, il sera nécessaire d’envisager de consommer beaucoup plus d’heures de vol par an. Là où le schéma précédent envisageait une visite toutes les 900 heures après 4,5 ans d’utilisation, il faudra effectuer cette même visite au bout de deux ou trois ans. Dans le premier cas pour la SOR, le nombre nécessaire de plots industriels pour régénérer le potentiel se situait entre un quart et un cinquième du parc (une vingtaine de plots) ; dans le second pour l’HEM il se rapprocherait du tiers (une trentaine).
Où donc trouver dans un bref délai les capacités industrielles nécessaires ? Et comme la construction de ces ateliers prendra du temps, comment financer à budget constant une surcapacité industrielle sous-employée en régime normal, devenue à peine suffisante lors d’un hypothétique engagement majeur ?
La réponse se situe dans l’anticipation, l’organisation et l’association des talents et des intérêts. L’État dans un tel scénario n’est pas seul. Il doit pouvoir s’appuyer sur les industriels privés, qui ont également leurs intérêts à faire valoir.
Le rapport sénatorial a pointé du doigt qu’il n’existait pas de structure de pilotage d’une telle montée en puissance. Pourtant, l’État doit se placer en facilitateur, pour favoriser la constitution de capacités industrielles cohérentes avec les besoins de cette seconde marche.
Faciliter ne dit pas financer complètement, car ces capacités doivent entrer dans une logique de profit industriel, que les entreprises iront chercher dans des marchés connexes, civils ou à l’étranger avec l’appui de l’État.
C’est ce qui se passe aujourd’hui pour certains hélicoptères pour lesquels une capacité industrielle bien étoffée existe en France, grâce à l’entretien d’appareils étrangers. Les stocks, outillages et capacités techniques sont gonflés par rapport aux besoins strictement nationaux et pourront directement être affectés aux forces françaises en cas de besoin. C’est notamment le cas des hélicoptères de la famille Cougar-Caracal pour lesquels la maintenance est ouverte aux industriels privés qui peuvent équilibrer leur outil industriel sur un palier haut, rentabilisé par les clients civils et étrangers.
Ce n’est malheureusement pas le cas du Caïman pour lequel la maintenance est toujours fermée au bénéfice de quelques entités, sur un schéma calculé pour répondre au besoin de la marche précédente. L’État se retrouve alors seul devant le fardeau de devoir développer une capacité industrielle réactive, permettant de régénérer rapidement le parc qui répondra aux exigences d’un engagement majeur qui n’est pas encore d’actualité. Une démarche altruiste possible quand on n’a pas à gérer des programmes plus prioritaires les uns que les autres !
Aujourd’hui, les capacités du soutien industriel du Caïman sont telles, que le potentiel du parc risque d’être consommé plus rapidement qu’il ne sera régénéré. Ceci risque d’aboutir à une extinction progressive de la flotte, au moment où l’armée de terre en aura le plus besoin : une bien triste évidence à formuler, alors que la catastrophe peut encore être évitée !
Un appareil de nouvelle génération doit donc être appréhendé à travers ses capacités tactiques, son soutien opérationnel et la fluidité avec laquelle il sera régénéré. L’armée de Terre doit donc considérer le soutien industriel comme partie prenante de la capacité opérationnelle de ses matériels.
Comme les autres armées, il est fondamental qu’elle s’assure que son outil de combat fonctionne dans le temps, dans une logique patrimoniale d’assurance-vie de la Nation. En lien avec la DGA, elle doit associer dès à présent les industries françaises pour construire cet outil qui doit fournir l’indispensable profondeur stratégique industrielle susceptible de soutenir dans la durée une hypothèse d’engagement majeur.
Externalisations, SOUTEX, résilience toutes ces notions sont intimement liées et feront vivre en symbiose les armées avec la nation.
* * *
La troisième marche est celle de la guerre.
Un scénario bien longtemps occulté, mais dont Vladimir Poutine a rappelé la triste réalité en février 2022, en ravivant le spectre de la guerre en Europe. La guerre engendre la démesure, notamment dans les calculs prédictifs. Elle repose cependant sur une autre logique, qui est celle du temps de guerre.
L’État sera en mesure de reprendre la main, par le biais des réquisitions, sur toutes les capacités industrielles nécessaires, pourvu qu’elles n’aient pas été délocalisées. La guerre nécessite des stocks importants de rechange. Elle autorise des cadences de travail aux trois-huit, sept jours sur sept, ce qui laisse envisager une réduction considérable de la durée des grandes visites.
Si l’argent ne sera plus un problème, du fait du passage en économie de guerre, certaines réalités techniques s’imposeront, comme la faiblesse des compétences techniques, qui ne pourront pas être improvisées.
D’où l’intérêt extrême de positionner la guerre dans le continuum de l’engagement majeur. Il ne serait pas raisonnable de la découvrir au sortir de la vie courante, comme s’il était normal qu’elle nous surprenne alors qu’elle est aux portes de l’UE ! Partir de trop bas nous empêcherait de devenir rapidement réactifs.
* * *
La crédibilité de l’outil militaire demeure indissociable de la solidité et de la complémentarité de la base industrielle de défense. Elle doit être construite en cohérence avec les besoins prévisibles de l’État et les intérêts des entreprises. Même si le temps de paix fixe, en accord avec la notion de programme d’armement et de contrat opérationnel, la priorité à un usage modéré des matériels, il faut dès à présent préparer la soutenabilité d’un engagement majeur.
Certes, nécessité faisant loi, l’argent nécessaire sera injecté au moment voulu. Mais tout cet argent ne compensera pas le temps nécessaire pour construire des ateliers, se doter des outils et des stocks nécessaires, former le personnel pour qu’il maîtrise les indispensables gestes techniques. Par ailleurs, il faudra du temps pour que les bureaux d’étude sachent analyser les différentes solutions techniques et proposent les ajustements nécessaires aux actes de réparation et aux programmes d’entretien.
Plus que jamais, il est nécessaire de se préparer au pire en s’appuyant sur la vitalité de la BITD largement à même de soutenir l’effort de défense. Brisons donc les habitudes et les rentes de situation héritées d’un monde où la guerre ne semblait qu’appartenir au passé ! Il en va réellement de la crédibilité du système et de notre capacité de « gagner la guerre, avant la guerre » !