Un satellite LIDAR chinois bientôt capable de détecter les sous-marins en immersion ?

Un satellite LIDAR chinois bientôt capable de détecter les sous-marins en immersion ?

VMF214 – Le Blog – Publié: 28 octobre 2018 

L’innovation navale de défense est décidément en plein boom. Après une semaine pendant laquelle j’ai pu parcourir l’excellent salon Euronaval 2018 et découvrir de véritables innovations sur les stands des grands, des moins grands, et des tout petits (notamment au sein de l’exposition Seannovation), un petit retour sur une nouvelle de début octobre, passée relativement inaperçue.

Le sujet ? Un projet chinois baptisé Guanlan (traduction approximative : « observer les grandes vagues ») qui vise à développer un satellite LIDAR capable de détecter les sous-marins en plongée. En premier lieu, et pour bien expliquer le concept, je me permets un petit rappel sur le LIDAR.

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Pour faire simple, un LIDAR est un radar qui émet des impulsions à fréquences très élevées, dans le spectre visible ou infrarouge des ondes électromagnétiques, en utilisant généralement un laser. L’acronyme LIDAR signifie « light detection and ranging » (le « r » de radar signifiant quant à lui « radio »). Si l’on en parle beaucoup aujourd’hui (toutes les voitures autonomes utilisent un LIDAR – p.ex illustration ci-dessus), cette technologie est en réalité relativement ancienne. Elle a été développée dans le domaine spatial dans les années 70: sa première application était l’établissement d’une cartographie de la Lune lors de la mission Apollo 15.

Le LIDAR est également utilisé en archéologie, pour permettre de cartographier une zone en révélant ce qui se cache sous la surface. Et, bien entendu, sous l’eau.

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Le projet Guanlan repose sur l’émission d’impulsion laser de différentes couleurs (donc de différentes fréquences) permettant de détecter des cibles à différentes profondeurs.

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L’idée est de scanner une bande de 100km de large, tout en étant capable de focaliser le faisceau sur un rectangle de 1km de large. La question : comment détecter un sous-marin caché dans une zone d’une telle taille ?

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L’équipe chinoise a donc dévoilé sa stratégie : coupler le LIDAR à un radar micro-ondes, capable de mesurer le mouvement de la surface de manière extrêmement précise. Le radar recherche ainsi les perturbations de la surface de l’eau qui pourraient témoigner de la présence d’un sous-marin immergé, afin de pouvoir focaliser le faisceau laser sur l’emplacement de la cible présumée.

Le faisceau se focalisera sur la thermocline, c’est-à-dire la couche dans laquelle on observe une inflexion brutale de la température, c’est à dire la frontière entre une masse d’eau froide, profonde et une masse d’eau superficielle plus chaude. Cette zone est généralement exploitée par les sous-marins afin d’éviter la détection (les ondes sonar se propageant différemment en fonction de la thermique sous-marine).

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Les chinois annoncent une détection théorique jusqu’à une profondeur de 500m. Le satellite serait en cours de développement (comme à l’accoutumée, il faut prendre les déclarations chinoises avec une certaine prudence) par plus de 20 instituts chinois disséminés sur le territoire. L’institut responsable du projet serait le Pilot National Laboratory for Marine Science and Technology situé à Qingdao (sud-est de la Chine).

Maintenant, une certaine prudence s’impose, surtout si l’on considère que cette technologie a déjà été examinée dans un tel contexte, notamment mais non exclusivement par la DARPA (voir par exemple le Deep Sea Operations Program) avec des résultats mitigés . Il conviendra également de se poser la question de la sensibilité aux conditions de surface et de mer, ou à la présence d’organismes vivants comme les bancs de poissons. Quid également de la turbidité de l’eau, ou de la présence de nuages (puisque le laser est déporté en orbite)…  Enfin, les LIDAR peuvent être diffractés, notamment lorsqu’ils traversent des milieux de températures ou de salinité différents – les expérimentations réalisés par les États-Unis ou la Russie n’ont pas été concluants au-delà de 200 m de fond. Alors même si le Laser semble développé par le très sérieux institut Xian Institute of Optics and Precision Mechanics Institute, percer la mer par 500m de fond semble très complexe, voire impossible.

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En tout cas, encore une nouvelle annonce provenant de la Chine et destinée à démontrer le sérieux de la volonté du pays à s’imposer comme une superpuissance technologique militaire comme en témoigne (mais ce sera pour un nouvel article) le projet Deep Blue Brain destiné à développer un ordinateur exaflopique (1000 fois plus puissant que le plus puissant superordinateur actuel) avant 2020.

Pour fidéliser ses marins, la Marine nationale instaure une « prime de lien au service »

Pour fidéliser ses marins, la Marine nationale instaure une « prime de lien au service »

http://www.opex360.com/2018/11/21/pour-fideliser-ses-marins-la-marine-nationale-instaure-une-prime-de-lien-au-service/

 

 

Dans le cadre de son plan « Mercator », qu’elle vient de lancer, la Marine nationale veut pouvoir compter sur « chacun de ses marins ». Or, les ressources humaines constituent aujourd’hui l’une de ses plus importantes vulnérabilités.

Les réformes successives de ces dernières années ont réduit considérablement le format de la Marine nationale, qui a dû, en conséquence, revoir son organisation pour s’adapter.

 

 

 

 

 

« Aujourd’hui, notre organisation est faite pour perdre des effectifs. Quand je suis entré dans la marine, il y a bientôt quarante ans, il y avait 74.000 marins, dont 14.000 appelés. Aujourd’hui, nous sommes 40.000. En 40 ans, nous avons perdu en moyenne 500 marins tous les ans. Certes, nous avons gagné d’autres choses, par exemple en efficacité opérationnelle. Mais notre organisation en termes de ressources humaines a une ‘physiologie de fakir’. Nous sommes organisés pour diminuer nos effectifs », a ainsi expliqué l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], lors d’une audition à l’Assemblée nationale et dont le compte-rendu vient d’être rendu public.

Mais avec la « remontée en puissance » que prévoit la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, la logique de déflation est désormais terminée. Et, « pour la première fois depuis très longtemps, nous allons […] augmenter » nos effectifs, a ajouté le CEMM. « Là où nous devions perdre 500 marins tous les ans, être ‘stable’ signifie en recruter ou en conserver 500 de plus », a-il précisé.

En 2019, la Marine nationale pourrait recruter 71 marins de plus, ce qui lui permettra d’armer le nouveau patrouilleur léger guyanais (PLG) « La Combattante », destiné aux Antilles, et de créer un peloton de sécurité maritime et portuaire de gendarmerie maritime à Calais. Et, selon la LPM, l’augmentation de ses effectifs représentera au total 1.000 postes d’ici 2025.

« Je serais ravi que les effectifs tombent sur la marine comme à Gravelotte! Néanmoins, je dois avant tout réorganiser la marine. Et cette réorganisation me permettra de dégager des marges de manœuvre », a indiqué l’amiral Prazuck. Cette réorganisation passe, par exemple, par l’instauration d’un double équipage pour les frégates, ce qui permettra de rationaliser la formation et la préparation opérationnelle des marins.

Cela étant, il ne suffit pas de pouvoir recruter davantage. En effet, il s’agit également d’éviter les départs de marins vers le civil, notamment ceux qui ont des spécialités recherchées par le secteur privé car très « pointues ».

« La compétition pour les talents est intense, qu’il s’agisse de leur recrutement ou de leur fidélisation. Après quelques années, lorsqu’on les a formés et qu’ils ont suivi leurs différents niveaux de cours, les marins sont démarchés et débauchés par les grandes entreprises civiles de l’aéronautique, de l’énergie et du transport et, plus généralement, par tous les métiers de spécialité technique. Je dois donc me battre pour conserver les marins qualifiés dans la marine », a ainsi fait valoir l’amiral Prazuck.

Le passage à deux équipages pour certains bâtiment fait partie des mesures de « fidélisation » prises par la Marine. « Mon objectif est de donner de la prévisibilité sur l’activité des bateaux pour permettre aux marins de mieux concilier vie professionnelle et vie privée, afin de les fidéliser », a expliqué le CEMM.

Ce doublement des équipages se fera par le rédeploiement d’effectifs au sein de la Marine. Pour l’amiral Prazuck, cette mesure aura des effets bénéfiques « en termes d’entraînement –l’équipage qui ne sera pas à la mer s’entraînera sur des simulateurs –, d’entretien des bateaux – car les deux équipages à bord pourront contribuer aux travaux – et d’opérations. » L’objectif est que les frégates multimissions [FREMM] puissent passer 180 jours en mer, contre 110 actuellement. Ce qui compensera (en partie) le manque de frégates de 1er rang (qui seront 15 alors que le CEMM en aurait voulu 18).

La fidélisation passe aussi par l’amélioration du soutien des unités de la Marine, lequel a été chamboulé par la Révision générale des politiques publiques [RGPP], conduite entre 2008 et 2012.

« On a éloigné le soutien des unités soutenues, au détriment de celles-ci », a déploré l’amiral Prazuck. « Quand je lis les rapports sur le moral des bateaux, […] j’observe que le leitmotiv est leur difficulté quotidienne à être soutenus – à obtenir un camion pour transporter une pièce détachée, par exemple. Il existe tout un maquis de système d’information et de commandes. Il faut redonner de la simplicité et de la proximité à toutes ces organisations du soutien », a-t-il détaillé.

Enfin, un autre levier concernant la fidélisation se traduira par l’instauration, en 2019, d’une « prime de lien au service » qui, en réalité, rationalisera et rendra « plus lisibles » les « différentes primes qui existaient pour fidéliser les marins ».

« Pour ce qui est des primes de fidélisation, je recherche avant tout de la souplesse, car les métiers changent. […] Il faut que je puisse déplacer les moyens en fonction des besoins de la marine, à enveloppe constante bien sûr », a justifié l’amiral Prazuck.

« Avant la prime de lien au service, il existait une prime que nous avions réussi à appeler, dans notre jargon inimitable, la prime réversible de compétences à fidéliser [PRCF] […], en échange de laquelle les marins devaient s’engager à rester dans la marine 4 ans de plus. En général, ils préféraient – en tout cas les plus pointus d’entre eux – garder leur liberté et saisir l’occasion d’autres propositions qui se présenteraient de toute façon », a rappelé le CEMM.

Et d’ajouter : « J’avais alors suggéré qu’à enveloppe constante et dans une fourchette que l’on m’aurait imposée, je puisse choisir le niveau de PRCF. Cela m’avait été refusé. »

Reste, pour l’amiral Prazuck, gagner en souplesse, notamment sur le plan des rémunérations, est essentiel. « C’est aussi ce que demandent les entreprises qui disposent de ressources rares et de compétences dans lesquelles elles ont investi durant des années », a-t-il estimé. « S’adapter à la concurrence en conservant mes ressources, c’est ce que je recherche », a-t-il conclu.

Général Lecointre : « L’expansionnisme chinois peut devenir agressif »

Général Lecointre : « L’expansionnisme chinois peut devenir agressif »

http://www.opex360.com/2018/11/14/general-lecointre-lexpansionnisme-chinois-peut-devenir-agressif/

Malgré l’avis de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, qui affirme que ses prétentions en mer de Chine méridionale n’ont « aucun fondement juridique », Pékin ne s’en laisse guère compter et continue sa politique du fait accompli en militarisant des îlots appartenant aux archipels Spratleys et Paracels alors que ces derniers sont revendiqués par d’autres pays de la région, comme le Vietnam, les Philippines, Brunei, Taïwan ou encore la Malaisie.

Suivant sa stratégie dite des « neuf traits », la Chine convoite également les îles Natuna, sous souveraineté indonésienne. elle met aussi la pression sur l’archipel Senkaku, qui appartient au Japon, et, ces derniers temps, elle ne cesse laisser entendre que Taïwan reviendra dans son giron par la force. Il s’ajoute à cela une présence chinoise de plus en plus marquée en Afrique (dont la base, à Djibouti, est un symbole) ainsi que la stratégie suivie dans le cadre des Nouvelles routes de la soie.

S’agissant de la mer de Chine méridionale, plusieurs pays, dont la France, y mènent des missions dites « FONOP » [Freedom of navigation operation], afin d’y défendre la liberté de navigation. Carrefour de routes maritimes commerciales, par ailleurs riche en ressources naturelles (pétrole, notamment), cette région est en effet stratégique. D’où sa militarisation, avec des moyens de d’interdiction et de déni d’accès, par Pékin.

La semaine passée, M. Macron a évoqué l’idée d’établir une « vraie armée européenne » afin de défendre l’Europe de « la Chine, de la Russie et même des États-Unis d’Amérique » (ce que le président américain, Donald Trump, a estimé « insultant »).

Ce 14 novembre, Pékin a réagi aux propos du président français en affirmant que la Chine « n’a jamais été une menace pour l’Europe ». Ce qui n’est pas tout à fait exact…

« Un contrôle de la mer de Chine méridionale par Pékin serait lourd de conséquences, notamment s’il lui offre la possibilité d’instaurer un déni d’accès à la zone […]. Cela constitue un risque pour la liberté d’action dans les zones d’opération de la France, y compris en Océan Indien. Ce pouvoir de déni d’accès constituerait une arme stratégique, notamment du fait du risque d’altération du commerce international en cas de conflit : 2/3 du trafic conteneurisé traverse la mer de Chine, représentant près de 70 % des échanges européens en produits manufacturés et constituant l’approvisionnement indispensable pour des secteurs industriels tels que l’automobile ou l’informatique », estime ainsi la capitaine de corvette Axelle Letouzé, dans une étude de l’IRIS [.pdf].

En outre, le refus de la Chine d’appliquer la Convention des Nations unies sur le droit de la mer en annexant, de facto, des territoires sur lesquelles ses prétentions sont discutables « constituerait un précédent qui renforcerait les contestations existantes sur les ZEE françaises, par exemple celles des îles Eparses, Tromelin ou Clipperton. » Enfin, poursuit cette étude, « la mer de Chine constitue un enjeu capital pour la préservation des réserves halieutiques françaises. Celles-ci sont en effet menacées dès aujourd’hui par la relocalisation des pêcheurs expulsés par les forces chinoises, voire par les pêcheurs ‘patriotiques’. Cela conduit notamment à des incursions répétées de flottilles entières de pêche vietnamiennes dans la ZEE de Nouvelle Calédonie. »

 

Lors de sa dernière audition par les députés de la commission de la Défense, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, a été interrogé sur « l’expansionnisme chinois ». Ainsi, selon lui, le Européens doivent avoir une « réflexion stratégique commune » à ce sujet.

« Nous avons noué deux partenariats stratégiques majeurs avec l’Inde et avec l’Australie. Ils sont un moyen de contrôler l’expansionnisme chinois – lequel peut devenir agressif – et, si possible, de s’y opposer », a prévenu le CEMA.

« C’est un sujet majeur, aussi bien dans l’océan Indien ou dans l’océan Pacifique qu’en Afrique. Au-delà des partenariats stratégiques que je viens d’évoquer, nous sommes présents dans le Pacifique […]. Nous serons d’ailleurs, après le Brexit, la dernière nation membre de l’Union européenne à y être présente. Nous assumerons nos responsabilités. Nous participons de façon très active à l’effort des alliés qui sont présents dans le Pacifique, par des exercices et par de la présence en mer de Chine notamment », a ensuite rappelé le général Lecointre.

Cela étant, quand le CEMA parle d’une « réflexion stratégique commune » entre Européens, la France risque de se trouver bien seule, surtout quand le Royaume-Uni aura quitté l’Union européenne. En effet, comme l’a souligné, au Sénat, son chef d’état-major, l’amiral Christophe Prazuck, la Marine nationale a longtemps été la seule, en Europe, à envoyer des navires naviguer en mer de Chine méridionale.

« Cette année [en 2018], nous avons été rejoints par les Britanniques. L’objectif d’une présence régulière est de montrer notre attachement au droit maritime international, qui est pour nous essentiel. Nous continuerons de marquer cet attachement, en poursuivant nos déploiements en mer de Chine Méridionale », a affirmé l’amiral Prazuck.

Le nec plus ultra: une nuit à bord du Charles-de-Gaulle rénové

Le nec plus ultra: une nuit à bord du Charles-de-Gaulle rénové

 

Par Philippe Chapleau – Lignes de défense – 8 novembre 2018

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/

Emmanuel Macron et, séparément, Florence Parly passeront une nuit à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle, rénové après dix-huit mois de maintenance à Toulon (Var) et appelé à être de nouveau opérationnel début 2019.

Florence Parly y sera dès ce jeudi et jusqu’à vendredi matin. Après avoir inauguré une antenne de l’école de maistrance, à Saint-Mandrier, elle rejoindra vers 15h le PA au large de Toulon.

Pour sa part, le chef de l’Etat se rendra le 14 novembre sur le Charles-de-Gaulle rénové après dix-huit mois de maintenance à Toulon (Var). Il y passera également une nuit; Florence Parly sera aussi du déplacement.

Le porte-avions était entré en bassin en février 2017 ; il en est sorti en mai 2018 et fin juillet 2018 il a rejoint son quai d’opérations pour des essais à quai. Il a ensuite effectué des sorties en mer.

Quelques chiffres sur cette rénovation (photos Naval Group):
18 mois de chantier (à titre de comparaison, il faut 4 ans pour un porte-avions américain)
– plus de 200 000 tâches réalisées dont 50% par l’équipage
– plus de 4 millions d’heures de travail
– en moyenne 2100 personnes à l’œuvre chaque jour : 1 100 membres de l’équipage, 1 000 collaborateurs de Naval Group et de ses 160 entreprises sous-traitantes
– 2 000 essais menés
– 5 ans de préparation
un budget de 1.3 milliard d’euros (à titre de comparaison : 4,7 milliards d’euros pour un porte-avions américain).

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Après une phase d’essais, le Charles-de-Gaulle va entamer un cycle d’entraînement. Dès le premier trimestre 2019, il « pourra repartir en mission opérationnelle avec l’ensemble de son groupe aéronaval« .

Syrie : La Marine nationale a tiré les enseignements des « ratés » de l’opération Hamilton

Syrie : La Marine nationale a tiré les enseignements des « ratés » de l’opération Hamilton

 

 

Parce qu’il était tenu pour responsable d’une nouvelle attaque chimique commise une semaine plus tôt dans un quartier de la Goutha orientale, les forces françaises, américaines et britanniques frappèrent le programme chimique syrien au cours de la nuit du 13 au 14 avril 2018, dans le cadre de l’opération « Hamilton ».

Cette dernière mobilisa, côté français, 3 FREMM, 5 Rafale, 2 E-3F AWACS, 6 avions ravitailleurs C-135FR et 4 Mirage 2000-5 ainsi que des navires de soutien. Au total, 12 missiles de croisières furent tirés, dont 3 MdCN par la FREMM Languedoc [une première pour ce type de munition, ndlr] et 9 Scalp par les Rafale.

Si les cibles désignées furent atteintes, l’opération Hamilton connut cependant quelques ratés. En effet, les FREMM Aquitaine et Auvergne ne purent lancer leurs missiles et ce fut donc celle qui se tenait en réserve qui tira les siens. Beaucoup de choses furent avancées (présence de navires russes dans la zone, défaillance(s) technique(s), etc) par la suite pour expliquer cet enchaînement de circonstances. En juin, la ministre des Armées, Florence Parly, condamna toute spéculation à ce sujet.

« Je ne crois pas nécessaire d’en tirer la conclusion qu’il faut aller baver dans la presse et se tirer une balle dans le pied en jouant contre les intérêts de notre pays », avait affirmé la ministre, avant de qualifier les « fuites » sur l’opération Hamilton de « malveillantes » parce qu’elles « nuisent à nos armées et à nos industries ».

« Après toute opération, il faut tirer des leçons. Les militaires ont un processus bien établi pour cela : les RETEX, ou retours d’expérience, dont nous sommes en train d’exploiter les analyses », avait par ailleurs souligné Mme Parly.

Dans son rapport pour avis relatif aux crédits de la Marine nationale, le député Jacques Marilossian a levé une partie du voile sur ces RETEX concernant l’opération Hamilton.

Ainsi, il ne manque pas de souligner la complexité de cette dernière, que ce soit au niveau stratégique (« il n’est jamais aisé de trouver un accord entre alliés sur le diagnostic de la crise et la réponse à y apporter »), opératif (« le choix des objectifs est par nature plus compliqué à arrêter à trois puissances que dans le cadre d’une opération nationale » et tactique (« il fallait concentrer l’action pour limiter dans le temps l’impact sur les cibles, alors que les plateformes de tir étaient réparties dans de nombreux endroits éloignés les uns des autres », le tout en sachant que les « missiles ont des trajectoires complexes »).

Quoi qu’il en soit, avance le député, la Marine nationale a retenu « quatre séries de leçons » qui éclairent la nature des problèmes rencontrés lors de cette opération.

La première est d’ordre « technique ». En effet, précise M. Marilossian, « les dispositifs matériels de mise en œuvre des MDCN peuvent être améliorés. » Cela étant, rassure-t-il, « les travaux requis ont d’ores et déjà été menés ou sont en cours. »

La second enseignement tiré souligne, plus que jamais, l’importance et les enjeux de la préparation opérationnelle. « Deux des trois FREMM engagées dans l’opération Hamilton étaient déployées dans les zones d’exercice françaises au large de Toulon » lorsqu’elles ont été mobilisées. Pour l’amiral Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], cela montre que « le temps est fini où l’on avait quinze jours pour monter en puissance » en vue d’une opération navale majeure.

En outre, cette préparation opérationnelle doit mettre l’accent sur « l’entraînement au tir. » Sur ce point, M. Marilossian avance que la « Marine a besoin de retrouver un niveau d’entraînement beaucoup plus intensif au tir, notamment au tir de munitions complexes. »

Enfin, le RETEX de ces frappes en Syrie évoque aussi des « enjeux doctrinaux », lesquels concernent la capacité à opérer dans des zones dotées de moyens d’interdiction et de déni d’accès [A2/AD]. Faut-il comprendre que les forces russes, qui ont déployé de tels moyens dans le cadre de leur engagement sur le territoire syrien, ont gêné la manoeuvre des navires français?

« Hamilton a opéré en zone A2AD ennemie, et les possesseurs de ces moyens de défense avaient pour certains annoncé qu’ils les emploieraient », rappelle le député. « C’est là une rupture avec l’ère de supériorité absolue sur mer et dans les airs », qui pour conséquence que « l’emploi tactique de nos armes doit en être repensé », a expliqué l’amiral Prazuck. Une dimension que prend en compte le « Plan Mercator », lancé durant l’été par ce dernier.

« Nos unités doivent réapprendre à opérer en environnement non permissif, c’est-à-dire miné, brouillé, ‘hacké’, NRBC, tout en se préparant à faire face à de nouvelles menaces qui vont de l’embarcation autonome piégée aux missiles les plus complexes », souligne en effet ce plan.

Sur-activité chez les fusiliers et commandos marine (suite)

Sur-activité chez les fusiliers et commandos marine (suite)

© Marine nationale

Par le journaliste Jean-Marc Tanguy – Le Mamouth – Publié le 1 er novembre 2018

http://lemamouth.blogspot.com/2018/11/sur-activite-chez-les-fusiliers-et.html

On le savait déjà, mais maintenant, des chiffres officiels le disent : les fusiliers marins et commandos marine sont guettés par le burn-out et plusieurs tabous sont levés, notamment en matière de PTSD.
C’est le rapporteur des crédits marine, le LREM Jacques Marilossian, qui a reçu les chiffres.
Selon le précédent Alfusco, le contre-amiral François Rebour, « le niveau d’activité (de la Force, NDLR) dépassait d’environ 15 % ses capacités »
Chaque marin de FORFUSCO était absent en moyenne 130 jours absent du port-base, 40 % d’entre eux atteignant même les 160, et certains, dans des « spécialités critiques » (non détaillées mais on imagine sans problème), plus de 245 soit huit mois !
Entre 100 et 200 commandos marine peuvent être mobilisés hors du territoire national, et 213 fusiliers marins lors du passage du rapporteur à Lorient. Sur le TN, ce sont plusieurs dizaines de commandos et 282 fusiliers marins qui sont engagés.
Faute de récupération, les personnels « finissent par payer : ils vivent ‘à découvert’. Tel est particulièrement le cas des commandos. Les risques psychosociaux (RPS), notamment les syndromes post-traumatiques (SPT), s’accroissent : l’amiral les évalue à 30 cas probables ‒ dont 15 dûment diagnostiqués, ‒ sur un effectif de 700 commandos et précise qu’au sein des forces comparables des États-Unis, le taux d’atteintes graves s’élève à 8 % »  écrit le rapporteur.
Sur leur cycle à deux ans, les commandos ont huit mois de préparation opérationnelle ‒ pour moitié à Lorient et pour moitié à Djibouti, et offrent seize mois de disponibilité opérationnelle, dont « au moins quatre d’opérations à terre, quatre de missions au profit du COS, quatre de prise de tour d’alerte et enfin quatre mois d’activités diverses, y compris des engagements opérationnels ».
« Un effet d’éviction, voire de fuite, est inévitable dans cette situation » de suractivité, qu’il passe par une blessure psychologique ou par une recherche de reconversion » conclut Jacques Marilossian.

La France a-t-elle vraiment besoin de porte-avions ?

La France a-t-elle vraiment besoin de porte-avions ?

Par Michel Cabirol  | 
https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/la-france-a-t-elle-vraiment-besoin-de-porte-avions-795036.html
Le porte-avions est avant tout un outil politique puis stratégique, qui possède une capacité d’entraînement auprès des partenaires européens de Paris. (Crédits : Reuters)
Le porte-avions reste avant tout un instrument politique de puissance. Il a également une forte capacité d’entraîner des coopérations en Europe.

Alors que la ministre des Armées Florence Parly a lancé la semaine dernière les études pour la construction d’un nouveau porte-avions, la France en a-t-elle nécessairement besoin ? Les armées ont démontré pendant 18 mois – le temps de la modernisation du Charles-de-Gaulle à Toulon – qu’elle pouvait se passer sur le plan opérationnel d’un tel bâtiment. Et alors même que la France intervient depuis plusieurs mois sur plusieurs fronts dans des opérations extérieures (OPEX) de forte intensité.

Cette rénovation donnera au porte-avions la capacité de poursuivre son activité pendant une vingtaine d’années, jusqu’à un terme situé entre 2035 et 2040. Mais cette capacité sera-t-elle aussi déterminante à cet horizon-là et, surtout au-delà (2040-2080) dans un contexte de ruptures technologiques majeures (missiles hypersonique, les armes à énergie dirigée…). En outre, le prochain porte-avions devra être capable d’accueillir le successeur du Rafale, le système des systèmes SCAF (avions pilotés, drones…).

Des moyens pour se passer d’un porte-avions mais…

Le chef d’état major de la Marine nationale, l’amiral Christophe Prazuck confirme que la France n’a pas été démunie sans son porte-avions. « Que fait-on quand on n’a pas de porte-avions ? Nous sommes moins puissants mais sommes-nous démunis ? Non ! », avait-il assuré devant la commission de la défense en octobre 2017. Ainsi, la France a eu recours par exemple avec plus ou moins de réussite à des missiles de croisière MdCN (frégates multimissions) ayant une portée d’environ mille kilomètres pour aller frapper le régime syrien. Tout comme, les BPC (Bätiments de projection et de commandement) ont déjà servi de plateforme pour les hélicoptères de l’armée de terre pendant l’opération Harmattan pour aller frapper la Lybie.

Des opérations qui ont montré toutefois leurs limites. Dans le premier cas, les frappes des MdCN ont permis de détruire un stock d’armes chimiques mais, comme l’avait rappelé le chef d’état-major de la Marine (CEMM) en octobre 2017, « cela ne permet pas de renouveler des frappes pendant trois mois comme le fait un porte-avions« . Dans le second cas, le rayon d’action des hélicoptères qui est beaucoup plus limité que celle des Rafale du porte-avions, impose au BPC de rester en zone côtière.

Autre moyen, bien plus efficace qui permet de se passer d’un porte-avions, les bases aériennes déployées à l’étranger à proximité des conflits (10 heures de rayon d’actions). A cet égard, Paris a déjà négocié et installé des bases aériennes en Jordanie et aux Emirats Arabes Unis pour aller frapper Daech, tout comme l’armée de l’air dispose de bases en Afrique (Tchad et Niger à Niamey). Des bases aériennes qui mettent à portée des Mirage et des Rafale les cibles pour un ratio coût/efficacité performant. Proche du Mali et au centre du G5 Sahel, la base aérienne de Niamey permet par exemple d’intervenir en 1 heure dans tous les espaces de la bande sahélo-sahélienne. Le porte-avions « n’est pas concurrent mais complémentaire des bases aériennes projetées qui, elles, sont tributaires d’autorisations diplomatiques« , avait fait valoir en juillet 2017 l’amiral Christophe Prazuck.

Le porte-avions, un outil politique

Le porte-avions, une base aérienne mobile, apporte aujourd’hui un plus. Sans porte-avions, la France est « moins puissante », avait affirmé l’amiral Christophe Prazuck. Un tel navire, aujourd’hui unique en Europe (hors Grande-Bretagne qui aura deux porte-avions), est « une capacité qui fait la différence, pour reprendre l’expression du Premier ministre Édouard Philippe », avait-il expliqué le CEMM. Les Etats-Unis et la Chine l’ont bien compris. Pékin pourrait avoir cinq porte-avions en 2030, dont trois à propulsion nucléaire, et Washington souhaite repasser à douze porte-avions (contre onze actuellement).

Pourquoi ? Un tel navire est avant tout un outil politique puis stratégique, qui possède une capacité d’entraînement auprès des partenaires européens de Paris. Clairement, c’est un instrument à la double vocation guerrière et diplomatique. « Je n’ai aucun doute non plus quant à la valeur politique et à la force symbolique d’un porte-avions », a confirmé l’amiral Prazuck. Ainsi, les trois fois où le Charles-de-Gaulle a été déployé pour aller frapper Daech, il a toujours été accompagné par des navires européens – allemands, belges, britanniques et italiens. Le porte-avions reste un atout dans la volonté de la France de promouvoir l’Europe de la défense.

« Sans porte-avions, nous perdrons notre leadership militaire en Europe, notre capacité à entraîner nos partenaires », a estimé le chef d’état-major de la Marine.

Le Charles-de-Gaulle est bien sûr aussi un outil de projection de puissance. Il en a fait la démonstration avant sa rénovation : il a permis à partir de sa position en Méditerranée orientale de frapper Daech depuis les attentats de 2015. « Chaque fois que notre pays a été touché par des attentats, une des réponses a consisté à faire appareiller le Charles de Gaulle pour aller frapper les endroits d’où ces attentats avaient été pensés et commandités », a constaté l’amiral Prazuck. Le Charles-de-Gaulle avait permis de tripler le nombre d’avions présents sur zone contre Daech. Mais cette présence est une volonté politique.

Un prix prohibitif ?

Le porte-avions est-il à la portée d’un budget de la défense français. A priori oui sauf catastrophe budgétaire majeure. Et s’il y a une volonté politique, il y aura forcément un sillage pour le remplaçant du Charles-de-Gaulle. Le coût est évalué « à 4,5 milliards d’euros, ce qui représente – étalé sur 10 ans – 0,02 % du PIB… », a analysé en octobre 2017 le CEMM. Loin, très loin derrière celui du porte-avions USS Gerald R.Ford qui a coûté aux États-Unis la somme record de 12,9 milliards de dollars.

« Cela étant, c’est un investissement extrêmement lourd qui demande une programmation et une volonté affirmée. Donc une décision politique », avait-il expliqué en juillet 2017. Mais calculé à la tonne, une frégate coûterait deux fois plus cher et un sous-marin quatre fois plus. La Marine a remporté une première manche avec le lancement des études du prochain porte-avions mais elle devra encore convaincre de la nécessité d’un tel outil en 2080.

Le ministère des Armées commande 6 avions de patrouille maritime Atlantique 2 modernisés

Le ministère des Armées commande 6 avions de patrouille maritime Atlantique 2 modernisés

Le 11 octobre, la Direction générale de l’armement [DGA] a notifié aux industriels Dassault Aviation et Thales un marché portant sur la rénovation de six avions de patrouille maritime Atlantique 2 [ATL-2], dans le cadre d’un programme lancé en 2013 et concernant, à l’origine, 15 appareils.

Seulement, la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 a revu à la hausse le nombre d’ATL-2 à moderniser, notamment, précise le texte, « pour faire face à la résurgence de la menace sous-marine dans nos zones d’intérêt. »

Aussi, explique le ministère des Armées, « la rénovation de 12 avions étant déjà commandée, ce nouveau marché portera à 18 le parc d’Atlantique 2 rénovés, au lieu des quinze initialement prévus avant la LPM 2019-2015 ».

La rénovation de ces 18 Atlantique 2 [sur 22 actuellement en service] est placée sous la maîtrise d’ouvrage de la DGA et fait aussi intervenir le Service industriel de l’aéronautique (SIAé) du ministère des Armées. Elle vise à améliorer leurs performances face « à l’évolution du contexte (opérations en zones littorales) et de la menace (prolifération de sous-marins classiques performants et discrets) ». Ce qui passe par le traitement des obsolescences et l’intégration de nouveaux équipements, comme le radar à antenne active Searchmaster, l’interrogateur IFF TSA2542 ou encore le sous-système de traitement acoustique numérique de dernière génération [STAN].

 

Il s’agit également de rénover, avec Naval Group, le système de combat LOTI [Logiciel Opérationnel de Traitement de l’Information], qui centralise les données collectées par différents capteurs, permet à plusieurs opérateurs d’interagir en même temps et la mise en ouvre de l’armement (torpille MU90, missiles anti-navires Exocet, bombes GBU-12, etc), ainsi que les calculateurs tactiques, les systèmes électro-optiques.

Pour rappel, une première campagne d’essais en vol a été menée par le Centre d’expérimentations pratiques de l’aéronautique navale (CEPA/10S) pendant six mois, en 2016, sur la base aérienne 125 d’Istres, sous l’égide de la DGA « Essais en vol » et en collaboration avec Dassault Aviation et Thales.

D’une autonomie de 14 heures, l’ATL-2 est en mesure de réaliser des missions allant de la traque de sous-marins à la collecte de renseignements, en passant par l’appui au sol.

La livraison des deux premiers exemplaires « rénovés » est prévue en 2019. Selon la LPM 2019-25, la Marine nationale devrait disposer de l’ensemble de ses ATL-2 modernisés d’ici 2025. Dans le même temps, des travaux visant à préparer leur succession seront menés dans le cadre du projet « Maritime Airborne Warfare System » [MAWS], conduit en collaboration avec l’Allemagne. Il s’agira de développer une « capacité de patrouille maritime autonome, performante et souveraine en Europe à l’horizon 2030. »

L’étude sur le futur porte-avions de la Marine nationale devra répondre à trois questions

L’étude sur le futur porte-avions de la Marine nationale devra répondre à trois questions

 

À l’occasion de l’ouverture du salon Euronaval, ce 23 octobre, la ministre des Armées, Florence Parly, a donné le coup d’envoi officiel de la phase d’étude portant sur le prochain porte-avions de la Marine nationale, lequel succédera au Charles-de-Gaulle.

Mais avant d’aborder ce sujet, la ministre a tenu à souligner que, désormais, « l’océan est plus que jamais au centre des enjeux et des incertitudes de notre monde ». Aussi, a-t-elle continué, « il nous faut donc, plus que jamais, maîtriser les flots » car « la paix et la sécurité se construisent au large. »

« Aujourd’hui, la Chine agit en mer de Chine méridionale comme dans une mer intérieure tandis que dans le golfe de Guinée ou au large de la corne de l’Afrique, les pirates et bandits pillent les ressources, font fuir les opportunités, enrayent le développement. Il faut que la mer reste un espace de liberté, que son accès y soit garanti, la liberté de navigation, assurée », a expliqué Mme Parly.

Conformément à la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, Mme Parly a donc lancé « officiellement le programme de renouvellement de notre porte-avions », avec le début de la phase d’étude, dont l’enjeu sera de « déterminer ensemble ce que nous voulons et comment nous le voulons. »

Cette phase d’étude, qui durera 18 mois, aura à répondre à au moins trois questions. La première, a avancé Mme Parly, portera sur les « menaces » que ce futur porte-avions aura à affronter. « De ces réponses, nous pourrons déduire les contraintes d’emploi, les besoins en termes de systèmes de combat et l’articulation nécessaire avec son escorte », a-t-elle précisé.

La seconde question concernera les caractéristiques de ce navire annoncé, « en fonction de ce que sera l’état de l’art technologique en 2030 » (ce qui donne une idée de l’année où débutera éventuellement sa construction). Évidemment, ce porte-avions devra être en mesure de mettre en oeuvre le Système de combat aérien du futur [SCAF], un programme mené en coopération avec l’Allemagne (et objet de désaccords, apparemment, avec Airbus Defence & Space).

« Le mode de propulsion, nucléaire ou classique, sera examiné. Nous devrons prendre en compte, aussi, les ruptures technologiques à venir. Je pense, par exemple, à la révolution que représentent les catapultes électromagnétiques », a continué Mme Parly.

Sur ces deux points, le choix d’une propulsion classique et celui de catapultes à vapeur seraient surprenants.

« En répondant à cette question, nous devrons toujours garder un oeil sur les coopérations que nous pourrions mener. Des coopérations pour le navire lui-même, peut-être, mais aussi des coopérations pour permettre au porte-avions nouvelle génération d’accueillir des aéronefs de nos partenaires européen », a ensuite affirmé Mme Parly.

En Europe, pour le moment, deux pays ont (ou auront) des chasseurs-bombardiers capables d’opérer depuis le pont d’un porte-avions, à savoir le Royaume-Uni et l’Italie, avec le F-35B [version STOVL, c’est à dire à décollage court et à atterrissage vertical, ndlr]. Lors de son allocution, Mme Parly a indiqué qu’elle aurait très bientôt des annonces à faire, après avoir rencontré Elisabetta Trenta, son homologue italienne. Une coopération dans le domaine aéronaval serait-elle déjà dans les tuyaux, alors que les relations entre Rome et Paris sont à couteaux tirés en ce moment et que l’idée d’un rapprochement entre Naval Group et Fincantieri battrait de l’aile?

Quoi qu’il en soit, a poursuivi la ministre, « ce porte-avions pourra servir jusqu’aux dernières décennies du XXIe siècle, nous ne pouvons pas nous permettre de le concevoir avec un horizon étriqué. »

Justement, la dernière question à laquelle devra répondre cette phase d’étude concernera l’innovation. « Ne limitons ni notre horizon, ni notre imagination. Nous ne devons pas refaire à l’identique, mais chercher les capacités les plus ingénieuses, les plus utiles et les plus efficaces. Faisons de ce porte-avions, une véritable base avancée de notre marine », a plaidé Mme Parly.

« Nous devrons être réalistes mais ambitieux. Et grâce à ces études approfondies, imaginatives et rigoureuses, nous pourrons établir l’architecture de ce futur porte-avions et poser les bases de l’organisation industrielle nécessaire pour le bâtir en respectant les délais et les coûts », a-t-elle encore fait valoir.

Quant au nombre de porte-avions qui pourraient être construits, la ministre ne s’interdit rien. « Par ces études, nous pourrons déterminer, aussi, le nombre d’unités dont la France et l’Europe auront besoin à terme. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs, le temps est à la conception, pas encore à déterminer combien de navires sont nécessaires », a-t-elle affirmé.

Sous-marins nucléaires. Les autres patrouilles de France

Sous-marins nucléaires. Les autres patrouilles de France

Plus de 500 patrouilles pour les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) Français. Un chiffre à rapporter aux 350 patrouilles des Britanniques qui avaient lancé, en 1969, leur premier SNLE. (Photo Claude Prigent)

Par Stéphane Jézéquel – Le Télégramme – Modifié le 10 octobre 2018

https://www.letelegramme.fr/france/sous-marins-nucleaires-les-autres-patrouilles-de-france-10-10-2018-12102239.php

La ministre des Armées, Florence Parly, est attendue jeudi matin, à l’Île-Longue, pour célébrer la 500e patrouille d’un sous-marin nucléaire de la force de dissuasion. Retour sur l’excellence de ces navires et de leurs équipages cultivant une efficacité et une discrétion à toute épreuve.

Quarante-six années d’une mission ininterrompue réalisée avec la même exigence et une rigueur absolue ! 500 patrouilles sans incident majeur, accident ou décès, pour une performance enfin mise en lumière. La 500e s’est déroulée cet été, toujours aussi discrètement.

La première patrouille s’élançait de l’Île-Longue le 27 janvier 1972. « Ou plus exactement, le lendemain, après un léger contretemps technique », se souvient Yves Cariou, ancien journaliste au Télégramme et auteur d’un ouvrage référence sur la Fost (Force océanique stratégique de la Marine nationale). « On a vu arriver cette coque noire sans imaginer et se douter de tout ce qu’elle renfermait ».

« Pour remonter le fil de cette réussite industrielle indiscutable, il faut commencer par évoquer la qualité de conception de ces navires, leur niveau d’entretien et revenir sur l’excellence des équipages qui ont conduit ces patrouilles capables de porter la menace nucléaire », complète le contre-amiral Dominique Salles, ancien commandant de sous-marins nucléaire lanceur d’engins (SNLE) et coauteur de l’encyclopédie des sous-marins français.

Savoir-faire secret-défense

Indiscutable expression des atouts industriels français, la force de dissuasion a permis, en plus d’asseoir une crédibilité militaire sur le plan international, de développer des procédés de fabrication de la plus haute technologie. Alliages aux caractéristiques exceptionnelles (capables d’encaisser la pression des profondeurs, une vitesse soutenue en immersion, le lancement de missiles de plusieurs dizaines de tonnes), développement de matériaux et de procédés favorisant la plus grande discrétion… Un sous-marin nucléaire lanceur d’engins concentre les éléments les plus sophistiqués d’un navire de combat, les lieux de vie pour 111 marins (135 au temps du Redoutable) pendant plus de deux mois, une compacte centrale nucléaire et une rampe de lancement pour 16 missiles nucléaires, cousins germains de la fusée Ariane.

Jusqu’à trois sous-marins à la mer

Depuis 1972, la permanence à la mer n’a pas toujours répondu aux mêmes exigences. Globalement, elle a été d’au moins un sous-marin, mais a été portée à trois du temps de François Mitterrand qui, malgré ses réticences de campagne, avait paradoxalement intensifié le nombre de patrouilles. Sur les plus de 500 missions, aucune interruption connue de la permanence, si ce n’est la remontée de sous-marins en surface afin d’évacuer des marins nécessitant des soins d’urgence (14 cas en 46 années). Alors que les SNLE américains naviguent sans médecin embarqué, on traite quasiment tout à bord des sous-marins français de la force de dissuasion, sans modifier le fil de la mission (une centaine d’interventions avec anesthésies répertoriées). Le chiffre est à rapporter aux 60 000 unités parties en patrouille depuis 1972, pour environ 12 000 marins différents.

« Pas d’à peu près »

La rigueur du suivi médical des marins est le prolongement d’une chaîne ne souffrant d’aucune approximation. « Il n’y a pas d’à peu près dans le métier de sous-marinier », confirme le contre-amiral Dominique Salles, commandant l’Inflexible de 1997 à 2000, avant de devenir chef d’escadrille de 2003 à 2006. Les navigants bénéficient du travail de construction et de préparation réalisé en amont. Jusqu’aux tirs d’essais, point d’orgue d’une chaîne d’une incroyable complexité et d’une mission dont on ne parle habituellement jamais. Même pas de retour à la maison auprès des siens.

Ces marins de l’ombre brillent pourtant pour leur efficacité et leur polyvalence durant la patrouille, qui peut s’étirer au-delà de 70 jours. Sur les quelque 55 métiers répertoriés à bord d’un sous-marin, chaque marin doit être capable d’enchaîner plusieurs activités dans la même journée. Concentré et parfaitement dédié, en plein monde du silence.