Premiers enseignements géopolitiques de la guerre en Ukraine


Premiers enseignements géopolitiques de la guerre en Ukraine

par Jean Bernard Pinatel est général (2s), Vice – Président de Geopragma.

Source : geopragma.fr – 20 juin 2022 – Jean Bernard Pinatel

https://geopragma.fr/premiers-enseignements-geopolitiques-de-la-guerre-en-ukraine/?fbclid=IwAR3tMSi0LIHQvUJtSbtZ1xijFG9Pqj46Dp963m1jBHfNdFizj6d9LeFe8Hc

par Jean Bernard Pinatel est général (2s), Vice – Président de Geopragma.

https://strategika.fr/2022/06/25/premiers-enseignements-geopolitiques-de-la-guerre-en-ukraine/

 

La guerre en Ukraine marque-t-elle un simple tournant ou une rupture géopolitique à dimension mondiale depuis la fin de l’URSS ?

      Le but de cette analyse est d’effectuer un premier recensement, non exhaustif, des conséquences de la guerre en Ukraine sur la situation géopolitique mondiale et d’ouvrir le débat sur cette question essentielle.

L’Occident face à un nouvel et inéluctable échec militaire

      Comme je l’affirmais dans mes posts et mes interventions médiatiques depuis la fin du premier mois de guerre où pratiquement toute l’aviation ukrainienne avait été éliminée du ciel, « on ne peut pas gagner une guerre de haute intensité avec seulement des chars et des canons, si votre adversaire bénéficie de la maitrise absolue du ciel avec ses avions et ses missiles sol-sol ». Cette conviction interdite d’expression dans les médias français, gagne les pays anglo-saxons qui disposent d’une presse libre et de journalistes qui font leur travail d’investigation. Ainsi, The Telegraph le 26 Mai titrait : “Putin could be able to pull off a shock triumph”.

      Après trois mois de guerre dans laquelle, selon le Président Zélinsky, 20 000 soldats ukrainiens sont mis hors de combat chaque mois[1] et plusieurs volets de sanctions économiques, force est de constater que la Russie poursuit son offensive tout en honorant jusqu’à une date récente tous ses contrats pétroliers et gaziers, et encaissant environ 1 milliard de dollars par jour alors que la guerre lui couterait suivant des évaluations finlandaises 850 millions par jour.

      L’intensification de l’offensive russe pose la question de l’efficacité des sanctions occidentales au moment où l’effet boomerang qu’elles ont sur nos économies commence à lézarder le front anti-russe[2] car l’alternative américaine d’importation de gaz liquéfié vient de se tarir pour au moins six mois, suite à un incendie dans la principale usine au Texas, ce qui obère la production américaine de 17%.

      Face à cette situation, les appels de plus en plus pressants du Président Ukrainien et les prises de positions des « jusqu’aux boutistes », dont le Président français fait partie[3] : « je souhaite que l’Ukraine l’emporte », entrainent une montée en gamme des livraisons d’armes tout en continuant de faire croire à leurs opinions publiques que cela peut changer l’inexorable issue de cette guerre. Pourtant l’encouragement à la poursuite de la guerre est criminel pour le peuple et les soldats ukrainiens. C’est tout aussi inconséquent pour nos économies et donc pour le niveau de vie des français et des européens.

      En effet pour répondre à des livraisons massives de matériel militaire qui vont causer des pertes à la population russe du Donetsk et aux soldats de l’opération spéciale, Poutine vient de commencer à fermer les robinets des gazoducs sans grande conséquence pour la Russie, l’explosion des prix qui en résulte compensant la perte de revenus liée à la diminution des volumes de livraison.

      Malheureusement la diminution des quantités de gaz fournies entrainera une hausse de l’inflation à l’Ouest, voire obligera des industriels à fermer leurs usines, condamnant l’économie européenne à une croissance négative.

L’inefficacité des sanctions économiques à nouveau mise en lumière

      Les responsables politiques comme Bruno Lemaire qui veulent : « livrer une guerre économique et financière totale à la Russie », dans l’objectif assumé de « provoquer l’effondrement de l’économie russe », oublient ou ne savent pas que les sanctions économiques, outil classique des mesures de rétorsion des États démocratiques contre ceux qui ne le sont pas, n’ont jamais eu l’efficacité attendue. Le recours à ce type d’instrument qui s’est accéléré au cours des années 1990, à l’initiative d’États ou du Conseil de sécurité de l’ONU n’a jamais réussi à constituer un substitut à des mesures plus difficiles à faire accepter par les citoyens et à mettre en œuvre comme l’intervention militaire.

      Pour l’ancien Président de la République Frederik Willem de Klerk[4], prix Nobel de la Paix, les sanctions prises à l’encontre de l’Afrique du Sud visant à faire stopper le régime d’apartheid ont eu des conséquences inverses:

                –le Parti National au pouvoir a mis à profit la pression internationale et les sanctions pour rallier les électeurs et renforcer sa mainmise sur le pouvoir ;

                – les sanctions infligées en 1970 par l’OPEP encouragent l’Afrique du Sud à mettre au point un processus pour produire du pétrole à partir du charbon ;

                – l’embargo sur les armes prononcé en 1963 par le Conseil de sécurité va forcer l’Afrique du Sud à développer sa propre industrie d’armement qui a atteint à la fin des années 60 le sixième rang mondial ;

                – le désinvestissement des sociétés étrangères comme général Motors permet à la direction blanche d’Afrique du Sud de racheter la société à un prix bradé. Rebaptisée Delta Motors elle continue de produire les mêmes automobiles et dégage des profits qui restent tous en Afrique du Sud.

      De même, les sanctions occidentales prises après l’annexion de la Crimée « ont poussé Moscou à revoir son intégration dans l’économie mondiale », explique Richard Connolly[5], spécialiste de l’économie russe à l’université britannique de Birmingham, et « Elles ont déclenché un virage net vers un recours accru aux ressources domestiques – une russification de l’économie –, et vers une politique économique étrangère cherchant à élargir les relations avec les nations non occidentales. Dès lors, l’ensemble des politiques économiques ont été pensées sous le prisme de la sécurité et l’autonomie », ajoute M. Connolly, avec un objectif clair : permettre au pays de tenir face à des sanctions futures. Pour réduire sa dépendance aux créanciers étrangers, la Russie a limité sa dette publique (17,9 % du PIB en 2021) et accumulé d’importantes réserves extérieures, en limitant son exposition au dollar. Elle a bâti son propre système de communication financière, le SPFS (« système de transfert de messages financiers »), concurrent du réseau occidental Swift.

      La Russie a aussi renforcé son industrie agricole, afin de devenir autosuffisant en matières premières alimentaires clés. « C’est probablement le plus grand succès de la russification », estime Richard Connolly. À cet égard, l’année 2018 a marqué un tournant, avec des exportations agricoles excédant d’un bon tiers les ventes d’armes (15,6 milliards de dollars), source traditionnelle de revenus pour la Fédération de Russie, après les recettes d’hydrocarbures. Le développement des exportations de produits alimentaires est devenu une priorité avec un objectif de 45 milliards de dollars à l’horizon 2024. Cet objectif est en voie de réalisation, si l’on considère les progrès enregistrés en 2019 (25 milliards de dollars), puis 2020 (30,7 milliards de dollars), année-charnière qui a vu la Russie devenir exportateur net. En matière d’énergie, Moscou a déployé des moyens pour produire ses propres technologies destinées à l’industrie pétrolière et gazière, afin de ne plus acheter celles de BP ou de Shell. En revanche en matière de technologies le résultat est mitigé, ce qui a renforcé sa dépendance à la Chine qui aujourd’hui n’a plus besoin de l’Occident pour être à la pointe de toutes les technologies en particulier le domaine du numérique.

      Plus largement une étude non exhaustive de la Yale School of Management[6] listant 1342 entreprises étrangères ayant investi en Russie relativise l’isolement économique et technologique que subit à l’heure actuelle la Russie. Seulement 327 entreprises (24%) ont stoppé leurs engagements russes ou quittent la Russie. Ce sont essentiellement des entreprises anglo-saxonnes et de l’Europe du Nord. Dans cette liste figurent seulement 22 entreprises allemandes[7] et 7 entreprises françaises[8]. Les autres se répartissent ainsi : 247 « business as usual », 130 ont seulement suspendu leurs investissements, 638 ont réduit leurs activités pour différentes raisons tout en laissant l’option d’un retour à la normale ouverte. Il est évident que beaucoup espèrent une fin de l’offensive russe qui ferait sortir l’Ukraine de l’actualité et leur permettrait de reprendre leurs activités .

La fin de 30 ans de suprématie occidentale sur le monde

      Pour de nombreux analystes et dirigeants mondiaux il devient clair que la guerre en Ukraine marque la fin de 30 ans de suprématie mondiale des États-Unis et de l’Occident en général. Certes, la croyance établie après la chute de l’URSS de l’universalité des valeurs occidentales dont la démocratie et les droits de l’homme sont les piliers, avait déjà été fortement atteinte par les  échecs américains en Afghanistan et en Irak. Après des premiers succès militaires incontestables, l’occupation de ces pays pour y imposer la démocratie a entrainé des conséquences dramatiques pour les populations et a suscité un tel rejet qu’il a favorisé le développement de l’islamisme. D’abord, après la première guerre du Golfe, c’est la création d’Al-Qaida par Ben Laden, imprégné de l’idéologie la plus radicale des Frères Musulmans, opposé comme beaucoup d’Imams saoudiens à la venue sur la terre sacrée de l’Islam de 500 000 soldats infidèles pour reconquérir le Koweït. Puis le développement d’une tendance encore plus radicale d’obédience wahhabite, l’État islamique, conséquence de l’occupation de l’Irak par l’Armée américaine entre 2003 et 2011 ainsi que les retours des Talibans au pouvoir à Kaboul, islamistes nationalistes et non internationalistes comme Al Qaïda et l’IE.

      L’agression russe et les sanctions économiques que veulent imposer les occidentaux ont confirmé de façon éclatante ce que les échecs américains des dernières années avaient mis en avant.  En effet, lorsqu’on liste les pays qui se sont abstenus de voter les sanctions contre la Russie (voir carte), on constate qu’ils représentent environ 70% de la population et de la superficie des terres émergées mondiales.

      En particulier tous les pays à majorité de musulmans se sont abstenus ou ont voté contre tandis que neuf pays du continent africain ont voté contre et 22 se sont abstenus, dont le Nigeria.

      Si l’on est optimiste comme Hubert Védrine, on minimise cette réalité en parlant de « non-alignement ». Mais c’est faire fi de la compétition entre la Chine et les Etats-Unis pour la suprématie mondiale. A mon avis, on voit plutôt se dessiner ce que les géopoliticiens du XXème siècle[9] avaient théorisé : la lutte pour la suprématie mondiale entre l’Heartland et le Rimland.

      Parmi les pays abstentionnistes l’Inde et la Chine.

      L’Inde a un impératif stratégique de ménager la Russie face à son bras de fer avec la Chine qui désormais contrôle le Pakistan. Moscou peut l’aider à éviter qu’avec l’aide de la Chine, le Pakistan, son ennemi irrédent, dispose en Afghanistan de la profondeur stratégique qui lui manque.

      Vis-à-vis de la Chine, la Russie dispose d’atouts très importants outre ses matières premières et son énergie. La Russie exerce en effet un contrôle plus ou moins total sur trois des axes de son projet BRI[10]. C’est ce que souligne Rebecca Fabrizi, Associate Director of the Australian Centre on China in the World of the National Autralian University: “Russia also needs to ensure that China does not block its resurgence while its poor relations with the US and EU create a serious risk of isolation. China needs Russia to cooperate if its One Belt One Road initiative, putting China at the centre of Eurasian power, is to succeed. This mutual interest has supported their economic relationship, although it seems unlikely that China will ever supplant Europe as an economic partner for Russia[11]”.

Eléments de Prospective

      D’ici la fin de l’été Poutine aura atteint ses objectifs : le contrôle total du Donetsk, de la province de Marioupol et de la région de Kherson. À moins d’un effondrement de la résistance ukrainienne, il n’a pas, d’après moi, les moyens militaires de poursuivre jusqu’à Odessa. Les forces russes s’organiseront alors en position défensive et des référendums seront organisés pour établir des républiques autonomes rattachées à la Fédération de Russie. Comme Hubert Védrine, je pense que s’il y a une ouverture de négociations, elles se limiteront à organiser l’échange de prisonniers et à régler des questions humanitaires et logistiques aux limites des nouvelles frontières comme l’exportation de céréales. Car la Russie n’acceptera pas de restituer les territoires conquis quels que soient les avantages qu’on lui ferait miroiter. Une situation de « non-guerre armée » s’établira comme celle qui a existé au Donbass depuis 2014

      Les occidentaux accepteront de facto cette situation car la Russie est une puissance nucléaire et n’hésitera pas à faire un usage de cette arme de terreur en signe d’ultime avertissement si dans quelques années l’Ukraine aidée de l’OTAN se lançait dans une guerre de reconquête. C’est cette situation qui prévaut en Corée depuis 70 ans et qui se pérennise, la Corée du Nord ayant accédé depuis à la puissance nucléaire.

      Est-ce que cette défaite de l’Occident ouvrira les yeux des dirigeants européens sur leur soumission aux USA qui les a conduit à ne pas prendre en compte les exigences de sécurité de la Russie. Rien n’est moins sûr l’Atlantisme étant fortement entré dans la tête de nos dirigeants ce qui faisait déjà dire, il y a soixante ans, au Général de Gaulle[12] : « Le grand problème, maintenant que l’affaire d’Algérie est réglée, c’est l’impérialisme américain. Le problème est en nous, parmi nos couches dirigeantes, parmi celles des pays voisins. Il est dans les têtes. »

      Pour l’Europe, aller vers une confrontation de plus en plus risquée avec la Russie ou une acceptation des exigences de Moscou concernant sa sécurité dépendra au final de l’évolution du rapport de forces politiques en Allemagne.

      En effet, l’approbation de l’opinion publique concernant la participation de l’Allemagne au soutien de l’Ukraine s’érode plus rapidement que dans les autres pays de l’UE. Alors qu’en mars 2022, 80% des Allemands approuvaient les sanctions économiques et financières contre la Russie, ils ne sont plus que 74% en mai. Sur la fourniture d’armes à l’Ukraine la baisse de l’adhésion est encore plus importante. Entre mars et mai elle a chuté de 9 points (66% vs 57%) plaçant l’Allemagne à la dernière place des pays européens.

      Une fois encore ce n’est pas malheureusement la voix de la France qui, dans les cinq prochaines années, décidera de l’avenir de l’Europe et de ses rapports avec la Russie, mais celle de l’Allemagne, où le pouvoir politique est plus à l’écoute des intérêts économiques de ses entreprises et de ses citoyens.

      En conclusion, Il faut espérer que la raison l’emportera sur la folie guerrière et qu’au lieu de se lancer dans le financement d’une course aux armements qui profitera majoritairement à l’industrie d’armement américain, l’Europe mobilisera ses efforts et ses financements pour développer une énergie non carbonée qui est la seule voie possible pour limiter le changement climatique dans des limites supportables par la majorité des habitants de notre planète.


[1] 100 morts et 500 blessés par jour, évaluation probablement sous-évaluée

[2] https://www.wsj.com/articles/natural-gas-could-start-to-melt-united-front-against-russia-11655289000?mod=Searchresults_pos3&page=1

[3] https://www.tf1info.fr/international/video-guerre-ukraine-russie-emmanuel-macron-a-irpin-ville-martyre-je-souhaite-que-le-pays-de-zelenski-l-emporte-declare-le-chef-de-l-etat-2223330.html

[4] Géoéconomie n°30 été 2004 pages 43 à 57

[5] Auteur d’un ouvrage sur le sujet (Russia’s Response to Sanctions, Cambridge University Press, 2018). 

[6] https://som.yale.edu/story/2022/over-1000-companies-have-curtailed-operations-russia-some-remain mise en ligne le 19 juin

[7] BASF, Deutch Telekon, Henkel, Siemens la plupart des autres arrêtent leurs exportations vers la Russie

[8] Atos, Deezer, l’Occitane, Publicis, Schneider Electric, Société Générale, Sodexo

[9] Le Britannique Halford Mackinder (1861-1947) : Qui règne sur l’Europe orientale règne sur la terre centrale. Qui règne sur la terre centrale règne sur l’île mondiale. Qui règne sur l’île mondiale règne sur le monde L’américain Nicholas Spykman (1893-1943) :  Celui qui domine le Rimland domine l’Eurasie. Celui qui domine l’Eurasie tient le destin du monde entre ses mains ».

[10] L’axe Kazasthan, Moscou, Pologne vers l’Europe du Nord ; l’axe des anciennes routes de la Soie qui aboutissent à l’Iran et à l’Europe du Sud via la Turquie ;

[11] https://reporter.anu.edu.au/russia-and-china-convergence-interests

[12] Cet extrait est tiré du tome 2 de l’ouvrage C’était de Gaulle, d’Alain Peyrefitte, paru en 1997 chez Fayard (Editions de Fallois), page 17

La force Barkhane a mené une opération aéroportée « d’envergure » au Niger

La force Barkhane a mené une opération aéroportée « d’envergure » au Niger

http://www.opex360.com/2022/06/24/la-force-barkhane-a-mene-une-operation-aeroportee-denvergure-au-niger/


 

Cela étant, l’EMA n’avait alors rien dit sur l’opération aéroportée [OAP] menée au Niger, par le Groupement tactique désert [GTD] « Bruno », armé par le 3e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa], dans la nuit du 11 au 12 juin.

Plus précisément, et c’est inédit, cette OAP a été conduite conjointement par Barkhane et le Bataillon Parachutiste [BAT PARA] des forces armées nigériennes [FAN]. Elle s’est concentrée sur la région d’In Ates, dans le nord du Niger. Cette localité avait été rendue tristement célèbre en décembre 2019, avec l’attaque meutrière lancée par l’État islamique au grand Sahara [EIGS] contre un camp militaire nigérien.

« Cette opération s’inscrit dans le cadre de l’action partenariat de combat comprenant une phase initiale d’entraînement conjoint entamée le 9 juin et rassemblant près de 200 parachutistes nigériens et français », a précisé l’EMA.

Dans le détail, deux avions de transport C-130 Hercules de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] ont été mobilisés pour larguer, en deux rotations, les 200 parachutistes français et nigériens. Une fois à terre, ces derniers ont effectué un contrôle de zone, avant d’enchaîner avec une reconnaissance vers les positions tenus par les FAN dans le secteur d’In Ates, où ils ont patrouillé avec avoir établi une liaison avec le 11e Bataillon de sécurité et d’intervention [BSI] nigérien.

Par la suite, les marsouins du 3e RPIMa ont été héliportés vers Ayorou [l’EMA ne donne aucun précision à ce sujet… mais il est possible que des hélicoptères de transport lourd CH-47 Chinook britanniques aient été sollicités, ndlr]. Une fois « re-motorisés », il ont conduit une reconnaissance jusqu’à Niamey.

« Visant à agir dans la profondeur, afin de surprendre l’ennemi et d’exercer sur lui une pression permanente, cette opération aéroportée conjointe est une première dans l’histoire de Barkhane », a souligné l’EMA.

Depuis le lancement des opérations Serval et Barkhane, les régiments de la 11e Brigade Parachutiste [BP] ont effectué plusieurs opérations aéroportées au Sahel. D’ailleurs, l’une des dernières, conduite en septembre 2020, avait mobilisé 80 parachutistes du 3e RPIMa, dans la région de Tessit [Mali]. À l’époque, elle avait été justifiée par les « élongations et les restrictions de mobilité imposées par la saison des pluies ».

Cela étant, la 11e BP a mené deux opérations aéroportées en l’espace de quelques jours. Outre celle à laquelle a participé le 3e RPIMa au Niger, le 2e Régiment Étranger de Parachutistes [REP] a été engagé dans l’opération Thunder Lynx, en Estonie.

Mali : Un nouveau groupe russe Wagner s’installe dans une ancienne base militaire française

Mali : Un nouveau groupe russe Wagner s’installe dans une ancienne base militaire française

GUERRE INFORMATIONNELLE La France craint des tentatives de manipulations de l’information pour nuire au pays et à ses troupes qui ont quitté les lieux



Les troupes françaises ont quitté la base militaire de Ménaka en début de semaine — AFP

 

De nouveaux Russes ont posé le pied dans le Nord-est du Mali. « Plusieurs dizaines » de mercenaires du groupe paramilitaire Wagner sont arrivés mercredi à Ménaka. Ils ont pris place sur la base militaire rétrocédée lundi à l’armée malienne par les Français. Ces derniers s’attendent à une nouvelle tentative de manipulation de l’information pour leur nuire, a appris l’AFP de sources concordantes.

Avant son départ de la base avancée de Ménaka lundi, avant-dernière étape du départ de la force antidjihadiste Barkhane du pays, l’armée française avait prévenu qu’elle serait « très vigilante aux attaques informationnelles ». Elle soupçonnait de possibles manœuvres pour nuire à son image, incluant l’organisation de manifestations anti-françaises, des accusations de collusion entre Barkhane et les djihadistes ou encore l’enfouissement de corps pour faire croire à des exactions commises par les Français.

Le départ français « en bon ordre, en sécurité et en toute transparence »

Au lendemain de la précédente rétrocession d’une base française, en avril à Gossi, l’état-major français avait diffusé des vidéos tournées par un drone montrant selon lui des paramilitaires de la société russe Wagner en train d’enterrer des corps non loin de l’emprise, en vue de faire accuser la France de crimes de guerre.

Le départ français lundi de la base avancée de Ménaka « a été conduit en bon ordre, en sécurité et en toute transparence, dans un contexte où la force Barkhane fait face à des attaques informationnelles régulières visant à entacher son action et sa crédibilité », avait commenté en début de semaine le porte-parole de l’état-major, le général Pascal Ianni.

Les rapports entre la junte au pouvoir à Bamako et Paris, ancienne puissance coloniale, se sont brutalement dégradés ces derniers mois, en particulier depuis l’arrivée au Mali de paramilitaires du groupe Wagner, poussant les deux pays à la rupture après neuf ans de présence française ininterrompue pour lutter contre les djihadistes.

La base de Ménaka se situe dans la région dite des trois frontières, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso, dans laquelle les militaires français se sont longtemps battus pour entraver l’implantation des groupes djihadistes affiliés à l’Etat islamique (EI).

Barkhane se redéploie, sa composante Air aussi

Barkhane se redéploie, sa composante Air aussi

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Par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 16 juin 2022

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Petite suite de mon récent post sur le redéploiement hors du Mali de la force Barkhane, avec un focus sur la capacité Air (520 sorties en mai:110 sorties de missions chasse ; 94 sorties ISR ; 316 missions de transport ou de ravitaillement). 

La capacité Air reste « quasiment inchangée » selon l’EMA, avec 6 chasseurs au lieu de 7. Ces appareils appuient les opérations de désengagement et poursuivent les frappes contre les GAT.

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Le cœur du dispositif reste Niamey où sont basés en autres les drones Reaper et des capacités ISR et tactiques.

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Des posés occasionnels ont lieu en RCI dans le cadre de l’évacuation du matériel sortant du Mali.

A Gao, pour l’instant, restent stationnées des capacités Air, en particulier celles du Groupement tactique désert aérocombat (GTD-A). Elles y resteront « jusqu’au dernier moment » avant leur repositionnement probablement au Niger.

Mali : la France capture un haut cadre du groupe État islamique

Mali : la France capture un haut cadre du groupe État islamique


Des soldats s'entraînant sur la base militaire de Ménaka, dans le nord-est du Mali.

Des soldats s’entraînant sur la base militaire de Ménaka, dans le nord-est du Mali. – / AFP

 

Oumeya Ould Albakaye, haut responsable de l’État islamique au Grand Sahara, a été arrêté alors que les soldats français de l’opération Barkhane sont en passe de boucler leur retrait militaire du Mali.

Un important chef djihadiste a été capturé dimanche au Mali en zone frontalière par des soldats français au moment où ceux-ci entrent dans la dernière phase de leur retrait de ce pays, a annoncé l’état-major français ce mercredi 15 juin.

«Dans la nuit du 11 au 12 juin 2022, une opération de la force Barkhane conduite à proximité de la frontière malo-nigérienne a permis la capture d’Oumeya Ould Albakaye, haut responsable de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS)», antenne sahélienne de la nébuleuse mondiale, a indiqué l’état-major français dans un communiqué. Le djihadiste était «un temps pressenti pour succéder à l’ancien émir» Adnan Abou Walid Al-Sahraoui, a dit à l’AFP une source sécuritaire, faisant référence au chef de l’EIGS tué par l’armée française en août 2021 dans la même région.

Un habitant de Tessit et un élu local de cette zone dite des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso) ont confirmé la capture, sous le couvert de l’anonymat pour des raisons de sécurité. L’élu, joint par téléphone, a fait état «d’une intervention d’un hélicoptère dans un campement». Oumeya Ould Albakaye était le chef de l’EIGS pour le Gourma, au Mali, et pour l’Oudalan, au nord du Burkina Faso, selon l’état-major.

Il visait les routes empruntées par Barkane

La zone des trois frontières est un des foyers les plus actifs de la violence polymorphe qui sévit au Sahel. C’est un théâtre d’opérations pour les groupes djihadistes affiliés à l’État islamique ou à al-Qaïda, différents groupes combattants, les armées des trois pays frontaliers et les soldats de la force antidjihadiste française Barkhane. Oumeya Ould Albakaye «a organisé plusieurs attaques contre différentes emprises militaires au Mali, dont celle de Gao. Il dirigeait des réseaux de mise en œuvre d’engins explosifs improvisés», a rapporté l’état-major français. Il visait les routes empruntées par Barkhane pour mener à bien son retrait du Mali et son repositionnement, a-t-il ajouté.

L’état-major dit le tenir pour responsable d’un grand nombre d’exactions contre les populations maliennes et burkinabè. Barkhane l’interrogera pendant quelques jours avant de le remettre aux autorités maliennes, a-t-on dit à l’état-major, comme elle l’a fait jusqu’alors avec ses autres prisonniers. La France, qui a concentré son action ces derniers mois dans cette zone, a donc opéré au Mali alors que, poussée vers la sortie par la junte au pouvoir à Bamako depuis août 2020, elle est en passe de boucler son retrait militaire de ce pays après neuf ans d’engagement, et de «réarticuler» son dispositif au Sahel.

Les autorités maliennes ne s’étaient pas exprimées sur la capture en milieu de journée. L’armée française a remis lundi aux Maliens les clés de la base de Ménaka dans la même vaste région, et aura quitté le Mali pour de bon à la fin de l’été avec le transfert de la base de Gao, selon l’état-major français.

De multiples massacres

Le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a de nouveau signifié lundi à l’ONU que les soldats français n’étaient plus les bienvenus en refusant catégoriquement que les avions français continuent à apporter leur soutien à la mission de l’ONU au Mali (Minusma). Les Français ont ces derniers mois annoncé avoir tué nombre de cadres de l’EIGS dans la zone frontalière, au premier rang desquels son chef Al-Sahraoui.

Dans différents documents récents, les Nations unies s’inquiètent cependant de la situation dans la région après le retrait de Barkhane du Mali, amorcé en février. L’émissaire de l’ONU au Mali, El-Ghassim Wane, a fait état d’une «détérioration» depuis le début de l’année, lundi 13 juin au Conseil de sécurité où s’ouvrait le débat sur le renouvellement de mandat de des Casques bleus au Mali.

La junte assure inverser la tendance

La dégradation des relations entre la France et le Mali est devenue irrévocable ces derniers mois avec le recours par la junte à ce qu’elle présente comme des instructeurs russes, des mercenaires de la société russe Wagner aux agissements controversés en Afrique et ailleurs selon la France et ses alliés. La junte assure inverser la tendance contre les djihadistes depuis lors.

Les maigres informations remontant de l’immense zone frontalière, reculée et difficilement accessible, font pourtant état de centaines de civils tués et de milliers de déplacés ces derniers mois dans les régions de Ménaka et Gao plus à l’ouest. Plusieurs massacres y ont été imputés à l’EIGS au cours de l’année écoulée sans que l’organisation ne les revendique toujours. La dernière attaque d’envergure – non revendiquée – est survenue dimanche soir à Seytenga, au Burkina Faso, faisant 79 morts selon un bilan officiel encore provisoire. «Notre frontière avec le Mali est aujourd’hui sous la coupe de l’État islamique au Grand Sahara», déclarait mi-mai le président du Niger Mohamed Bazoum.


La force Barkhane est sur le point de transférer la base avancée de Ménaka à l’armée malienne

La force Barkhane est sur le point de transférer la base avancée de Ménaka à l’armée malienne

http://www.opex360.com/2022/06/07/la-force-barkhane-est-sur-le-point-de-transferer-la-base-avancee-de-menaka-a-larmee-malienne/


 

En effet, le 6 juin, le colonel Tassel, l’actuel chef du groupe européen de forces spéciales « Takuba », qui relève de Barkhane, a reçu le colonel malien Bagayoko pour « l’état des lieux de la BOA de Ménaka », a indiqué l’EMA, via Twitter. « Le désengagement de la force Barkhane s’effectue en bon ordre, en sécurité et de manière maîtrisée », a-t-il assuré. En outre, le transfert de cette base avancée aux FAMa ne devrait plus tarder [ce qui pourrait donner lieu à une nouvelle tentative d’attaque informationnelle contre les militaires français, comme après celui de Gossi].

Pour rappel, conséquence du recours de la junte malienne au groupe paramilitaire russe Wagner, le président Macron avait annoncé, le 17 février, la « ré-articulation » des forces françaises au Sahel et de leur désengagement du Mali. Et, à l’époque, celui-ci avait estimé que le retrait de Barkhane prendrait entre quatre et six mois, compte-tenu de la complexité d’un tel retrait d’un point de vue logistique, avec le risque d’attaques contre les convois et la perspective de la saison des pluies, qui commence généralement vers la fin juin.

Cela étant, et alors que Bamako a dénoncé les accords de défense conclus avec Paris, ce qui empêche désormais tout soutien français aux FAMa, la région de Ménaka est actuellement sous la pression de l’État islamique au grand Sahara [EIGS] qui, ces dernières semaines, y a multiplié les exactions contre les civils [entre 250 et 500 tués, selon diverses estimations]. Et seuls deux groupes armés signataires des accords d’Alger, le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés [GATIA] et le Mouvement pour le salut de l’Azawad [MSA] l’ont combattu jusqu’à présent. Du moins était-ce le cas jusqu’à ces derniers jours.

En effet, le Groupe tactique interarmes n°8 [GTIA 8] es FAMa s’est joint à ces deux formations pour tenter de chasser l’EIGS de la localité d’Anderamboukane. Si les débuts de cette offensive conjointe ont été leur avantage, les choses se sont compliquées par la suite, l’EIGS ayant a priori regagné le terrain qu’il avait perdu, à l’issue de plusieurs heures de combat.

Quoi qu’il en soit, la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA] a fait part, via son chef civil, El-Ghassim Wane, de sa préoccupation au sujet de la situation sécuritaire dans la région de Ménaka. Et d’annoncer des « mesures » pour y faire face, comme l’intensification des patrouilles de Casques bleus dans la ville et ses environs.

D’ailleurs, dans un rapport remis au Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a estimé que le retrait de Barkhane du Mali allait « probablement créer un vide dans certaines régions, qui risque d’être exploité par des groupes terroristes armés »… Et cela, alors que la MINUSMA s’est récemment alarmée de la hausse « exponentielle » des exactions commises contre les civils tant par les forces maliennes [associées aux mercenaires de Wagner] que des organisations jihadistes.

Vide-caserne en BSS: le redéploiement militaire français se poursuit

Vide-caserne en BSS: le redéploiement militaire français se poursuit

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par Philippe Chapleau – Lignes de Défense – publié le 6 juin 2022

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Alors qu’approche la saison des pluies dans la bande sahélo-saharienne, les forces françaises du Mali poursuivent leur désengagement. Après Gossi, c’est la base de Ménaka qui est en cours de « vidage » pour être transférée aux forces armées maliennes (FAMa) début juillet.

Le plus « gros morceau » de cette manoeuvre de redéploiement est en cours. Il s’agit d’une part de déconstruire une partie des installations de la plateforme opérationnelle désert de Gao (PfOD):

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Il s’agit aussi de vider cette PfOD où ont été stockés, triés et reconditionnés les matériels sortis de Tessalit, Kidal, Tombouctou, Gossi et Ménaka.

Ces équipements ont commencé à être évacués de Gao dans le cadre d’une manoeuvre multimodale.

Elle est à la fois aérienne, avec des vols d’A400M et de C-17 dont les capacités permettent le déplacement de véhicules comme des VBL (ci-dessous). A noter que les VBCI et les Griffon sont en cours de transfert hors de la BSS.

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Elles est aussi terrestre comme le montrent des communiqués de l’EMA.

Du 11 au 21 mai, plus de 130 camions civils ont permis l’acheminement de près de deux mille tonnes de matériels depuis Ménaka et Gao, hors du Mali, sous la surveillance armée des Mirage 2000 de la BAP de Niamey.

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Plus récemment, deux nouveaux convois à destination de Niamey ont été escortés par le groupement tactique désert logistique Phénix, toujours appuyé par les Mirage 2000:

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Cette partie terrestre prend la direction du Niger où une petite partie sera mise à la disposition des forces françaises sur place dont le GTD de partenariat de combat qui est localisé depuis l’an dernier. Les effectifs, selon l’EMA, ne vont y augmenter qu’à la marge. Le reste des équipements envoyés vers le Niger va prendre la route des ports de Cotonou et d’Abidjan pour y être chargé sur des affrétés à destination de la métropole.

Si toutes les conditions restent optimales, cette manœuvre « coordonnée et assez vive » sera complète « en fin d’été ».

Mali : La force Barkhane visée par une nouvelle attaque informationnelle après son retrait de Gossi

Mali : La force Barkhane visée par une nouvelle attaque informationnelle après son retrait de Gossi


Depuis près de trois ans, la force Barkhane est la cible de campagnes de fausses informations, en particulier au Mali. Cette désinformation n’est pas le seul fait des réseaux sociaux. Ainsi, en février 2020, l’ambassadeur du Mali en France, Toumani Djimé Diallo, avait colporté des rumeurs sur des comportements prêtés aux légionnaires français qui lui valurent d’être rappelés à Bamako…

Quoi qu’il en soit, ces fausses informations visant Barkhane en particulier, et les forces françaises en général, a conduit le ministère des Armées à adopter, en octobre 2021, une doctrine de « lutte informatique d’influence » [L2I] afin de « détecter, caractériser, contrer des attaques ou appuyer la communication stratégique associée à une opération » sans déroger aux « principes éthiques qui guident l’action de nos armées ».

Une « information fausse, manipulée ou subvertie » est une « arme » qui « a permis à certains groupes terroristes de prospérer » et qui est « utilisée avec de plus en plus de résultats par nos compétiteurs stratégiques », avait alors justifié Florence Parly, la ministre des Armées.

Et les difficultés rencontrées lors de la traversée du Burkina Faso et du Niger par un convoi de Barkhane, en novembre 2021, ont d’ailleurs souligné l’importance de cette lutte informatique d’influence, les militaires français ayant été pris à partie par des civils ayant été réceptifs à de fausses informations faisant le jeu de la Russie.

Cela étant, le retrait militaire français du Mali ne semble pas mettre un terme à ces « attaques informationnelles » contre Barkhane, comme le montre la rétrocession de la base opérationnelle avancée [BOA] de Gossi aux forces armées maliennes [FAMa], qui a eu lieu le 19 avril.

La veille, via le compte de « @Walid_Leberbere » sur Twitter [par ailleurs très suivi, avec 11500 abonnés], il a été avancé que les militaires français avaient « enlevé » cinq personnes [présentées comme étant des « bergers »] à Adiora près de Gossi. Ce qui a généré 49 commentaires [aucun pour démentir cette allégation] et 128 « retweet », dont un par le profil « @DiaDiarra6 », qui serait celui d’un ancien militaire malien reconverti en « analyste politique » et dont la photographie de profil est celle du colonel Assimi Goïta, le chef de la junte au pouvoir à Bamako. L’audience de celui-ci, créé en janvier 2022, est modeste, avec actuellement 450 abonnés [et elle était sans doute moindre à ce moment-là].

Le lendemain, le profil « @DiaDiarra6″ a lié l’ »enlèvement » de ces cinq « bergers » au départ des militaires français de Gossi. « Désormais, les habitants de Gossi, qui ont été maltraités par les militaires français (comme le récent enlèvement de civils), sont en sécurité sous la protection de l’armée malienne », a-t-il en effet écrit. Ce qui a suscité une réaction, celle d’un profil créé en décembre 2021 [avec 18 abonnés] et critique de la junte malienne. « Maltraités ? De quelles maltraitances parlez-vous ? Il ne s’agit pas de jeter des mots dans la nature mais il faut aussi les étayer! Avez-vous des preuves précises pour justifier vos propos? » a-t-il interpellé.

Puis, le 21 avril, « @DiaDiarra6 » a publié une photographie et une vidéo d’un charnier [avec au moins cinq cadavres] situé non loin de la BOA de Gossi. « C’est ce que les Français ont laissé derrière eux quand ils ont quitté la base », a-t-il affimé.

Or, comme l’a souligné l’État-major des armées [EMA], le transfert de la base de Gossi a « fait l’objet d’une préparation minutieuse et d’une coordination avec les FAMa ». Et d’insister : « Toutes les mesures ont été prises pour que l’emprise soit restituée dans les meilleurs conditions possibles, avec en particulier le transfert de très bonnes infrastructures de protection ». Difficile de croire que les militaires maliens n’auraient pas remarqué la présence d’un charnier s’il y en avait eu un…

Cependant, Barkhane s’attendait à faire l’objet de nouvelles attaques informationnelles après son départ de Gossi… Mais sans doute pas de cette nature. « La possibilité d’une attaque contre la réputation de Barkhane était dans les airs », a ainsi confié une source militaire française au quotidien Le Figaro, qui a été l’un des médias à avoir été invité par l’EMA à visionner des images prouvant l’existence d’une manipulation, orchestrée par le groupe paramilitaire russe Wagner, auquel la junte malienne a recours depuis l’automne dernier.

Les images présentées par l’EMA ont été prises par un « capteur aérien » [drone?] envoyé au-dessus de Gossi dans la nuit du 20 au 21 avril. Selon la description qui en a été faite par Le Figaro et l’AFP, certaines montrent des soldats « probablement maliens » dormir à même le sol, à proximité de tentes abritant « possiblement » des paramilitaires russes.

Puis, sur d’autres, on voit des « soldats de type caucasien », dont la tenue et la posture suggèrent qu’il s’agit de mercenaires russes, « s’affairer autour de cadavres qu’ils recouvrent de sable ». Selon l’EMA, les dépouilles « pourraient provenir d’une opération » menée par les FAMa et Wagner à Hombori, le 19 avril. Cependant, la totalité de ce qui apparaît comme une mise en scène n’a pas pu être filmée, « faute de moyen disponible en permanence » au-dessus de Gossi.

Reste que la comparaison des images publiées par « @DiaDiarra6 » et celles prises par le « capteur aérien » permet de faire un « lien direct entre ce que font les mercenaires de Wagner et ce qui est faussement attribué aux militaires français », explique l’EMA, qui n’a pas l’intention, a priori, de diffusé les vidéos qu’il a en sa possession car elles « n’éviteront pas d’autres théories complotistes ».

En tout cas, pour l’EMA, rapporte l’AFP, ces « exactions témoignent des modes d’action mis en œuvre par les mercenaires de Wagner, qui sont observés en Centrafrique depuis [son] déploiement et qui ont été dénoncés par de nombreuses organisations internationales et ONG ».

La difficulté dans ce genre d’affaire est démentir des allégations sans pour autant leur donner plus de visibilité… Sans doute aurait-il fallu commencer par signaler les « tweets » mensongers à la plateforme qui les héberge. Mais rien ne garantit que l’on obtienne satisfaction. Seulement, depuis que l’EMA a communiqué sur cette manipulation, le profil « @DiaDiarra6 » a, semble-t-il, gagné en audience. Et les images qu’il a faussement présentées ont obtenu des dizaines de commentaires et de partages supplémentaires – en quelques heures.

La force Barkhane a cédé la base avancée de Gossi à l’armée malienne

La force Barkhane a cédé la base avancée de Gossi à l’armée malienne


 

En 2018, la force Barkhane décida de réhabiliter la base de Gossi qui, située dans le Gourma malien, avait été laissée à l’état d’abandon depuis le départ d’un contingent de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali [MINUSMA].

À l’époque, il s’agissait pour Barkhane de s’installer sur l’axe Bamako-Gao, la localité de Gossi [45’000 habitants] étant un carrefour de premier plan au Mali… et donc aussi un nœud de ravitaillement pour les groupes armés terroristes [GAT], dont certains membres avaient des liens familiaux parmi la population locale. Y implanter une base opérationnelle avancée tactique [BOAT] devait permettre de surveiller les mouvements dans la zone tout en se ménager la possibilité d’intervenir dans la région voisine du Liptako, voire, le cas échéant, au Burkina Faso.

« L’objectif, c’est de permettre à la population de circuler normalement tout en poursuivant notre lutte antiterroriste, et empêcher les groupes armés terroristes de se ravitailler », avait résumé un officier français, alors interrogé par l’AFP. En outre, des opérations civilo-militaires étaient prévues afin de faire accepter la présence de Barkhane. « Depuis notre arrivée on a mis l’accent sur l’eau, l’éducation et l’emploi. Le désœuvrement est un terrain fertile pour le banditisme », avait expliqué un sous-officier.

D’importants de travaux furent menés pour réhabiliter cette emprise [rétablissement de l’alimentation en eau potable, électricité, plateforme pour les hélicoptères, logements, etc].

Avec avec la décision du président Macron de réorganiser le dispositif militaire français au Sahel et de retirer les troupes du Mali, la BOAT de Gossi a fait l’objet d’un désengagement progressif depuis février. Encore, la semaine passée, un sous-groupement du Groupement tactique désert [GTD] Hermès a escorté un convoi d’une quarantaine de camions civils entre Gao et Gossi. Selon l’État-major des armées [EMA], il s’agissait du cinquième depuis l’annonce de la « ré-articulation » de Barkhane. Au total, 400 conteneurs ont été évacués.

Dans le même temps, un état de lieu a été réalisé en vue du transfert de la base de Gossi aux Forces armées maliennes [FAMa]. Transfert qui s’est concrétisé ce 19 avril, selon un communiqué diffusé par l’état-major de la force Barkhane.

« Ce 19 avril 2022, base opérationnelle avancée de Gossi a été transférée selon le calendrier prévu dans un état opérationnel favorable, permettant ainsi l’installation sans délai des forces armées maliennes », affirme le texte.

Ce transfert « a fait l’objet d’une préparation minutieuse et d’une coordination avec les FAMa. Toutes les mesures ont été prises pour que l’emprise soit restituée dans les meilleurs conditions possibles, avec en particulier le transfert de très bonnes infrastructures de protection », fait valoir Barkhane.

Il s’agit de la quatrième base transférée à l’armée malienne, après celles de Kidal, de Tessalit et de Tombouctou, où, d’ailleurs, les « conseillers militaires » russes ne tardèrent à succéder aux soldats français.

La base de Gossi a « permis […] de soutenir avec détermination l’effort des FAMa dans la région et de maintenir une pression forte et dissuasive sur les actions et la présence des groupes armés terroristes », ce qui a créé des conditions favorables au déploiement de projets de développement au profit des populations » locales, fait valoir Barkhane.

La base de Gossi a été « restituée en l’état avec tous les dispositifs défensifs, tous les équipements […] ainsi que des infrastructures de casernement. On n’a pas fait table rase », a tenu à souligner le colonel Pascal Ianni, le porte-parole de l’EMA. « Les Maliens sont souverains. Nous avons fait notre travail correctement et ne pourrons pas être attaqués de manière malhonnête », a-t-il insisté.

Quant à savoir ce que feront les FAMa de cette emprise, ce n’est pas le problème de de l’EMA : aucune contrepartie ne leur a été demandée et elles sont libres d’y faire venir leurs « conseillers » russes, soupçonnés d’appartenir au groupe paramilitaire Wagner. « Les Maliens sont libres de faire ce qu’ils souhaitent », a insisté le colonel Ianni.

Désormais, Barkhane ne dispose plus de deux emprises au Mali : une base avancée à Ménaka et un la plateforme opérationnelle désert [PfOD] de Gao.

Photo : EMA

Mali : Barkhane a « neutralisé » une trentaine de jihadistes durant ses manoeuvres logistiques

Mali : Barkhane a « neutralisé » une trentaine de jihadistes durant ses manoeuvres logistiques

http://www.opex360.com/2022/04/04/mali-barkhane-a-neutralise-une-trentaine-de-jihadistes-durant-ses-manoeuvres-logistiques/

 

 

Un retrait militaire est souvent une manœuvre compliquée, qui demande une planification et une coordination des moyens aussi précise que possible. D’autant plus que, durant de telles opérations logistiques, une force peut être plus vulnérable qu’auparavant. « C’est un véritable défi sécuritaire », a récemment souligné le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA], lors d’un entretien diffusé par France24. Et de rappeler que les « groupes armés terroristes sont encore présents ».

Évidemment, avec la perspective du départ de la force Barkhane, ceux-ci ont accentué leurs actions. C’est notamment le cas de la Province de l’État islamique au Sahel [ex-EIGS] qui, malgré les pertes qui lui ont été infligées au cours de ces derniers mois [avec plusieurs de ces hauts dirigeants éliminés], remonte en puissance dans la région dite des trois frontières ainsi que dans celle de Gao, en multipliant les attaques contre le Mouvement pour le salut de l’Azawad [MSA] et Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés [GATIA], deux organisations signataires de l’accord de paix signé à Alger en 2015.

Aussi, dans cette situation, Barkhane enchaîne les opérations de sécurisation « pro-actives », alors que, désormais chaque semaine, des convois logistiques font la liaison entre ses bases avancées et la Plateforme opérationnelle désert [PfOD] de Gao.

Ainsi, le 24 mars, grâce à un drone Reaper, un groupe d’une quinzaine de combattants de l’État islamique a été mis hors de combat par une frappe aérienne, ce qui, a précisé l’État-major des armées [EMA] dans son dernier compte-rendu des opérations, a « contribué à la protection de l’emprise de Ménaka », vers laquelle les terroristes se dirigeaient.

Les jours suivants, Barkhane a dû livrer plusieurs combats. Le 26 mars, lors d’une « opération de sécurisation », le détachement franco-tchèque du groupement européen Takuba [TG2], appuyé par des hélicoptères Tigre, a repéré un groupe armé terroriste [GAT] dans la vallée d’Erenga, décrite par l’EMA comme étant un « sanctuaire jihadiste » au sud d’In Delimane, dans le Liptako malien.

Le compte-rendu de l’état-major ne s’attarde pas sur cette action, si ce n’est que les militaires français et tchèques ont eu « plusieurs engagements successifs » avec les jihadistes. Ceux-ci se sont soldés par la « neutralisation » de « plusieurs » terroristes ainsi que par la saisie de quatre motos et de l’armement.

Cinq jours plus tard, toujours dans le même secteur, le détachement franco-tchèque aurait pu tomber dans une embuscade si un drone Reaper n’avait pas repéré le rassemblement d’une dizaine de terroristes de l’EI à quelques kilomètres de la position de la formation de Takuba. Une première frappe aérienne « a permis de neutraliser ce groupe ». Mais il en a fallu une seconde, effectuée par un Mirage 2000, pour mettre hors de combat « 4 autres terroristes en embuscade à proximité du TG 2 ».

Entretemps, également engagé dans une opération de sécurisation dans les environs de la base avancée de Gossi, en appui des convois logistiques présents dans la zone, le sous-groupement commando de Barkhane a été « pris à partie par des éléments armés », qui ont été mis hors de combat. L’EMA n’a pas précisé à quelle formation ils appartenaient.

Par ailleurs, outre ces opérations de sécurisation, Barkhane continue également la traque des chefs jihadistes. Ainsi, le 28 mars, l’un d’eux, Boubacar Banon, affilié au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM, lié à al-Qaïda], a été « neutralisé » par une frappe réalisée par un drone Reaper alors qu’il circulait à moto, à 30 km au nord de Gossi. C’est un « nouveau succès tactique significatif pour la force Barkhane qui reste déterminée à poursuivre le combat contre les groupes armés terroristes, avec ses alliés sahéliens, européens et nord-américains », s’est félicité l’EMA.

Dans le même temps, les Forces armées maliennes [FAMa] et le groupe paramilitaire russe Wagner n’ont a priori pas fait de détail dans le village de Moura, situé dans la région de Mopti [centre du Mali]. Le 2 avril, l’état-major malien a affirmé que plus de 200 jihadistes, membres du GSIM, avaient été tués lors d’une opération qui aura duré plus d’une semaine.

Seulement, des exactions contre la la population civile auraient été commises. La Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA] a d’ailleurs fait part de ses préoccupations au sujet d’allégations de violences survenues contre les civils ». Et d’assurer qu’elle est « en concertation avec les autorités maliennes pour [en] établir les faits et les circonstances ».

Ce 4 avril, le ministère français des Affaires étrangères s’est dit « préoccupé par les informations faisant état d’exactions massives dans le village de Moura par des éléments des forces armées maliennes accompagnées de mercenaires russes du groupe Wagner, et qui auraient causé la mort de centaines de civils ».