Déroute de l’occident ?

Déroute de l’occident ?

par Colonel (e.r) Gilles Lemaire – publié le 2 août 2021


La Une du magazine « Le Point » portait récemment le titre « la déroute de l’Occident »[1].

C’est le retrait furtif et honteux de l’Amérique d’Afghanistan après vingt ans de guerre dans ce pays qui motivait ce titre. On découvrait un soldat américain survolant Kaboul, assis sur la tranche arrière d’un hélicoptère lourd. Ce survol, ce type d’appareil, n’était pas sans rappeler la triste évacuation de l’ambassade américaine du Vietnam en 1975, les mêmes hélicoptères se succédant alors pour évacuer depuis le toit du bâtiment la foule cherchant à échapper à l’arrivée des troupes nord-vietnamiennes. Ces mêmes hélicoptères étant jetés à la mer après leur appontage parce qu’encombrant le pont d’envol du porte-avions qui les attendait au large. Images traumatisantes ! Ce départ d’Afghanistan a ce même goût d’une nouvelle défaite.

Elle est pourtant célébrée par beaucoup comme une libération psychologique, la prise de conscience de l’incapacité de l’occident à transmettre universellement ses valeurs démocratiques. On constate la dénégation de la thèse de Francis Fukuyama développée sans son livre, « La Fin de l’histoire et le dernier homme », annonçant le triomphe de la démocratie libérale après l’effondrement de l’Urss et la fin de l’expérience du Socialisme dans ce pays. L’échec en Afghanistan fait suite à toutes les guerres menées sans résultat par l’Amérique, partout où le « gendarme du monde » est intervenu, et notamment lors de la dernière croisade visant à mettre un terme au retour de l’islam intégriste. La démocratie n’a pas triomphé. C’est l’aquabonisme qui prévaut !

Ces échecs successifs conduisent les observateurs à prédire le même sort pour ce qui concerne notre actuelle intervention dans le Sahel, à l’heure où le Président de la république chef des armées vient d’annoncer une rétraction sensible de cette intervention. Que peut-on en dire ?

L’attitude de l’Amérique répond à une forme de lassitude après vingt années de présence dans ce pays. On évalue à 6.400 milliards le coût total des guerres menées par les États-Unis en Irak, en Syrie, en Afghanistan et ailleurs depuis 2001. Comme au Vietnam en 1973, ce départ ne sanctionne pas une défaite militaire mais une incapacité à emporter la décision, la prolongation indéfinie de l’intervention devenant insupportable pour le budget américain tout en en entrainant des pertes humaines semblant à terme bien inutiles. Celles-ci se montent, pour ce seul théâtre, à moins de 2500 personnels auxquels il faut ajouter 1800 « contractors »[2]. Elles sont, constatons-le, bien loin d’être comparables à celles subies au Vietnam ou en Corée, le commandement américain s’efforçant de limiter les pertes en application du concept zéro morts proclamé lors de la première invasion de l’Irak.

Pourquoi cet échec ?

L’armée américaine semble peu adaptée à ce type d’intervention conduisant à mener la contre-guérilla. Armée riche d’un pays riche, celle-ci a découvert la vraie guerre en 1917 lors de l’intervention en Europe où le slogan (fallacieux) était « l’artillerie détruit, l’infanterie occupe » – suivi par le concept de « bataille arithmétique »[3] associant feu et mouvement grâce à la puissance de la production industrielle. Fondée sur ces principes, le général Beaufre la décrivait comme « une énorme pompe qui fabrique du feu comme une salamandre »[4].

Cette armée américaine, qui n’a jamais eu à combattre d’invasion de son territoire national, est aussi depuis toujours un corps expéditionnaire que la cause à défendre conduit à ménager. Depuis Bois-Belleau[5], on cherche toujours à limiter les pertes. Pour cela, l’obsession est la puissance de feu alimentée par une logistique infaillible et redondante. Une puissance de feu qui ne ménage pas la population des pays cibles. Ce principe fondateur répond mal aux conflits révolutionnaires fondés sur l’action du faible au fort et sur l’action psychologique qui en découle. Le faible ne compte pas les pertes, il les revendique et les transforme en martyrs. Il est maitre du temps et peut prolonger indéfiniment son action tandis que le fort considère que « le temps c’est de l’argent », et donc des dépenses. L’intervention coûte cher et conduit à l’impopularité. Cet imbroglio, cette aporie, résulte d’une certaine forme d’innocence de l’Amérique parvenue presque malgré elle dans sa fonction de leadership mondial après la désintégration de l’Europe[6]. Avec l’aventure coloniale succédant aux grandes découvertes, l’Europe disposait d’une culture lui permettant d’appréhender la réalité du monde, ce à quoi ne pouvait prétendre l’Amérique toujours marquée par un isolationnisme latent et son exceptionnalisme. Ainsi, après de plus de soixante-dix ans d’interventions de la première armée du monde, de celle qui dispose d’un trésor de guerre quasi inépuisable grâce au règne sans partage du Dollar comme monnaie d’échange internationale, le bilan est bien limité, sinon catastrophique. L’Amérique a certes gagné la guerre froide, guerre défensive menée face à un adversaire moribond qui a implosé de lui-même, mais elle semble bien incapable de faire face à la subversion islamiste et à la montée en puissance de la Chine revancharde. Pire : le retrait d’Afghanistan apparaît pour l’ennemi du moment comme une défaite des infidèles face aux détenteurs de la vraie foi. Cette fuite dans l’urgence marque un triomphe des fous d’Allah qui ne sera pas sans conséquence dans les affaires du monde.  

Peut-on en rester là et, pour la France, suivre ce mouvement de rétraction, abandonner le « limès » lointain du Sahel par impuissance déclarée ?

Evidemment non ! Le retentissement en serait immédiat à l’intérieur de nos frontières. Les deux mille mosquées et plus sises sur notre territoire ne manqueraient pas de se faire l’écho de cette brillantissime victoire sur l’adversaire mécréant. Au sahel, l’objectif d’éradication de l’adversaire islamiste peut paraître pour l’heure inatteignable. Pour autant, ce constat ne doit pas amener à abandonner l’objectif essentiel : éviter l’effondrement d’un État de la zone considérée et la constitution d’un nouveau califat constituant une nouvelle base de subversion alimentant une émigration déjà difficilement maîtrisable vers l’Europe. Le maintien d’une force de frappe mesurée au plus juste, fondée sur des moyens aéromobiles et aériens, accompagnée dans le cadre Takuba du soutien à la montée en puissance des armées nationales par leur encadrement au plus près, permet de limiter notre empreinte tout en gagnant en efficacité. Cette guerre du sahel ne peut assurément être gagnée sans l’implication des nationaux des pays considérés. Nous disposons pour cela d’une riche expérience : La « paix française » a jadis été acquise dans des territoires soumis jadis à une insécurité ambiante grâce à des formations comptant essentiellement des personnels africains encadrés par quelques européens. Ces soldats, tirailleurs, méharistes ou goumiers étaient convaincus de porter le progrès et que la France était gage de paix et de sécurité. Nous sommes forts de cette expérience féconde et, depuis les indépendances, de celle des différentes interventions conduisant à une relative stabilisation des pays issus de nos anciennes colonies. Il faut poursuivre cette formule par l’assistance au travers de l’assistance et de l’encadrement limité des armées nationales.

Le bilan actuel de notre intervention dans le Sahel n’est en rien assimilable à celui de l’Amérique dans ses interventions. Il est vrai que l’état de nos finances peut conduire à cet aveu d’impuissance[7]. Maintenir notre action extérieure oblige de fait au maintien d’un budget militaire conséquent. La loi de programmation actuelle en constitue la confirmation. Le coût d’un milliard d’Euros annuels des différentes interventions en cours paraît à certains insupportable au regard des autres exigences de la conduite de l’État, et particulièrement de notre Etat social. Mais cette économie éventuelle est-elle à la hauteur des nombreux besoins exprimés, de l’insatisfaction sociale permanente provoquant manifestations et protestations de tous bords ? On peut en douter. Un arbitrage rigoureux par un gouvernement responsable s’avère nécessaire. Sans doute est-ce dernier registre qu’il convient de réorganiser avant d’envisager la recherche de nouveaux dividendes de la Paix pour satisfaire ces exigences insatiables[8]. Ce milliard des intervention extérieures (ne comprenant pas que le Sahel) représente bien peu au regard des 2.130 milliards d’Euros du Pib intérieur en 2020 (en diminution de 8 pour cent, il est vrai), des 1.434 milliards de dépenses publiques (soit 65 pour cent du PIB, record mondial[9]), des 660 milliards de dépenses sociales (soit 31 pour cent du PIB, La France étant en tête des pays de l’OCDE) des 314 milliards du budget de l’Etat (avec, il est vrai, un déficit de 93 milliards dans le contexte du « quoi qu’il en coûte »).

L’Amérique donne pour l’heure une image désespérante de l’occident. Pouvons-nous à son image battre ainsi en retraite et se promettre au déclin et in fine à l’asservissement ? Il semble que, volonté et rigueur dans la tenue des comptes publics aidant, d’autres voies soient envisageables.         


[1] https://www.lepoint.fr/monde/afghanistan-irak-mali-l-occident-au-tapis-26-07-2021-2436809_24.php?M_BT=284913226408#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20210730

[i2] Les contractors sont des personnels à statut non militaire engagés comme mercenaires pour des tâches de sécurité. Ils sont enrôlés parmi d’ancien militaires de nationalité américaine ou non.

[3] Voir à ce propos l’ouvrage « Histoire de la première guerre mondiale » du général Gambiez et du colonel Suire, Fayard, 1968.

[4] L’armée américaine est bâtie sur le modèle de ce que j’appellerai une entreprise de production de feu. C’est une énorme pompe qui fabrique du feu comme une salamandre : aviation, artillerie, etc. Ils restent sur la base des théories qui régnaient en France, d’ailleurs, en 1917 sous l’influence de Pétain : le feu conquiert, l’infanterie occupe. Entretien « Nouvel Observateur » du 17 avril 1968. Le Général Beaufre (1902-1975) est l’auteur l’indispensable ouvrage « Introduction à la stratégie ».  

[5] Premier engagement – sanglant – des Marines en 1917, qui découvraient la guerre des tranchées.

[6] L’Europe a vécu en paix relative avec des conflits limités au cours du 19ème siècle, ce qui a permis son expansion coloniale qui résultait d’un commun accord depuis le traité de Berlin de 1884 

[7] Ce qui a bien souvent été le cas dans l’histoire de notre pays.

[8] Lire à ce sujet : Charles Prats, « le cartel des fraudes », Ring, 314 p. qui s’inquiète par exemple du nombre exponentiel de cartes Vital par rapport au chiffre de la population française.

[9] https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2020-annee-record-120-de-dette-65-de-depenses-publiques-46-3-de-prelevements-obligatoires-20201113

L’aptitude du futur hélicoptère Guépard à voler dans un environnement « sable et poussière » testée par la DGA

L’aptitude du futur hélicoptère Guépard à voler dans un environnement « sable et poussière » testée par la DGA

http://www.opex360.com/2021/07/31/laptitude-du-futur-helicoptere-guepard-a-voler-dans-un-environnement-sable-et-poussiere-testee-par-la-dga/

L’armée de Terre déploie le Système d’information du combat Scorpion en opération pour la première fois

L’armée de Terre déploie le Système d’information du combat Scorpion en opération pour la première fois

http://www.opex360.com/2021/07/30/larmee-de-terre-deploie-le-systeme-dinformation-du-combat-scorpion-en-operation-pour-la-premiere-fois/

Pour les combattants d’Afghanistan

Pour les combattants d’Afghanistan


par Jean-Pierre Ferey (*) – Esprit Surcouf – publié le 26 juillet 2021

https://espritsurcouf.fr/le-billet-economie_pour-les-combattants-d-afghanistan_par_jean-pierre-ferey/

 

e rideau tombe sur le théâtre afghan. Les troupes américaines s’en vont, les talibans reprennent le contrôle du pays. Vingt ans de combats, d’efforts diplomatiques, de volontés nobles et sincères pour aider une population défavorisée ! Vingt ans d’élans démocratiques et de désirs de paix, mais aussi vingt ans d’arrière-pensées, de reniements, de magouilles politiciennes et de coups tordus ! Pour quel résultat ? Pour rien ! Le pays se retrouve dans l’état où il était vingt ans plus tôt.

Ce constat amer ne doit pas être prétexte à jeter le voile de l‘oubli sur ces « aventures » afghanes. Des soldats y sont morts pour la France. Nous nous devons de garder en mémoire leurs souffrances et de les honorer.

C’était après les attentats sur New-York du 11 septembre 2001. Pour la première fois, les pays membres de l’Otan ont mis en œuvre l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. L’un des leurs était attaqué, tous ont pris les armes pour le défendre. La France de jacques Chirac, alors à la marge de l’Otan, n’était pas contrainte de s’engager. Mais elle a néanmoins décidé de mobiliser ses troupes. Ce fut pour les français l’opération Pamir

Dans le même mouvement,  l’Organisation des Nations-Unies, par ses résolutions 1386 et 1510 de décembre 2001 et d’octobre 2003, créait l’ISAF (Force Intérimaire d’Assistance et de Sécurité). C’est-à-dire qu’elle formait une coalition internationale armée pour intervenir en Afghanistan, avec pour mission « d’aider l’autorité intérimaire afghane à maintenir la sécurité…afin de permettre à l’Etat Afghan de se reconstruire, de permettre des opérations de développement et de permettre un déploiement des services de l’Etat Afghan ».

Les premiers soldats français, un PC tactique et une compagnie renforcée du 21° Régiment d’Infanterie de Marine,  sont arrivés dans le nord de l’Afghanistan, à Mazar-e-Sharif, le 15 novembre 2001. Puis un détachement du 1er RPIMA a investi Kaboul, la capitale, le 2 janvier 2002. Ensuite les missions et les effectifs ont évolué, on a compté jusqu’à 4 500 hommes sur le terrain. On est passé d’opérations de stabilisation à une stratégie de contre-insurrection, où l’on visait à couper la population des insurgés talibans. Les combats sont devenus de plus en plus importants.

Le Batfra (bataillon français) a d’abord été chargé de veiller sur la capitale, sur KIA (Kaboul International Airport) et sur la plaine de la Chamali. Puis on a rajouté à la zone le district et le barrage de Surobi. En 2009, les moyens militaires français sont regroupés dans la vallée de la Kapisa, on l’on met sur pieds la brigade La Fayette. Sous commandement américain, elle a une triple mission : conquérir la population en repoussant les talibans, assurer la formation de la 3eme brigade de l’armée nationale afghane, et surtout rouvrir « Vermont road », la « main road », la route principale qui relie d’ouest en est la base aérienne de Bagram à Surobi, en suivant la Kapisa et en passant par les postes fortifiés de Nijrab et de Tagab. Tous ces noms résonnent dans nos souvenirs. Ils sont revenus régulièrement à la une des journaux, dramatiquement parfois (l’embuscade d’Uzbin), ou plus glorieusement (la prise de la vallée d’Al-Asaï par le 27° BCA).

 

La zone d’opérations de la brigade La Fayette s’étalait sur quelques 200 kilomètres carrés, le long de Vermont Road.

Les dernières troupes françaises ont quitté la Kapisa le 20 novembre 2012. « Vermont road » n’a jamais été rouverte. Et la France est passée à une autre actualité, l’Afghanistan a glissé sous les radars.

Une anecdote : un ou deux ans plus tard, lors d’un point de presse du ministère de le Défense, un journaliste a posé une drôle de question. Est-ce que l’on avait des nouvelles de la 3eme brigade de l’ANA ? Est-ce qu’il y avait des échanges entre les formateurs et les formés, est-ce qu’on s’envoyait des cartes postales ? Le colonel représentant l’Etat-major s’est trouvé fort dépourvu, il n’avait à l’évidence aucun élément de réponse. Il a formulé avec embarras une phrase passe-partout. Mais il était clair que dans le haut commandement personne ne se souciait du sort de la Kapisa. Le colonel s’appelait Thierry Burkhard.

Il est vrai qu’entre temps s’était déclenchée l’opération Serval au Mali, et toutes les attentions se focalisaient désormais sur les islamistes du Sahel. Comme le dit un dicton populaire : « un clou chasse l’autre ».

Au bilan, il faut cependant retenir un point qui a son importance aujourd’hui, alors qu’on nous rebat les oreilles de possibles combats de haute intensité. Avec l’opération Pamir, l’armée française est retournée à la guerre dans un contexte interallié. Adieu les messages au PC et les récits des accrochages. On est entré dans le monde des TIC et des TOC (troops in contact, tactical operation’s center).

Soldats français, américains et afghans en Kapisa en février 2008. Photo  J.R.Aragon, USAFG

A part ça, « que reste-t-il de cet engagement qui a sans doute forgé une génération de soldats ? » se demande Arnaud Florac dans une récente publication. « Rien d’autre que le silence, à couper au couteau, qui suit les sonneries aux morts. Loin des polémiques stériles, tout en constatant l’échec sur le long terme de l’intervention otanienne, trouvons un moment, dans le silence précaire de l’hyperconnexion, pour rendre hommage en notre for intérieur aux soldats d’Afghanistan ».

Entre 2001 et 2014, 70 000 militaires français ont été envoyés là-bas. 89 y sont morts. Plus de 1 200 y ont été blessés dans leur chair. Et combien y ont laissé une partie de leur âme (on a soigné 461 cas de syndromes post-traumatiques) ?

(*) Jean-Pierre Ferey a mené pendant quarante ans une carrière de journaliste de télévision, où il a longtemps été spécialisé sur les questions de géopolitique et les affaires militaires. Auditeur de l’IHEDN (42° session nationale), il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « les héros anonymes de l’été 44 » aux éditions du Rocher. Il est secrétaire de la rédaction d’ESPRITSURCOUF.

La cour de justice européenne s’attaque au temps de travail des militaires

La cour de justice européenne s’attaque au temps de travail des militaires

Un arrêt publié jeudi donne en partie tort à la France, qui défendait la singularité du statut militaire, et pourrait remettre en cause leur disponibilité «en tout temps et en tout lieu».


Les soldats de l'opération Barkhane lors du défilé du 14 Juillet sur l'avenue des Champs Élysées.

Les soldats de l’opération Barkhane lors du défilé du 14 Juillet sur l’avenue des Champs Élysées. LUDOVIC MARIN / AFP

Ce revers juridique inquiète l’armée. Dans un arrêt publié jeudi, la Cour de Justice de l’Union européenne vient de donner en partie tort à la France, qui défendait la singularité du statut militaire. La directive sur le temps de travail de l’Union européenne peut s’appliquer à certaines activités des soldats. Les membres des forces armées des États membres ne peuvent pas être «exclus, dans leur intégralité et en permanence, du champ d’application de la directive 2003/88», relève la CJUE dans la communication rendue publique jeudi. Le temps de travail des militaires pourrait être limité.

«Nous n’avons pas eu gain de cause», admet-on au ministère des Armées. «La France demandait la possibilité pour les États membres d’excepter intégralement à l’application de la directive», poursuit-on. L’unité du statut du militaire, disponible «en tout temps et en tout lieu», s’oppose «à la notion de découpage du temps de travail», ajoute-t-on.

Des tâches proches du salariat

Pour comprendre l’enjeu, il faut remonter à son origine. En 2014, un sous-officier slovène effectue «un service de garde ininterrompu de sept jours par mois» pour lequel il demande à être rémunéré en heures supplémentaires. Le contentieux ayant été porté devant les tribunaux, la cour suprême de Slovénie se tourne alors vers la CJUE pour décider de l’application ou non de la directive sur le temps de travail 2003/88 à l’activité militaire. Selon le traité de l’Union européenne, les affaires de sécurité relèvent de la compétence des États. Mais les appréciations diffèrent entre les pays. La France, l’Espagne et la Slovénie ont défendu devant la juridiction européenne la spécificité de la condition militaire. L’Allemagne admet pour sa part la distinction des activités.

L’affaire est complexe. Mais le dossier est suffisamment sérieux pour avoir été suivi par le ministère, l’état-major et même l’Élysée. «Je crois à la voie européenne quand je la comprends», a prévenu le chef de l’État Emmanuel Macron mardi soir, alors qu’il défendait le statut militaire. «Ce qui permet d’assurer constamment la sécurité des Français et des Européens, c’est précisément ce principe de disponibilité en tout temps et en tout lieu des militaires. Est-ce qu’on imaginerait que l’ultima ratio de la Nation ne puisse agir pour des raisons liées au temps de travail ?», expliquait en février devant le sénat la ministre Florence Parly. «Le soldat ne peut pas être salarié et militaire, c’est un seul bloc», confie le député LREM Jean-Michel Jacques, qui voudrait faire inscrire dans la constitution cette singularité.

Au bout du compte, la CJUE reconnaît que certaines missions militaires relèvent de la seule décision des États et de leurs intérêts. En opération ou en cas de «contraintes insurmontables», les armées peuvent déroger au temps de travail. Mais la Cour énumère aussi certaines tâches qui s’apparentent à un salariat presque normal, notamment «celles qui sont liées à des services d’administration, d’entretien, de réparation, de santé, de maintien de l’ordre ou de poursuite des infractions». Elles «ne présentent pas, en tant que telles, des particularités s’opposant à toute planification du temps de travail respectueuse des exigences imposées par la directive 2003/88, à tout le moins tant que ces activités ne sont pas exercées dans le cadre d’une opération militaire ou au cours de sa préparation immédiate», lit-on dans la communication de la CJUE.

Remise en cause de l’unicité du statut

En modifiant l’appréciation du temps de travail des militaires, l’arrêt risque de détricoter l’ensemble du statut. Celui-ci prévoit en effet des compensations aux astreintes de la fonction. «L’unité du statut est un facteur de cohésion. Le général et le soldat partagent le même principe de disponibilité», souligne-t-on au ministère.

Jeudi, le ministère des Armées se montrait prudent sur les suites de ce bras de fer juridique. «Nous allons faire une analyse précise» de l’arrêt, dit-on. Aucun recours n’est possible contre l’arrêt de la CJUE. Si un contentieux émerge en France, le conseil d’État pourrait avoir son mot à dire. Au ministère, on n’exclut pas non plus une «initiative» pour modifier la législation européenne. «Nous allons répondre au droit par le droit».

Face à cette épée de Damoclès juridique, le ministère tentait de dédramatiser. «Il n’y a aucune demande sociale, au contraire, les militaires sont attachés à la préservation de l’unicité de leur statut», assure-t-on. Mais il suffira d’une plainte.

Haute intensité : un choc avec les Titan aurait un coût très élevé

Haute intensité : un choc avec les Titan aurait un coût très élevé

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Par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 12 juillet 2021

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/

 

Après 20  ans de lutte anti-insurrectionnelle, tant en Afghanistan qu’au Sahel, les forces françaises sont-elles en mesure de relever le défi de la haute intensité (photo ci-dessus armée de Terre) ?

« L’armée de Terre n’a jamais abandonné la haute intensité », rappelle le chef de la 2e brigade blindée, le général Giraud (photos ci-dessous PH. CH.).

« Le choix de nos matériels le prouve : regardez nos chars Leclerc ou nos hélicoptères Tigre, par exemple. Par ailleurs, dans nos centres d’entraînement ​du CENTAC (le Centre d’entraînement au combat) et du CENZUB (le centre d’entraînement aux actions en zone urbaine)​, nous sommes toujours restés sur la préparation à la haute intensité. Les fondamentaux sont là mais il va falloir durcir, par exemple, nos capacités sol-air parce que nous n’aurons pas toujours la supériorité aérienne. Et il faut aussi durcir l’entraînement ».

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Ce durcissement de l’entraînement est déjà en cours. Ainsi, les soldats de la 2e brigade blindée ont récemment participé à deux exercices majeurs : Springstorm en Estonie (voir mes différents post dont celui-ci et celui-ci) et Dompaire dans l’est de la France.

En attendant Orion
Dompaire n’est qu’une petite commune des Vosges mais en septembre 1944, la 2e DB et la 112e Panzerbrigade, s’y sont affrontées dans le cadre de la plus grande bataille de chars de la campagne de France.

Dompaire, c’est aussi un millier d’hommes et 300 véhicules qui ont manœuvré pendant 15 jours début juillet, « dont la moitié du temps en terrain libre », comme le précise le général Giraud. L’autre moitié de Dompaire a été jouée en simulation, à partir de Saumur où est installé le Centre de Simulation Opérationnelle (CSO) SOULT.

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« Il est toujours complexe pour les unités de s’intégrer dans un environnement interarmes. Ce que l’on réussit à faire au niveau des groupements tactiques (de 800 à 1 500 hommes) au Sahel, il faut désormais qu’on le réalise au niveau des brigades (7 000 hommes) puis des divisions (25 000 hommes) », explique Vincent Giraud.

Dompaire (« un préambule à Orion », l’exercice de niveau division qui aura lieu en 2023) s’inscrit dans la préparation au combat de haute intensité où les belligérants disposent d’armement et d’effectifs équivalents, de techniques et de tactiques similaires. L’ennemi est alors dit de type  « Mercure » (armée étatique de haut niveau et du haut de spectre) ou « Titan » (armée étatique de 2e rang/dissymétrique), par opposition à « Tantale » (force armée non étatique, guérilla très consistante) et « Deimos » (ennemi non conventionnel, GAT).

Outre la complexité à faire manœuvrer des forces importantes dans un environnement non permissif, ce type de combat se caractérise par sa létalité. « Les unités de mêlée (infanterie et cavalerie) subiront de lourdes pertes », comme le montre la simulation. Pendant Dompaire, l’action de l’artillerie et de l’aviation ennemies a coûté aux forces amies « entre 75 % et 85 % de leurs capacités » humaines et matérielles.

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« Pertes élevées donc, mais aussi grande consommation de munitions, ce qui pose un enjeu logistique pour approvisionner les combattants et régénérer hommes et matériels. Et enfin, vulnérabilité des postes de commandement, leur neutralisation obligeant à disposer aussi de moyens dégradés« , énumère le général Giraud, avant de poursuivre avec « l’accélération du tempo ».

En effet, les troupes évoluent en permanence en zone d’insécurité, souvent sous le feu ennemi, tout en étant menacées par des infiltrations de l’adversaire. Ce qui induit de la fatigue et a un impact négatif sur les capacités de décision.

Malgré tout, rassure le général Giraud, « on est encore capable de faire parce qu’on n’a jamais lâché »​. Et le cavalier de conclure : « On se remet en selle mais on n’est pas tombé de la selle« ​.

Le montage des kits de protection sur les Véhicules blindés légers Mk1 s’avère plus difficile que prévu

Le montage des kits de protection sur les Véhicules blindés légers Mk1 s’avère plus difficile que prévu

http://www.opex360.com/2021/06/27/le-montage-des-kits-de-protection-sur-les-vehicules-blindes-legers-mk1-savere-plus-difficile-que-prevu/


Il y a 30 ans, l’armée de Terre était engagée dans l’opération Daguet

Il y a 30 ans, l’armée de Terre était engagée dans l’opération Daguet

par le Colonel ® Coste -CDEC – publié le 16 juin 2021

https://www.penseemiliterre.fr/il-y-a-30-ans-l-armee-de-terre-etait-engagee-dans-l-operation-daguet_114585_1013077.html

Il y a trente ans, l’armée de Terre était engagée dans une opération remarquable à plus d’un titre : couverture médiatique exceptionnelle et en direct d’un domaine jusqu’alors « réservé », prépondérance de l’observation et du renseignement couvrant en permanence le dispositif ennemi, menace chimique incessante des Scud et engagement d’une force aéroterrestre majeure alors que le contingent constitue la majorité de l’armée de Terre. Confiée à la FAR du général Roquejoffre, la montée en puissance et la projection d’une division forte de 12 000 hommes, dotée de moyens lourds, sont une véritable prouesse opérationnelle et logistique. Les défis furent en effet nombreux à être relevés et ont ouvert la voie à des solutions usuelles aujourd’hui.

Daguet : deuxième force aéromobile de la coalition

Tout d’abord, les réseaux de liaisons de commandement, permettent de connecter ensemble la métropole, le théâtre, la division comme le groupement logistique malgré d’importantes élongations. À cette fin, satellites, RITA, faisceaux hertziens tactiques, postes à évasion de fréquence sont donc utilisés souvent pour la première fois en opérations tout en étant interopérables avec les systèmes américains. La confrontation en elle-même offre des opportunités d’emploi inédites avec les matériels français les plus récents : combat de haute intensité de blindés et aéronefs en milieu désertique et ambiance NBC, équipements de vision nocturne et caméras thermiques, systèmes antimissiles, obus-flèches, mines et sous-munitions dispersables, drones, VTLR, etc. La division Daguet se préparait à un véritable combat aéroterrestre engageant la deuxième force aéromobile de la coalition (130 appareils) en appui de 150 blindés français. Tous ces moyens motorisés n’ont pu se déployer que grâce à l’avènement du GPS, outil indispensable pour s’orienter dans les étendues désertiques mais dont seuls quelques véhicules légers furent équipés1.

Un effort logistique considérable

Un tel environnement opérationnel s’accompagne bien sûr d’un effort logistique considérable avec une élongation allant jusqu’à 1 700 km pour les 300 véhicules de transport lourds mobilisés, entre le port de ravitaillement (Yambu sur la Mer Rouge) jusqu’à la division située à la frontière irakienne2.
Le défi est de soutenir un combat de type « Centre-Europe » (tel qu’il était envisagé par l’OTAN) comme on disait à l’époque, dans un cadre espace-temps dont les dimensions sont celles des interventions extérieures en milieu désertique contemporaines. La « base arrière » en métropole n’est pas épargnée3. La pression médiatique à laquelle elle est soumise avec persistance, a conduit à une appréciation outrancière d’un ennemi puissant, parfois fanatique (la Garde Républicaine de Saddam Hussein) et endurci par sa guerre avec l’Iran. La couverture en direct des opérations et les alertes Scud ne laissent aucun répit à une opinion publique alertée par les rumeurs d’emploi de gaz. Son soutien vibrant et indéfectible à la division n’est pourtant jamais affecté (courriers, messages…).

Une opération combinant les effets des armes

Le 17 janvier 1991, de vastes actions aériennes initient l’opération Tempête du désert. Dans une première phase, elles détruisent les capacités aériennes et antiaériennes ennemies ainsi que les systèmes de commandement irakiens, puis, pendant plusieurs semaines, elles entament les défenses terrestres en vue de la phase suivante. Cette dernière est aéroterrestre afin d’assurer le succès par le feu et le mouvement au sol. Placé sous commandement américain, le centre opérationnel (CO) de la division Daguet s’est renforcé et compte alors 500 hommes répartis entre un CO lourd déployé, un CO léger sur roues, un poste de commandement (PC) logistique et un PC arrière. Les unités de la division appartiennent à l’aile marchante de l’opération qui, par un large débordement par l’ouest, vise le fleuve Euphrate pour interdire à l’armée irakienne toute possibilité de manœuvre ou de repli. Elle fait face à trois brigades d’infanterie irakiennes protégées par de solides défenses, dont un certain nombre est endommagé par la campagne aérienne. Cela vaut à la division de s’élancer en premier le 24 février 1991 pour une opération d’une ampleur inédite depuis de nombreuses années. 

100 heures de combat

La division, scindée en deux groupements (ouest et est), ont pour objectif l’aérodrome d’As Salman. Pendant l’offensive, la division bénéficie d’appuis démesurés. Elle est renforcée d’une brigade d’artillerie américaine et d’un bataillon de lance-roquette multiples (MLRS) fournissant à l’offensive française un véritable rouleau compresseur constitué par les feux de plus de 100 tubes. Chars et blindés en bataille dans un désert de rocailles offrent un spectacle peu commun digne des représentations tactiques de tous militaires, et qui conduit à la débandade d’un ennemi démuni. Les réductions de résistance se succèdent et l’afflux de prisonniers menace de submerger les groupements. Son ampleur problématique (3 000 hommes) et pas assez anticipée, oblige à un régiment complémentaire de lui être dédié. Au final, par sa mobilité, sa puissance et sa rapidité, la division atteint ses objectifs sans subir de pertes importantes, ceci après près de 100 heures de combat.

Ce succès résulte du rassemblement inédit d’une puissance matérielle considérable combinée à une qualité humaine remarquable. Les bases de l’engagement aéroterrestre sont mises à l’honneur lors de cette opération qui voit se conjuguer mobilité et protection, continuité du combat, cohérence des systèmes d’arme. Le poids énorme de la logistique (malgré un ratio entre combattant et soutien français le plus faible de la coalition) rappelle qu’elle demeure un facteur clé de réussite et qu’il est nécessaire de disposer de tous ses échelons en temps de paix. La médiatisation à outrance du conflit a pris une dimension capitale. Enfin, cet engagement de moyens aéroterrestres considérables, dans des conditions rustiques n’ayant plus souvent cours, rappelle que c’est le durcissement de l’armée de Terre qui prépare à faire face aux chocs les plus rudes.

Abréviations

CO : Centre opérationnel

FAR : Force d’action rapide

GPS : Global positioning system (système de positionnement mondial, par satellites)

MLRS : Multiple Launch Rocket System (lance-roquette multiple)

NBC : Nucléaire, bactériologique et chimique

RITA : Réseau intégré des transmissions automatiques

VLTR : Véhicule de liaison tactique et de reconnaissance

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1 Au fonctionnement parfois aléatoire et souvent dépendant des vents de sable

2 Voir article Soutien : « La logistique de Daguet », Commandant Romain Choron, page 22

3 Voir article Lien armée/nation : « Les relations avec la base arrière », Ornella Junet et Sonali Ghoorahoo, page 34

Opération Barkhane : plusieurs blessés lors d’une attaque à la voiture piégée au Mali

Opération Barkhane : plusieurs blessés lors d’une attaque à la voiture piégée au Mali

Un attentat à la voiture piégée a visé des militaires de l’opération Barkhane au Mali, lundi 21 juin. Six d’entre eux ont été blessés ainsi que plusieurs civils.


Des soldats de l’opération Barkhane. Photo © ERIC DESSONS/JDD/SIPA

L’armée française a été visée au Mali par une attaque terroriste qui a fait plusieurs blessés, lundi 21 juin dans la matinée, selon les informations de France 24. Des militaires en patrouille appartenant à l’opération Barkhane ont été pris pour cible lors d’une attaque à la voiture piégée.

L’explosion a eu lieu dans le quartier de Kaigourou, à Gossi (centre du Mali) et a fait plusieurs blessés. Plusieurs hélicoptères ont été dépêchés sur place et les victimes évacuées. France 24 indique qu’il y aurait au moins un blessé grave parmi les militaires français. Selon l’armée française, « six militaires français et quatre civils maliens, dont un enfant, ont été blessés », mais « le pronostic vital des blessés n’est pas engagé ».

Samedi 19 déjà, des soldats tchèques appartenant à la force franco-européenne Takuba avaient été ciblés par un engin explosif improvisé à Ménaka, dans l’Est du pays. Lancée en 2014 dans la lignée de l’opération Serval, Barkhane a pour objectif de lutter contre les groupes salafistes au Sahel et dans le Sahara (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad). Son retrait prochain au profit d’un dispositif allégé et « d’une alliance internationale associant les États de la région » a été annoncé par Emmanuel Macron.

Le général Laurent Michon désigné pour prendre le commandement de la force Barkhane

Le général Laurent Michon désigné pour prendre le commandement de la force Barkhane