L’invention de ce militaire a séduit les forces spéciales françaises et américaines

L’invention de ce militaire a séduit les forces spéciales françaises et américaines

Armurier à la BA105 d’Évreux, Killian Pezet est revenu d’une mission avec l’envie de créer un établi mobile pour entretenir les différents équipements. Son innovation a été primée.

 

Artac
Killian Pezet, lors de la présentation de son invention à un salon d’innovation militaire. ©Photo fournie par Killian Pezet.

Militaire à la base aérienne 105 d’Évreux (Eure), Killian Pezet se définit comme quelqu’un de discret. Pourtant, depuis quelques jours, il se retrouve sous les projecteurs grâce à son invention primée lors d’un prestigieux salon dédié à l’innovation militaire.

Originaire de Cherbourg, le jeune homme de 24 ans est arrivé à la BA105 il y a cinq ans et demi. Un brevet professionnel en poche, il a suivi les traces de son père et est devenu armurier. Un poste « assez rare » (il y en a quatre ou cinq par base) qui consiste à entretenir, réparer et modifier les armes, du pistolet au fusil d’assaut utilisé en mission.

Une armurerie mobile

C’est lors d’une opération extérieure (Opex) dans le Sahel que les premières graines de son innovation ont germé. En tant qu’armurier, il est installé sur une grande base, quand bon nombre de militaires sont situés dans des avant-postes à deux heures de vol.

Lorsqu’ils ont besoin de réparer leurs armes, ces derniers sont obligés d’attendre la fin de leur mission et doivent se déplacer avec tout leur équipement jusqu’à la base. Une galère logistique.

Je me suis demandé pourquoi l’armurerie n’irait pas au plus près de nos hommes.

Killian Pezet

De retour en France après cinq mois de mission, il propose son idée : « Condenser tous les moyens techniques et technologiques d’une armurerie dans un caisson d’un mètre cube. » Une armurerie mobile en somme. La boîte doit être transportable en avion et larguée sur les terrains de conflits si besoin.

Une fois déployée, elle devient une table de 2 m de largeur et de 70 cm de longueur composée de tiroirs comportant l’outillage nécessaire à la réparation et au nettoyage des armes, les pièces, les ingrédients (huiles, colles…), les tablettes (principalement utilisées pour indiquer la marche à suivre pour chaque arme), les éclairages, microscope et endoscope… « Chaque centimètre est utilisé pour caler et emporter le plus de choses », résume l’inventeur.

Une maquette avec des déchets

Dans un premier temps, ses collègues pensent à une blague. Pas de quoi désarmer le jeune caporal. « Il a fallu démontrer que j’y croyais fort. Au pire on m’aurait dit que c’était nul. Au mieux ça marchait », explique-t-il, simplement. Il prend ses soirées pour se former à la modélisation en trois dimensions afin de présenter son projet aux autorités.

Un sens de la débrouille qui fait mouche, puisqu’à l’automne 2021, son exposé suscite l’intérêt des autorités. Killian Pezet réalise une maquette en bois à peu de frais, notamment en se servant de déchets et en faisant appel aux menuisiers de la BA105, afin de montrer son concept.

Artac
L’établi Artac créé par Killian Pezet. ©Photo fournie par Killian Pezet.

Pour le prototype, il obtient un financement de la Direction générale de l’Armement (DGA), qui tient les cordons de la bourse. Ayant la possibilité de compter sur un budget imposant, le caporal se limite à 15 000 €. « Je n’avais pas besoin de plus », assure-t-il.

Un coût maîtrisé grâce aux capacités de recherche et de fabrication au sein même de l’armée française. Il met à contribution l’atelier industriel de la base de Bordeaux, unique en France, « qui peut tout construire ». Surtout, cette phase permet à son invention de passer entre les mains d’ingénieurs qui peuvent aller dans le détail.

« Être autonome à 100 % »

Si le caisson de l’inventeur ébroïcien est crédible, c’est avant tout parce qu’il est issu « de l’expérience du terrain et qu’il n’a pas été commandé dans un bureau ». Deux panneaux solaires dépliables permettent de recharger tablettes et éclairages si aucune prise n’est disponible. « L’idée, c’est d’être autonome à 100 % », appuie Killian Pezet.

Le côté table de camping pliable est totalement assumé par le jeune homme, qui a voulu rendre le tout simple d’utilisation.

On met moins de soixante secondes à le déployer. Le but, c’est que l’on ne se pose pas de question et qu’on ne le casse pas.

Killian Pezet

Le plan de travail, totalement magnétique, a lui aussi été pensé pour répondre aux exigences du terrain. « Il faut éviter que les petites vis tombent et roulent dans le sable », précise celui qui se définit lui-même comme un « bricoleur maladroit ». Seul véritable « point noir » du paquetage : son poids. Il pèse une centaine de kilos, mais le caporal a trouvé l’alternative en y ajoutant un système de chariot pour qu’un seul homme soit en mesure de le tirer, quel que soit le terrain.

« Mieux que le concours Lépine »

Fin mars, Killian Pezet a participé au salon SOFINS (special operations forces specials network seminar) à Bordeaux. Un événement très fermé qui se tient tous les deux ans et pour lequel il faut montrer patte blanche.

Ça réunit les forces spéciales du monde entier et les industriels qui fabriquent les gadgets à la James Bond.

Killian Pezet

Parmi la cinquantaine d’innovateurs présents, il a gagné le prix dans la catégorie GCOS (général commandant les opérations spéciales). « C’est mieux que le concours Lépine », assure-t-il. Un prestige, mais surtout « une crédibilité gigantesque » pour l’invention et l’inventeur.

C’est à cette occasion que Killian Pezet a choisi le nom d’Artac (Armurerie tactique). Un intitulé plus punchy que Caisse projetable d’entretien des armes (CPEA), et surtout plus facile à dire. « Je bégayais beaucoup, j’aurais loupé la prononciation », confie l’inventeur ébroïcien. Pourtant, pendant les quatre jours du salon, son handicap ne l’a pas gêné : « Je savais exactement de quoi je parlais, ça a aidé. »

Killian Pezet
Le caporal Pezet a gagné le prix dans la catégorie GCOS (général commandant les opérations spéciales) lors d’un salon dédié à l’innovation militaire. ©Photo fournie par Killian Pezet


Artac killian pezet évreux
L’armurerie mobile de Killian Pezet peut être larguée depuis un avion. ©Photo fournie par Killian Pezet

Des entreprises intéressées

L’armée française a déposé le brevet pour son usage et Killian Pezet peut en faire ce qu’il veut pour le civil. Il a déjà été approché par des entreprises qui gèrent des pipelines au Moyen-Orient qui voudraient utiliser le caisson.

Car la structure pourra s’adapter à différents clients en fonction de leurs besoins : armes spécifiques aux différents corps (armée conventionnelle, forces spéciales, GIGN, Raid…), réparation de drones, réparation d’hélicoptères, camions…

L’invention a d’ailleurs beaucoup plu aux forces spéciales américaines.

Mais avant de penser à la vendre, Killian Pezet travaille sur sa version finale, « qui doit être efficace sur le terrain ». Pour ça, pas de secret : l’expérience. « On essaye de le malmener », s’amuse l’inventeur. Le caisson est confié à d’autres personnes « un peu plus brutales » pour tester sa solidité. Prochaine étape : un largage en avion.

Près de 400 ressortissants évacués grâce à l’opération Sagittaire

Près de 400 ressortissants évacués grâce à l’opération Sagittaire

– Forces opérations Blog – publié le

Déclenchée hier à l’aube, l’opération Sagittaire a déjà permis d’évacuer près de 400 Français et étrangers hors du territoire soudanais, annoncent les ministères des Armées et de l’Europe et des Affaires étrangères ce matin dans un communiqué conjoint. 

Environ 150 militaires français ont été déployés dans la région de Khartoum pour mener une opération aux airs de déjà vu. L’enjeu ? Évacuer au plus vite le personnel diplomatique, les ressortissants français et d’autres nations qui le souhaitent de la capitale soudanaise, en proie depuis 10 jours à d’intenses combats entre forces armées soudanaises et Forces de soutien rapide. 

Deux nouvelles rotations ont été assurées par les avions de transport de l’Armée de l’Air et de l’Espace hier en fin de journée et ce matin, précisent les deux ministères. Chacune des aura permis de rapatrier une centaine de personnes, portant à 388 le nombre de ressortissants accueillis sur la base aérienne 188 de Djibouti, dont « un nombre significatif de citoyens » de 28 pays européens, américains, africains et asiatiques.

D’une « extrême complexité » et conduite en interarmées et en interministériel, l’opération Sagittaire a nécessité, dès le 18 avril, la mise en alerte et l’envoi de renforts à Djibouti et au Tchad grâce à trois avions A400M et un C-130 de l’AdlAE. Les Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) ont en parallèle oeuvré à la mise en place d’un centre de regroupement et d’évacuation. 

Crédits image : EMA

Armée française au Sahel : Les bonnes questions

Armée française au Sahel : Les bonnes questions

 

par Eric Stemmelen (*) – Esprit Surcouf – publié le 20 avril 2023
Commissaire divisionnaire honoraire de la police nationale

https://espritsurcouf.fr/defense_armee-francaise-au-sahel-les-bonnes-questions_par_eric-stemmelen_n212-210423/


Policier, mais ayant exercé de multiples responsabilités à l’étranger, l’auteur a acquis une grande expérience dans le domaine de la sécurité (il a été consulté par les militaires au Mali). Cela lui permet de s’interroger sur le maintien de la présence militaire française au Sahel.

Les années soixante ont vu les pays africains acquérir leurs indépendances par rapport aux anciennes puissances coloniales. Tous les pays européens concernés (Espagne, Portugal, Allemagne, Belgique, Royaume-Uni, Italie) ont laissé leurs anciennes colonies se développer assez librement. Seule la France n’a pas réellement coupé les liens d’une part en attachant le franc CFA à la monnaie française, et d’autre part en laissant sur place un fort contingent militaire et une importante coopération civile et militaire définie par de nombreux accords. Cette démarche, qui a eu du succès au travers de ce que l’on a pu appeler la Françafrique, trouve maintenant ses limites avec un rejet croissant des liens entre ces pays et la Métropole.

Présence militaire

Sur le plan militaire, seule la France garde des capacités d’intervention en Afrique. On se souvient par exemple de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire, lancée en septembre 2002 et qui ne s’est terminée qu’en janvier 2015.

Sous mandat de l’ONU, à la tête d’une coalition internationale, l’armée française est intervenue en Libye en 2011 (opération Harmattan) pour mettre fin au régime dictatorial de Kadhafi, qui meurt le 20 octobre 2011. Cette même année, à Benghazi,  des milliers de Libyens font un triomphe à Nicolas Sarkozy. Douze ans après, cette victoire a un goût amer : déstabilisation de toute la zone, trafics en tous genres, en particulier d’êtres humains, montée de l’islamisme et du terrorisme, conflits locaux, etc.…

Au Sahel, dès 1983, l’armée française intervient au Tchad (opération Manta, puis opération Épervier) Ensuite est venue l’opération Serval au Mali en 2013, avec l’accueil triomphal de François Hollande à Tombouctou suite au succès militaire français (10 ans après, la France est chassée du Mali),  l’opération Barkhane en 2014 (dont la fin est annoncée par le Président Macron en novembre 2022), l’éphémère opération Takuba (2020 – 2022), etc… Les succès obtenus sur le terrain contre les milices djihadistes sont des combats gagnés, mais la guerre contre le terrorisme islamiste n’est pas gagnée.

Cela fait maintenant 10 ans que l’armée française est engluée dans cette région grande comme l’Europe, sans véritable soutien des autres pays européens, mais bien aidée sur le plan renseignement opérationnel par les Américains. Nous y avons mobilisé en permanence jusqu’à 5 000 soldats, dont plus de 50 y ont trouvé la mort. Pour quel résultat dans des pays où les coups d’État sont fréquents et où la population ne soutient pas la France ?  

Opération Barkhane, évacuation d’un blessé. Photo MinArm

Aucune  chance de victoire

La guerre menée contre les terroristes islamistes au Sahel, n’a aucune chance d’être gagnée, pour les raisons suivantes, non exhaustives.

L’opération militaire était justifiée au départ dans le cadre des accords d’assistance militaire avec les pays de la région, mais elle aurait dû se terminer aussi rapidement qu’elle avait commencée, comme cela fut le cas lors de l’opération aéroportée de Kolwezi en mai 1978.

La France n’est pas chez elle au Sahel, et l’armée française est apparue comme une armée d’occupation occidentale. Un sondage,  réalisé selon la méthode des quotas du 4 au 9 décembre 2019 dans le district de Bamako, sur un échantillon de 1 320 personnes de 18 ans et plus, indiquait que 82 % des Maliens avaient une opinion défavorable de la France et qu’inversement 83 % de la population avait une opinions favorables de la Russie. Mais ce sondage n’est pas représentatif de toute la population du Mali, car réalisé uniquement dans le district de la capitale Bamako. Ce sentiment anti-français est bien évidemment exploité par les islamistes, comme l’imam  Mahmoud Dikko qui, devant des dizaines de milliers de sympathisants, prononce un discours édifiant : « Pourquoi c’est la France qui dicte sa loi ici ? Cette France qui nous a colonisés et continue toujours de nous coloniser et de dicter tout ce que nous devons faire. Que la France mette fin à son ingérence dans notre pays ». Ce sentiment est également présent au Burkina Faso et au Niger et se traduit par des manifestations violentes contre la France.

Les autorités locales sont incapables d’apporter non seulement la sécurité aux populations, mais aussi un développement économique, alors que les islamistes suppléent à ces carences des États, dirigés souvent par des gouvernements corrompus et issus de coups d’État à répétition.

Sur le terrain, l’absence quasi totale des militaires des autres nations européennes est un handicap majeur malgré le soutien indispensable des services de renseignement américains. Mais rien ne dit que les Américains resteront sur zone.

L’intervention dans la région de la milice armée Wagner, composée d’anciens condamnés de droit commun, soutenue par le gouvernement russe de Poutine, a pour objectif de s’accaparer les ressources, notamment minières, des pays concernés en répandant la haine contre la France. Les  miliciens de Wagner ont ceci de commun avec les djihadistes : ils emploient les mêmes méthodes (tortures, terreur, désinformation …) et ne s’embarrassent aucunement de respecter les droits de l’homme et les valeurs démocratiques chers à la France et à son armée.

Les islamistes ont pour eux le nombre, l’idéologie, le temps et le soutien financier, apporté non seulement par les trafics en tout genre (drogues, êtres humains…), mais aussi par les pays du Golfe par le biais d’associations caritatives. Ce phénomène du double jeu  de ces pays dure depuis des années sans qu’il ne soit dénoncé et combattu de façon efficace par les gouvernements européens,  notamment pour des raisons économiques. L’islamisme et le terrorisme gagnent chaque jour du terrain dans toute l’Afrique, du Sahel jusqu’au golfe de Guinée, c’est aussi cela la réalité. Aucun pays de la région ne sera à l’abri de cette menace.

Enfin et contrairement à une opinion  largement répandue par les responsables politiques français de la majorité et de l’opposition, et repris sans analyse par les médias, il n’y a pas de liens avérés, à l’heure actuelle, entre le terrorisme en Europe, et en particulier en France, avec le terrorisme au Sahel.

Présence française au Sahel

Il ne reste en réalité que deux justifications au maintien de l’armée française au Sahel et au-delà en Afrique : partir est considéré comme une défaite ; partir laisserait sans défense les milliers de Français expatriés dans ces pays.

Néanmoins, la question mérite d’être posée : la France doit-elle rester influente au Sahel ? Cette région nous coûte 10 milliards d’euros par an et ne représente que 0,25 % de notre commerce extérieur. Le départ de la France peut provoquer une période d’anarchie, mais peut aussi permettre une réorganisation territoriale et politique des pays du Sahel.

Cette guerre, qui a coûté des vies et de l’argent,  ne pouvait donc pas être gagnée pour toutes les raisons expliquées ci-dessus. Peut-on accepter indéfiniment de voir nos soldats risquer leur vie, sans perspective compréhensible, en pensant qu’ils seraient quand même plus utiles sur le territoire national ou sur le sol européen ?

(*) Eric Stemmelen, commissaire divisionnaire honoraire, a effectué sa carrière en France et à l’étranger. En France, d’abord à la direction centrale de la police judiciaire, puis dans les organismes de formation et enfin au service des voyages officiels. Responsable de la sécurité des sommets internationaux et des conférences internationales, chargé de la protection rapprochée des Chefs d’Etat et de Gouvernements étrangers, il a été  mis comme expert à la disposition du ministère des affaires étrangères, pour la sécurité des ambassades françaises, de leur personnel et des communautés françaises dans de nombreuses capitales (Beyrouth, Kaboul, Brazzaville, Pristina, entre autres). Diplômé de l’Académie Nationale du FBI, auditeur de l’IHESI, il est aujourd’hui consultant et expert dans les domaines de la  Sécurité (au Conseil de l’Europe, par exemple). 

Eric Stemmelen a publié dans nos colonnes « criminalité et délinquance, un bilan catastrophique » et « lutte contre l’insécurité : inadaptée et inefficace », respectivement les 10 février et 10 mars derniers.

Forces françaises en Afrique : de quelles bases l’armée dispose-t-elle encore ?

Forces françaises en Afrique : de quelles bases l’armée dispose-t-elle encore ?

Les faits

Le président Emmanuel Macron a annoncé lundi 27 février « une diminution visible » des forces françaises en Afrique et « un nouveau modèle de partenariat ». Après le départ des troupes de Centrafrique, du Mali et du Burkina Faso, quelques milliers d’hommes sont encore stationnés sur le continent.


Forces françaises en Afrique : de quelles bases l’armée dispose-t-elle encore ?

Le plus important contingent de forces françaises sur le continent africain est implanté à Djibouti. Ici, des forces spéciales françaises participent à un entraînement militaire dans le désert du Grand Bara au sud de Djibouti le 4 février 2021.DAPHNE BENOIT/AFP

Le président de la République française, Emmanuel Macron, a annoncé lundi 27 février « une diminution visible » des effectifs militaires français en Afrique et a promis un « nouveau modèle de partenariat », impliquant « une montée en puissance des partenaires africains ».

Alors que le sentiment antifrançais croît rapidement sur le continent, il a déclaré une évolution des emprises françaises en Afrique. « Il n’y aura plus de bases militaires en tant que telles », a-t-il affirmé en précisant que, désormais, elles seraient « cogérées » avec les pays partenaires. « Demain, notre présence s’inscrira au sein de bases, d’écoles, d’académies qui seront cogérées », a-t-il affirmé lors d’un discours sur la politique africaine de la France.

L’année dernière, les troupes françaises sont parties de Bangui en Centrafrique. Avec la fin de l’opération Barkhane, les militaires ont quitté à l’été 2022 le Mali où ils étaient depuis 2013. En janvier dernier, le Burkina Faso a demandé le départ des forces spéciales de l’opération Sabre, au nombre de 400 environ, basées à Ouagadougou. La France conserve encore une emprise importante en Afrique, avec des bases implantées depuis des décennies, parfois depuis l’indépendance des pays. La France possède quatre bases permanentes – Sénégal, Côte d’Ivoire, Gabon et Djibouti – et déploie des troupes dans le cadre d’opérations précises au Niger et au Tchad.

Éléments français au Sénégal à Dakar

350 hommes sont présents à Dakar, au sein d’un pôle opérationnel de coopération à vocation régionale, depuis 2011. Les éléments français assurent notamment la formation des soldats des pays de la région.

Forces françaises en Côte d’Ivoire à Abidjan

Une base opérationnelle française est implantée sur le sol ivoirien, à la suite d’un partenariat de défense signée en 2012 entre Paris et Abidjan et la fin de l’opération Licorne, de maintien de paix, en 2015. Et 950 hommes sont présents dans cette zone d’intérêt stratégique.

Éléments français au Gabon à Libreville

Des troupes y stationnent depuis l’indépendance du pays en 1960 et conformément aux accords de défense d’août 1960 et de 2011 entre Paris et Libreville. La position du Gabon est stratégique. Elle permet de soutenir les opérations menées en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale et de déployer rapidement des hommes. 350 hommes sont présents, dont des compagnies de régiments d’élite pour l’« instruction forêt » de l’armée, c’est-à-dire l’entraînement au combat en zone boisée.

Les forces françaises stationnées à Djibouti

Les troupes françaises y sont implantées depuis l’accession du territoire à l’indépendance en 1977, d’abord dans le cadre d’un protocole provisoire fixant les conditions de stationnement. Un nouvel accord de défense est en vigueur depuis 2014.

C’est le contingent militaire français le plus important hors de France. 1 500 hommes issus des armées de terre, de l’air et de la marine sont présents à Djibouti, relais indispensable pour les projections de forces vers l’Indo-Pacifique. C’est un lieu d’entraînement des forces spéciales. Enfin, la marine nationale contribue à la lutte contre la piraterie en mer Rouge et autour de la Corne de l’Afrique.

Le Niger, principal point d’appui au Sahel

Depuis que la France s’est désengagée du Mali et a ainsi divisé sa présence par deux au Sahel, le Niger est désormais le principal point d’appui français dans la zone du Sahel, avec 2 000 hommes, pour sécuriser la frontière entre le Mali et le Niger et limiter les risques de déstabilisation.

Les Français maintiennent à Niamey une base avec plus d’un millier d’hommes et des capacités aériennes. L’objectif est de fournir un appui opérationnel et du renseignement dans le cadre d’un « partenariat de combat » avec les forces armées nigériennes (FAN), déployées avec des soldats français face aux djihadistes liés à Al-Qaida ou au groupe État islamique dans le Grand Sahara.

Le dispositif français au Tchad

Plus ancien déploiement français sur le continent encore actif, le dispositif français au Tchad est passé de l’opération Épervier lancée en 1986 à l’opération Barkhane visant à stabiliser le Sahel en 2014. La principale base de l’armée française au Tchad se trouve à N’Djamena, avec une base aérienne projetée qui compte des avions de chasse et de transport et une force de projection terrestre.

C’est le cerveau des forces françaises présentes au Sahel depuis lequel sont pilotées les actions contre les groupes djihadistes. L’armée française utilise également des bases opérationnelles de l’armée tchadienne dans le nord du pays pour éventuellement projeter ses soldats. C’est le cas des bases de Faya et d’Abéché.

Macron annonce une nouvelle réduction des effectifs militaires en Afrique

Macron annonce une nouvelle réduction des effectifs militaires en Afrique

Lors d’un discours à l’Élysée lundi, Emmanuel Macron a annoncé une prochaine « diminution visible » des effectifs militaires français en Afrique.© STEFANO RELLANDINI / POOL / AFP

 

Depuis l’Élysée, le chef de l’État a fait plusieurs annonces concernant l’Afrique ce lundi, alors qu’il s’apprête à entamer une tournée en Afrique centrale.

Par Q.M. avec AFP – Le Point –  Publié le



 

Côte d’Ivoire : la « réarticulation » de la présence militaire française enclenchée

Côte d’Ivoire : la « réarticulation » de la présence militaire française enclenchée

CAP. Alors que l’exécutif planche sur une nouvelle feuille de route militaire, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a évoqué plusieurs pistes à Abidjan.

Par Le Point Afrique – publié le 21 février 2023

https://www.lepoint.fr/afrique/cote-d-ivoire-la-rearticulation-de-la-presence-militaire-francaise-en-marche-21-02-2023-2509407_3826.php


Le ministre ivoirien de la Defense, Tene Birahima Ouattara, (G) accueille le ministre francais des Armees, Sebastien Lecornu, (D) au palais presidentiel a Abidjan, le 20 fevrier 2023.
Le ministre ivoirien de la Défense, Tene Birahima Ouattara, (G) accueille le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, (D) au palais présidentiel à Abidjan, le 20 février 2023. © ISSOUF SANOGO / AFP

Black Panther 2 : le ministre Sébastien Lecornu dénonce une représentation « mensongère » de l’armée française dans le dernier Marvel

Black Panther 2 : le ministre Sébastien Lecornu dénonce une représentation « mensongère » de l’armée française dans le dernier Marvel

  • Séquence du dernier film Marvel, Black Panther.
    Séquence du dernier film Marvel, Black Panther. Capture d’écran Youtube – krish5678

Le film Black Panther Wakanda Forever est sorti il y a plus de trois mois. Et pourtant, il suscite encore des réactions. Ce dimanche, le ministre français des Armées et de la Défense a condamné la représentation jugée « mensongère » de l’armée française dans le dernier Marvel.

Le message est tardif mais explicite. Le ministre français des Armées et de la Défense, Sébastien Lecornu, s’est exprimé ce dimanche 12 février sur Twitter pour dénoncer une scène qu’il juge « mensongère » du film Black Panther Wakanda Forever sorti il y a plus de trois mois. 

« Je condamne fermement cette représentation mensongère et trompeuse de nos forces Armées. Je pense et rends hommage aux 58 soldats français qui sont morts en défendant le Mali à sa demande face aux groupes terroristes islamistes » écrit le ministre.

Une fiction qui dénonce le rôle de l’armée française

Dans cette séquence du film Marvel, la reine du puissant royaume africain est présente à l’ONU pour mettre en lumière le pillage de ses ressources par des mercenaires, dénonçant au passage le danger que représenterait leur détention par des puissances mal intentionnées. Peu après, un flash radio explique que « les assaillants ont été embauchés par le gouvernement français« .

Une scène, certes fictive, mais qui n’est pas sans pointer du doigt le rôle qu’a tenu l’armée française au Mali. Le ministre français des Armées et de la Défense, Sébastien Lecornu, s’est exprimé plus de trois mois après la sortie de la superproduction. En cause : un message sur Twitter du journaliste Jean Bexon, qui travaille pour le Journal de l’île de La Réunion. Ce dernier est revenu sur le film, extraits à l’appui, expliquant que « cette séquence des studios américains Marvel / Disney n’a été relevée, ni par la sphère médiatique, ni par la sphère politique. Elle forme pourtant une attaque informationnelle grave qui décrédibilise la présence militaire française au Mali« .

Et le journaliste d’ajouter : « les mauvais mercenaires français qui opèrent au Mali sont habillés comme des soldats de l’opération Barkhane« , dénonçant une forme de « propagande« .

 

De quoi déclencher la colère du ministre français des Armées et de la Défense. D’autant que le film a été déjà beaucoup regardé : celui-ci a effectué le meilleur démarrage 2022 outre-Atlantique. En France, Black Panther Wakanda Forever a dépassé les 3 millions de spectateurs en seulement quatre semaines d’exploitation.

Les Armées veulent une quarantaine de MALTEM, Matériel Léger de Traitement de l’Eau Mobile

Les Armées veulent une quarantaine de MALTEM, Matériel Léger de Traitement de l’Eau Mobile

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par Philippe Chapleau – Ligne de défense – publié le 8 février 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Après les « modules et châssis roulants d’hygiène et de cuisson d’aliments » que recherche le SCA (voir aussi mon post du 20 décembre dernier), voici un nouvel appel d’offres pour du matériel de vie en campagne.

Cette fois, il s’agit du Matériel Léger de Traitement de l’Eau Mobile  ou MALTEM.

On connaissait la STEM (station de traitement des eaux mobiles) qui permet de produire et de distribuer de l’eau, en totale autonomie et à partir de sources naturelles. Et avant la STEM, il y avait l’UMTE, l’unité mobile de traitement d’eau).

Le MALTEM doit satisfaire le besoin de production en eau de consommation humaine (EDCH) en réalisant le pompage d’une eau brute (polluée, salée…), son traitement en EDCH puis le stockage et la distribution de l’EDCH sur le théâtre d’opérations. La capacité de production en fonction du type d’eau est dans la gamme 1,5- 4,5m3 par heure.

Il s’agit d’un système interarmées monté sur une remorque. MALTEM circule sur route, route dégradée, chemin et terrain naturel sur des théâtres extérieurs sur lesquels les armées sont engagées. Il est destiné à être déployé en permanence et doit être en mesure de résister aux conditions climatiques extrêmes.

Le marché en cours porte sur quelques 40 exemplaires et comprend des prestations de soutien dédié et des prestations de maîtrise technique.

Pour en savoir plus sur « la gestion de l’eau en opération extérieure », on lira ce document du CICDE.

Pour une nouvelle Force d’action rapide

Pour une nouvelle Force d’action rapide

par Michel Goya – La Voie de l’épé – publié le 27 janvier 2023

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Après vingt-cinq ans de crise et malgré le hiatus de 2017-2018 les forces armées françaises ont repris des couleurs après avoir été à deux doigts de l’effondrement. Il faut quand même rappeler que nos dirigeants avaient sérieusement envisagé en 2013 de ramener le budget annuel de la Défense à environ 31 milliards d’euros jusqu’en 2019 et moins encore si affinités avec Bercy. Les attentats terroristes de 2015 ont finalement inversé la tendance et en 2019 le budget était en réalité de 35,9 milliards, pour atteindre 44 milliards en 2023.

Cet effort louable se poursuit puisque 413 milliards d’euros sont annoncés dans la nouvelle Loi de programmation militaire 2024-2030, soit 50 milliards de plus de ce que souhaitait Bercy. On rappellera que les LPM respectées sont l’exception, mais comme celle qui se termine en est déjà une, faisons confiance pour la suivante. Faisons aussi confiance à l’inflation, désormais plus élevée, pour ronger au moins 20 % de la somme mais cela reste quand même un effort important. Est-ce le plus important depuis les années 1960 et la création de la force nucléaire, comme on l’entend parfois ? Nullement. Si on faisait le même effort qu’à la fin des années 1980 en termes de % de PIB, cette LPM 2024-2030 représenterait plus de 480 milliards d’euros.

Est-ce une LPM de « transformation » comme cela est annoncé ? Pas vraiment non plus puisqu’elle est assez largement dans la continuité de la précédente, comme si la guerre en Ukraine n’avait pas lieu. Cela peut se comprendre, on ne sort pas de 25 ans de crise en quelques années et on se trouve toujours dans la réparation des dégâts, et puis les programmes d’équipements sont des grands paquebots budgétaires que l’on a toujours du mal à lancer, à dévier une fois lancés et encore plus à stopper lorsqu’ils s’avèrent mauvais.

Il faut bien comprendre dans quelle situation on se trouvait en 2015 après 25 ans de crise. Faisons simple. La force de frappe nucléaire a été réduite (4 SNLE au lieu de 6, moins de 300 têtes nucléaires au lieu de 600), mais les sous-marins et missiles sont modernes et l’ensemble remplit toujours parfaitement sa mission. Il faudra juste y consacrer une part croissante du budget pour, en particulier, financer le remplacement des SNLE.

Au total, en 25 ans la Marine nationale s’est contractée de 40 % de ses effectifs, a perdu un peu de tonnage avec un seul porte-avions au lieu de deux, six sous-marins nucléaires d’attaque au lieu de 12, a conservé sensiblement le même nombre de frégates de premier rang (15) et trois porte-hélicoptères d’attaque au lieu de quatre grands navires amphibies. Le déficit le plus important réside plutôt dans les navires de second rang. Cette réduction de volume a été compensée par des moyens plus modernes qui autorisent au bout du compte une puissance de feu (une « projection de puissance » en termes plus technocratiques) plus importante. La Marine nationale peut toujours assurer toutes ses missions mais a perdu une certaine capacité de présence.

L’Armée de l’Air et de l’Espace a perdu la moitié de ses effectifs et la moitié de ses avions de combat. L’excellence et la polyvalence de l’avion Rafale a compensé en grande partie cette perte de volume mais si les Rafale peuvent faire beaucoup de choses et même à longue distance, ils ne peuvent être partout. La capacité de renseignement aérien s’est accrue. Celle de transport et de ravitaillement en vol s’est amoindrie jusqu’à devenir critique (lire : on est obligé de faire appel aux Américains lorsque cela dépasse un certain seuil). Les choses s’améliorent mais restent insuffisantes.

Le véritable effondrement a touché l’armée de Terre. Plus exactement, on a détruit son corps de bataille. Revenons encore en arrière. Lorsqu’on décide de disposer d’une force de frappe nucléaire au début des années 1960, on admet aussi très vite que c’est insuffisant en soi pour assurer réellement une dissuasion complète. Le nucléaire, c’est très bien pour dissuader du nucléaire. Si le « bloc totalitaire ambitieux de dominer et brandissant un terrible armement » décrit par le général de Gaulle lance des missiles thermonucléaires sur nos villes, nous faisons la même chose sur les siennes. Et c’est parce que nous avons toujours la possibilité de riposter – et cela quelles que soient les tentatives de l’ennemi de détruire notre force nucléaire – que cette attaque n’aura pas lieu.

Mais si l’ennemi ne dispose pas d’armes de destruction massive susceptibles de nous frapper, que faisons-nous ? Nous utilisons nos armes nucléaires en premier ? Si cet ennemi menace nos intérêts vitaux – par une invasion par exemple – et qu’il n’est pas doté de l’arme nucléaire, cela se justifie pleinement. S’il ne menace pas nos intérêts vitaux et qui plus est si la guerre se déroule hors du territoire français, c’est plus compliqué voire impossible tant la réprobation internationale, et peut-être même intérieure, serait forte. Des pays « dotés » ont ainsi subi des échecs parfois lourds face à des pays non dotés sans oser utiliser l’arme nucléaire. Les États unis en 1950 en Corée ou plus gravement au Vietnam, la Chine contre le Vietnam en 1979.

Si les enjeux vitaux sont menacés par une puissance nucléaire, frapper en premier en étant certain d’une riposte de même nature est également très délicat. Valéry Giscard d’Estaing admettra dans ses mémoires qu’il aurait encore préféré une France occupée par les Soviétiques, dans l’espoir que cela soit provisoire comme en 1940-1944, plutôt que détruite par des échanges nucléaires.

C’est essentiellement pour éviter autant que possible d’être placé devant le dilemme de l’emploi en premier ou du renoncement que l’on a formé aussi à côté de la force nucléaire un corps de bataille constitué de la 1ère armée française et de la Force aérienne tactique. En 1984, on regroupera également toutes les grandes unités terrestres sur le territoire métropolitain n’appartenant pas à la 1ère armée dans la Force d’action rapide (FAR). La FAR, formée de divisions légères est alors destinée à venir renforcer très vite le corps de bataille en Allemagne en cas d’attaque du Pacte de Varsovie. En 1989, la 1ère Armée et la FAR regroupent ensemble 82 régiments de mêlée (infanterie/cavalerie) ou d’hélicoptères d’attaque, prêts à entrer en action en quelques jours au complet à nos frontières. En arrière, la Défense opérationnelle du territoire dispose en plus de 55 régiments de mêlée, pour l’immense majorité composé de réservistes. C’est un ensemble cohérent et solide, même si financement du nucléaire oblige, il n’est pas aussi costaud que celui de la République fédérale allemande. Il a un gros défaut : puisqu’on refuse d’engager les soldats appelés et les réservistes dans des opérations extérieures, on est obligé de puiser dans les seuls régiments professionnels pour assurer ces missions. On forme parfois des unités de volontaires service long (VSL), en clair des appelés qui acceptent de servir quelques mois au-delà de la durée légale de service, pour les compléter dans les missions « autres que la guerre », mais tout cela ne représente pas un volume important. Jusqu’au 1990, on ne déploie jamais plus de 3 000 hommes dans une opération de guerre ou de confrontation à l’extérieur.

Tout semble cependant aller pour le mieux jusqu’à ce que survienne l’imprévu, ce changement complet des règles du jeu international qui intervient fatalement toutes les quinze à trente ans depuis deux cent ans. À l’extrême fin des années 1980, la présence soviétique que l’on pensait immuable en Europe orientale disparaît devant la volonté des peuples et l’Union soviétique elle-même se décompose rapidement. La guerre froide se termine. Le Conseil de sécurité peut à nouveau prendre des décisions, comme par exemple condamner l’invasion du Koweit par l’Irak en août 1990. Les États-Unis peuvent désormais prendre la tête d’une grande coalition et déplacer en Arabie saoudite le corps de bataille qui était déployé en Allemagne face au Pacte de Varsovie, plus de nombreux autres renforts. Les Britanniques qui ont également une armée professionnelle font de même et déploient plus de 50 000 hommes. Pour nous, c’est plus compliqué. La participation à la coalition paraît obligatoire, mais malgré le précédent de la confrontation avec la Libye et même de l’Iran dans les années 1980 ou encore le spectacle de la guerre des Malouines en 1982 nous avons abandonné l’idée d’avoir à mener une guerre de haute-intensité contre un État hors d’Europe. Comme François Mitterrand s’oppose absolument à envoyer des appelés (un interdit qui date la fin du XIXe siècle rappelons-le) et comme personne n’a songé à pouvoir faire monter en puissance notre corps professionnel avec une forte réserve opérationnelle d’hommes et d’équipements, on réussit à regrouper péniblement 16 000 hommes pour constituer la division Daguet associée à une petite force aérienne de 42 avions de combat. Petit aparté : tout le monde est alors persuadé que l’affrontement contre l’armée irakienne, inconcevable quelques mois plus tôt, sera meurtrier pour nos soldats et on s’attend à des centaines de morts. La chose est pourtant acceptée par l’opinion publique, ce qui paraissait tout aussi inconcevable.  

Au bout du compte, nos soldats au sol et en l’air font le travail mais relégués à une mission secondaire avec des moyens très inférieurs à ceux de nos alliés, l’expérience est un peu humiliante. Qu’à cela ne tienne, après Mitterrand qui refusait tout changement, Jacques Chirac conclut que pour redonner une capacité de haute intensité lointaine, il faut professionnaliser complètement les forces et les regrouper dans une nouvelle FAR. On envisage de pouvoir déployer en 2015 plus de 60 000 hommes et un peu plus d’une centaine d’avions de combat n’importe où dans les trois cercles stratégiques, France, Europe, Monde.

Et c’est là qu’interviennent les « dividendes de la paix ». Si on avait simplement maintenu l’effort de Défense de 1989, une époque pas forcément florissante par ailleurs, on aurait pu réaliser ce « plan 2015 ». On peut imaginer rétrospectivement ce que l’on aurait pu faire, les morts que l’on aurait évités, les résultats supérieurs que l’on aurait obtenus et quel aurait été le poids de la France, jusqu’à aujourd’hui l’aide à l’Ukraine, si on avait eu cette nouvelle force d’action rapide. On ne l’a pas eu. On a préféré faire des économies.

Ces économies, on l’a vu, ont surtout porté sur l’armée de Terre qui a perdu presque 70 % de ses effectifs et à peu près autant de tous ses équipements majeurs, en conservant des échantillons : une petite artillerie sol-sol, une toute petite artillerie sol-air, une petite force de chars de bataille, etc. A titre de comparaison, on représente entre 10 et 20 % de la capacité de déploiement de l’armée ukrainienne au début de 2022 alors que le budget de cette armée ukrainienne représentait 10 % du notre. Si au moins, on avait prévu une remontée en puissance avec des régiments de réserve, des équipements en stock avec du rétrofit, mais même pas. C’est même ce que l’on a supprimé en premier, au nom du juste suffisant en flux tendus et de la même réticence à engager des réservistes en opérations qu’auparavant des appelés.

Au bout de ce processus de fonte, la capacité de projection de forces diminuait de moitié à chaque livre blanc de la Défense, 30 000 en 2008, 15 000 en 2013 avec 45 avions de combat, dont ceux de l’aéronavale. Autrement-dit on est revenu à la situation de Daguet, après s’être lamenté à l’époque sur la position secondaire de nos forces et la dépendance aux Américains (qui eux ont continué à faire un effort sérieux de Défense). Tout ça pour ça. Le pire est qu’à l’époque, derrière Daguet il y avait le reste de la FAR et tout le corps de bataille. Désormais, il n’y a plus qu’un équivalent Daguet. Au lieu des 82 régiments d’active et des 55 régiments de réserve de 1990, on est maintenant sûr d’équiper complètement six structures équivalentes, peut-être le double en s’arrachant les cheveux comme on l’avait fait pour Daguet, en cherchant surtout cette fois les équipements réellement disponibles derrière les chiffres de dotation, car oui, non seulement on a moins d’équipements qu’à l’époque mais leur disponibilité réelle est également très inférieure : trop vieux pour certains, trop sophistiqués pour d’autres et de toute façon pas assez de sous-systèmes pour les équiper tous en même temps, sans même parler de les alimenter en munitions sur une durée supérieure à quelques semaines.

Soyons clairs, il n’y a pas eu beaucoup de réflexions approfondies derrière cette destruction transformée en « transformation ». On considère rapidement dans les années 1990 qu’il n’y a plus de menace sur nos intérêts vitaux hors la menace nucléaire, et qu’on ne saura donc plus jamais placés devant le dilemme du « tout au rien ».

C’est évidemment une insulte à l’histoire. Petit florilège d’avant-guerres mondiales : en 1899, le jeune Winston Churchill écrit qu’il ne connaîtra jamais de gloire militaire, car il n’y aura plus de guerre en Europe. En 1910, Norman Angell publie La Grande Illusion, un essai dans lequel il explique que toute grande guerre est impossible entre États modernes aux économies interdépendantes. C’est alors une opinion communément admise. En 1925, les accords de Locarno normalisent les relations entre la l’Allemagne et ses vainqueurs de 1918. Trois ans plus tard, toutes les nations du monde signent le pacte Briand-Kellog qui met la guerre hors la loi. En 1933, Norman Angell publie une nouvelle version de La Grande Illusion où il réaffirme la folie que représenterait une nouvelle guerre mondiale. Il obtient même le Prix Nobel de la paix pour cela. Cette année-là, alors qu’Adolf Hitler arrive au pouvoir, la France réduit son budget militaire. En août 1939, le capitaine Beaufre publie un article sur le thème de la « paix-guerre », on ne parle pas encore de « guerre hybride » ou de « confrontation » mais c’est la même chose et c’est plutôt bien vu. Il conclut en revanche qu’il n’y aura plus de guerre en Europe. Les horizons visibles sont toujours victimes d’obsolescence programmée. L’« Extremistan » dont parle Nassim Nicolas Taleb revient toujours, là et à un moment où on ne l’attend pas, y compris éventuellement près de chez nous. Cela peut donner des choses inattendues positives comme la fin de l’URSS et du Pacte de Varsovie ou dangereuses comme le basculement d’une démocratie dans une dictature nationaliste.

En réalité, même si c’est la « fin de l’histoire » et même si les intérêts vitaux ne sont pas en jeu, on peut être amené à mener une guerre contre un autre État ou une organisation armée de la puissance d’un État. En fait c’est ce qu’on a fait une fois tous les quatre ans de 1990 à 2011 en affrontant successivement l’Irak, la République bosno-serbe, la Serbie, l’État taliban et la Libye. Avec un autre président que Jacques Chirac on y aurait même ajouté l’Irak une deuxième fois. On peut ajouter aussi et cette fois à coup sûr la guerre contre Daech qui même s’il n’était pas un État en droit en présentait toutes les caractéristiques lorsque l’organisation s’est territorialisée et a formé une solide petite armée.

Donc oui, la guerre contre des armées puissantes est toujours possible puisqu’en réalité on n’a jamais cessé de la faire. Pour autant, on n’a jamais cessé aussi pendant tout ce temps de réduire nos forces. Pour justifier ce paradoxe, on a sorti la carte magique « projection de puissance », accompagné peut-être de quelques petits raids de Forces spéciales pour faire moderne. En se contentant de lancer à distance des projectiles sur des gens, on peut obtenir la victoire sans grand risque à une époque de suprématie aérienne occidentale et sans utilité d’employer des forces terrestres.

Le premier problème est que pour avoir un effet stratégique sur un ennemi comme tout ceux de la liste évoquée plus haut, il a fallu non seulement des frappes précises mais aussi beaucoup de frappes. Or, ce n’est pas avec les 45 avions de combat déployables, en comptant l’aéronavale, et une capacité de frappes aériennes de 10 à 15 projectiles par jour sur une durée de six mois, comme au Kosovo en 1999 et en Libye en 2011, que nous allons seuls faire plier un État ou même un proto-Etat. Les thuriféraires de la projection de puissance oublient que dans ce cadre, ce sont les Etats-Unis qui ont seuls la masse critique pour faire quelque chose de très important en la matière. Dans les combats cités plus haut, nous n’avons été que des seconds, peut-être brillants mais surtout lointains. Que l’on doive augmenter notre capacité d’action dans le ciel est une évidence, mais dans tous les cas ce ne sera jamais suffisant. 

On oubliait enfin aussi que le ciel seul, même massif, obtient rarement d’effets décisifs sans des combattants au sol, qui prennent des villes, plantent des drapeaux, percent des dispositifs ennemis, occupent le terrain. Dans la guerre contre l’Irak en 1990-1991, le mois de campagne aérienne a fait des ravages dans l’armée irakienne mais ce n’est pas ça qui l’a chassé du Koweït. Mais au moins à l’époque, on a eu le courage d’engager une division. Par la suite, nous n’avons plus eu ce courage, et à une échelle bien moindre, qu’en Afghanistan puis au Mali contre des organisations armés. Pour les gros ennemis, on a laissé faire les locaux, armée bosno-croate, UCK, Alliance du nord, rebelles libyens, armée irakienne, Kurdes, à la fortune de leurs capacités militaires très aléatoires, ce qui avait souvent pour effet de prolonger les guerres. Pour le reste, les forces terrestres ont fait des missions sans ennemis – interpositions, opérations humanitaires armées – ou du « service après-guerre » – stabilisation – sans forcément beaucoup de réussites mais quand même des morts.

Tout cela est à la fois lâche et contre-productif. L’État islamique a cessé d’être une base d’attaques terroristes de grande ampleur et au loin, comme par exemple en France, quand il a cessé d’être un territoire. On aurait engagé les quelques brigades que nous avons encore en Irak et en Syrie contre Daech avant 2015 on aurait peut-être évité les attentats de novembre, et si on les avait engagés après cela aurait au moins servi à les venger et empêcher qu’il y en ait d’autres.

Un pays voisin aurait envoyé un commando en France pour tuer 131 personnes dans une grande ville, on aurait – on peut espérer en tout cas – envoyé notre FAR et notre corps de bataille à l’attaque, à condition qu’il y en ait eu encore. On ne l’a pas fait contre l’État islamique. Michel Debré disait qu’on n’est pas crédible dans notre capacité à défendre nos intérêts vitaux en utilisant l’arme nucléaire si on ne l’est pas dans la défense de nos intérêts secondaires. Être crédible, c’est être fort, or nous ne sommes ni l’un, ni l’autre, si on ne peut rien faire d’important sans les Américains et si on n’a pas des divisions à jeter sur l’ennemi sur très court préavis et sans faiblir. L’opération Serval au Mali était remarquable en tout point, de la volonté politique à la mise en œuvre tactique des forces aéroterrestres. Le problème est qu’on le veuille ou non, on n’aura pas éternellement à n’affronter que des petites organisations armées regroupant au total 3 000 combattants légers. Il faut donc au moins dans un premier temps reconstituer complètement nos brigades existantes avec tous leurs équipements, reformer des régiments de commandement et de soutien, remettre le soutien dans les régiments, créer des montagnes de fer de munitions et de toutes les choses nécessaires pour combattre à grande échelle. Il faut reformer au plus vite des corps de réserve, qui pourront éventuellement être engagés en opérations. Pour faire du vite, fort et loin, il faut aussi repenser nos équipements de transport, des hélicoptères lourds au avions de transport stratégique, un énorme chantier négligé. 

Et puis, il y a la révolution à faire dans nos équipements. Sans doute serait-il plus souple et plus économique que chaque armée s’occupe des équipements qui lui sont propres, avec un budget d’investissement spécifique, en laissant à la DGA la gestion de programmes communs. Il faut faire exploser les normes et contraintes, les soldats réguliers meurent autant que ceux du Commandement des opérations spéciales qui bénéficient de dérogations. On n’est pas obligé d’attendre neuf ans, entre la décision et l’achat sur étagère, pour remplacer un fusil d’assaut. Il faut sortir de l’artisanat de luxe pour retrouver un centre de gravité coût-efficacité, c’est-à-dire sophistication-masse, plus rationnel que l’achat de missiles antichars 17 fois plus chers que ceux qu’ils remplacent. Sur notre incapacité à produire des drones armés qui ne soient pas aussi chers et complexes que des avions de chasse. On n’a visiblement fait aucun retour d’expérience de la guerre en Ukraine pour cette LPM, sinon on aurait découvert que c’est le rétrofit qui a permis aux deux adversaires de combattre à cette échelle et à cette durée. Peut-être qu’un jour à apprendra aussi à en faire. Il parait qu’on se penche enfin sérieusement sur toutes ces questions, c’est la meilleure nouvelle du moment.

En résumé, une armée n’est pas qu’une accumulation de programmes d’équipements, mais un ensemble de forces destinées à faire face aux scénarios d’emploi les plus probables et/ou les plus graves pour la France. Le plus probable, c’est la confrontation sous le seuil de la guerre ouverte et nous n’y sommes pas préparés correctement, oubliant les leçons du passé et ne constituant même pas les stocks et réserves pour remonter en puissance très vite ou aider militairement à grande échelle un pays allié. Le plus grave, c’est la guerre à haute intensité contre un État, et là nous sommes encore moins prêts.