L’armée chinoise poursuit sa modernisation, selon le rapport annuel du Pentagone

L’armée chinoise poursuit sa modernisation, selon le rapport annuel du Pentagone

Le Pentagone a publié mercredi son rapport annuel sur les capacités militaires de la Chine. Un rapport sans surprises, qui vise à documenter le niveau de préparation au combat de l’armée chinoise.

– Renforcement de la marine
La marine chinoise, la plus large au monde, compte désormais plus de 370 navires et sous-marins, contre environ 340 en 2022, selon le Pentagone. Les forces navales chinoises ont également renforcé leur capacité à mener des missions au-delà de la première chaîne d’îles du Pacifique, qui comprend Okinawa au Japon, Taïwan et les Philippines.

– Plus de 600 ogives nucléaires (500 en 2023)
Le stock chinois d’ogives nucléaires opérationnelles est passé à plus de 600 en 2024 contre plus de 500 l’an dernier, affirme le rapport. Il dépassera les 1.000 têtes nucléaires d’ici 2030, assure le Pentagone, alors que Pékin s’efforce de « moderniser, diversifier et élargir rapidement ses forces nucléaires ». Cela permettrait à la Chine de « viser davantage de villes américaines, d’installations militaires et de sites stratégiques » en cas de conflit nucléaire potentiel.

– Armée de l’air
L’armée de l’air chinoise « se rapproche rapidement des standards technologiques américains », indique le rapport. Elle modernise et développe ses propres appareils, ainsi que des systèmes autonomes, sans pilote.

– Missiles
La Chine développe également de nouveaux missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) qui amélioreront « considérablement » ses forces nucléaires et nécessitent une augmentation de la production de têtes nucléaires, affirme le rapport. En 2022, la Chine a « probablement achevé » la construction de trois nouveaux champs de lancement de missiles, incluant au moins 300 unités de lancement de missiles balistiques intercontinentaux. Pékin pourrait également chercher à développer des missiles intercontinentaux conventionnels capables de frapper les États-Unis.

– Projection mondiale
La Chine cherche à élargir ses infrastructures et sa logistique à l’étranger pour « projeter et maintenir sa puissance militaire sur de plus grandes distances » au-delà de sa base de Djibouti. L’APL envisagerait de construire des installations logistiques militaires dans des pays comme la Birmanie, le Pakistan et le Bangladesh, ainsi qu’au Kenya et au Nigeria, entre autres.

– Pressions sur Taïwan
La Chine a « intensifié » sa pression diplomatique, politique et militaire contre Taïwan en 2023. Pékin a « continué d’éroder les normes établies depuis longtemps à Taïwan et dans ses environs en utilisant diverses tactiques de pression », ajoute le Pentagone. Ces pressions incluent le maintien d’une présence navale autour de l’île, l’augmentation des incursions au-delà de la ligne médiane du détroit de Taïwan, ligne tampon non officielle entre les deux territoire, et dans l’espace aérien de Taipei, ainsi que la conduite d’exercices militaires d’envergure à proximité. S’appuyant sur les statistiques de l’armée taïwanaise, le Pentagone note une augmentation du nombre d’avions chinois ayant traversé la ligne médiane en 2023.

Corruption
Les efforts chinois sont entravés par des cas de corruption, qui ont conduit à l’éviction de hauts dirigeants. Effectivement, « plusieurs dirigeants faisant l’objet d’une enquête ou limogés pour corruption ont supervisé des projets de développement d’équipements liés à la modernisation des missiles nucléaires et conventionnels terrestres de la Chine », indique le rapport. Entre juillet et décembre 2023, au moins 15 officiers de haut rang de l’APL travaillant dans des domaines comme les missiles terrestres ont fait l’objet d’une enquête ou d’une révocation pour corruption, selon le rapport. Le licenciement en octobre de Li Shangfu, ancien administrateur militaire de l’aérospatiale, est le plus notable.

Malgré les efforts du président chinois Xi Jinping pour lutter contre la corruption, la culture opérationnelle opaque de la RPC lui permet de prospérer, en particulier dans les activités comme la construction et l’achat d’armes. « Les récents efforts de lutte contre la corruption se sont concentrés sur le renforcement du contrôle des processus d’approvisionnement, en particulier dans les programmes essentiels à la modernisation militaire », notent les rédacteurs du rapport US.

Le rapport est à consulter ici (en anglais)

A noter un article paru sur defenseOne, « How China is adopting battlefield lessons from Ukraine » qui analyse les enseignements que l’APL a tirés du conflit ukrainien, en particulier dans le domaine des drones.

De 2300 à 600: le rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique présenté à Macron

De 2300 à 600: le rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique présenté à Macron

A Gao, au Mali en novembre 2021. Photo P. CHAPLEAU

 

Personne n’a oublié qu’en février 2023, le président français Emmanuel Macron a annoncé une prochaine « diminution visible » des effectifs militaires français en Afrique. Un an plus tard, on apprenait que Jean-Marie Bockel, éphémère ministre de la Coopération de l’ancien président Nicolas Sarkozy en 2007, était chargé d’une mission sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique.

Il était alors prévu qu’un rapport serait remis au Président à la mi-juillet 2024.

Lundi, Jean-Marie Bockel a remis au président français son rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, a annoncé l’Elysée. Ce rapport prône un partenariat « renouvelé » et « coconstruit ».

« Les recommandations s’inscrivent dans la volonté de mise en œuvre d’un partenariat de défense renouvelé, répondant aux besoins exprimés par nos partenaires, et coconstruit avec eux, dans le plein respect de leur souveraineté », a ajouté la présidence sans commenter les constats et les recommandations. L’AFP précise d’ailleurs en ce 26 novembre que le plan de réduction « ne devrait pas faire l’objet d’annonces formelles ».

La mission de l’ancien secrétaire d’Etat à la Coopération sous l’ancien président Nicolas Sarkozy concernait les quatre pays où sont implantées des bases militaires françaises sur le continent, hors celle de Djibouti. Ces quatre pays sont le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Tchad et le Gabon. Au début de l’été dernier, deux sources proches de l’exécutif et une source militaire avaient confié à l’AFP que le projet visait à conserver une centaine de militaires au Gabon (contre 350 alors), autant au Sénégal (contre 350) et en Côte d’Ivoire (600 auparavant) ainsi que quelque 300 au Tchad (contre 1000). Soit un passage de 2300 militaires des forces prépositionnées à 600, volume qui constituera peut-être le « dispositif socle » dont parlait Jean-Marie Bockel, il y a quelques jours sur France24.

A noter qu’en avril 2024, la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a tenu à prendre part à la réflexion sur l’avenir de la politique française de défense en Afrique en organisant, à partir du mois de novembre 2023, un large cycle d’auditions sur les mutations stratégiques du continent. Son Rapport d’information n°2461 est à lire ici.

La Cour des compte se penche sur les ventes du patrimoine immobilier du ministère des Armées

La Cour des compte se penche sur les ventes du patrimoine immobilier du ministère des Armées

Même si, comme le regrette la Cour des comptes, « les services de l’État ont adopté un positionnement discutable, accordant des dérogations contraires aux dispositions légales et aux engagements contractuels, et faisant preuve d’une inertie générant des retards », la Cour vient de publier un bilan des cessions immobilières réalisées depuis 2008 par le ministère des Armées.

Le patrimoine immobilier du ministère des Armées est l’un des plus importants de l’État avec près de 25 millions de m² de surface utile brute, soit 26 % de celui de l’État et 3,1 millions de m² de bureaux, soit 18 % de la surface de bureaux de l’Etat. Constitué pour répondre à des besoins très divers, ce patrimoine se caractérise par une grande hétérogénéité : espaces d’entraînement, casernes, bases aériennes, infrastructures portuaires, industrielles ou logistiques, logements, immeubles de bureaux, de formation ou d’enseignement, lieux de mémoire. En 2020, sa valeur nette comptable s’élevait à 17 Mds€, soit un quart de celle du parc immobilier contrôlé par l’État.

Avec la dissolution de nombreuses unités à partir de 2008, la réorganisation des fonctions de soutien et la rationalisation des implantations, les restructurations alors engagées ont conduit à libérer beaucoup d’emprises. Entre 2006 et 2022, le montant total des cessions du ministère des Armées s’est élevé à 2 Md€ (dont 1 Md€ pour 16 biens situés à Paris), soit 25 % des ventes de l’État, avec deux années très importantes (2009 et 2019), représentant plus de 65 % du montant total pour l’État. Douze biens du ministère des armées (dix d’entre eux sont situés en Île-de-France), vendus pour au moins 20 M€ chacun, représentent un produit de 1,2 Md€, soit 60 % du montant total des cessions depuis 2006.

Les montants des ventes sont marqués par une très forte dispersion du prix des biens cédés. Entre 2006 et 2022, un quart des ventes du ministère des armées est inférieur à 1 400 € (entre 20 € et 13 154 €, selon les années), la moitié à 50 000 € (entre 17 902 € et 130 300 € selon les années) et les trois quarts à moins de 367 000 € (entre 140 275 € et 628 500 €, selon les années).

Par ailleurs, le montant moyen annuel varie fortement selon les régions, comme en témoigne le tableau ci-dessous (chiffres de la période 2006-2022).

Le prix moyen de vente au m², peu élevé au niveau national (22 €), est donc très variable selon les régions. Il est le plus élevé en Île-de-France (171,7€ du m²), tandis que plusieurs régions se distinguent par un prix moyen très bas (Hauts-de-France, 4,8 € ; Grand-Est, 5,7 € ; Centre-Val-de-Loire, 7,5 € ; Bourgogne-France-Comté, 8,2€ ; Occitanie, 10,7 € et Auvergne-Rhône-Alpes, 11,7 €). L’écart entre le prix au m² de l’évaluation et celui de la vente est très important pour certaines régions (Hauts-de-France – 41 % ; Grand-Est – 43 % ; Normandie – 78 % ; Centre-Val-de-Loire – 46 % ; DOM-COM-TOM – 91 %).

Des problèmes d’organisation

Au-delà de ces chiffres, l’avis de la Cour porte:
– sur les études passées auprès de prestataires extérieurs dont un grand nombre n’ont pas été suivies d’effets, tandis que d’autres se sont avérées inutiles ,
– sur les modalités de vente des biens immobilier du ministère des Armées
– et sur l’organisation du ministère en matière immobilière, organisation « confuse et inefficace », qui n’est plus adaptée.

En 2023, une réforme a permis d’améliorer la lisibilité de l’organisation et de ses actions. Cette nouvelle organisation, plus cohérente, ne constitue toutefois qu’une étape dans un processus plus global, puisque la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE) du ministère des Armées a lancé en novembre 2023 un chantier de modernisation de la fonction immobilière, s’inscrivant dans les orientations gouvernementales et celles qui sont portées par la nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030.

Des recommandations 

Recommandation n° 1. (SGA) Recenser régulièrement les biens inutiles et les remettre au service des domaines pour en assurer la cession.
Recommandation n° 2. (SGA et DIE) Mettre en place les outils permettant d’identifier a posteriori l’ensemble des coûts grevant une cession et de disposer à terme d’une évaluation a priori pour chaque projet de valorisation immobilière.
Recommandation n° 3. (DGFiP) Recouvrer les compléments de prix exigés et exigibles au titre des cessions à l’euro symbolique de la caserne Ferrié à Laval et de la citadelle d’Arras.
Recommandation n° 4. (DGFiP, DDT) Tirer les conséquences du non-respect par les acquéreurs de la caserne Beaumont-Chauveau à Tours de leurs engagements au titre du dispositif de décote « Duflot ».
Recommandation n° 5. (DGFiP, DTIE, DIE) Mettre en place un suivi particulier et formalisé pour le contrôle de l’application des clauses sauvegardant les intérêts de l’État.
Recommandation n° 6. (SGA, EMA) Définir une stratégie pour la valorisation des actifs immobiliers du ministère (biens potentiellement frappés d’inutilité, déclarés inutiles, remis au domaine …) et définir à l’échelon ministériel un programme de valorisation pour les 5 ou 10 prochaines années.

Le rapport de la Cour est à consulter ici.

Un rapport parlementaire appelle à accélérer le remplacement des E-3F AWACS de l’armée de l’Air

Un rapport parlementaire appelle à accélérer le remplacement des E-3F AWACS de l’armée de l’Air


En 2035, les quatre avions E-3F SDCA [Système de Détection et de Commandement Aéroporté], communément appelés AWACS, totaliseront près de 45 ans de service au sein du 36e Escadron de détection et de commandement aéroportés [EDCA] de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE].

Or, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 ne prévoit pas de lancer un programme pour leur trouver des successeurs dans les années qui viennent. « Le remplacement de quatre systèmes de détection et de contrôle aéroporté [AWACS] pourrait reposer sur la capacité aérienne de surveillance et de contrôle de l’Alliance [AFSC] », précise seulement le texte.

Pour rappel, en novembre 2023, l’Otan a indiqué qu’elle remplacerait les 14 E-3A Sentry de sa Force aéroportée de détection lointaine et de contrôle [NAEW&C] par six E-7A Wedgetail, acquis auprès de l’américain Boeing, d’ici 2030.

Quoi qu’il en soit, pour le député François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis sur les crédits alloués au programme 146 « Équipement des forces – Dissuasion », le remplacement des E-3F SDCA ne doit pas attendre 2035, même si ceux-ci ont été régulièrement modernisés depuis leurs entrée en service.

« L’avion radar E-3F est une capacité stratégique pour l’armée de l’air et de l’espace, y compris pour la composante aéroportée de notre dissuasion. [Il] permet en effet de détecter, d’identifier et de classifier la situation tactique d’un théâtre d’opérations et de partager celle-ci avec les avions de chasse et le centre d’opérations », a d’abord rappelé le rapporteur.

Mais étant donné que le tableau capacitaire mis en annexe de la LPM 2024-30 n’évoque pas leur remplacement, il est logique que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoie pas d’autorisations d’engagement de crédits pour lancer un programme afin d’acquérir de nouveaux avions d’alerte avancée. Ce qui est une erreur pour M. Cormier-Bouligeon.

« Repousser la durée de vie de nos AWACS actuels jusqu’à 2035 ne parait pas opportun non seulement d’un point de vue opérationnel mais également financier. En effet, le coût de l’heure de vol ne manquerait pas d’exploser dans une telle hypothèse, du fait de l’augmentation des coûts de maintien en condition opérationnelle d’un aéronef en fin de vie », a-t-il fait valoir.

Aussi, a-t-il continué, il « semble donc urgent de décider du successeur de l’AWACS, dès 2025, dans le cadre du prochain ajustement annuel de la programmation militaire ».

Visiblement, le député a une idée précise de la solution qu’il conviendrait à adopter. Malgré la référence faite implicitement à l’E-7A Wedgetail par la LPM 2024-30, le meilleur choix, selon lui, serait le système GlobalEye, développé par le suédois Saab [et écarté par l’Otan au profit de l’avion de Boeing].

« Les premiers essais du système GlobalEye de Saab par l’armée de l’Air et de l’Espace semblent positifs. En outre, l’acquisition de ce système, peu onéreux en comparaison de l’E-7 Wedgetail […], constituerait un signal fort en faveur de l’Europe de la défense et consoliderait notre coopération capacitaire naissante avec la Suède [acquisition par la Suède d’Akeron MP et par la France de missiles NLAW] », a fait valoir M. Cormier-Bouligeon.

L’hypothèse d’un achat de systèmes GlobalEye pour remplacer les E-3F SDCA circule déjà depuis plusieurs mois. Elle a notamment été évoquée par Intelligence OnLine et le quotidien Les Échos, pour qui le Falcon 10X de Dassault Aviation serait pressenti pour mettre en œuvre cette capacité.

Pour rappel, la solution de Saab repose actuellement sur l’avion d’affaires Bombardier Global 6000. Ce dernier est doté de capteurs résistants au brouillage électronique, d’un radar à longue portée Erieye ER, d’un radar à antenne active SeaSpray [fourni par Leonardo] et d’une boule optronique. Les données qu’il collecte dans une rayon de 400 km sont ensuite fusionnées au sein d’un système de commandement et de contrôle [C2] multi-domaines.

Photo : Armée de l’Air & de l’Espace

La Gendarmerie mobile est en « surchauffe », prévient un rapport parlementaire

La Gendarmerie mobile est en « surchauffe », prévient un rapport parlementaire


À la fin des années 2000, il fut décidé de réduire à 109 le nombre d’escadrons de gendarmerie mobile [EGM], au titre de la Révision générale des politiques publiques [RGPP], dont l’objectif était de moderniser le fonctionnement de l’État tout en réalisant des économies.

Et cela sans changer le périmètre des missions de la Gendarmerie mobile, celles-ci allant du maintien de l’ordre public à la participation aux opérations extérieures [OPEX] en passant par la protection d’édifices sensibles et la participation à différents dispositifs de sécurité [Vigipirate, lutte contre l’immigration clandestine, etc.].

Seulement, l’activité opérationnelle des EGM s’est singulièrement accentuée au cours de ces dernières années. Au point que, en 2019, année marquée par le mouvement dit des « Gilets jaunes », l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale [IGGN] avait tiré le signal d’alarme en faisant comprendre que les gendarmes mobiles étaient au bord de l’épuisement.

Il « ne faudrait pas dépasser 65 escadrons employés chaque jour. Or, depuis le 1er janvier [2019], le taux moyen d’emploi des escadrons est de 74 chaque jour », avait ainsi souligné le général Michel Labbé, le « patron » de l’IGGN, lors d’une audition parlementaire.

Par la suite, l’activité opérationnelle de la Gendarmerie mobile a retrouvé un niveau peu ou prou soutenable. Mais cette accalmie n’aura pas duré longtemps.

En effet, cette année, les violentes émeutes en Nouvelle-Calédonie, les vives tensions en Martinique, la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris [JOP] ainsi que les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie, les opérations « places nettes » contre les trafiquants de drogue, les manifestations du monde paysan et la mobilisation d’activistes contre le chantier de l’autoroute A69 ont de nouveau mis la Gendarmerie mobile dans le rouge.

« La crise en Nouvelle-Calédonie a exigé un envoi massif de renforts de la gendarmerie. Alors que l’effectif socle [y] est de 735 gendarmes, plus de 2 870 gendarmes étaient présents sur ce territoire en septembre 2024, dont plus de 2 000 gendarmes mobiles », rappelle la député Valérie Bazin-Malgras [Droite républicaine], dans un rapport sur le budget 2025 de la Gendarmerie nationale.

« Au plus fort de la crise, 35 escadrons de gendarmerie mobile étaient présents en Nouvelle-Calédonie, contre quatre à cinq escadrons habituellement. Chaque escadron est déployé sur place pour trois voire quatre mois », a-t-elle ajouté, avant de souligner que les gendarmes ont dû « faire face à une violence inédite, avec des engagements qui ‘relèvent plus du combat que du maintien de l’ordre’ ». Deux d’entre eux ont perdu la vie et 550 autres ont été blessés.

Dans le même temps, 55 EGM ont été mobilisés pour les JOP, parfois de manière simultanée.

Aussi, le constat établi par Mme Bazin-Malgras n’est pas surprenant. L’une des conséquences de cette forte mobilisation est que « la gendarmerie mobile est en surchauffe ». Un autre est que cette dernière n’a pas toujours les moyens de renforcer d’autres unités de la gendarmerie « pour des missions qui ne relèvent pas du maintien de l’ordre, telles que les missions de sécurisation des transports et de lutte contre l’immigration irrégulière ».

« Un taux d’emploi de 68 escadrons engagés par jour représente pour la gendarmerie le seuil de viabilité maximal pour gérer les jours de repos et de permissions des gendarmes mobiles. Or, de janvier à septembre 2024, le taux d’emploi effectif a été de 80 escadrons engagés chaque jour », a relevé la députée.

Et d’ajouter : « Cette situation génère une augmentation de la dette de repos et de permission : au 30 juin 2024, le reliquat du nombre de jours de repos et permission à attribuer en moyenne par gendarme mobile atteint près de 40 jours [contre 13 jours en 2022 et 2023] ».

Pour atténuer les effets de cette « surchauffe », la Gendarmerie a eu recours à quelques expédients, notamment en réorientant les flux sortants de ses écoles.

« Alors que traditionnellement, environ 25 % des effectifs en sortie d’école sont orientés vers la gendarmerie mobile, cette proportion est passée depuis fin 2024 à plus de 35 %, au détriment des recrutements au sein de la gendarmerie départementale », a constaté Mme Bazin-Malgras.

Enfin, les relèves des EGM en outre-mer sont désormais effectuées tous les quatre mois et non plus tous les trois mois comme c’était jusqu’alors le cas.

Le recours à des réservistes pour renforcer les EGM pourrait être une solution… Seulement, comme le rappelle la députée, « à l’exception de situations exceptionnelles [insurrection ou guerre], les réservistes n’ont pas vocation à mener des opérations programmées de maintien ou de rétablissement de l’ordre public ». Et c’est d’ailleurs la « raison pour laquelle les réservistes, y compris au niveau local, ne participent pas aux opérations actuelles en Nouvelle-Calédonie », a-t-elle souligné.

Réserves : les 14 recommandations du Haut comité pour l’évaluation de la condition militaire

Réserves : les 14 recommandations du Haut comité pour l’évaluation de la condition militaire


Le HCECM, Haut comité pour l’évaluation de la condition militaire, présidé par la conseillère d’état Catherine de Salins et dont l’un des membres est le général de corps d’armée (2S) de Gendarmerie Jean-Marc Descoux, consacre son 18ème rapport aux réserves. L’instance a remis dernièrement son rapport au président de la République. Le Haut comité qui passe en revue dans le détail le dispositif des réserves militaires formule quatorze recommandations.

En préambule de ce rapport très complet, le HCECM rappelle que la France a un objectif ambitieux : porter le nombre de réservistes du ministère des Armées à 80 000 d’ici à 2030 puis 105 000 en 2035, et atteindre un effectif total de 50 000 réservistes dans la gendarmerie nationale en 2027.

Ce renforcement ne se limite pas à une simple augmentation quantitative, il répond à la volonté de mieux préparer et d’intégrer ces forces de réserve dans la défense active de la nation. Les réservistes jouent un rôle croissant dans la défense nationale” écrit le Haut comité dont le rapport “vise à guider les actions futures pour assurer que la réserve française puisse répondre pleinement aux exigences des conflits modernes, tout en restant un exemple des valeurs de notre République.”

Parmi celles-ci, l’amélioration de la connaissance des activités civiles des réservistes, la garantie des moyens alloués aux réserves par la Loi de programmation militaire, une meilleure représentativité des réservistes dans le cadre du dispositif de la concertation, la formalisation et la mise en œuvre de parcours de carrière des réservistes dans une politique de ressources humaines sur le long terme, une réflexion relative au régime de défraiement des réservistes, la confirmation de l’exonération fiscale qui est appliquée à la solde des réservistes, pour toutes les catégories hiérarchiques et pour tout type d’activités, la mise en œuvre de mesures visant à mieux valoriser l’engagement des cadres de la réserve, soit par une mesure nouvelle, soit par le biais de la prime de compétence et de responsabilité des militaires (PCRM) ; recommande d’encourager l’emploi de tous les leviers existants en termes de reconnaissance, notamment en invitant plus largement les réservistes à participer aux activités de tradition et de cohésion des unités, et en améliorant l’information relative à l’accès à l’honorariat du grade.

Revoir à la hausse le contingent d’ordres nationaux pour les réservistes

Par ailleurs, Le Haut comité préconise l’évolution des règles relatives au contingentement des ordres nationaux pour prendre en compte la montée en puissance des réserves et l’évolution du ratio réserve/active.

Recommandation 1

Le Haut Comité recommande d’améliorer la connaissance des caractéristiques des réservistes, en particulier leur activité professionnelle civile (secteur d’activité, employeur, etc.), notamment afin de garantir leur employabilité en cas de mobilisation.
Par ailleurs, il préconise de systématiser les entretiens lors des départs pour identifier les principales causes d’insatisfaction qui les motivent, et de mettre en œuvre de manière plus régulière des sondages du moral des réservistes pour mesurer l’évolution de leur condition militaire et adapter en conséquence les politiques RH, avec une procédure adaptée à leurs spécificités, et notamment à leur présence intermittente dans les unités (sondage internet via ROC et Minot@ur). Les modalités de ces enquêtes doivent permettre de mieux identifier les disparités relatives aux différentes « familles » de réservistes (ab initio, anciens d’active).

Recommandation 2

Le Haut Comité recommande de garantir dans la durée, dans une logique pluri-annuelle, les moyens alloués à la réserve opérationnelle tels que prévus par la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, aussi bien en ce qui concerne la masse salariale que pour les autres natures de crédits qui participent directement à la condition militaire des réservistes : formation, équipement individuel et collectif, hébergement, infrastructures, systèmes d’information, etc.

Recommandation 3

Le Haut Comité recommande de rechercher les pistes de fluidification du parcours de recrutement. En particulier, le passage des visites médicales d’aptitude en dehors du SSA pourrait être une piste à exploiter afin de permettre aux réservistes de réaliser ces visites à proximité de leur lieu de domicile, et de soulager les tensions qui pèsent sur le SSA. L’utilisation de médecins réservistes en dehors de leurs périodes d’activité ou d’anciens praticiens d’active appartenant à la RO2 pourrait être envisagée.

Recommandation 4

Le Haut Comité recommande l’édition d’un « memento du réserviste » pour améliorer l’information relative aux modalités du soutien, de la gestion « ressources humaines », des droits individuels (retraite, etc.), ou encore des prestations sociales auxquelles peuvent prétendre les réservistes opérationnels. De même, les obligations de disponibilité qui s’imposent à eux devraient être rappelées. Ce memento devra porter une attention particulière à l’accessibilité des informations et être diffusé à tous les réservistes à échéances régulières pour rester à jour des évolutions de ces modalités.

Recommandation 5

Le Haut Comité recommande, dans le cadre des travaux portant sur le système de concertation des réservistes, de garantir que celui-ci permette la bonne représentativité de tous les réservistes, et en particulier des réservistes directement issus de la société civile, et de prévoir une bonne articulation avec les CFM d’armée et le CSFM.

Recommandation 6

Le Haut Comité recommande de revoir les modalités de pilotage budgétaire de la masse salariale « réserves » en veillant à une plus grande responsabilisation des employeurs de réservistes, pour leur garantir les ressources annuelles à leur disposition, et ainsi donner plus de visibilité aux réservistes sur leur niveau d’emploi.

Recommandation 7

Le Haut Comité recommande de poursuivre la formalisation et la mise en œuvre de parcours de carrière des réservistes dans une politique RH sur le long terme, qui devrait prendre en compte les spécificités des réservistes (temps partiel, disponibilité fluctuante, conciliation avec l’activité professionnelle civile).

Ces parcours pourraient proposer plus de passerelles vers et depuis l’active, veiller à mieux valoriser les cadres de la réserve, et envisager des moyens de garder un lien entre l’institution et les anciens réservistes pour permettre une réintégration dans la réserve à des moments plus propices.

Par ailleurs, afin de responsabiliser les réservistes eux-mêmes dans l’élaboration de leur parcours de carrière, le Haut Comité recommande de redynamiser la « bourse aux emplois de la réserve » en s’appuyant sur les SI ROC et Minot@aur afin qu’ils puissent être mieux informés des opportunités de changer de poste au sein de la réserve. Ces propositions pourraient également être accessibles dès l’étape de la candidature à l’engagement dans la réserve, pour permettre aux candidats de mieux s’orienter.

Enfin, cette modularité accrue des parcours de réservistes devrait s’accompagner d’une plus grande exigence pour garantir un engagement minimal annuel, nécessaire pour que l’investissement des armées, notamment dans leur formation, soit rentabilisé.

Recommandation 8

Le Haut Comité recommande :

de garantir que les réservistes bénéficient effectivement des droits qui leur sont ouverts enmatière de droits financiers, notamment en matière d’avancement d’échelon ;

  • de lancer une réflexion relative au régime de défraiement des réservistes (frais de transport, repas, etc.) tenant compte des particularités de leur engagement afin de mettre en place unrégime spécifique plus adapté aux sujétions qu’ils subissent ;
  • de se saisir du problème des délais excessifs de versement de la solde des réservistes du ministère des armées en mettant en œuvre des mesures techniques et organisationnelles permettant de garantir à tout réserviste que sa solde lui sera versée dans un délai raisonnable.

Recommandation 9

Le Haut Comité recommande de confirmer l’exonération fiscale qui est appliquée à la solde des réservistes, pour toutes les catégories hiérarchiques et pour tout type d’activités, qui représente une juste compensation des sujétions auxquelles sont soumis les réservistes.

Recommandation 10

Le Haut Comité recommande de faire évoluer les droits à indemnités spécifiques pour les réservistes afin de mieux prendre en compte les particularités de leur engagement, en prévoyant :

la création d’une avance de solde avant déploiement en opération, sur le modèle de l’avance de solde avant affectation à l’étranger (versement d’un mois de solde 45 jours avant le départ, puis régularisation) ;

la mise en œuvre de mesures visant à mieux valoriser l’engagement des cadres de la réserve,soit par une mesure nouvelle, soit par le biais de la prime de compétence et de responsabilitédes militaires (PCRM) ;

la mise à jour des conditions d’attribution de la participation au financement du permis deconduire (PERMRES) ou sa suppression au profit d’une autre mesure d’attractivité plus pertinente.

Recommandation 11

Le Haut Comité recommande d’encourager l’emploi de tous les leviers existants en termes de reconnaissance, notamment en invitant plus largement les réservistes à participer aux activités de tradition et de cohésion des unités, et en améliorant l’information relative à l’accès à l’honorariat du grade.Par ailleurs, les règles relatives au contingentement des ordres nationaux pourraient évoluer pour prendre en compte la montée en puissance des réserves et l’évolution du ratio réserve/active.

Recommandation 12

Le Haut Comité recommande :

–  de mieux identifier les compétences que les réservistes ont acquises dans leur carrière civile et la valeur ajoutée qu’elles peuvent apporter aux armées ;

–  de mieux recenser et formaliser l’acquisition de compétences dans la réserve, afin de les mettre plus à profit au sein des armées et de les valoriser auprès des employeurs civils.
La mise en œuvre de cette recommandation pourra utilement profiter des évolutions des systèmes d’information dédiés à la réserve.

Recommandation 13

Afin d’améliorer le soutien à l’engagement dans la réserve par les employeurs civils des réservistes, le Haut Comité recommande :

d’améliorer l’information générale qui leur est délivrée sur les obligations qui s’imposent à eux, mais aussi sur les droits, incitations et accompagnements dont ils peuvent bénéficier, et, enfin, sur les bénéfices apportés par les activités de réserve au sein d’une carrière civile (acquisition de compétences, savoir-être, etc.); pour les employeurs publics, cette information pourrait faire l’objet d’une mise à jour de la circulaire du Premier ministre de 2005 relative à l’emploi d’agents publics au sein de la réserve militaire ;-  de systématiser, sauf demande expresse du réserviste à l’autorité militaire, l’envoi d’une lettre personnalisée vers les employeurs de nouveaux réservistes, à la signature de l’ESR ;-  de développer la stratégie partenariale du secrétariat général de la garde nationale dans deux directions complémentaires : au niveau central via les conventions de branches professionnelles, et au niveau local via les officiers généraux de zones de défense et de sécurité.

Recommandation 14

Afin d’améliorer le niveau de protection sociale dont bénéficient les réservistes, le Haut Comité recommande :

–  de prendre en compte la situation particulière des réservistes dans les travaux sur le volet « prévoyance » de la protection sociale complémentaire ;

–  de garantir par tous les services instructeurs la bonne application du régime de réparation intégrale du préjudice subi à la suite d’une blessure ou maladie imputable au service ;

–  de renforcer l’information diffusée auprès des réservistes, par exemple via le site internet de la Maison numérique des blessés et de leurs familles (MNBF) et les SI ROC et Minot@ur, afin de garantir qu’ils sont conscients des conséquences que peuvent entraîner une blessure ou une maladie survenue à l’occasion de leurs activités dans la réserve dans tous les aspects patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

Chiffres clés

73 624 réservistes opérationnels de 1er niveau (RO1) dans les armées et la Gendarmerie nationale
au 31 décembre 2023 dont 53,7 % issus directement de la société civile (ab initio), 34,1 % d’anciens militaires d’active et 12,1 % d’anciens appelés du contingent.

93 199
réservistes opérationnels de 2niveau (RO2)

6 523
réservistes citoyens 
de défense et de sécurité

23,1 % taux de féminisation de la RO1 contre 18,5 % pour les militaires d’active

5 670 réservistes employés en moyenne chaque jour dont 3 648 au ministère des armées et 2 022 dans la Gendarmerie nationale

13 % : taux de réservistes opérationnels de 1er niveau non employés en 2023

Composition du HCECM

Présidente : Catherine de Salins, conseillère d’État, présidente adjointe de la section de l’administration du Conseil d’État

Vice-président : Terry Olson, conseiller d’État, président de la Cour administrative d’appel de Versailles

Membres :

Isabelle Delarbre, ancien cadre dirigeant chez Renault et TotalEnergies

Élisabeth Grosdhomme :dirigeante de Paradigmes et cætera, société d’étude et de conseil spécialisée en prospective et innovation

Yves d’Hérouville : Président de l’Institut des dirigeants d’associations et fondations

Cécile Wendling : dirigeante de Pan-or-amiques, société de conseil en prospective, et chercheuse associée au Centre de sociologie des organisations (CNRS-Sciences Po Paris).

Jean-Luc Tavernier: directeur général de l’Insee (membre de droit), représenté par Alain Bayet : directeur de la diffusion et de l’action régionale et coordinateur des directeurs régionaux, chef de l’inspection générale de l’Insee

Général d’armée aérienne Éric Autellet, ancien major général des armées

Général d’armée (2e section) Éric Bellot des Minières, ancien inspecteur général des armées – Terre

Général de corps d’armée (2e section) Jean-Marc Descoux, ancien commandant de la gendarmerie outremer

Secrétaire général : contrôleur des armées Vincent Berthelé

Rapport du HCEM

« Risques pour la sécurité des jeunes », « coût largement sous-estimé » : la Cour des comptes étrille le déploiement du SNU

« Risques pour la sécurité des jeunes », « coût largement sous-estimé » : la Cour des comptes étrille le déploiement du SNU

                            Laurent Coust / SOPA Images//SOPAIMAGES_1214145/Credit:SOPA Images/SIPA/2306251243
Le SNU, expérimenté depuis 2019, doit être généralisé à tous les jeunes de 15 à 17 ans d’ici 2026. Résultats insatisfaisants, objectifs peu clairs, coûts plus importants qu’anticipés… Cinq ans après son lancement, la Cour des comptes dresse un bilan sévère du dispositif.

Début 2024, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé le lancement de « travaux » en vue d’une généralisation du Service national universel (SNU) « à la rentrée 2026 ». Aujourd’hui facultatif, le dispositif a accueilli 40 000 élèves en 2023, un chiffre qui devra donc être multiplié par 20 en l’espace de deux ans, pour toucher une classe d’âge d’environ 800 000 jeunes.

Dans un rapport publié le 13 septembre, la Cour des comptes dénonce l’« absence d’horizon clair » et l’« insuffisante planification des moyens » nécessaires à la généralisation du dispositif. « C’est pourtant une politique prioritaire du gouvernement, qui mobilise une part croissante du programme “jeunesse et vie associative” du budget », souligne Pierre Moscovici.

Un objectif de mixité sociale loin d’être atteint

Si on est encore loin de sa généralisation, le premier président de la Cour des comptes estime tout de même que la « montée en puissance rapide du SNU ne s’est pas accompagnée d’une clarification de ses objectifs ». Actuellement, le dispositif se découpe en trois phases. La première, et la plus connue, consiste en un « séjour de cohésion » où les jeunes passent 12 jours ensemble hors de leur département. Mais cette expérience doit ensuite être prolongée par une « mission d’intérêt général » de 84 heures et un « engagement volontaire » de 3 à 12 mois, au sein d’un corps en uniforme ou d’une association.

Décrite par le gouvernement comme un « projet de société », cette expérience complète est pourtant « toujours perçue par la population, et en particulier par les jeunes, comme un dispositif militaire », explique Pierre Moscovici. D’ailleurs, le premier président observe que les volontaires qui réalisent la deuxième et troisième phase du SNU s’engagent « principalement dans les corps en uniforme, et non au sein des associations ».

Conséquence de ce manque de clarté sur les objectifs du SNU, 46 % des jeunes volontaires en 2023 ont des parents militaires, policiers, gendarmes ou pompiers.  Alors que le SNU se donne pour mission de réunir des élèves de tous horizons, notamment lors du fameux « séjour de cohésion », ses objectifs de mixité sociale ne sont donc pour le moment pas atteints. De façon générale, Pierre Moscovici déplore « une surreprésentation de jeunes issus de catégories socio-professionnelles supérieures et d’élèves ayant de bons résultats scolaires ».

« Des risques pour la sécurité des jeunes volontaires » lors des séjours de cohésion

Dans un second temps, le rapport de la Cour des comptes alerte sur les difficultés d’organisation du SNU. D’un point de vue administratif, d’abord, « les parties prenantes sont trop peu associées au dispositif », constate Pierre Moscovici. Sur le terrain, notamment lors de l’organisation des « séjours de cohésion », les associations d’éducation populaire « regrettent d’être considérées comme de simples prestataires », détaille-t-il. « Il n’existe pas non plus de stratégie nationale pour encadrer l’implication des collectivités territoriales », note Pierre Moscovici, alors même qu’elles sont souvent sollicitées pour organiser l’hébergement et les transports des « séjours de cohésion ».

Sans véritable coordination, l’organisation des séjours de cohésion rencontre donc régulièrement des difficultés logistiques qui « démontrent un certain désordre », déplore le premier président de la Cour. Le rapport pointe surtout des « défaillances » au niveau des transports, indispensables puisque les volontaires doivent réaliser leur séjour de cohésion en dehors de leur département, notamment en raison d’un récent changement de prestataire dans des délais très courts. « L’ampleur de la désorganisation a induit des risques pour la sécurité des jeunes volontaires et des surcoûts de transport significatifs », alerte le rapport.

La Cour des comptes pointe aussi du doigt les difficultés de recrutement des encadrants de ces séjours de cohésion. La mission est d’abord peu attractive. « Des retards considérables dans la mise en paiement des rémunérations ou indemnités ont fortement dégradé l’image du SNU auprès des encadrants », déplore le rapport. « Généraliser le dispositif sans stratégie d’emploi et de recrutement représenterait une prise de risque majeure », alerte la Cour, qui recommande donc la création d’une « filière métier » spécifique. La Cour des comptes tire par ailleurs la sonnette d’alarme sur la « dégradation sensible des conditions de travail des personnels », au sein des services régionaux et départementaux chargés de la jeunesse. Malgré la charge de travail supplémentaire conséquente induite par l’organisation du SNU, estimée à 157 équivalents temps plein, « les équipes n’ont que marginalement évolué avec la création de 80 postes ».

Une généralisation qui coûterait autour de 10 milliards d’euros

Enfin, alors que l’examen du projet de loi de finances 2025 débutera à l’Assemblée nationale au mois d’octobre, la Cour des comptes s’intéresse aux coûts du SNU. Le coût du dispositif est d’abord « largement sous-estimé » : dans le cadre du budget 2024 il avait été évalué à 2 000 euros par jeune, pour la Cour des comptes il s’élèverait plutôt à 2 900 euros.

Partant de ce constat, la Cour a également estimé les coûts induits par une généralisation du SNU. Le coût de l’organisation du seul séjour de cohésion, qui devrait donc accueillir autour de 800 000 jeunes par an, s’élèverait ainsi à 2,5 milliards d’euros. En ajoutant à cela les coûts liés à la seconde et à la troisième phase du dispositif, la Cour des comptes estime que l’organisation du SNU dans sa totalité pourrait représenter entre 3,5 et 5 milliards d’euros. À ces coûts de fonctionnement doivent également s’ajouter des investissements, notamment pour construire, rénover ou louer les bâtiments nécessaires à l’accueil des jeunes lors de leur séjour de cohésion, que la Cour des comptes estime à 6 milliards d’euros.

Considérant l’ampleur de ces dépenses liées à la généralisation du SNU, la Cour des comptes recommande donc vivement la tenue d’un « débat parlementaire pour décider de l’avenir du dispositif ». « Le Parlement n’a jamais eu l’occasion de débattre de ce dispositif, aucune loi ordinaire ou de programmation n’a été examinée sur le sujet », précise Pierre Moscovici. Il y a un an, dans un rapport pour le compte de la commission des finances, le sénateur socialiste Éric Jeansannetas réclamait déjà « un véritable débat » au Parlement sur le SNU. Une demande relayée depuis par de nombreux sénateurs de tous bords politiques.

Cour des comptes : La disponibilité des aéronefs militaires s’améliore… mais pas assez au vu des moyens engagés

Cour des comptes : La disponibilité des aéronefs militaires s’améliore… mais pas assez au vu des moyens engagés


En 2018, la disponibilité de certaines flottes d’aéronefs étant encore très insuffisante au regard des contraintes et de l’activité opérationnelle, le ministère des Armées prit le taureau par les cornes en lançant une vaste réforme du Maintien en condition opérationnelle Aéronautique [MCO Aéro], sur la base des recommandations faites par l’ingénieur général hors classe de l’armement Christian Chabbert.

L’une des mesures prises consista à remplacer la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense [SIMMAD] par la Direction de la Maintenance aéronautiques [DMAé]. Placé sous l’autorité directe du chef d’état-major des armées [CEMA], cet organisme est désormais chargé d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies en matière de MCO Aéro, afin d’accroître la disponibilité des aéronefs à un coût maîtrisé.

Pour cela, la DMAé a entrepris de simplifier le MCO en confiant tous les marchés relatifs à la maintenance d’un flotte d’aéronefs à un prestataire unique tout en lui assignant des objectifs de disponibilité, dans le cadre de contrats dits « verticalisés ».

Cette réforme a-t-elle produit les effets escomptés ? Les chiffres relatifs à la disponibilité technique des aéronefs étant désormais confidentiels, comme, d’ailleurs, les indicateurs sur l’activité des forces que l’on pouvait trouver dans les « bleus budgétaires » [c’est-à-dire les projets annuels de performance], il est compliqué de se faire une idée.

À moins de se contenter de quelques ordres de grandeur concernant certaines flottes. Ainsi, l’an passé, le général Stéphane Mille, alors chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE] avait confié, lors d’une audition parlementaire, que la disponibilité de l’aviation de chasse [Rafale et Mirage 2000] avait « globalement » augmenté de 3 % en 2023 tandis que celle des autres flottes [avions de transport, hélicoptères et drones] accusait une « légère baisse ».

Dans un référé publié ce 10 septembre, et bien que n’étant pas autorisée à rendre publics les taux de disponibilité des aéronefs, la Cour des comptes a donné un aperçu des résultats obtenus par le ministère des Armées en matière de MCO Aéro entre 2018 et 2023.

Ainsi, si elle dit avoir « observé à l’occasion de son contrôle une amélioration de la performance du MCO aéronautique, qui se traduit par une meilleure disponibilité de plusieurs flottes stratégiques d’aéronefs depuis 2018 », la Cour des comptes estime cependant que ces progrès, « réalisés au prix d’un accroissement significatif des moyens budgétaires » [4,7 milliards d’euros en 2022, ndlr], sont « insuffisants au regard des besoins opérationnels » étant donné que les volumes d’heures de vol et les indicateurs de performances des documents budgétaires » demeurent encore, « chaque année, en deçà des objectifs fixés par les armées ».

L’enquête menée par la Cour des comptes ne remet pas en cause les contrats verticalisés. En revanche, elle souligne qu’il existe des « marges de progrès importantes en matière de productivité et de compétitivité » au sein du Service industriel de l’aéronautique [SIAé].

Rattaché à l’armée de l’Air & de l’Espace, le SIAé est le « garant de l’autonomie de la France sur le MCO Aéronautique », en apportant une « logique de performance industrielle grâce à des méthodes innovantes », explique le ministère des Armées.

Certes, les Cour des comptes reconnaît que le SIAé a engagé des actions afin d’améliorer sa performance… Pour autant, poursuit-elle, « ses ateliers restent souvent engorgés par les flottes d’aéronefs les plus problématiques ». Et d’ajouter : « La production stagne depuis 2018 malgré l’augmentation des effectifs » tandis qu’il « n’existe pas d’indicateur fiable permettant de mesurer [sa] productivité. En outre, « peu de synergies ont été développées entre ses cinq ateliers [*], dont les pratiques restent hétérogènes ».

Selon le ministère des Armées, le SIAé emploie 5000 personnes [dont 83 % de personnels civils] et recrute plus de 400 opérateurs, techniciens et ingénieures tous les ans.

Parmi les mesures qu’elle préconise, la Cour des comptes soutient que la « transformation » du SIAé doit se poursuivre en prenant modèle sur « la réorganisation et les évolutions managériales menées à bien dans les centres d’essais de la DGA », lesquels « sont notamment parvenus à mutualiser leurs fonctions support et augmenter leurs heures productives ».

Par ailleurs, la Cour des comptes a également évoqué les difficultés du projet BRASIDAS. Confié en 2018 par la Direction générale de l’armement [DGA] à Sopra Steria, il doit permettre de réunir toutes les informations sur les activités de maintenance sur les différentes flottes d’aéronefs au sein d’un seul système d’informations [il en existait alors plus de 80]. Un audit de ce projet est d’ailleurs actuellement mené par le Contrôle général des armées.

« La Cour a constaté que la réalisation de la première étape de BRASIDAS accusait déjà un retard de deux ans par rapport au calendrier initial et se heurtait à des difficultés importantes, notamment liées à la reprise des données de certaines flottes et à la maturité du principal composant technique de la solution », lit-on dans le référé. Aussi recommande-t-elle de tirer toutes les conséquences sur la conduite de ce projet une fois que l’audit dont il fait l’objet sera terminé.

[*] Ateliers industriels de l’aéronautique [AIA]

Face aux ingérences russes, un rapport demande à la France de « ne plus être naïve »

Face aux ingérences russes, un rapport demande à la France de « ne plus être naïve »

Stimulées par l’intelligence artificielle et les réseaux, les ingérences étrangères se multiplient. Et la France n’est pas assez armée pour y faire face, selon une commission d’enquête du Sénat.

La Russie et l’Azerbaïdjan sont visés dans le rapport comme étant des pays utilisant ce genre de pratiques.
La Russie et l’Azerbaïdjan sont visés dans le rapport comme étant des pays utilisant ce genre de pratiques. | REUTERS

« Les punaises de lit » à la rentrée 2023 ; « l’affaire des étoiles bleues de David taguées à Paris » fin octobre ; « des mains rouges sur le mémorial de la Shoah » début mai ; « cinq cercueils de taille réelle déposés aux abords de la tour Eiffel » en juin… Autant d’actes dont « il paraît vraisemblable qu’ils ont été menés par les services de renseignement russes », souligne la commission d’enquête du Sénat sur les ingérences étrangères en France, dans son rapport rendu jeudi.

Une « néoguerre froide hybride »

Selon Rachid Temal, sénateur socialiste du Val-d’Oise et rapporteur de la commission, ces opérations sont la manifestation d’une « néoguerre froide hybride » qui fait rage actuellement, stimulée par le développement de l’Intelligence artificielle et des réseaux sociaux. « Il ne faut pas être naïf », lance-t-il, avant d’appeler à s’en prémunir.

Problème, si la France « a mis des choses en place », avec notamment la création en 2021 de Viginum, une agence de l’État chargée de la vigilance et de la protection contre les ingérences numériques, les mesures prises ne sont pas encore suffisantes, à ses yeux. « On manque d’une stratégie globale », regrette Rachid Temal.

Lire aussi : Le texte pour lutter contre les ingérences étrangères adopté à l’Assemblée

« Éviter les trous dans la raquette »

Avec ce rapport, les sénateurs cherchent à remédier au problème en donnant des solutions « clés en main » au futur gouvernement. « On propose quarante-sept mesures différentes dans divers domaines », détaille le sénateur. Sont passés en revue les médias, la culture, l’armée, la coopération internationale ou encore l’école, avec un objectif principal : développer l’esprit critique. « Pour prendre l’exemple de l’école, l’idée est de faire comme dans d’autres pays, où l’on apprend aux élèves à recouper les informations, vérifier les sources des statistiques… ».

Malgré les multiples amendes et mises en gardes, C8 et CNews doivent-elles, selon vous, continuer à émettre sur la TNT ?

Autre point capital : « une prise de conscience collective ». Selon le sénateur, il faut « comprendre que chaque citoyen peut être à la fois une cible et un élément propagateur. » Il recommande donc d’être particulièrement vigilant à tout moment. Mais difficile de mettre un terme à toutes les ingérences, reconnaît-il. « Il n’y a pas de risque zéro . Le but, c’est qu’il y ait le moins de trous possible dans la raquette. »

La France et l’Allemagne ont l’intention de nouer une coopération en matière de « frappes à longue portée »

La France et l’Allemagne ont l’intention de nouer une coopération en matière de « frappes à longue portée »

https://www.opex360.com/2024/05/30/la-france-et-lallemagne-ont-lintention-de-nouer-une-cooperation-en-matiere-de-frappes-a-longue-portee/


Parmi les arguments qu’ils ont avancés, les deux parlementaires ont notamment cité l’abandon ou la suspension de trois des cinq programmes majeurs lancés en 2017 par le président Macron et la chancelière Merkel. « Le programme de futur avion de patrouille maritime [MAWS] a été de facto abandonné à la suite de l’acquisition par l’Allemagne de cinq P-8A Poseidon auprès de Boeing. Les Allemands se sont également retirés du programme de modernisation de l’hélicoptère Tigre au standard 3. Enfin, le programme d’artillerie du futur « Common Indirect Fire System » [CIFS] a été repoussé à une date indéterminée », ont-ils détaillé.

Effectivement, le CIFS, qui prévoit le renouvellement des capacités en matière d’artillerie, ne se concrétisera pas avant 2045. Mais cela n’empêche nullement les industriels français et allemands de mener des travaux dans le cadre de projets financés par la Commission européenne, à savoir FIRES [Future Indirect fiRes European Solutions] et E-COLORSS [European COmmon LOng Range indirect Fire Support System], le second visant à « préparer une solution européenne » pour un nouveau lance-roquettes multiple.

Cela étant, le renouvellement des capacités terrestres de frappes dans la profondeur, qui reposent actuellement sur le LRU [Lance-roquettes unitaire] pour l’armée de Terre et le MARS II pour la Heer, est déjà engagé, la France et l’Allemagne suivant chacune leur propre voie.

Ainsi, la Direction générale de l’armement [DGA] a indiqué qu’elle lancerait un « partenariat d’innovation » afin de développer une capacité de « Frappe Longue Portée » et d’acquérir « au moins 13 » systèmes avant 2030. Pour ce projet, Safran s’est associé à MBDA tandis que Thales en a fait autant avec ArianeGroup. L’enjeu est de permettre à l’armée de Terre de frapper une cible située à 150 / 500 km de distance.

Côté allemand, d’après des documents évoqués en janvier par le Bundestag, il serait question d’une commande de systèmes EuroPULS, proposés par un tandem formé par KNDS Allemagne [ex-Krauss Maffei Wegmann] et Elbit Systems. En outre, MBDA Deutschland a développé le Joint Fire Support Missile [JFS-M], affichant une portée supérieure à 300 km et pouvant être mis en réseau.

À l’issue du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité, qui a conclu la visite d’État que vient de faire le président Macron en Allemagne, l’Élysée a publié un déclaration commune selon laquelle Paris et Berlin ont affirmé leur volonté de « renforcer la sécurité européenne et, plus largement, euro-atlantique, notamment grâce à des capacités de défense européenne solides et crédibles ».

Aussi, poursuit le texte, « la France et l’Allemagne continueront à contribuer aux discussions sur le développement de l’industrie de défense européenne, à combler leurs lacunes stratégiques et à réduire leur dépendances technologiques et industrielles ». À ce titre, les deux pays ont annoncé qu’ils engageraient, « avec leurs partenaires », une « coopération générale et inclusive à long terme dans le domaine des frappes à longue portée », ce qui « suppose de renforcer la base industrielle et de défense européenne pour améliorer leurs capacités militaires ».

Ayant pourtant l’habitude de se faire l’interprète des intentions présidentielles, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, n’a guère été plus précis sur cette coopération « dans le domaine des frappes à longue portée ».

Cela étant, celle-ci avait été évoquée par Boris Pistorius, son homologue allemand, lors d’une conférence de presse commune donnée en mars dernier au sujet du Système principal de combat terrestre [MGCS – Main Ground Combat System].

En effet, il avait indiqué avoir reçu un mandat pour faire « progresser le développement de missiles pour des frappes à longue portée ». Seulement, sollicité par le site spécialisé Hartpunkt pour avoir plus de précision, le ministère allemand de la Défense s’était refusé à faire le moindre commentaire.

Par ailleurs, la France et l’Allemagne ont également rappelé « le rôle essentiel de la dissuasion nucléaire dans la sécurité de l’Europe et de l’Otan ainsi que le rôle dissuasif des forces nucléaires stratégiques indépendantes françaises et leur contribution importante à la sécurité globale de l’Alliance »… Enfin, il est aussi question « d’intégrer la brigade franco-allemande dans les plans de l’Otan ».