L’opération Sentinelle pourrait se voir confier des missions autres que la lutte contre le terrorisme

L’opération Sentinelle pourrait se voir confier des missions autres que la lutte contre le terrorisme


Lancée en janvier 2015 après l’attentat contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo, l’assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe et la prise d’otages sanglante de l’Hypercacher, l’opération intérieure Sentinelle mobilise encore actuellement 10 000 militaires, dont 3 000 placés en réserve, afin de soutenir les forces de sécurité intérieure [FSI] dans le cadre du plan Vigipirate, lequel fait partie du dispositif de lutte contre le terrorisme.

Évidemment, au regard des effectifs engagés, cette opération n’est pas sans conséquence sur les activités de l’armée de Terre. Ainsi, un rapport du Sénat, publié en 2021, avait souligné que la « cible de 90 jours de préparation opérationnelle par militaire n’a plus été atteinte » depuis son lancement.

En outre, un an plus tard, la Cour des comptes, pointant son coût, avait estimé qu’il était temps d’y mettre un terme, à l’instar de ce que venait de faire la Belgique avec son opération « Vigilant Guardian ». Il « n’est plus plus pertinent de poursuivre sans limite de temps une contribution à la tranquillité publique par un ‘affichage de militaires dans les rues’ » et il « appartient donc aux FSI de reprendre des secteurs d’activité qui leur reviennent en priorité et pour lesquels elles sont mieux équipées qu’en 2015 dans la mesure où les moyens humains et matériels ont été significativement renforcés pour leur permettre de faire face à la menace terroriste », avait-elle jugé.

Pour justifier sa position, la Cour des comptes avait soutenu que la menace terroriste était « devenue endogène ». En outre, étant donné que, selon elle, cette menace était désormais « portée par des individus inspirés par l’État islamique mais pas nécessairement affiliés à une organisation terroriste », les militaires de la mission Sentinelle ne semblaient pas les « mieux placés » pour faire face à cette situation car ils ne disposaient « ni du renseignement intérieur, ni de pouvoirs de police, ni des armements appropriés en zone urbaine ».

Quoi qu’il en soit, la recommandation de la Cour des comptes est restée lettre morte. Et l’opération Sentinelle va visiblement durer encore longtemps… Du moins, c’est ce qu’a suggéré le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA], lors d’une audition à l’Assemblée nationale [le compte-rendu vient d’être publié, ndlr].

« Nous continuons à adapter notre posture sur le territoire national, dans le cadre de l’opération Sentinelle : il faut identifier ce qui fonctionne et ce que l’on peut améliorer, en coordination étroite avec le ministère de l’Intérieur. Il faut notamment réduire les effectifs déployés en permanence, qui perdent de la visibilité alors que cette visibilité était l’objectif premier », a d’abord expliqué le CEMA.

« L’ensemble des moyens alloués à l’opération Sentinelle ne représente que 10 000 hommes, qui viennent en soutien de 100 000 gendarmes et 100 000 policiers. Leur effet n’est donc pas dans le nombre, mais ailleurs : il s’agit de faire passer un message lors du déploiement, et d’accroître l’effort dans des zones très ciblées », a-t-il continué, avant d’insister sur la nécessité de maintenir, si ce n’est d’améliorer, le « dialogue civilo-militaire ».

Cependant, il n’en reste pas moins que la poursuite de l’opération Sentinelle interroge toujours. Elle « fait parfois de nos soldats des cibles vivantes pour ceux qui propagent la violence et la haine » et « les militaires ne sont pas des officiers de police judiciaire [OPJ], ce qui limite concrètement leur action, notamment en matière de contrôle des individus, même si leur présence rassure », a lancé le député Laurent Jacobelli [RN]. En outre, a-t-il poursuivi, les « 10 000 hommes et femmes engagés dans l’opération Sentinelle » n’étant « pas employés ailleurs, peut-être serait-il judicieux d’envisager de les employer à autre chose, à l’heure où nous avons toujours du mal à fidéliser les personnels ».

S’il a défendu le principe de l’opération Sentinelle malgré ses limites [« il n’est pas incongru de considérer que les Français doivent être défendus là où ils sont menacés », a-t-il dit], le général Burkhard a admis que la motivation des militaires qui y sont engagés est un « sujet de préoccupation ». D’où l’idée de les employer « pour leurs capacités spécifiques », afin de donner aux missions un « opérationnel non négligeable ».

« Par exemple, les unités de Sentinelle qui sont au contact de la population sont des petits groupes commandés par un sergent ou un caporal-chef. Ce sont des militaires qui à ce niveau de grade ont rarement l’occasion d’être placés dans de telles situations de commandement et de décision », a détaillé le CEMA. Aussi, « l’opération Sentinelle est donc assez formatrice pour les cadres de bas niveau » car elle « leur confère une autonomie de décision et une véritable responsabilité, dans une mission par ailleurs très difficile ».

Cependant, a reconnu le général Burkhard, « la situation n’est pas pour autant pleinement satisfaisante et certaines modifications sont souhaitables ». Et d’ajouter : « Il faut identifier précisément les avantages offerts par l’opération Sentinelle et ce contre quoi elle sert à lutter ».

Parmi les évolutions possibles, le CEMA a évoqué une réduction du « socle d’effectifs déployés » tout en « maintenant une présence, des contacts et une visibilité, ainsi qu’un dialogue civilo-militaire ». L’idéal serait de pouvoir « capitaliser sur la capacité à utiliser pleinement une réserve susceptible de se déployer sur tout le territoire national », a-t-il dit. Seulement, les armées n’étant pas réparties de manière équilibrée sur le territoire national, leur « déploiement sera plus difficile dans certaines zones ».

Une évolution consisterait à confier d’autres missions à la force Sentinelle.

« La réserve de Sentinelle est orientée vers la lutte antiterroriste. Or, sur le territoire national, le terrorisme n’est pas la seule menace qui pèse sur les Français, ou en tout cas qui perturbe leur quotidien – pensons à une catastrophe naturelle par exemple. Nous pourrions étendre la capacité de réaction de la réserve à d’autres champs et la rendre utilisable plus rapidement – l’objectif est de disposer de personnels prêts à quitter leur quartier en trois heures », a détaillé le général Burkhard, qui s’est gardé d’évoquer tout autre rôle précis…

Enfin, au titre du maintien de la qualité du « dialogue civilo-militaire », le CEMA a estimé qu’il faudrait éviter de « s’installer dans la routine des relèves tous les deux mois ». Ainsi, a-t-il développé, il faudrait « pouvoir déployer des effectifs sur une ou deux semaines » et « dire au préfet que dans dix jours on déploiera une section à son profit pour surveiller ce qui doit l’être ». Et cela afin de faire en sorte de « marier surveillance globale et appui, ce qui appellera naturellement à faire fonctionner le dialogue civilo-militaire », a-t-il conclu.

Photo : EMA

Comment les géographes militaires contribuent à la sécurisation des JO 2024

Comment les géographes militaires contribuent à la sécurisation des JO 2024

par – Forces opérations Blog – publié le

Ils sont moins d’une dizaine déployés pour l’occasion mais sans les géographes militaires du 28e groupe géographique de l’armée de Terre, il serait bien difficile pour les milliers de militaires chargés de protéger les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de se retrouver dans le méandre des rues de Paris. Du fond de la Seine aux abords des stades, zoom sur une spécialité aussi unique qu’essentielle à la sécurisation de cette grande messe du sport. 

Blanchir la Seine

Jamais plus petit esquif militaire n’avait navigué sur la Seine parisienne. Du long de ses 180 cm, le bathydrone VASCO de l’armée de Terre paraît minuscule dans le ballet ininterrompu des bateaux mouches, mais sa mission n’en est pas moins indispensable au bon déroulé des Jeux olympiques : cartographier le lit du fleuve en vue de la cérémonie d’ouverture de ce vendredi. Une tâche confiée au 28e groupe géographique (28e GG), seule unité française capable de produire les cartes nécessaires à la bonne compréhension de l’environnement physique et humain. 

Trois militaires du 28e GG de Haguenau (Bas-Rhin) appuyés par deux plongeurs-démineurs du 1er régiment étranger de génie (1er REG) ont parcouru de long en large un segment de trois kilomètres et profond de cinq à six mètres à l’aide de ce drone de surface équipé d’un GPS, d’un sonar et d’un sondeur. Grâce à ces capteurs, « vous pouvez faire le modèle numérique en 3D du fond de la scène et détecter les objets pouvant potentiellement nuire à la navigation », explique l’adjudant-chef Teddy, technicien géographe au sein du 28e GG. 

« C’est ce qu’on appelle une opération de blanchiment de la Seine », complète le lieutenant-colonel Sébastien, chef du bureau opération-instruction du 28e GG. Bien que conçu pour opérer de manière autonome, le bathydrone était pour l’occasion tracté par un semi-rigide des sapeurs afin de gagner en visibilité face aux autres usagers de la Seine et d’éviter de consommer la batterie en luttant contre le courant.

« Mission accomplie », avance l’adjudant-chef Teddy au terme de trois jours de va-et-vient. La première analyse réalisée à chaud n’aura pas suscité d’inquiétudes. Contrairement à l’impression initiale, l’essentiel des objets se situent au centre du lit et non sur le bord des quais ou en dessous des ponts. Ni mine immergée, ni autobus de la RATP, mais surtout des pneus de vélo et d’anciens poteaux d’amarrage, constate le spécialiste de la bathymétrie. Rien qui soit, à première vue, susceptible de gâcher la fête. Et si un doute subsiste après une relecture approfondie des données, il reviendra aux plongeurs-démineurs de la Légion étrangère d’aller le lever in situ. 

« RAS » au terme de trois journées de cartographie du fond de la Seine, manoeuvre conduite avec le soutien du 1er REG

Et cartographier Paris

Essentielle, l’expertise du 28e GG l’est tout autant en surface. L’appui géographique s’est en effet d’emblée avéré utile pour faciliter le travail des quelque 10 000 militaires de la force Sentinelle mobilisés à Paris au plus fort de l’événement. Une grande partie d’entre eux proviennent de la 27e brigade d’infanterie de montagne, dont les régiments sont davantage habitués à évoluer à flanc de paroi que sur les grands boulevards parisiens. Ce sont autant de groupes à qui il faut donner un instantané exact et précis d’un environnement particulièrement dense et évolutif. « Le but du jeu, c’est que chaque patrouille dispose d’une carte de sa zone. Une zone qui n’est pas forcément identique de jour en jour », pointe le LCL Sébastien. 

Qui dit épreuves sportives dit en effet stades éphémères et autres infrastructures temporaires implantées un peu partout dans et autour de Paris. « La physionomie du terrain va être modifiée, les règles de circulation, l’accès, la zone des secours vont être changés », explique le LCL Sébastien. Voilà deux ans que son groupe travaille en coordination avec l’établissement géographique interarmées (EGI) à récupérer l’information requises pour mettre à jour les outils disponibles et s’assurer « que nos soldats puissent avoir à l’instant ’t’ la carte représentant au mieux la réalité du terrain avec les endroits où ils peuvent ou non passer et planifier les opérations sans être bloqués s’il se passe quelque chose et qu’ils ont besoin de réagir ». 

Une fois les données récoltées par les topographes, celles-ci sont confiées aux cartographes chargés de produire les cartes, études et autres produits demandés à partir d’un système d’information géographique, « un logiciel qui permet de mettre en forme et mettre à jour des cartes ». Les outils qui en découlent peuvent ensuite être imprimés, intégrés aux différents systèmes d’information des armées ou diffusés sur l’intranet militaire. Pour la sous-lieutenant Marine, officier analyste géographie au sein de la cellule « Terrain Analysis » (TERA), la principale difficulté relève du « panel vraiment très dense des données que nous devons traiter, de la zone de manoeuvre aux demandes très précises des NEDEX [neutralisation, enlèvement, destruction des explosifs] ou du génie ». 

Pour les géographes militaires, le dispositif partage des similarités avec celui engagé lors de Barkhane. Et encore, cette opération extérieure clôturée en novembre 2022 au Sahel était dépourvue de moyens mobiles de production de carte, contrairement à Sentinelle. Uniques en leur genre, ces conteneurs montés sur châssis de camion GBC contiennent tout l’équipement nécessaire pour réaliser de la production cartographique, du PC à l’imprimante. Deux d’entre eux ont été déployés à Paris pour toute la durée de cette XXXIIIe Olympiade, de quoi permettre d’imprimer jusqu’à 500 cartes par jour. 

La région parisienne n’est pas le seul espace concerné. De Marseille à Saint-Étienne et de Bordeaux à Lille, d’autres sites olympiques installés en zone urbaine seront quadrillés par Sentinelle. Ce sont autant de cartes susceptibles d’être commandées auprès d’un 28e GG qui, dans ce cas, activera la cellule disponible en permanence en Alsace. 

Jusqu’à 500 cartes de toutes tailles peuvent être imprimées quotidiennement par les modules mobiles TERA du 28e GG, et bien plus en s’appuyant sur les capacités de l’EGI

Des compétences rares en évolution

Rattaché à sa création à l’artillerie, le 28e GG est « l’un des plus petits régiments de l’armée de Terre », rappelle le LCL Sébastien. Ses savoir-faire sont néanmoins essentiels à la prise de décision. Comme le démontrent les JOP, « la géographie est prise en compte à très haut niveau pour monter et conduire des opérations », complète le chef du BOI. Jusqu’à appuyer l’OTAN dans l’évolution de ses plans de défense, démarche pour laquelle le 28e GG a été réquisitionné à l’occasion d’une mission récente en Roumanie. Volontairement discret car appartenant encore au monde du renseignement, l’unité dans quelques mois sous commandement de la brigade du génie nouvellement installée à Angers et elle-même inféodée au Commandement de l’appui et de la logistique de théâtre (CALT) créé le 1er juillet à Lille. 

Derrière les théodolites et autres tachéomètres, l’éventail de matériels spécifiques au travail cartographique s’élargit progressivement au gré des nouvelles technologies, à commencer par les systèmes robotisés. Le bathydrone, conçu par l’entreprise grenobloise Escadrone, n’est qu’un exemple. Derrière les deux exemplaires en service depuis 2022, le 28e GG s’approprie depuis un moment certains drones aériens. S’ils ne sont pas employés pour les JOP, ces drones contribuent à renforcer la capacité du groupe en matière de couverture de surface, précieux gain de temps à la clef. Les montagnes ne disparaissent pas en une nuit, mais une forêt, le tracé d’une route, voire un village entier peuvent se retrouver rapidement modifiés ou effacés par la densité des combats. « L’usage du drone aérien nous permet de mettre à jour plus rapidement une situation géographique qui évolue vite », estime à ce titre le chef du BOI. 

Depuis près de trois ans, le 28e GG est doté de sa propre Google Car. Ou presque, car le système léger de topographie (SLT) fait mieux que son équivalent civil. Développé par Equans Ineo et installé sur le toit d’un véhicule, ce SLT combine un capteur LIDAR de haute précision et six caméras pour la collecte des données à des systèmes de navigation associant systèmes de positionnement par satellites et centrale inertielle. Le tout fournit une modélisation de l’environnement urbain en 3D soit rapide par nuage de points colorisés, soit plus complète en modèles vectoriels. Sept exemplaires ont été acquis pour 38 M€. 

S’il n’en sont pas les premiers bénéficiaires, les géographes sont à la fois acteurs et bénéficiaires du programme SCORPION de renouvellement du segment blindé médian de l’armée de Terre. Leurs cartes peuvent ainsi contribuer au système d’information du combat SCORPION (SICS). À terme, les VAB utilisés pour protéger des équipes de topographes « potentiellement proches de la ligne de front » seront remplacés par un véhicule Griffon spécialisé dont la configuration est en cours de définition. « C’est un objet qui est très complexe, car il faut notamment réussir à y intégrer une centrale inertielle spécifique en plus de celle nativement intégrée sur le Griffon », explique le LCL Sébastien. Cette version devrait apparaître à l’horizon 2030. 

Focalisé en surface, le travail du 28e GG pourrait s’étendre au sous-sol. Si ce domaine est plutôt dans les mains des forces de sécurité intérieure durant les JOP, celles-ci bénéficient de certains moyens militaires. La problématique est récente mais est bien prise en compte par les armées, veille technologique et expérimentations à la clef. L’armée de Terre étudie ainsi l’emport d’un système LiDar sur le sac à dos d’un combattant, solution légère lui permettant de cartographier l’environnement en 3D tout en lui laissant les mains libres. 

À l’heure du SICS et de Google Maps, l’impression de cartes de manière autonome est malgré tout « une vraie compétence à conserver parce que nous nous rendons compte que nous restons très vulnérables à beaucoup de choses avec nos réseaux. Cela se voit en Ukraine, par exemple, où le GPS est brouillé régulièrement. Cette capacité, c’est quelque chose que l’on avait un peu oublié et qui remonte donc en puissance depuis peu », conclut le LCL Sébastien. Infaillible à condition d’être régulièrement mise à jour, la carte en papier a encore un bel avenir devant elle.

L’opération Sentinelle, un paratonnerre inadapté contre le terrorisme ?

L’opération Sentinelle, un paratonnerre inadapté contre le terrorisme ?

Mise en place au lendemain des attentats de janvier 2015, Sentinelle est destinée à la lutte antiterroriste. Les patrouilles sont régulièrement attaquées.

Par Clément Machecourt – Le Point –

https://www.lepoint.fr/societe/france-l-operation-sentinelle-inadaptee-contre-le-terrorisme-16-07-2024-2565754_23.php


L'opération Sentinelle déploie actuellement 15 000 militaires sur le territoire français pour la sécurisation des Jeux olympiques. 
L’opération Sentinelle déploie actuellement 15 000 militaires sur le territoire français pour la sécurisation des Jeux olympiques.  © SOPA Images/SIPA / SIPA / SOPA Images/SIPA

Un soldat de l’opération Sentinelle a été légèrement blessé gare de l’Est, lundi 15 juillet vers 22 heures. Son assaillant, un homme connu de la justice pour un meurtre commis en 2018, a été interpellé, avant d’être interné en psychiatrie. Cette attaque survient à moins de deux semaines de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et met en avant le rôle clé des militaires dans le dispositif de sécurité. Car aux 35 000 forces de l’ordre déployées, il faut ajouter 15 000 militaires, dont 11 000 rien que dans la région parisienne.

Tous effectuent des patrouilles dans les rues, gares et aéroports de France dans le cadre de l’opération Sentinelle. Déclenchée au lendemain des attentats de janvier 2015, sa première mission est la lutte antiterroriste. Depuis cette date, son utilité est souvent pointée du doigt. Lors des attentats de novembre 2015, une des patrouilles avait monté des barricades improvisées près des terrasses, quand une autre avait refusé d’appuyer les premiers policiers entrés dans le Bataclan.

Sentinelle visée par six attaques terroristes

Entre 2015 et 2018, les patrouilles Sentinelle ont été visées par six attaques de nature terroriste, faisant neuf blessés parmi les militaires. En février 2017, c’est dans le carrousel du Louvre qu’un Égyptien attaque quatre soldats au couteau. Ils répliquent et le blessent grièvement. Scénario quasi similaire en mars de la même année dans le Hall 1 de l’aéroport d’Orly. Un homme tente d’arracher l’arme d’une militaire avant de se faire abattre. Tous deux se revendiquaient de l’islam radical.

L’action des militaires de Sentinelle se révèle parfois décisive comme en octobre 2017 quand, sur le parvis de la gare Saint-Charles de Marseille, ils abattent un homme qui vient de poignarder deux jeunes femmes. En décembre 2018 à Strasbourg, ils tirent et blessent au bras l’individu qui a tué cinq personnes lors du traditionnel marché de Noël.

Depuis la fin territoriale de l’État islamique en 2019, la menace terroriste islamiste est devenue endogène, signant la fin des opérations type Bataclan et mettant en avant le passage à l’acte d’un seul individu faiblement armé. Les effectifs de Sentinelle étaient descendus à 3 000 hommes. Dans un rapport de 2022, la Cour des comptes estimait le coût de Sentinelle à deux milliards d’euros entre 2015 et 2020. « Les armées, telles qu’utilisées aujourd’hui, ne semblent être complémentaires des forces de sécurité intérieure qu’en termes essentiellement quantitatifs », ajoutait la juridiction financière. Problème, « l’addiction des autorités et forces de sécurité intérieure à la force Sentinelle constitue une évidence », selon un rapport de l’inspecteur des Armées en 2021.

« Une mission de police, sans le pouvoir de police »

Sans pouvoir de police, les patrouilles doivent être accompagnées d’un Officier de police judiciaire (OPJ) pour effectuer des fouilles ou des interpellations. Un officier de l’armée expliquait il y a quelques semaines au Point que les patrouilles sans OPJ étaient de plus en plus fréquentes. « Je dois envoyer mes hommes assurer une mission de police, sans le pouvoir de police », regrettait-il. « Les patrouilles se font toujours dans le cadre légal de Sentinelle, pourtant la mission n’est plus l’antiterrorisme, c’est de la sécurité sur la voie publique », ajoutait-il, amer.

Sentinelle a également été déployée en 2020 aux frontières pour lutter contre l’immigration illégale et clandestine. « Ces opérations placent les détachements Sentinelle dans des postures interministérielles inconfortables, souvent mal anticipées, proches d’un rôle de supplétifs. Elles les exposent [y compris au risque réputationnel] et surtout dévalorisent le niveau d’exigence professionnelle requis pour l’exécution des missions militaires », pointait l’inspecteur des Armées. Nul doute qu’en période de crise budgétaire, l’arrêt de Sentinelle sera remis sur la table après la fin de la séquence des Jeux. Reste à voir qui prendra la décision politique de faire disparaître le vert au profit du bleu dans les villes.

Paris : un soldat de l’opération Sentinelle blessé au couteau gare de l’Est, le suspect interpellé

Paris : un soldat de l’opération Sentinelle blessé au couteau gare de l’Est, le suspect interpellé

Un militaire de l’opération Sentinelle a été blessé, lundi, par un homme armé d’un couteau alors qu’il patrouillait gare de l’Est à Paris. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a précisé que le pronostic vital du soldat « n’est pas engagé« . Le suspect, déjà connu dans une affaire de meurtre, a rapidement été interpellé.

Un soldat de l'opération Sentinelle patrouillant dans la gare Saint-Lazare, à Paris, le 25 mars 2024.
Un soldat de l’opération Sentinelle patrouillant dans la gare Saint-Lazare, à Paris, le 25 mars 2024. © Bertrand Guay, AFP (illustration)
À moins de deux semaines de l’ouverture des JO de Paris, un militaire de l’opération Sentinelle a été blessé d’un coup de couteau gare de l’Est, lundi 15 juillet, par un homme déjà connu dans une affaire de meurtre, pour lequel il avait été déclaré pénalement irresponsable du fait de ses troubles psychiatriques.

Le pronostic vital du militaire « n’est pas engagé », a précisé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, sur X.

Peu avant 22 h, le suspect, un homme âgé de 40 ans né en République démocratique du Congo et de nationalité française, a porté un coup de couteau « entre les deux omoplates » du militaire qui patrouillait, a indiqué à l’AFP une source policière.

Le parquet national antiterroriste pas saisi à ce stade

Le suspect a très vite été interpellé par les autres soldats présents et le militaire blessé a été « évacué conscient vers l’hôpital », a détaillé cette source. Après les faits, un périmètre de sécurité a été mis en place sur un des côtés de la gare de l’Est, a constaté une journaliste de l’AFP. 

À l’intérieur comme à l’extérieur du bâtiment, l’ambiance était calme, les rares passants jetant seulement un regard curieux vers les véhicules de police et de gendarmerie, encore présents vers minuit, selon la même journaliste.

Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « tentative de meurtre » et saisi le deuxième district de la police judiciaire parisienne. Le parquet national antiterroriste n’a pas été saisi des faits à ce stade. « Les circonstances et motivation de l’agression font actuellement l’objet d’investigations », a précisé le parquet, ajoutant que le suspect avait été placé en garde à vue.

Selon les premiers éléments, l’agresseur « se dit chrétien et aurait crié ‘Dieu est grand’ en français » lors de l’agression, a détaillé à l’AFP la source policière. Il dit avoir agi « parce que les militaires tuent des gens dans son pays », a ajouté cette source.

Interné

Cet homme est déjà connu de la justice, notamment pour un meurtre commis en 2018, affaire pour laquelle il avait été interné en psychiatrie, ont dit à l’AFP deux sources policières. Il avait à l’époque mortellement poignardé un jeune homme de 22 ans à la station RER Châtelet-les-Halles, en plein cœur de Paris. Il avait alors été déclaré irresponsable pénalement en raison d’une abolition du discernement et n’avait donc pas été jugé, selon une décision consultée par l’AFP.

Selon cette décision, datée de 2020, une expertise psychiatrique avait conclu qu’il était atteint d’une « probable maladie schizophrénique évolutive depuis plusieurs années sans prise en charge médicale jusqu’à actuellement ».

L’homme, naturalisé français en 2006, selon l’une des sources policières, a également été condamné à deux reprises pour violences sur conjoint.

« Soutien et reconnaissance à nos forces armées qui participent plus que jamais à assurer la sécurité des Français », a écrit sur X le ministre des Armées Sébastien Lecornu, adressant ses « pensées » au militaire blessé.

L’opération Sentinelle a été lancée en 2015 après l’attentat contre le magazine satirique Charlie Hebdo dans la capitale française.

Plusieurs militaires de l’opération Sentinelle ont depuis fait l’objet d’attaques. En février 2017, un homme avait tenté d’agresser une patrouille Sentinelle au couteau au Carrousel du Louvre après avoir crié « Allah Akbar ». En mars de la même année, une patrouille de soldats avait été attaquée à l’aéroport d’Orly par un homme de 39 ans qui avait été abattu par les militaires. 

En août 2017, une voiture avait foncé sur un groupe de soldats de Sentinelle à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), faisant six blessés. Un Algérien de 36 ans avait été arrêté et incarcéré. En septembre 2017, un homme muni d’un couteau avait attaqué un militaire Sentinelle dans la station de métro parisienne Châtelet. Âgé de 39 ans, l’agresseur, inconnu de la police, qui avait crié « Allah Akbar », avait été incarcéré.